Contentieux administratif : sanction du non respect des demandes de productions émanant du juge administratif

L’article R.611-8-1 du Code de justice administrative dispose dans sa rédaction issue du Décret du 7 février 2019 que :

« Le président de la formation de jugement ou le président de la chambre chargée de l’instruction peut demander à l’une des parties de reprendre, dans un mémoire récapitulatif, les conclusions et moyens précédemment présentés dans le cadre de l’instance en cours, en l’informant que, si elle donne suite à cette invitation, les conclusions et moyens non repris seront réputés abandonnés. En cause d’appel, il peut être demandé à la partie de reprendre également les conclusions et moyens présentés en première instance qu’elle entend maintenir.

Le président de la formation de jugement ou le président de la chambre chargée de l’instruction peut en outre fixer un délai, qui ne peut être inférieur à un mois, à l’issue duquel, à défaut d’avoir produit le mémoire récapitulatif mentionné à l’alinéa précédent, la partie est réputée s’être désistée de sa requête ou de ses conclusions incidentes. La demande de production d’un mémoire récapitulatif informe la partie des conséquences du non-respect du délai fixé. »

L’article R.612-5-1 du même Code prévoit quant à lui que :

« Lorsque l’état du dossier permet de s’interroger sur l’intérêt que la requête conserve pour son auteur, le président de la formation de jugement ou le président de la chambre chargée de l’instruction, peut inviter le requérant à confirmer expressément le maintien de ses conclusions. La demande qui lui est adressée mentionne que, à défaut de réception de cette confirmation à l’expiration du délai fixé, qui ne peut être inférieur à un mois, il sera réputé s’être désisté de l’ensemble de ses conclusions. »

Ces dispositions confèrent au juge rapporteur la faculté de demander aux parties de produire un mémoire récapitulatif dans un délai déterminé. À défaut de le faire, le requérant est réputé se désister d’office.

Le Conseil d’Etat a déjà eu à connaître de recours contre des ordonnances rendues sur le fondement de de ces dispositions.

A propos de l’article R.611-8-1 du Code de justice administrative le Conseil d’Etat a considéré que :

  1. « Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. et Mme A… ont fait l’objet d’un examen contradictoire de leur situation fiscale personnelle portant sur les années 2009 à 2011, à l’issue duquel ils se sont vu notifier des rehaussements d’impôt sur le revenu et de cotisations sociales. Les épouxA…, après avoir contesté en vain ces impositions supplémentaires, ont saisi le tribunal administratif d’Orléans d’une demande tendant à en obtenir la décharge, qui a été rejetée par un jugement du 8 décembre 2015. Ils se pourvoient en cassation contre l’ordonnance du 28 décembre 2017 par laquelle le président de la 1ère chambre de la cour administrative d’appel de Nantes leur a, en application de l’article R. 611-8-1 du code de justice administrative, donné acte du désistement de la requête d’appel qu’ils avaient introduite contre ce jugement.
  2. L’article R. 611-8-1 du code de justice administrative, figurant au livre VI de ce code relatif à l’instruction des requêtes, dispose :  » Le président de la formation de jugement ou, au Conseil d’Etat, le président de la chambre chargée de l’instruction peut demander à l’une des parties de reprendre, dans un mémoire récapitulatif, les conclusions et moyens précédemment présentés dans le cadre de l’instance en cours, en l’informant que, si elle donne suite à cette invitation, les conclusions et moyens non repris seront réputés abandonnés. En cause d’appel, il peut être demandé à la partie de reprendre également les conclusions et moyens présentés en première instance qu’elle entend maintenir. / Le président de la formation de jugement ou, au Conseil d’Etat, le président de la chambre chargée de l’instruction peut en outre fixer un délai, qui ne peut être inférieur à un mois, à l’issue duquel, à défaut d’avoir produit le mémoire récapitulatif mentionné à l’alinéa précédent, la partie est réputée s’être désistée de sa requête ou de ses conclusions incidentes. La demande de production d’un mémoire récapitulatif informe la partie des conséquences du non-respect du délai fixé « .
  3. A l’occasion de la contestation de l’ordonnance prenant acte du désistement d’un requérant en l’absence de réponse à l’expiration du délai qui lui a été fixé pour produire un mémoire récapitulatif, il incombe au juge, saisi de moyens en ce sens, de vérifier que l’intéressé a reçu la demande mentionnée par les dispositions précitées de l’article R. 611-8-1 du code de justice administrative, que cette demande fixait un délai d’au moins un mois au requérant pour répondre et l’informait des conséquences d’un défaut de réponse dans ce délai, enfin que le requérant s’est abstenu de répondre dans le délai requis. En revanche, la seule circonstance que l’instruction était close à la date à laquelle le président de la formation de jugement a demandé à la partie en cause de produire un mémoire récapitulatif n’est, par elle-même, de nature ni à exonérer cette partie de l’obligation de produire un tel mémoire dans le délai qui lui est imparti, ni à faire obstacle à ce qu’un désistement soit constaté à défaut de respect de cette obligation.
  4. Il ressort des pièces du dossier d’appel que, par un courrier en date du 21 novembre 2017, le président de la 1ère chambre de la cour administrative d’appel a demandé à M. et MmeA…, en application de l’article R. 611-8-1 du code de justice administrative, de produire un mémoire récapitulatif dans un délai d’un mois, en leur précisant que cette obligation leur incombait à peine de désistement de leur requête d’appel. Faute pour les requérants d’avoir produit le mémoire demandé, ce magistrat leur a donné acte de leur désistement par une ordonnance du 27 décembre 2017.
  5. Il découle de ce qui a été dit au point 4 que les époux A…ne sont pas fondés à soutenir que l’ordonnance attaquée serait entachée d’irrégularité ni d’une erreur de droit ou de qualification juridique au motif que, par une ordonnance en date du 27 octobre 2017, le président de la 1ère chambre de la cour administrative d’appel avait fixé la clôture de l’instruction au 13 novembre suivant, de sorte que l’instruction était close à la date à laquelle il leur a été demandé de produire un mémoire récapitulatif. » (CE 8 février 2019, N° 418599)

Voir également en ce sens : (CE 25 juin 2018, N°416720)

S’agissant de l’application de l’article R.612-5-1 du même Code le Conseil d’Etat juge dans le même sens que :

« 2. Aux termes de l’article R. 612-5-1 du code de justice administrative :  » Lorsque l’état du dossier permet de s’interroger sur l’intérêt que la requête conserve pour son auteur, le président de la formation de jugement (…) peut inviter le requérant à confirmer expressément le maintien de ses conclusions. La demande qui lui est adressée mentionne que, à défaut de réception de cette confirmation à l’expiration du délai fixé, qui ne peut être inférieur à un mois, il sera réputé s’être désisté de l’ensemble de ses conclusions « .

  1. Il ressort des pièces des dossiers soumis aux juges du fond que la SAS Roset a saisi le tribunal administratif de Lyon le 15 avril 2015 de deux requêtes tendant à la réduction des cotisations de taxe foncière auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2012 à 2014 à raison des locaux dont elle est propriétaire dans les communes de Saint-Rambert-en-Bugey et Saint-Jean-le-Vieux. L’administration fiscale a présenté deux mémoires en défense, qui ont été enregistrés au greffe du tribunal les 16 et 19 novembre 2015. Par deux courriers du 20 janvier 2017, notifiés par la voie de l’application informatique Télérecours et dont le conseil de la requérante a accusé réception le même jour, le président de la 4ème chambre du tribunal a demandé à la requérante de confirmer le maintien de ses conclusions, en précisant qu’à défaut de réception de cette confirmation dans un délai d’un mois, elle serait réputée s’être désistée de ses conclusions en application des dispositions précitées de l’article R. 612-5-1 du code de justice administrative. La SAS Roset n’ayant pas répondu à ces demandes dans le délai fixé, le président de la 4e chambre a, par les ordonnances attaquées du 8 mars 2017, donné acte de son désistement.
  2. A l’occasion de la contestation de l’ordonnance prenant acte du désistement d’un requérant en l’absence de réponse à l’expiration du délai qui lui a été fixé, il incombe au juge, saisi de moyens en ce sens, de vérifier que l’intéressé a reçu la demande mentionnée par les dispositions précitées de l’article R 612-5-1 du code justice administrative, que cette demande fixait un délai d’au moins un mois au requérant pour répondre et l’informait des conséquences d’un défaut de réponse dans ce délai, enfin que le requérant s’est abstenu de répondre en temps utile. En revanche, les motifs pour lesquels le juge, auquel il incombe de veiller à une bonne administration de la justice, estime que l’état du dossier permet de s’interroger sur l’intérêt que la requête conserve pour son auteur ne peuvent être utilement discutés. Le juge n’est tenu d’indiquer ces motifs ni dans la demande de confirmation du maintien des conclusions qu’il adresse au requérant ni dans l’ordonnance par laquelle il prend acte, le cas échéant, de son désistement.
  3. Il résulte de ce qui précède que les pourvois de la SAS Roset, qui se borne à soutenir que le président de la 4ème chambre du tribunal administratif de Lyon aurait dû vérifier que des circonstances objectives justifiaient qu’il s’interroge sur l’intérêt que sa requête conservait pour lui et motiver son ordonnance sur ce point, doivent être rejetés. (CE 19 mars 2018, N°410389).

Jérôme MAUDET

Avocat