Expropriation pour cause d’utilité publique et délais d’expulsion

 

L’article L.412-1 du Code des procédures civiles d’exécution dispose que :

« Si l’expulsion porte sur un local affecté à l’habitation principale de la personne expulsée ou de tout occupant de son chef, elle ne peut avoir lieu qu’à l’expiration d’un délai de deux mois qui suit le commandement, sans préjudice des dispositions des articles L.412-3 à L.412-7. Toutefois, le juge peut, notamment lorsque les personnes dont l’expulsion a été ordonnée sont entrées dans les locaux par voie de fait ou lorsque la procédure de relogement effectuée en application de l’article L.442-4-1 du code de la construction et de l’habitation n’a pas été suivie d’effet du fait du locataire, réduire ou supprimer ce délai. »

Ainsi, l’expulsion d’un local à usage d’habitation ne peut pas, sauf disposition contraire du jugement ou de l’ordonnance, intervenir avant l’expiration d’un délai de 2 mois à compter du commandement de quitter les lieux.

Ce délai ne s’applique pas en matière d’expropriation.

L’article L.15-1 du code de l’expropriation dispose :

« Dans le délai d’un mois, soit du paiement ou de la consignation de l’indemnité, soit de l’acceptation ou de la validation de l’offre d’un local de remplacement, les détenteurs sont tenus d’abandonner les lieux. Passé ce délai qui ne peut, en aucun cas, être modifié, même par autorité de justice, il peut être procédé à l’expulsion des occupants. »

L’article L.14-1 du même code dispose :

« Les propriétaires occupants de locaux d’habitation expropriés et dont les ressources n’excèdent pas les plafonds fixés pour l’attribution de logements construits en application de la législation relative aux habitations à loyer modéré bénéficient d’un droit de priorité :

– soit pour le relogement en qualité de locataires dans un local soumis à la législation sur les habitations à loyer modéré ou dans un local dont le loyer n’excède pas celui d’un local à habitations à loyer modéré de même consistance ;

– soit pour leur accession à la propriété au titre de la législation applicable en matière d’habitations à loyer modéré ainsi que pour l’octroi, le cas échéant, des prêts correspondants.

Lorsque l’expropriation a porté sur une maison individuelle, ce droit de priorité s’exerce, à la demandes des intéressés et si cela est possible, sur un local de type analogue situé dans la même commune ou une commune limitrophe ».

L’article R.15-1 du même code dispose :

« Sauf dans le cas où cette décision relève de la compétence du juge administratif, l’expulsion prévue à l’article L.15-1 est ordonnée par le juge de l’expropriation statuant dans la forme des référés ».

Les dispositions ci-dessus reproduites sont dérogatoires des dispositions applicables en matière d’expulsion de droit commun :

 » L’article L.14-1 du code de l’expropriation ne prescrit pas à l’autorité publique de reloger les expropriés mais prévoit un droit de priorité pour ceux-ci lorsqu’ils ne disposent pas de ressources excédant les plafonds fixés pour l’attribution de logements construits en application de la législation relative aux habitations à loyer modéré. En outre, lorsque l’expropriation porte sur une maison individuelle, ce qui est le cas en l’espèce, le droit de priorité s’exerce à la demande des intéressés.

Les dispositions des articles L.314-1 à L.314-9 du code de l’urbanisme s’appliquent en cas d’opération d’aménagement urbain relevant du code de l’urbanisme et non dans le cadre des dispositions de la loi BARNIER no 95-101 du 02 février 1995 relative au renforcement de la protection de l’environnement, dispositions qui ont conduit à l’expropriation des époux X….

L’article L.15-1 du code de l’expropriation est dérogatoire aux dispositions de droit commun. Aucun commandement n’est exigé.

L’article L.15-1 du code de l’expropriation ne vise aucune condition liée à l’existence d’une urgence et ne vise aucune condition liée à l’absence de contestation sérieuse.

L’urgence à devoir quitter les lieux résulte de la déclaration d’utilité publique « loi BARNIER », définitive et de l’ordonnance d’expropriation définitive, qui a envoyé l’Etat en possession.

L’urgence résulte du risque naturel d’éboulement auquel sont soumis les époux X… qui continuent à se maintenir, depuis 3 ans, en un lieu particulièrement dangereux.

En application de l’article L.15-1 du code de l’expropriation, les époux X… ne peuvent revendiquer un délai supérieur à un mois pour quitter les lieux.

La Cour infirmera sur ce point la décision frappée d’appel qui a accordé aux époux X… un délai de trois mois.

Une astreinte sera instituée selon les modalités précisées au dispositif de l’arrêt.

La Cour dira que l’Etat français, Ministère de l’écologie, de l’énergie, du développement durable et de la mer pourra, pour assurer l’expulsion des époux X…, requérir le concours de la force publique, passé le délai d’un mois à compter de la signification de l’arrêt.

Aucune considération d’équité ne commande l’application de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant en audience publique, par arrêt contradictoire et mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

Après en avoir délibéré conformément à la loi,

Confirme le jugement, sauf en ce qu’il a renvoyé les parties à se pourvoir ainsi qu’elles en aviseront et en ce qu’il a accordé aux époux X… un délai de trois mois suivant le commandement pour quitter les lieux.

Statuant à nouveau :

Dit que les époux X… devront quitter les lieux dans le délai d’un mois à compter de la signification de l’arrêt et, passé ce délai, les y condamne sous astreinte de 50 euros par jour de retard.

Dit que l’Etat français, Ministère de l’écologie, de l’énergie, du développement durable et de la mer pourra requérir le concours de la force publique pour procéder à l’expulsion des époux X….

Déboute l’Etat français, Ministère de l’écologie, de l’énergie, du développement durable et de la mer, de sa demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile.

Condamne les époux X… aux dépens d’appel » (Cour d’appel de Grenoble, Audience publique du vendredi 20 mai 2011, N° de RG: 10/046121)