Indemnisation et incendie volontaire affectant un véhicule terrestre à moteur

Depuis les dix dernières années la jurisprudence a évolué et considère désormais de manière constante que l’origine volontaire d’un incendie affectant un véhicule terrestre à moteur exclut l’application des dispositions de la loi du 5 juillet 1985 qui permet une indemnisation automatique de la victime :

« Si la loi du 5 juillet 1985 est applicable aux véhicules en stationnement qui prennent feu, l’application de cette loi est exclue lorsque le sinistre procède du comportement fautif de l’homme.

Or, il résulte du procès-verbal établi par les services de police du commissariat de Cagnes-sur-Mer et plus particulièrement des investigations de M. Marcel G., requis en qualité d’expert incendie, que le feu a été allumé sous le véhicule à proximité du réservoir.

Ce point est confirmé par la déposition de M. Jack R. qui explique qu’alors qu’il se rendait en vélo à un rendez-vous pour une sortie cyclotouriste, il avait vu la voiture Twingo prendre feu, un dépôt de combustibles ayant été allumé sous la voiture près du pneu arrière droit qui était en feu. Il a alors vu deux groupes de deux jeunes gens qui s’éloignaient des lieux.

 Isabelino F. explique que, réveillé par une détonation, il est descendu jusqu’à son portail. Il a alors vu trois jeunes gens près d’une voiture stationnée à côté du salon de coiffure qui s’affairaient au niveau du réservoir. Ceux-ci sont partis en courant et quelques minutes après, il y a eu une explosion et tout a brûlé.

L’enquête n’a pas permis d’identifier le ou les auteurs des faits et le procureur de la république a classé la procédure.

Il suit de là que l’incendie a été volontairement allumé par des personnes non identifiées, ce qui exclut l’application de la loi du 5 juillet 1985. » (CA Aix en Provence, 30 Novembre 2011, n°2011/475, Numéro JurisData : 2011-031584)

Voir également en ce sens :

« Attendu que l’article 1er de la loi n°85-77 du 5 juillet 1985 stipule : ‘Les dispositions du présent chapitre s’appliquent même lorsqu’elles sont transportées en vertu d’un contrat, aux victimes d’un accident de la circulation dans lequel est impliqué un véhicule terrestre à moteur ainsi que ses remorques ou semi-remorques, à l’exception des chemins de fer et des tramways circulant sur des voies qui leur sont propres’ ;

Attendu que ce texte a vocation à s’appliquer aux seuls accidents à l’exclusion des infractions volontaires ; qu’en l’espèce où selon l’enquête de police le tracto-pelle a été incendié volontairement, le feu ayant été mis dans l’habitacle, le préjudice subi par Sabrane M. ne résulte pas d’un accident mais d’une infraction consistant dans une dégradation volontaire du véhicule par incendie ; » (CA Lyon, 7 février 2013, n°11/04730, Numéro JurisData : 2013-004345)

En l’état actuel de la jurisprudence et nonobstant le fait que le véhicule incendié ait joué un rôle causal dans la réalisation du dommage, il y a donc peu de chances de voir aboutir une action en responsabilité sur le fondement de la loi dite Badinter.

Pour tenter d’obtenir réparation du préjudice subi par la victime, l’action pourra être menée sur le fondement de l’article 1384 du Code civil lequel dispose que :

« On est responsable non seulement du dommage que l’on cause par son propre fait, mais encore de celui qui est causé par le fait des personnes dont on doit répondre, ou des choses que l’on a sous sa garde.

Toutefois, celui qui détient à un titre quelconque tout ou partie de l’immeuble ou des biens mobiliers dans lesquels un incendie a pris naissance ne sera responsable vis-à-vis des tiers des dommages causés par cet incendie que s’il est prouvé qu’il doit être attribué à sa faute ou à la faute des personnes dont il est responsable. »

Dans cette perspective, il appartiendra à la victime de démontrer que le propriétaire du véhicule a commis une faute de nature à engager sa responsabilité à raison des conséquences de l’incendie.

Cette preuve est cependant difficile à rapporter.

La jurisprudence considère en effet que l’incendie volontaire est un cas de force majeur susceptible d’exonérer le gardien de la chose de sa responsabilité :

« Attendu que tandis que l’ article 1384 alinéa 1er du code civil dispose : ‘On est responsable non seulement du dommage que l’on cause par son propre fait mais encore de celui qui est causé par le fait des personnes dont on doit répondre, ou des choses que l’on a sous sa garde.’, l’alinéa 2 apporte une réserve à savoir : ‘Toutefois, celui qui détient, à un titre quelconque, tout ou partie de l’immeuble ou des biens mobiliers dans lesquels un incendie a pris naissance ne sera responsable vis-à-vis des tiers, des dommages causés par cet incendie que s’il est prouvé qu’il doit être attribué à sa faute ou à la faute des personnes dont il est responsable’;

Attendu qu’il n’est pas établi en l’espèce que l’incendie soit dû à une faute de CEGELEC ou d’une personne dont elle était responsable ;

Attendu au surplus que l’incendie volontaire par un plusieurs individus du véhicule litigieux a pour la société CEGELEC les caractères de la force majeure ou du cas fortuit, et constitue donc en tout état de cause une cause exonératoire de responsabilité ; » (CA LYON, 7 février 2013, N°11/04730, Numéro JurisData : 2013-004345)

Jérôme MAUDET

Avocat