Squats et police municipale : le Conseil constitutionnel censure la loi pour une sécurité globale préservant les libertés

La loi pour une sécurité globale préservant les libertés prévoyait de renforcer les pouvoirs des agents de police municipale et des gardes champêtres ainsi que les sanctions encourues par les squatters.

Par une décision du 20 mai 2021, le Conseil constitutionnel a déclaré partiellement contraire à la Constitution la loi pour une sécurité globale préservant les libertés, dont il avait été saisi par plus de soixante députés et plus de soixante sénateurs. Décision n° 2021-817 DC du 20 mai 2021

 

1. S’agissant de l’article étendant les compétences des agents de police municipale et des gardes champêtres

Cet article prévoyait de confier, à titre expérimental et pour une durée de cinq ans, aux agents de police municipale et gardes champêtres de certaines communes et établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre des attributions de police judiciaire en matière délictuelle.

En substance, il s’agissait selon ces dispositions, de permettre aux agents de police municipale et aux gardes champêtres de constater par procès-verbal :

  • les délits de vente à la sauvette,
  • de conduite sans permis,
  • de conduite dangereuse,
  • de conduite sans assurance,
  • d’entrave à la circulation routière,
  • d’occupation illicite de hall d’immeuble,
  • d’usage illicite de stupéfiants,
  • de violation de domicile portant sur un local appartenant à une personne publique,
  • de destruction ou dégradation grave du bien d’autrui, d’installation en réunion sur un terrain appartenant à une commune
  • de port ou de transport illicite d’armes de catégorie D.

À cette fin, ils pouvaient relever l’identité des auteurs de ces délits, prendre acte de leurs déclarations spontanées, se voir communiquer les informations nécessaires issues du fichier des véhicules assurés et, s’agissant des délits de vente à la sauvette et d’usage de produits stupéfiants commis sur la voie publique, procéder à la saisie des objets ayant servi à la commission de l’infraction ou qui en sont le produit et pour lesquels la peine de confiscation du bien est prévue.

Le Conseil constitutionnel a toutefois rappelé qu’il résulte de l’article 66 de la Constitution que la police judiciaire doit être placée sous la direction et le contrôle de l’autorité judiciaire.

Or, selon lui, cette exigence n’est pas respectée si des pouvoirs généraux d’enquête criminelle ou délictuelle sont confiés à des agents qui, relevant des autorités communales, ne sont pas mis à la disposition d’officiers de police judiciaire ou de personnes présentant des garanties équivalentes.

Comme l’indique le communiqué de presse :

« A cette aune, le Conseil constitutionnel a relevé que, si le procureur de la République se voit adresser sans délai les rapports et procès-verbaux établis par les agents de police municipale et les gardes champêtres, par l’intermédiaire des directeurs de police municipale et chefs de service de police municipale, le législateur n’a pas assuré un contrôle direct et effectif du procureur de la République sur les directeurs de police municipale et chefs de service de police municipale. Notamment, contrairement à ce que le code de procédure pénale prévoit pour les officiers de police judiciaire et nonobstant son pouvoir de direction sur les directeurs et chefs de service de police municipale, ne sont pas prévues la possibilité pour le procureur de la République d’adresser des instructions aux directeurs de police municipale et chefs de service de police municipale, l’obligation pour ces agents de le tenir informé sans délai des infractions dont ils ont connaissance, l’association de l’autorité judiciaire aux enquêtes administratives relatives à leur comportement, ainsi que leur notation par le procureur général. D’autre part, si les directeurs et les chefs de service de police municipale doivent, pour être habilités à exercer leurs missions de police judiciaire, suivre une formation et satisfaire à un examen technique selon des modalités déterminées par décret en Conseil d’État, il n’est pas prévu qu’ils présentent des garanties équivalentes à celles exigées pour avoir la qualité d’officier de police judiciaire. »

Le Conseil constitutionnel en a déduit qu’en confiant des pouvoirs aussi étendus aux agents de police municipale et gardes champêtres, sans les mettre à disposition d’officiers de police judiciaire ou de personnes présentant des garanties équivalentes, le législateur a méconnu l’article 66 de la Constitution.

 

2. S’agissant de l’article 2 renforçant les sanctions en cas d’introduction dans le domicile d’autrui

Le paragraphe I de l’article 2 prévoyait quant à lui de modifier l’article 226-4 du code pénal qui punit la violation de domicile afin de porter à trois ans d’emprisonnement et 45 000 euros d’amende les peines réprimant le fait de s’introduire dans le domicile d’autrui à l’aide de manœuvres, menaces, voies de fait ou contrainte et le fait de s’y maintenir après s’y être ainsi introduit.

Selon le Conseil constitutionnel ces dispositions apparues tardivement ont été adoptées en méconnaissance des règles de procédure :

« Introduites en première lecture, les dispositions du paragraphe I de l’article 2 ne présentent pas de lien, même indirect, avec celles de l’article 1er de la proposition de loi initiale qui, dans le cadre d’une modification des prérogatives des polices municipales et rurales, autorisaient les agents de police municipale et les gardes champêtres à constater certains délits dont celui prévu à l’article 226-4 du code pénal. (…)

Dès lors, sans qu’il soit besoin de se prononcer sur les autres griefs et sans que le Conseil constitutionnel ne préjuge de la conformité du contenu du paragraphe I de l’article 2 aux autres exigences constitutionnelles, il y a lieu de constater que, adopté selon une procédure contraire à la Constitution, il lui est donc contraire. »

 

Jérôme MAUDET

Avocat