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Poison d’avril… nouvelles règles en matière de fonctionnement des institutions locales et de l’exercice des compétences des collectivités territoriales

Aux grands maux les grands remèdes.

Prise en application de l’article 11 de la loi d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19 l’Ordonnance n° 2020-391 du 1er avril 2020 vise à assurer la continuité du fonctionnement des institutions locales et de l’exercice des compétences des collectivités territoriales et des établissements publics locaux afin de faire face à l’épidémie de covid-19.

 

Une extension sous contrôle des pouvoirs de l’exécutif :

L’article 1er de l’ordonnance offre de plein droit aux exécutifs locaux, sans qu’une délibération ne soit nécessaire, les attributions que les assemblées délibérantes peuvent habituellement leur déléguer par délibération, afin de faciliter la prise des décisions dans les matières permettant d’assurer la continuité du fonctionnement et de l’action des collectivités territoriales et de leurs groupements.

Les attributions confiées aux exécutifs locaux feront l’objet d’un double contrôle :

  • Les organes délibérants doivent être informés des décisions prises dans le cadre de ces délégations, ils pourront dès leur première réunion modifier ou supprimer les délégations, et ils pourront in fine, après avoir repris leurs attributions, réformer les décisions prises dans le cadre de ces délégations, sous réserve des droits acquis.

 

  • Les décisions prises dans le cadre de ces délégations devront être systématiquement soumises au contrôle de légalité.

 

Limitation des conditions de quorum :

L’article 2 étend le dispositif de l’article 10 de la loi n° 2020-290 en fixant pendant la durée de l’état d’urgence au tiers, au lieu de la moitié, le quorum de membres nécessaires pour une réunion non seulement de l’organe délibérant des collectivités et des groupements, mais également des commissions permanentes des collectivités et des bureaux des EPCI à fiscalité propre.

Le quorum de l’ensemble de ces instances s’apprécie en fonction des membres présents ou représentés.

Les membres de ces instances peuvent être porteurs de deux pouvoirs, contre un seul aujourd’hui.

 

Des réunions facilitées :

L’article 3 facilite la réunion de l’assemblée délibérante des collectivités territoriales à la demande de ses membres.

Il abaisse la proportion de membres nécessaire pour provoquer une réunion de l’organe délibérant des collectivités et des groupements.

Aujourd’hui fixée à la moitié ou au tiers, cette proportion sera fixée, pendant la durée de l’état d’urgence, au cinquième.

Lorsqu’une demande est présentée, le chef de l’exécutif de la collectivité ou du groupement disposera d’un délai de six jours pour organiser la réunion, le cas échéant par téléconférence.

 

Allègement des consultations préalables obligatoires :

L’article 4 allège les modalités de consultations préalables à la prise de décisions des collectivités territoriales.

S’il est fait application de cette possibilité d’allègement, le maire ou le président de l’organe délibérant fait part sans délai de cette décision aux commissions ou conseils concernés, leur communique par tout moyen les éléments d’information relatifs aux affaires sur lesquelles ils n’ont pu être consultés et les informe des décisions prises.

L’article suspend par ailleurs l’obligation pour les organes délibérants des collectivités territoriales de se réunir au moins une fois par trimestre.

 

Fonctionnement et prolongement des mandats des représentants des EPCI :

L’article 5 traite différentes questions relatives aux établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre résultant d’une fusion intervenue dans la semaine précédant le premier tour des élections municipales et communautaires.

Il prolonge notamment le mandat des représentants de chaque ancien établissement public de coopération intercommunale au sein d’organismes de droit public ou de droit privé en exercice à la veille du premier tour, jusqu’à ce que l’organe délibérant de l’établissement public en ait décidé autrement.

 

Autorisation de la téléconférence :

L’article 6 autorise la réunion à distance des organes des collectivités territoriales et de leurs groupements.

S’il est fait usage de cette nouvelle faculté, le chef de l’exécutif doit utiliser tous les moyens dont il dispose pour convoquer les membres de l’organe délibérant. Lors des réunions en téléconférence, il ne peut être recouru qu’au vote au scrutin public.

Le quorum est apprécié en fonction de la présence des membres dans le lieu de réunion mais également de ceux présents à distance.

Pour les organes délibérants soumis à obligation de publicité, le caractère public de la réunion de l’organe délibérant de la collectivité territoriale ou de l’établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre est réputé satisfait lorsque les débats sont accessibles en direct au public de manière électronique.

L’assemblée délibérante peut également continuer à décider de se réunir à huis clos.

 

Assouplissement du formalisme des transmissions au contrôle de légalité et de publicité :

L’article 7 assouplit transitoirement les modalités de transmission des actes au contrôle de légalité, sans remettre en question les voies de transmission habituelles (par papier et par le biais du système d’information @ctes auquel une majorité de collectivités et groupements sont déjà raccordés).

L’ordonnance autorise ainsi la transmission électronique des actes aux préfectures par messagerie et ce jusqu’à la fin de l’état d’urgence sanitaire.

Afin d’être considérée comme régulière, cette modalité de transmission par voie électronique devra cependant répondre à plusieurs exigences tenant notamment à la bonne identification de la collectivité émettrice.

Par ailleurs, l’article 7 facilite l’accomplissement des formalités de publicité des actes réglementaires des autorités locales, qui conditionnent leur entrée en vigueur et déterminent le point de départ des délais de recours.

Il prévoit, à titre dérogatoire, que la publication des actes réglementaires puisse être assurée sous la seule forme électronique, sur le site internet de la collectivité territoriale ou du groupement de collectivités territoriales lorsqu’il existe, sous réserve qu’ils soient publiés dans leur intégralité, sous un format non modifiable et dans des conditions permettant d’en assurer la conservation, d’en garantir l’intégrité et d’en effectuer le téléchargement.

 

Réduction des délais de convocation des conseils d’administration des SDIS

L’article 8 permet de réduire le délai de convocation en urgence des conseils d’administration des services départementaux d’incendie et de secours.

Il rend par ailleurs applicables à ces conseils les dispositions de l’article 6 s’agissant de l’organisation de réunions par téléconférence.

 

Du temps pour les EPCI :

L’article 9 accorde un temps supplémentaire aux établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre dans leurs délibérations en matière d’eau, d’assainissement, de gestion des eaux pluviales urbaines.

Cet article prévoit ainsi de maintenir trois mois supplémentaires les syndicats infracommunautaires existant au 1er janvier 2019, le temps que la communauté de communes ou d’agglomération titulaire de la compétence délibère sur une délégation de compétence en faveur de ces syndicats, conformément aux dispositions de la loi n° 2019-1461 relative à l’engagement dans la vie locale et à la proximité de l’action publique.

Cette disposition ne compromet pas la possibilité de délibérer sans attendre la fin de ce délai de trois mois supplémentaires, soit en vue de déléguer, soit en vue de ne pas y pourvoir, entraînant alors la dissolution de la structure syndicale.

Une deuxième disposition donne trois mois supplémentaires aux organes délibérants des communautés de communes ou d’agglomération pour statuer, conformément à la loi n° 2019-1461, sur une demande de délégation de compétence de tout ou partie des compétences relatives à l’eau, l’assainissement et la gestion des eaux pluviales urbaines formulée par l’une de leurs communes membres entre janvier et mars 2020.

Enfin, la dernière disposition de cet article 9 proroge de trois mois le délai prévu au III de l’article 8 de la loi n° 2019-1428 du 24 décembre 2019 d’orientation des mobilités pour la délibération de l’organe délibérant en vue du transfert de la compétence d’organisation de la mobilité à la communauté de communes, lorsqu’il n’y a pas déjà été procédé.

Cette délibération devra ainsi intervenir avant le 31 mars 2021 au lieu du 30 décembre 2020, pour que le transfert de compétence prenne effet au 1er juillet 2021.

L’article 10 apporte des compléments nécessaires à la bonne application de l’

ordonnance n° 2020-330 du 25 mars 2020 relative aux mesures de continuité budgétaire, financière et fiscale des collectivités territoriales et des établissements publics locaux afin de faire face aux conséquences de l’épidémie de covid-19.

 

Entrée en vigueur :

L’article 11 précise les dates d’entrée en vigueur et de fin des dispositions de la présente ordonnance.

A noter que les articles 3, 4 et 6 à 8 sont rétroactivement applicables à compter du 12 mars 2020 et pendant la durée de l’état d’urgence sanitaire prévu à l’article L. 3131-20 du code de la santé publique, déclaré dans les conditions de l’article 4 de la loi du 23 mars 2020 susvisée.

 

Jérôme MAUDET

Avocat au Barreau de Nantes

 

Source : https://www.collectivites-locales.gouv.fr/covid-19-notice-explicative-lordonnance-visant-a-assurer-continuite-fonctionnement-des-institutions