Droit pénal de l’urbanisme : démolition et droit au respect de la vie privée et familiale

Par un arrêt du 17 décembre 2015, la Cour de cassation a estimé que la Cour d’Appel doit vérifier s’il lui en est fait la demande, si la mesure de remise en état ne porte pas une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée et familiale et du domicile.

« Attendu, selon l’arrêt attaqué (Versailles, 11 septembre 2013), que Mme Anne X…est propriétaire d’une parcelle cadastrée AL173 située à Herblay ; que, se plaignant de l’installation sur ce terrain de cabanons de jardin et de plusieurs caravanes occupées par Mmes Anne et Catherine X…et par MM. Louis et Jonathan X…et André Y…et leurs enfants et se fondant sur l’infraction aux dispositions du plan local d’urbanisme (PLU) tenant à l’installation de ces ouvrages, la commune d’Herblay les a assignés en référé pour en obtenir l’enlèvement ;

Attendu que, pour accueillir la demande de la commune, l’arrêt retient que la parcelle appartenant à Mme X…est située dans un espace boisé classé comme zone naturelle, dans laquelle le PLU interdit l’implantation de constructions à usage d’habitation, les terrains de camping ou de caravanage ainsi que l’implantation d’habitations légères de loisir et le stationnement de caravanes à l’usage de résidence principale ou d’annexe à l’habitation, qu’il est établi et non contesté que les consorts X…, après avoir défriché et aménagé le terrain, y ont installé cinq caravanes, une construction modulaire à usage de cuisine, sur un revêtement en ciment, et deux petits cabanons de jardin en tôle en violation des interdictions édictées par les dispositions du PLU et, s’agissant des algéco et cabanons de jardin, sans déclaration préalable, en infraction à l’article R. 421-9 du code de l’urbanisme, et que l’article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et le droit au logement ne peuvent faire obstacle au respect des règles d’urbanisme ni faire disparaître le trouble résultant de leur violation ou effacer son caractère manifestement illicite ;

Qu’en statuant ainsi, sans rechercher, comme il le lui était demandé, si les mesures ordonnées étaient proportionnées au regard du droit au respect de la vie privée et familiale et du domicile des consorts X…, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision ; » (Cass. Civ, 17 décembre 2015, n°14-22095)

S’agissant du droit à l’électricité, le juge administratif procède également à ce contrôle.

Il a ainsi été jugé que le droit à l’électricité comme celui de mener une vie familiale normale doivent s’exercer dans le respect des lois :

« 6. Considérant, en troisième lieu, que l’opposition du maire de Jouet sur l’Aubois au raccordement définitif du terrain en cause au réseau de distribution de l’électricité n’a pas porté atteinte au droit de M. A… à l’électricité, ce droit ne pouvant s’exercer que dans les conditions prévues par la loi ; que, par suite, la décision litigieuse n’est pas contraire au droit à l’électricité pour tous consacré par la loi n° 2000-108 du 10 février 2000 relative à la modernisation et au développement du service public de l’électricité ; » (CAA NANTES, 17 avril 20151, N°14NT00717)

Selon la Cour administrative d’appel de Nantes la suppression d’un raccordement aux réseaux ne porte donc pas nécessairement atteinte au droit de mener une vie familiale normale.

Statuant après cassation, la Cour d’Appel de Versailles devra motiver sa décision sur ce point.

Jérôme MAUDET

Avocat au Barreau de Nantes

Droit des collectivités : pouvoirs du maire sur les branchements électriques provisoires

L’article 1er du décret n°72-1120 du 14/12/1972 prévoit seulement deux cas d’installations électriques pour lesquelles il est possible d’établir un branchement provisoire.

– les installations « dont le raccordement n’a qu’un caractère provisoire »,

« les installations dont la mise sous tension n’est demandée que pour une période limitée, en vue de procéder aux essais de l’installation ».

 Comme l’a récemment rappelé la Commission de régulation de l’énergie, un branchement provisoire n’a pas vocation à être utilisé à des fins pérennes.

« le raccordement provisoire d’une installation électrique est uniquement destiné à l’alimentation à caractère temporaire de celle-ci et ne peut être utilisé pour l’alimentation électrique définitive de l’installation. 

Un logement occupé (…) ne peut donc faire l’objet que d’une alimentation définitive, et non d’une alimentation provisoire (…) » (Commission de régulation de l’énergie, décision du 4 juin 2014 publiée au journal officiel du 27 septembre 2014).

 Les contrats type de branchements provisoires stipulent d’ailleurs expressément l’impossibilité d’utiliser un tel raccordement pour alimenter l’installation intérieure d’une habitation notamment :

« Ce raccordement à caractère temporaire, est uniquement destiné à l’alimentation d’une installation décrite ci-dessus. Il ne saurait en aucun cas servir à d’autres fins et ou à l’alimentation d’une installation électrique définitive, par exemple alimenter une installation intérieure d’une habitation ou d’un local sans CONSUEL. »

L’utilisation d’un raccordement provisoire à des fins pérennes ne permet pas de remplir cet objectif puisqu’aucun contrôle de l’installation ne peut intervenir sous le contrôle du CONSUEL.

Dans un telle hypohtèse, il appartient donc au Maire d’inviter le concessionnaire en charge des réseaux électriques de  mettre fin à cette situation tant sur le fondement des dispositions de l’article L.111-6 du Code de l’urbanisme lequel prévoit que :

 « Les bâtiments, locaux ou installations soumis aux dispositions des articles L. 421-1 à L. 421-4 ou L. 510-1, ne peuvent, nonobstant toutes clauses contraires des cahiers des charges de concession, d’affermage ou de régie intéressée, être raccordés définitivement aux réseaux d’électricité, d’eau, de gaz ou de téléphone si leur construction ou leur transformation n’a pas été, selon le cas, autorisée ou agréée en vertu des articles précités. »

Dans un arrêt du 28 janvier 2014, la Cour administrative d’appel de LYON a d’ailleurs considéré qu’un branchement prétendument provisoire doit être requalifié de définitif s’il est utilisé à des fins pérennes :

 « 6. Considérant qu’au contentieux, la commune de Châtel-Guyon soutient que la demande de raccordement provisoire au réseau électrique présentée par M. A…doit être regardée comme visant en réalité à obtenir un raccordement définitif à ce réseau ; qu’il ressort des pièces du dossier et n’est pas contesté qu’à la date à laquelle la décision litigieuse est intervenue, M. A… résidait d’une manière habituelle sur la parcelle cadastrée ZA 386 ; que, dans ces conditions, alors que la demande de raccordement provisoire ne correspond pas à une hypothèse d’occupation effectivement provisoire de la parcelle, mais à une occupation permanente, la demande de raccordement présentée par M. A…doit être regardée comme tendant en réalité à obtenir un raccordement définitif au réseau électrique ; que, par ailleurs, il est constant que le chalet et les caravanes qui sont situés sur le terrain constituent une construction et des installations irrégulières au regard des dispositions d’urbanisme applicables ; que, dès lors, le maire aurait pu légalement, en application des dispositions précitées de l’ article L. 111-6 du code de l’urbanisme  , s’opposer à ce raccordement définitif ; qu’il résulte de l’instruction que le maire aurait pris la même décision s’il s’était initialement fondé sur ce motif ; qu’en conséquence, il y a lieu de faire droit à la substitution de motifs demandée par la commune de Châtel-Guyon ;» (CAA LYON, 28 janvier 2014, N°13LY01302)

Voir également en ce sens :

« Si les requérants ont sollicité un raccordement provisoire, il ressort des pièces du dossier qu’ils résident de manière habituelle sur ces parcelles où ils ont effectué de nombreux aménagements, et ce depuis plusieurs années ; que dans ces conditions les demandes de raccordement qu’ils ont présentées doivent être regardées comme tendant en réalité à obtenir un raccordement définitif ; que dès lors le maire pouvait légalement s’y opposer en application des dispositions précitées de l’article L.11-6 du Code de l’urbanisme. » (TA GRENOBLE, 18 novembre 2014, N°1206133).

Ou encore :

 « 3. Considérant, en premier lieu, que les dispositions de l’article L. 111-6 citées ci-dessus permettent au maire de s’opposer au raccordement définitif au réseau de distribution d’électricité des caravanes et autres habitations mobiles stationnant irrégulièrement sur le territoire de la commune concernée, soit au regard des articles R. 443-1 et suivants du code de l’urbanisme, soit au regard du règlement annexé au plan d’occupation des sols ou du plan local d’urbanisme ; qu’il n’appartient pas au maire de se prononcer sur les demandes de raccordement aux réseaux n’entrant pas dans les prévisions de l’article L. 111-6, notamment si elles sont destinées à fournir en électricité des installations de pompage agricoles ; qu’en revanche, la circonstance que la demande de raccordement soit motivée par les besoins de l’exploitation agricole ne fait pas obstacle à ce que le maire fasse usage des pouvoirs d’opposition qu’il tient de l’article L. 111-6, dès lors qu’il estime que cette demande concerne des habitations mobiles en stationnement irrégulier ; que, par suite, en jugeant, après avoir indiqué que des habitations mobiles en stationnement irrégulier étaient présentes sur le terrain de Mme A à la date de la décision attaquée, que le maire avait pu légalement s’opposer à la demande de raccordement litigieuse, alors même que l’intéressée aurait pris l’engagement de n’utiliser l’électricité ainsi fournie qu’à des fins exclusivement agricoles, la cour n’a pas entaché son arrêt d’erreur de droit ; » (Conseil d’Etat, 26 décembre 2012, N°340503)

Jérôme MAUDET

Avocat au Barreau de Nantes

Collectivités : dommages de travaux publics et exclusion de garantie de l’assureur

Par un arrêt du 4 décembre 2014, la Cour administrative d’appel de Nantes est venue rappeler la compétence du juge administratif pour connaître d’une demande de garantie formée par une commune contre son assureur.

Dès lors que le prétendu sinistre est la conséquence de l’exercice d’une mission de service public, l’assureur n’est pas fondé à soutenir que la juridiction administrative n’est pas compétente pour connaître de l’action en garantie.

« Sur l’exception d’incompétence de la juridiction administrative opposée par la société AIG Chartis Europe Limited :

2. Considérant que la circonstance, à la supposer établie, qu’une partie des travaux qui sont à l’origine des dommages invoqués a été réalisée pour le compte d’une société privée est sans incidence dès lors que ces travaux répondaient à une mission de service public tendant à promouvoir le développement économique du territoire ; qu’ils ont de ce fait revêtu le caractère de travaux publics ; qu’il s’ensuit que la juridiction administrative est compétente pour connaître de la demande indemnitaire de la SARL Tweed ; que l’exception d’incompétence opposée à nouveau en appel par la société AIG Chartis Europe Limited doit, dès lors, être écartée ; » (Cour administrative d’appel NANTES, 4 décembre 2014, N°13NT01690)

L’arrêt revient également sur les conditions classiques de mise en oeuvre de la responsabilité d’une collectivité à raison des dommages subis par les riverains d’une voie publique.

 » Sur la responsabilité de la commune de Bourges :

3. Considérant qu’il appartient au riverain d’une voie publique qui entend obtenir réparation des dommages qu’il estime avoir subis à l’occasion d’une opération de travaux publics à l’égard de laquelle il a la qualité de tiers d’établir, d’une part, le lien de causalité entre cette opération et les dommages invoqués, et, d’autre part, le caractère anormal et spécial de son préjudice, les riverains des voies publiques étant tenus de supporter sans contrepartie les sujétions normales qui leur sont imposées dans un but d’intérêt général ;

4. Considérant qu’il résulte de l’instruction et notamment du rapport d’expertise établi par M. B…que si l’accès au parking situé en face du magasin de la SARL Tweed a été supprimé en raison de la mise en place d’une palissade de chantier en juin 2007, l’enseigne du magasin est toujours restée visible et sa fréquentation stable ; que la baisse de chiffre d’affaires invoquée par l’intéressée n’est apparue qu’en juin 2008, soit un an après le début des travaux, et s’explique par une baisse du montant moyen des achats par client et par une conjoncture économique défavorable pour le secteur de l’ameublement au cours de la période 2008-2011 ; qu’il ressort de l’instruction que l’accès aux piétons est demeuré possible pendant la durée des travaux ; que la circonstance que la circulation automobile a été interdite dans la rue Sous les Ceps à plusieurs reprises, et notamment du 27 février au 3 avril 2009, et que pour des raisons qui n’ont pas été explicitées par la société requérante le chiffre d’affaires du mois de mars 2009 ne s’est élevé qu’à 180 euros ne suffit pas à elle seule à caractériser un dommage anormal et spécial ; que les parkings situés à proximité du magasin étaient accessibles et, s’ils connaissaient des saturations rendant le stationnement difficile pour la clientèle, ce phénomène était de nature à affecter tout le quartier concerné et non de manière spécifique le commerce en litige ; qu’en outre la SARL Tweed ne conteste pas qu’à la date à laquelle elle s’est installée en 2005-2006 elle avait connaissance du projet d’aménagement de ce quartier ; qu’enfin la commune soutient sans être contredite que les principaux clients de la société sont constitués d' » institutionnels « , qui représentent la part essentielle de son chiffre d’affaires et étaient peu susceptibles d’être affectés par l’environnement du magasin ; que, dans ces conditions, la SARL Tweed n’établit pas avoir subi un préjudice anormal et spécial à l’occasion des travaux d’aménagement de l’ensemble commercial dénommé Avaricum à proximité de son magasin ;

5. Considérant qu’il résulte de ce qui précède que la SARL Tweed n’est pas fondée à soutenir que c’est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif d’Orléans a rejeté sa demande et a mis les frais et honoraires d’expertise, liquidés et taxés à la somme de 8 793.57 euros, à sa charge définitive ;

Sur les conclusions de la commune de Bourges :

6. Considérant qu’à défaut de toute condamnation prononcée à son encontre, les conclusions de la commune de Bourges tendant à la condamnation de son assureur, la société AIG Chartis Europe Limited, à la garantir se trouvent dépourvues d’objet ; » (Cour administrative d’appel NANTES, 4 décembre 2014, N°13NT01690)

Jérôme MAUDET

Avocat

Indemnisation et incendie volontaire affectant un véhicule terrestre à moteur

Depuis les dix dernières années la jurisprudence a évolué et considère désormais de manière constante que l’origine volontaire d’un incendie affectant un véhicule terrestre à moteur exclut l’application des dispositions de la loi du 5 juillet 1985 qui permet une indemnisation automatique de la victime :

« Si la loi du 5 juillet 1985 est applicable aux véhicules en stationnement qui prennent feu, l’application de cette loi est exclue lorsque le sinistre procède du comportement fautif de l’homme.

Or, il résulte du procès-verbal établi par les services de police du commissariat de Cagnes-sur-Mer et plus particulièrement des investigations de M. Marcel G., requis en qualité d’expert incendie, que le feu a été allumé sous le véhicule à proximité du réservoir.

Ce point est confirmé par la déposition de M. Jack R. qui explique qu’alors qu’il se rendait en vélo à un rendez-vous pour une sortie cyclotouriste, il avait vu la voiture Twingo prendre feu, un dépôt de combustibles ayant été allumé sous la voiture près du pneu arrière droit qui était en feu. Il a alors vu deux groupes de deux jeunes gens qui s’éloignaient des lieux.

 Isabelino F. explique que, réveillé par une détonation, il est descendu jusqu’à son portail. Il a alors vu trois jeunes gens près d’une voiture stationnée à côté du salon de coiffure qui s’affairaient au niveau du réservoir. Ceux-ci sont partis en courant et quelques minutes après, il y a eu une explosion et tout a brûlé.

L’enquête n’a pas permis d’identifier le ou les auteurs des faits et le procureur de la république a classé la procédure.

Il suit de là que l’incendie a été volontairement allumé par des personnes non identifiées, ce qui exclut l’application de la loi du 5 juillet 1985. » (CA Aix en Provence, 30 Novembre 2011, n°2011/475, Numéro JurisData : 2011-031584)

Voir également en ce sens :

« Attendu que l’article 1er de la loi n°85-77 du 5 juillet 1985 stipule : ‘Les dispositions du présent chapitre s’appliquent même lorsqu’elles sont transportées en vertu d’un contrat, aux victimes d’un accident de la circulation dans lequel est impliqué un véhicule terrestre à moteur ainsi que ses remorques ou semi-remorques, à l’exception des chemins de fer et des tramways circulant sur des voies qui leur sont propres’ ;

Attendu que ce texte a vocation à s’appliquer aux seuls accidents à l’exclusion des infractions volontaires ; qu’en l’espèce où selon l’enquête de police le tracto-pelle a été incendié volontairement, le feu ayant été mis dans l’habitacle, le préjudice subi par Sabrane M. ne résulte pas d’un accident mais d’une infraction consistant dans une dégradation volontaire du véhicule par incendie ; » (CA Lyon, 7 février 2013, n°11/04730, Numéro JurisData : 2013-004345)

En l’état actuel de la jurisprudence et nonobstant le fait que le véhicule incendié ait joué un rôle causal dans la réalisation du dommage, il y a donc peu de chances de voir aboutir une action en responsabilité sur le fondement de la loi dite Badinter.

Pour tenter d’obtenir réparation du préjudice subi par la victime, l’action pourra être menée sur le fondement de l’article 1384 du Code civil lequel dispose que :

« On est responsable non seulement du dommage que l’on cause par son propre fait, mais encore de celui qui est causé par le fait des personnes dont on doit répondre, ou des choses que l’on a sous sa garde.

Toutefois, celui qui détient à un titre quelconque tout ou partie de l’immeuble ou des biens mobiliers dans lesquels un incendie a pris naissance ne sera responsable vis-à-vis des tiers des dommages causés par cet incendie que s’il est prouvé qu’il doit être attribué à sa faute ou à la faute des personnes dont il est responsable. »

Dans cette perspective, il appartiendra à la victime de démontrer que le propriétaire du véhicule a commis une faute de nature à engager sa responsabilité à raison des conséquences de l’incendie.

Cette preuve est cependant difficile à rapporter.

La jurisprudence considère en effet que l’incendie volontaire est un cas de force majeur susceptible d’exonérer le gardien de la chose de sa responsabilité :

« Attendu que tandis que l’ article 1384 alinéa 1er du code civil dispose : ‘On est responsable non seulement du dommage que l’on cause par son propre fait mais encore de celui qui est causé par le fait des personnes dont on doit répondre, ou des choses que l’on a sous sa garde.’, l’alinéa 2 apporte une réserve à savoir : ‘Toutefois, celui qui détient, à un titre quelconque, tout ou partie de l’immeuble ou des biens mobiliers dans lesquels un incendie a pris naissance ne sera responsable vis-à-vis des tiers, des dommages causés par cet incendie que s’il est prouvé qu’il doit être attribué à sa faute ou à la faute des personnes dont il est responsable’;

Attendu qu’il n’est pas établi en l’espèce que l’incendie soit dû à une faute de CEGELEC ou d’une personne dont elle était responsable ;

Attendu au surplus que l’incendie volontaire par un plusieurs individus du véhicule litigieux a pour la société CEGELEC les caractères de la force majeure ou du cas fortuit, et constitue donc en tout état de cause une cause exonératoire de responsabilité ; » (CA LYON, 7 février 2013, N°11/04730, Numéro JurisData : 2013-004345)

Jérôme MAUDET

Avocat

Collectivités : réparation intégrale des dommages de travaux publics

La victime d’un dommage de travaux publics qui justifie d’un lien de causalité entre son préjudice et les travaux réalisés a droit l’indemnisation de son entier préjudice.

En effet, en sa qualité de tiers aux travaux publics réalisés le requérant doit démontrer l’existence d’un lien de causalité entre lesdits travaux et le préjudice qu’il estime avoir subi.

L’existence d’une faute est totalement inopérante.

S’agissant du montant des sommes susceptibles d’être allouées à la victime la juridiction administrative rappelle régulièrement que le préjudice doit être intégralement réparé afin que la victime soit remise dans la situation dans laquelle elle se trouvait avant le sinistre.

La jurisprudence admet, en conséquence, qu’une collectivité puisse être condamnée à verser des sommes au requérant qui dépassent largement le simple coût de reprise des désordres.

 Voir notamment en ce sens :

 « Sur le préjudice : 

  1. Considérant, en premier lieu, que, afin que la requérante puisse à nouveau disposer d’un mur de clôture, il est nécessaire que le mur existant soit démoli puis reconstruit en vue de lui donner les caractéristiques d’un mur de soutènement ; que selon le devis du 20 septembre 2010, le coût de la démolition et de la reconstruction du mur s’élève à 32 105,42 euros ; que Mme B…ne justifiant pas s’être trouvée dans l’impossibilité de faire réaliser les travaux dès 2010, il n’y a pas lieu, comme elle le demande, de réévaluer cette somme selon l’indice INSEE du coût de la construction ; 
  2. Considérant, en deuxième lieu, qu’il résulte de l’instruction que les travaux de démolition et de reconstruction du mur ne peuvent être réalisés sans que la haie installée contre cet ouvrage ne soit détruite ; que, dès lors, la requérante a droit à la réparation du préjudice correspondant au coût d’arrachage de la haie existante et de plantation d’une nouvelle haie qui, selon le devis qu’elle produit, est de 6 706,57 euros, sans qu’il y ait lieu, pour le motif indiqué ci-dessus, de réévaluer cette somme selon l’indice du coût de la construction ; » (CAA LYON, 18/07/2013, 13LY00161).

Ou encore :

« Les travaux de démolition d’un bâtiment initiés par une commune ont entraîné des désordres dans une maison vétuste contiguë. Si les désordres fussent-ils peu importants, sont imputables à la démolition et nécessitent une reprise pour que l’immeuble soit remis à son état antérieur, le coût de cette reprise doit être entièrement supporté par la commune sans que la vétusté de l’immeuble soit opposée à sa propriétaire. Malgré l’amélioration que les travaux pourraient apporter à l’état du bien, la propriétaire ne doit supporter aucune partie du coût des travaux qu’elle n’aurait pas été tenue d’engager si l’immeuble n’avait pas été affecté par la démolition du bâtiment voisin. » (CAA POITIERS, 12 novembre 2008, N° 07/01422).

Jérôme MAUDET

Avocat

Collectivités : vente de biens privés et mise en concurrence

Par un arrêt du 19 mars 2002, la Cour administrative d’appel de Bordeaux a déjà admis la validité d’une vente qui prévoyait la construction d’un ensemble immobilier devant ensuite faire l’objet d’une division dont un lot devait revenir à la commune :

« Considérant que, par délibération du 16 décembre 1988, le conseil de communauté de la COMMUNAUTE URBAINE DE BORDEAUX a autorisé son président à signer avec la S.A.R.L. Porte de Bordeaux un contrat par lequel cette société construirait et vendrait à la COMMUNAUTE URBAINE DE BORDEAUX, dans les conditions prévues à l’article 1601-3 du code civil, 714 places de stationnement ;

Considérant qu’il ressort des pièces du dossier, que si ce contrat tendait à la réalisation d’un parc public de stationnement, il n’avait pas pour objet la construction d’un immeuble que la COMMUNAUTE URBAINE DE BORDEAUX aurait conçu en fonction de ses besoins propres et selon des caractéristiques qu’elle aurait elle-même définies ; que la vente ne concernait qu’une partie d’un ensemble immobilier sur l’édification duquel la COMMUNAUTE URBAINE DE BORDEAUX n’exerçait aucun contrôle ni surveillance particulière, la S.A.R.L. Porte de Bordeaux étant maître de l’ouvrage ; qu’il suit de là que la COMMUNAUTE URBAINE DE BORDEAUX est fondée à soutenir que c’est à tort que, pour rejeter son action en responsabilité décennale, le tribunal administratif de Bordeaux a considéré que le contrat litigieux constituait un marché de travaux publics irrégulièrement conclu ;

Considérant qu’il résulte de ce qui précède que le contrat conclu entre la S.A.R.L. Porte de Bordeaux et la société Spie Sud-Ouest le 26 janvier 1989 pour la construction du parc de stationnement litigieux est un marché de travaux privés ; que la circonstance que le droit d’exercer l’action en garantie décennale ait été transmis à la COMMUNAUTE URBAINE DE BORDEAUX en vertu de l’article 1601- 3 du code civil après la réception de l’ouvrage ne saurait avoir pour effet de modifier la nature juridique de ces travaux dont la juridiction judiciaire peut seule connaître ; que par suite la demande de la COMMUNAUTE URBAINE DE BORDEAUX enregistrée au greffe du tribunal administratif de Bordeaux le 28 mai 1993 doit être rejetée comme portée devant une juridiction incompétente pour en connaître ; » (CAA Bordeaux 19 mars 2002, Cté urbaine de Bordeaux, req. n°97BX01384).

La Cour de justice de l’Union européenne tempère toutefois ce principe et considère qu’une convention peut être qualifiée de marché public de travaux si le contrat prévoit une implication de la personne publique ou répond à un besoin autre que la simple vente. (CJCE 25 mars 2010, Helmut Müller GmbH, aff. C-451/08).

En substance,  les ventes qui ne sont pas exclusivement destinées à céder un bien du domaine privé doivent être précédées d’une mise en concurrence.

La commune doit donc garder à l’esprit qu’il existe un risque de qualification dès lors que la commune souhaite être associée au moins indirectement à la réalisation du projet et qu’elle a vocation à acquérir un ou plusieurs lots in fine.

S’agissant des ventes réalisées par les collectivités, il n’est pas anodin de rappeler que la loi prévoit que les actes des personnes publiques peuvent être reçus par les notaires mais également par les maires ou présidents de conseil départemental voire le préfet également officiers publics. 

En pratique, l’acte authentique peut donc prendre la forme d’un acte administratif dont le coût peut s’avérer bien plus intéressant pour l’acquéreur tout en présentant les mêmes garanties.

Jérôme MAUDET

Avocat

Vendée : Quel avenir pour l’autoroute A831 ?

Interview de Jérôme Maudet, avocat spécialiste en droit public sur l’avenir de l’autoroute A831 dont la déclaration d’utilité publique (DUP) ne sera bientôt plus valide.

 

 

 

Droit de propriété : peut on abandonner la mitoyenneté pour échapper aux travaux de réfection d’un mur ?

Aux termes de l’article 656 du Code civil :

 » tout copropriétaire d’un mur mitoyen peut se dispenser de contribuer aux réparations et reconstructions en abandonnant le droit de mitoyenneté pourvu que le mur mitoyen ne soutienne pas un bâtiment qui lui appartienne. »

De nombreux propriétaires de murs mitoyens en mauvais état ont imaginé pouvoir faire supporter les travaux de remise en état à leur voisin en lui abandonnant leurs droits.

« Trop facile » dit la jurisprudence.

Les juridictions judiciaires estiment en effet que le propriétaire d’un mur mitoyen ne peut pas se soustraire aux dépenses nécessitées par son fait en abandonnant à son voisin ses droits sur le mur :

 « Le propriétaire d’une maison en ruine n’est pas fondé à solliciter l’application de l’article 656 du code civil, la faculté d’abandon de mitoyenneté prévue par ce texte ne pouvant être exercée par un copropriétaire lorsque les frais de remise en état sont rendus nécessaires par son défaut d’entretien comme c’est le cas en l’espèce. » (Cour d’appel de RENNES, 4 mai 1992, Numéro JurisData : 1992-046356)

 Ou encore :

  » Le seul tempérament à l’exercice de la faculté d’abandon de la mitoyenneté est qu’elle ne peut être exercée pour se soustraire aux dépenses d’entretien ou de réparation rendues nécessaires. » (CA Toulouse, 1re ch., sect. 1, 12 mai 1997 : JurisData n° 1997-043596).

Jérôme MAUDET

Avocat

 

Droit de la construction : responsabilité de l’entreprise qui a accepté le support

Aux termes d’un arrêt du 16 octobre 2014, la Cour d’appel de Nîmes est venue rappeler que le professionnel ne peut pas se retrancher derrière les défauts d’un support pour tenter d’échapper à sa responsabilité s’il n’a émis aucune réserve lors de son intervention.

Dans le cadre de la rénovation d’une maison d’habitation, un artisan-menuisier s’était vu confier la réalisation de travaux de menuiserie consistant en la dépose de fenêtres existantes, la fourniture et la pose de menuiserie neuves (12 fenêtres) en bois exotiques double vitrage.

A l’issue des travaux, les maîtres de l’ouvrage se sont plaints de malfaçons affectant les menuiseries.

Une expertise a été diligentée et les désordres ont été avérés.

Pour tenter d’échapper à sa responsabilité l’artisan a soutenu que les désordres étaient liés au mauvais état de la maçonnerie préexistante.

La Cour n’a pas suivi cette argumentation :

« Attendu que l’expertise démontre que les désordres constatés étaient apparents dès la fin de la pose ; qu’ils étaient donc apparents à la réception; qu’ils ont d’ailleurs fait l’objet de réserves , y compris quant à l’étanchéité , puisque la liste ci- dessus évoquée mentionne «étanchéité sous les pièces d’appui et entre les dormants et les murs ….. »; que l’expert a relevé des traces d’infiltration sous les appuis de fenêtres par manque d’étanchéité entre la menuiserie et la maçonnerie, par manque de regingot maçonné sur les appuis de fenêtre;

Attendu que les désordres étaient manifestes dans toute leur étendue ; que ce n’est que la cause qui a été révélée postérieurement par l’expertise; 

Attendu qu’en conséquence, tous les désordres relevés par l’expert P. étaient apparents et ont été dénoncés par les époux B. ; qu’ils relèvent de la garantie de parfait achèvement ; qu’il n’y a donc pas lieu à application de la garantie décennale ; 

Attendu qu’il convient en outre de relever qu’il appartenait à Mr C., en sa qualité de professionnel, de ne pas poser les menuiseries sur une maçonnerie inadaptée, non conforme et généralement en mauvais état, telle que décrite par l’expert ou en tout cas d’émettre des réserves; qu’il ne peut ainsi utilement se retrancher derrière les défauts de la maçonnerie pour échapper à sa responsabilité

Attendu que c’est à juste titre que le premier juge a retenu la responsabilité contractuelle de droit commun de Mr C. et l’a condamné à réparer les désordres exactement évalués par l’expert à la somme de 11 307, 92 euro. » (Cour d’appel, Nîmes, Chambre civile 1, section B, 16 Octobre 2014 – n° 13/01835)

Jérôme MAUDET

Avocat

Droit de propriété : peut ont faire supprimer une servitude de vue ou un simple jour ?

L’article 676 du Code civil relatif aux jours précise que :

« Le propriétaire d’un mur non mitoyen, joignant immédiatement l’héritage d’autrui, peut pratiquer dans ce mur des jours ou fenêtres à fer maillé et verre dormant.

Ces fenêtres doivent être garnies d’un treillis de fer, dont les mailles auront un décimètre (environ trois pouces huit lignes) d’ouverture au plus, et d’un châssis à verre dormant. »

L’ouverture de jours respectant les dispositions des articles 676 et 677 du Code civil correspond à l’exercice normal du droit de propriété et n’implique aucune prétention de servitude sur le fonds voisin.

L’ouverture d’une fenêtre qui est un simple jour et non pas une vue droite ne peut pas entraîner l’acquisition par prescription d’une servitude de vue.

Le propriétaire du « fonds servant » ne peut, en principe, pas en demander la suppression.

Rien ne lui empêche, en revanche, de bâtir un mur, même à l’extrême limite de votre fonds, en respectant la réglementation et ainsi obstruer les jours ouverts sur son fonds.

S’il s’agit en réalité d’une vue au sens de la jurisprudence, la question est un peu plus délicate.

S’agissant des servitudes de vue, l’article 688 du Code civil dispose en effet que :

« Les servitudes sont ou continues, ou discontinues.

Les servitudes continues sont celles dont l’usage est ou peut être continuel sans avoir besoin du fait actuel de l’homme : tels sont les conduites d’eau, les égouts, les vues et autres de cette espèce.

Les servitudes discontinues sont celles qui ont besoin du fait actuel de l’homme pour être exercées : tels sont les droits de passage, puisage, pacage et autres semblables. »

L’article 689 dispose pour sa part que :

« Les servitudes sont apparentes ou non apparentes.

Les servitudes apparentes sont celles qui s’annoncent par des ouvrages extérieurs, tels qu’une porte, une fenêtre, un aqueduc.

Les servitudes non apparentes sont celles qui n’ont pas de signe extérieur de leur existence, comme, par exemple, la prohibition de bâtir sur un fonds, ou de ne bâtir qu’à une hauteur déterminée. »

L’article 690 précise enfin que :

« Les servitudes continues et apparentes s’acquièrent par titre, ou par la possession de trente ans. »

 S’il n’existe aucune mention dans les titres et que la vue existe depuis moins de 30 ans, la suppression de la vue peut être exigée.

En effet la jurisprudence considère de manière constante, y compris lorsqu’il existe un acte sous-seing privé, (c’est-à-dire une convention prévoyant la création d’une servitude au profit d’une personne et non d’un fonds) qu’une servitude doit être reprise par acte authentique :

« Constitue une condition intrinsèque de validité de la servitude de vue la reprise par acte authentique, pour inscription au livre foncier, de l’acte sous seing privé autorisant la création de vues droites.

La mention de l’acceptation des servitudes existantes dans l’acte de vente d’un immeuble ne saurait régulariser la servitude de vue litigieuse, celle-ci doit donc être supprimée. » (Cour d’appel, COLMAR, Chambre civile 3, 5 Novembre 1990, Numéro JurisData : 1990- 050314)

En l’absence de mention de la servitude dans le titre, l’action du propriétaire du « fonds dominant » ou des éventuels acquéreurs destinée à obtenir le maintien du jour serait difficile à mettre en œuvre.

« L’existence d’une servitude au profit d’un fonds dominant ne peut trouver son fondement que dans le titre du fonds servant. Il peut être suppléé par témoins ou présomptions à l’insuffisance de l’acte invoqué comme titre de servitude lorsqu’il existe un commencement de preuve par écrit. » (CAA Lyon, 15 octobre 2013, N°12/02660).

Jérôme MAUDET

Avocat