Collectivités : régime juridique des biens appartenant au domaine public

Les règles applicables en matière de domanialité publique se résument par deux mots : l’indisponibilité, et l’imprescriptibilité.

Ces deux notions sont reprises à l’article L. 3111-1 du code général de la propriété des personnes publiques qui dispose que :

« Les biens des personnes publiques mentionnées à l’article L. 1, qui relèvent du domaine public, sont inaliénables et imprescriptibles ».

La notion d’indisponibilité s’oppose à la libre disposition, par son propriétaire, d’un bien lui appartenant.

La destination à laquelle ce bien est affecté justifie son indisponibilité.

Tel est le cas pour le domaine public dont l’affectation à l’usage du public ou à un service public justifiera son indisponibilité. Autrement dit, dès lors qu’un bien aura fait l’objet d’aménagements indispensables à l’exercice d’un service public et aura été affectés directement à l’usage du public, il sera indisponible.

La Cour administrative d’appel de Nantes a ainsi jugé, à propos d’un jardin servant à des manifestations municipales, que :

« Considérant, en premier lieu, qu’il résulte de l’instruction que la parcelle cadastrée B 261 qui jouxte l’Abbaye, utilisée au moment de son achat en 1925 comme jardin de l’école de filles de la commune, puis occupée par des agents d’EDF après le transfert de l’école en 1957, sert actuellement, et ce depuis plusieurs années, à des manifestations municipales et est ainsi affectée à l’usage direct du public ; que la seule attestation de l’ancien maire, qui se borne à soutenir que la partie de la parcelle B 261 restant à la disposition de la commune a toujours été exploitée comme jardin par les locataires des logements loués par cette dernière, ne remet pas sérieusement en cause l’affectation de ce terrain à l’usage du public ; que la circonstance qu’une portion de cette parcelle ne serait plus accessible au public à raison de la clôture posée irrégulièrement par M. D… en 1963 n’a pu avoir pour effet, en l’absence de déclassement, de faire sortir ce terrain, lequel forme un tout indivisible, du domaine public de la commune de Cormery ; que, par suite, la domanialité publique pleine et entière de la parcelle cadastrée B 261 doit être regardée comme établie »

L’une des principales conséquences de cette impossibilité de disposer librement du bien affecté à l’usage du public ou à un service public est l’inaliénabilité de ce bien.

Les personnes privées ne peuvent donc pas devenir propriétaires des dépendances du domaine public dès lors que ces dernières n’ont pas fait l’objet d’un acte de déclassement.

Cet acte de déclassement a pour effet de faire sortir le bien du domaine public et permet alors d’en disposer librement. A défaut, le bien ne peut pas être cédé.

La Cour administrative d’appel de Nancy a jugé en ce sens que :

« Considérant que s’il ressort des deux délibérations susmentionnées que le bien immobilier dont s’agit a été désaffecté, aucune décision expresse n’a constaté son déclassement ; que, par suite, ledit bien, qui appartenait au domaine public de la commune de Vandoeuvre-lès-Nancy, ne pouvait être cédé à la société SOCOGIM ; que, dès lors, la décision implicite par laquelle le nouveau maire de la commune de Vandoeuvre-lès-Nancy a refusé de signer l’acte authentique de vente dudit bien immobilier n’est pas fautive et n’est pas ainsi de nature à engager la responsabilité de la commune de Vandoeuvre-lès-Nancy » (C.A.A. Nancy, 19 mai 2011, n°10NC01492).

L’impossibilité d’aliéner une dépendance du domaine public n’empêche cependant pas son utilisation par une personne privée.

Cette dernière peut donc exercer une activité mais cette occupation obéit à des règles strictes fixées aux articles L.2122-1 et suivants du code général de la propriété des personnes publiques lequel dispose que :

« Nul ne peut, sans disposer d’un titre l’y habilitant, occuper une dépendance du domaine public d’une personne publique mentionnée à l’article L. 1 ou l’utiliser dans des limites dépassant le droit d’usage qui appartient à tous ».

Outre ce caractère personnel et conformément à l’article L.2122-3 du code général de la propriété des personnes publiques, cette autorisation ne présente qu’un caractère précaire et révocable.

En ce sens, la juridiction administrative affirme, de jurisprudence constante que :

« Les autorisations d’occupation du domaine public sont délivrées à titre précaire et révocable et qu’il est ainsi toujours loisible à l’autorité chargée de la police du domaine de les retirer pour un motif d’intérêt général, sans que leur bénéficiaire ait un droit acquis à leur maintien ou à leur renouvellement, en vertu des dispositions précitées du code général de la propriété des personnes publiques » (C.A.A. Marseille 11 janvier 2016, n°14MA01989).

Cela signifie donc que la personne publique peut, pour un motif tiré de l’intérêt général, mettre fin à cette autorisation ou ne pas la renouveler.

La Cour administrative d’appel de Marseille a appliqué cette règle à l’exploitant d’un restaurant sur le domaine public maritime :

« Considérant qu’il résulte des principes généraux de la domanialité publique que les titulaires d’autorisation n’ont pas de droits acquis au renouvellement de leur titre ; qu’en effet, les autorisations d’occuper le domaine public sont accordées à titre précaire et révocables en vertu des règles de la domanialité publique et ne sont pas créatrices de droit au profit de leurs bénéficiaires qui n’ont droit ni à leur maintien ni à leur renouvellement » (C.A.A. Marseille, 3 octobre 2011, n°10MA00029).

Jérôme MAUDET

Avocat au Barreau de NANTES