Collectivités : conditions de retrait ou d’abrogation d’une délibération autorisant une vente

Malgré l’existence d’une délibération du Conseil municipal autorisant le maire ou son adjoint à signer tous les documents et actes nécessaires à l’achat, il est possible pour la collectivité de ne pas aller au bout de la procédure.

Il ressort des dispositions de l’article L. 2122-21 du Code général des collectivités territoriales que

« Sous le contrôle du conseil municipal et sous le contrôle administratif du représentant de l’Etat dans le département, le maire est chargé, d’une manière générale, d’exécuter les décisions du conseil municipal et, en particulier : (…)

De passer dans les mêmes formes les actes de vente, échange, partage, acceptation de dons ou legs, acquisition, transaction, lorsque ces actes ont été autorisés conformément aux dispositions du présent code ; »

Dès lors, il revient au maire d’exécuter la délibération du conseil municipal une fois que celle-ci a été votée.

Cette obligation est toutefois soumise au caractère préparatoire ou non de la délibération en cause.

A titre liminaire, il est donc important de savoir si la délibération constitue un document préparatoire à l’acquisition des parcelles visées.

Si tel est le cas, elle ne sera pas créatrice de droit et pourra être abrogée sans condition particulière.

A l’inverse, si, en raison de sa précision, elle ne peut pas être raisonnablement considérée comme un simple document préparatoire, elle créera des droits au profit du vendeur.

Son retrait ne sera donc possible qu’à certaines conditions.

En effet, la Cour administrative d’appel de Marseille a considéré que :

« Considérant qu’il ressort des pièces du dossier qu’à la suite de la demande de la société Rom par courrier du 22 novembre 2007, le conseil municipal de la COMMUNE DE FONT-ROMEU-ODEILLO-VIA a décidé par délibération du 23 janvier 2008, d’une part, de valider le principe de la vente à M. , en sa qualité de représentant de la société Rom, d’un terrain d’une surface de 758 m², situé sur la parcelle AM n° 25 d’une surface totale de 19 920 m², appartenant au domaine privé de la commune, tel que matérialisé sur un plan annexé à la délibération, après évaluation du service des domaines par courrier du 18 janvier 2008 dans une fourchette allant de 15 à 40 euros le m² , pour un prix fixé en accord avec le pétitionnaire d’un montant de 30 320 euros, et, d’autre part, d’autoriser Monsieur le maire à signer tous actes dont les frais et émoluments seront à la charge exclusive de l’acquéreur ; que cette délibération, prise en accord avec l’acquéreur, définit précisément la chose et le prix, n’est subordonnée à aucune condition et autorise le maire à signer tous les actes nécessaires à sa mise en oeuvre ; que, dans ces conditions, cette délibération ne constitue pas une simple mesure préparatoire mais a créé des droits au profit de la société Rom, alors même qu’elle est rédigée au conditionnel lorsqu’elle relate le rapport fait au conseil municipal, qu’elle n’est pas accompagnée d’un document d’arpentage et qu’elle ne constitue pas une promesse synallagmatique de vente

Considérant que, sous réserve de dispositions législatives ou réglementaires contraires, et hors le cas où il est satisfait à une demande du bénéficiaire, l’administration ne peut retirer une décision individuelle explicite créatrice de droits, si elle est illégale, que dans le délai de quatre mois suivant la prise de cette décision ; que, par suite, les seules circonstances, retenues par la délibération contestée du 22 juillet 2008 portant retrait de la délibération du 23 janvier 2008, tirées, d’une part, de ce que cette dernière délibération n’avait fait l’objet d’aucun commencement d’exécution, aucun acte n’ayant été signé, et, d’autre part, de ce que le nouveau conseil municipal souhaitait conserver la maîtrise foncière des terrains situés dans la zone concernée proche du centre-ville et par voie de conséquence ne souhaitait céder aucun terrain dont la commune avait la pleine propriété, ne sont pas de nature à justifier légalement le retrait de la délibération initiale » (C.A.A. Marseille, 24 janvier 2011, n°10MA00109)

Dans un telle hypothèse, si la collectivité souhaite revenir sur le processus d’acquisition lancé par la délibération, il reviendra au conseil municipal de le retirer ou de l’abroger suivant les conditions fixées par le Code des relations entre le public et l’administration et par la jurisprudence.

Ce formalisme est décisif afin de réduire, autant que faire se peut, les risques d’engagement de responsabilité de la Commune.

Schématiquement, la commune ne peut abroger ou retirer une décision que dans trois hypothèses :

  • LE DELAI DE QUATRE MOIS

Aux termes de l’article L. 242-1 du Code des relations entre le public et l’administration :

« L’administration ne peut abroger ou retirer une décision créatrice de droits de sa propre initiative ou sur la demande d’un tiers que si elle est illégale et si l’abrogation ou le retrait intervient dans le délai de quatre mois suivant la prise de cette décision »

  • L’EXISTENCE D’UNE FRAUDE

La seconde condition ressort de la jurisprudence du Conseil d’Etat en date du 30 mars 2016 laquelle dégage un principe général du droit selon lequel :

« Une décision administrative obtenue par fraude ne crée pas de droits au profit de son titulaire et peut être retirée à tout moment » (C.E., 30 mars 2016, n°395702).

  • LA DEMANDE DU BENEFICIAIRE

Enfin, il ressort des dispositions de l’article L. 242-4 du Code des relations entre le public et l’administration que :

« Sur demande du bénéficiaire de la décision, l’administration peut, selon le cas et sans condition de délai, abroger ou retirer une décision créatrice de droits, même légale, si son retrait ou son abrogation n’est pas susceptible de porter atteinte aux droits des tiers et s’il s’agit de la remplacer par une décision plus favorable au bénéficiaire ».

Le risque contentieux est important puisque la juridiction éventuellement saisie pourrait également considérer que la vente étant parfaite, la collectivité n’était donc pas en mesure de renoncer à la vente:

« 6. Il résulte de ce qui a été dit au point 4 que le conseil municipal de Saint-Amand-les-Eaux ne pouvait légalement à la date à laquelle il a statué par ses deux délibérations du 30 juin 2011, ni  » annuler  » la délibération du 21 décembre 2006 par laquelle il avait exprimé son accord sur la demande d’acquisition des parcelles litigieuses formée par la SARL Bowling du Hainaut au prix que celle-ci proposait ni, par voie de conséquence, dès lors que la commune n’en avait plus la propriété, décider de céder ces mêmes parcelles à la société Cases Investissements. Dès lors, et sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens de la requête, la SARL Bowling du Hainaut et la SARL Bowling de Saint-Amand-les-Eaux sont fondées à soutenir que c’est à tort que le tribunal administratif de Lille a rejeté leurs conclusions tendant à l’annulation des deux délibérations du 30 juin 2011 du conseil municipal de Saint-Amand-les-Eaux. » (CE, 15 mars 2017, n°393407)

 

Jérôme MAUDET

Avocat

Marchés publics : motivation de l’abandon de la mise en concurrence

A tout moment avant la signature du marché, le pouvoir adjudicateur peut décider de déclarer celui-ci sans suite.

Les motifs évoqués par la collectivité pour déclarer une consultation sans suite peuvent être de natures diverses (économique, juridique ou technique).

Ils doivent reposer sur des considérations d’intérêt général et ne peuvent bien évidemment pas être destinés à contourner les règles de la commande publique.

Le juge administratif sanctionne en effet pour détournement de procédure la décision de ne pas donner suite à un appel d’offres qui était motivée par le seul but d’évincer le candidat retenu par la commission d’appel d’offres.

 

L’incohérence d’une offre présentée par un candidat dont se prévalait la personne publique ne constituait en réalité pas un motif d’intérêt général et aurait dû la conduire à juger l’offre inacceptable (CE, 18 mars 2005, Société Cylcergie, n° 238752).

Il a notamment été jugé que constitue un motif d’intérêt général les incertitudes affectant la consultation des entreprises.

Ces « incertitudes » peuvent résider dans des irrégularités potentielles pesant sur la procédure.

Voir par exemple :

« Considérant qu’il résulte de l’instruction que la procédure d’appel d’offres n’a pas été menée à son terme au motif que la commission d’appel d’offres avait illégalement scindé les deux lots en les attribuant à trois candidats ; que, compte tenu du caractère irrégulier de l’attribution du marché, c’est à bon droit et pour un motif d’intérêt général que la commune d’Athis-Mons a décidé de ne pas attribuer les marchés en cause ;

 

Considérant que, contrairement à ce que soutient le CABINET MPC AVOCATS, la procédure de passation mentionnée ci-dessus n’a pu faire naître aucune relation contractuelle ni recevoir aucun commencement d’exécution dès lors qu’il n’est pas sérieusement contesté que le marché n’a pas été signé avec les cabinets déclarés attributaires et que les affaires traitées par les candidats retenus leur avaient été confiées avant le lancement de la procédure de passation du marché en cause ; que, par suite, l’allégation du CABINET MPC AVOCATS selon laquelle la renonciation de la commune à conclure le marché ne présentait pas un caractère effectif doit être écartée ;

 Considérant que, compte tenu des aléas auxquels doivent s’attendre les candidats à l’attribution de marchés publics, le CABINET MPC AVOCATS n’a pas subi, du fait de cette renonciation, un préjudice anormal et spécial de nature à engager la responsabilité sans faute de la commune ; » (CAA Versailles, 5 janvier 2012, Cabinet MPC Avocats, req. n° 08VE02889)

Ou encore:

« Considérant, en premier lieu, qu’il résulte de l’instruction que, dans sa séance en date du 6 novembre 2006, la commission permanente du conseil général du Var a déclaré le marché sans suite au motif qu’en considération de l’incertitude qui pesait sur la légalité, au regard des règles de déontologie de la profession d’avocat, de l’article 2.02 du règlement de consultation, le président de l’Ordre des avocats au Conseil d’Etat et à la Cour de cassation avait déconseillé aux membres de l’ordre de participer à la consultation et qu’en conséquence la concurrence n’avait pas pu s’exercer de façon satisfaisante ; que l’irrégularité qui a entaché la procédure de consultation des entreprises a pu légalement conduire le département à mettre fin, pour un motif d’intérêt général, à l’appel d’offres organisé pour l’attribution du marché et à justifier la déclaration sans suite ; qu’ainsi, le requérant, dont la candidature n’a pas été retenue en conséquence de l’abandon régulier de procédure, ne peut prétendre à être indemnisé de la perte de chance qu’il aurait eue d’obtenir le marché, qui n’a pas été conclu ; qu’en revanche, en maintenant une procédure irrégulière jusqu’à la réception des offres, le département du Var a commis une faute de nature à engager sa responsabilité ; que, toutefois, le CABINET MPC AVOCATS, en proposant une offre pour l’attribution de ce marché alors qu’il connaissait l’irrégularité relevée, et en avait d’ailleurs alerté le département, a commis une imprudence de nature à exonérer totalement la responsabilité du département et ne saurait par suite obtenir le remboursement des frais qu’il a exposés pour présenter sa candidature ;

Considérant, en second lieu, que si le cabinet MPC AVOCATS demande réparation du préjudice causé par un prétendu défaut d’information de l’abandon de la procédure, cette omission, à la supposer fautive, n’est en tout état de cause pas à l’origine des préjudices invoqués, relatifs aux frais engagés pour la constitution du dossier de candidature ainsi que la perte de chance d’obtenir le marché ; » (CAA Marseille, 4 juin 2012, Cabinet MPC Avocats, req. n° 09MA04827).

Ainsi, si l’opérateur économique ayant présenté l’offre économiquement la plus avantageuse n’a aucun droit acquis à la signature du contrat, il n’en demeure pas moins que la collectivité se doit d’être particulièrement vigilante dans la motivation de sa décision de ne pas donner suite à la procédure.

Jérôme MAUDET

Avocat

Marchés publics : le pouvoir adjudicateur peut-il pratiquer des retenues sur les acomptes mensuels ?

Aux termes de l’article 13 du CCAG Travaux inditulé « Demandes de paiement mensuelles :

 » 13.1.1. Avant la fin de chaque mois, le titulaire remet sa demande de paiement mensuelle au maître d’œuvre, sous la forme d’un projet de décompte.

Ce projet de décompte établit le montant total des sommes auxquelles il peut prétendre du fait de l’exécution du marché depuis son début. (…)

3.1.8. Le projet de décompte mensuel établi par le titulaire constitue la demande de paiement ; cette demande est datée et mentionne les références du marché.

Le titulaire envoie cette demande de paiement mensuelle au maître d’œuvre par tout moyen permettant de donner une date certaine.

13.1.9. Le maître d’œuvre accepte ou rectifie le projet de décompte mensuel établi par le titulaire. Le projet accepté ou rectifié devient alors le décompte mensuel. (…)

13.2.1. A partir du décompte mensuel, le maître d’œuvre détermine le montant de l’acompte mensuel à régler au titulaire. Le maître d’œuvre dresse à cet effet un état d’acompte mensuel (…)

13.2.2. Le maître d’œuvre notifie par ordre de service au titulaire l’état d’acompte mensuel et propose au représentant du pouvoir adjudicateur de régler les sommes qu’il admet. Cette notification intervient dans les sept jours à compter de la date de réception de la demande de paiement mensuelle du titulaire.

Si cette notification n’intervient pas dans un délai de sept jours à compter de la réception de la demande du titulaire, celui-ci en informe le représentant du pouvoir adjudicateur qui procède au paiement sur la base des sommes qu’il admet.

En cas de contestation sur le montant de l’acompte, le représentant du pouvoir adjudicateur règle les sommes admises par le maître d’œuvre. Après résolution du désaccord, il procède, le cas échéant, au paiement d’un complément, majoré, s’il y a lieu, des intérêts moratoires, courant à compter de la date de la demande présentée par le titulaire. »

Cet article n’est pas des plus limpides dès lors qu’une lecture littérale pourrait conduire à considérer que le maître d’ouvrage n’a d’autre choix que de régler le montant des sommes admises par le maître d’œuvre.

Rien n’empêche toutefois le maître d’ouvrage de procéder à des retenues.

Voir en ce sens  une ordonnance du juge des référés de la Cour administrative d’appel de Nantes :

« 3. Considérant que si l’ensemble des opérations auxquelles donne lieu l’exécution d’un marché de travaux publics est compris dans un compte dont aucun élément ne peut être isolé et dont seul le solde, arrêté lors de l’établissement du décompte définitif, détermine les droits et obligations définitifs des parties, cette règle ne fait toutefois pas obstacle, eu égard notamment au caractère provisoire d’une mesure prononcée en référé, à ce qu’il soit ordonné au maître d’ouvrage de verser au titulaire d’un tel marché une provision au titre d’une obligation non sérieusement contestable lui incombant dans le cadre de l’exécution du marché, alors même que le décompte général et définitif n’aurait pas encore été établi ; que, notamment, lorsque le maître de l’ouvrage ne procède pas au versement d’acomptes auxquels a droit le titulaire du marché, ce dernier peut demander au juge des référés le versement d’une provision représentative de tout ou partie de leur montant ; que, toutefois, la notification par la personne responsable du marché d’une décision prononçant des pénalités pour retard dans l’exécution des travaux, fait obstacle, alors même que le décompte général n’aurait pas encore été notifié à l’entreprise, à ce que ses demandes de paiement d’acomptes présentées antérieurement soient regardées, à concurrence du montant de ces pénalités, comme susceptibles de faire naître une obligation non sérieusement contestable à la charge du maître d’ouvrage ;

 

  1. Considérant qu’aux termes des articles 13.1 et 20.1 du cahier des clauses administratives générales, dans sa version applicable au marché de la société Golfe Peinture :  » 13.1. Décomptes mensuels : 13.11. Avant la fin de chaque mois, l’entrepreneur remet au maître d’oeuvre un projet de décompte établissant le montant total, arrêté à la fin du mois précédent, des sommes auxquelles il peut prétendre du fait de l’exécution du marché depuis le début de celle-ci… Le projet de décompte mensuel établi par l’entrepreneur est accepté ou rectifié par le maître d’oeuvre ; il devient alors le décompte mensuel. 13.12. Le décompte mensuel comprend, en tant que de besoin, les différentes parties suivantes : …5° Indemnités, pénalités, primes et retenues autres que la retenue de garantie… 20.1. En cas de retard dans l’exécution des travaux …il est appliqué, sauf stipulation différente du CCAP, une pénalité… Les pénalités sont encourues du simple fait de la constatation du retard par le maître d’oeuvre…  » ;

 

  1. Considérant qu’aux termes des articles 3.3.8, 3.3.11 et 4.3 du cahier des clauses administratives particulières concernant le marché en cause :  » 3.3.8 – …Les acomptes mensuels seront présentés conformément à l’article 13.1 du cahier des clauses administratives générales travaux, et selon le modèle agréé par le maître d’ouvrage… 3.3.11 – en application de l’article 98 du code des marchés publics, le délai de paiement est fixé à 50 jours. Le point de départ de ce délai est fixé comme suit : pour les décomptes mensuels, à compter de la date de réception par le maître d’oeuvre du projet de décompte mensuel du titulaire, accepté par le maître d’oeuvre… 4.3 – …Le titulaire subira en cas de non-respect des dates contractuelles ou fixées par ordre de service, ou par écrit, les pénalités journalières suivantes… Ces pénalités sont encourues du simple fait de la constatation du retard par le maître d’oeuvre, l’OPC ou le coordonnateur, et s’appliquent par rapport aux dates contractuelles ou fixées à l’avance et par écrit…  » ;

 

  1. Considérant, en premier lieu, qu’après avoir procédé à une retenue de 11 960 euros toutes taxes comprises sur l’acompte du mois de février 2011 de la société Golfe Peinture, le centre hospitalier Centre Bretagne a, par des certificats des 6 juin et 1er juillet 2011, ramené les situations nos 20 et 21, correspondant respectivement aux décomptes mensuels pour les mois d’avril et de mai 2011, à la somme de zéro euro, puis procédé à de nouvelles retenues sur les décomptes de juin et de juillet 2011 ; que le centre hospitalier Centre Bretagne justifie ces décisions par l’application de pénalités en raison de retards signalés à l’entreprise et ayant justifié une mise en demeure, le 28 avril 2011, suivie d’une mise en régie partielle de ses travaux pour la partie  » maternité  » du chantier, le 14 juin 2011 ; que, le 4 août 2011, le centre hospitalier Centre Bretagne a prononcé une nouvelle mise en régie partielle, pour la réalisation des travaux de neuf autres zones du chantier puis, le 3 octobre 2011, a résilié le marché de la société Golfe Peinture à ses frais et risques ; qu’un litige est d’ailleurs pendant entre les parties dans le cadre de la demande, enregistrée sous le n° 1201270 au greffe du tribunal administratif de Rennes, tendant à l’annulation de l’avis des sommes à payer émis à l’encontre de la société Hope le 25 janvier 2012 par la trésorerie de Pontivy au profit du centre hospitalier Centre Bretagne à la suite des mises en régie du lot attribué à cette société, de la résiliation de son marché à ses frais et risques et du surcoût généré par la passation de marchés de substitution ; que, dans ces conditions, et alors même que la société Hope a contesté ces différentes décisions par les mémoires en réclamation n° 2 du 30 avril 2011, n° 3 du 16 mai 2011, n° 4 du 19 juillet 2011, n° 5 du 21 juillet 2011, n° 6 du 4 août 2011 et n° 7 du 20 décembre 2011, l’obligation dont elle se prévaut au titre des acomptes des mois de février, avril, mai, juin et juillet 2011, pour un montant global de 835 848,77 euros, qui ne lui ont pas été réglés en exécution de ses travaux, n’apparaît pas, en l’état de l’instruction, comme non sérieusement contestable ; » (CAA NANTES, Chambre 4, 30 Novembre 2012 – n° 12NT01374)

Jérôme MAUDET

Avocat au barreau de Nantes

Collectivités : Cadre juridique des terrains familiaux

CADRE JURIDIQUE DES TERRAINS FAMILIAUX

Texte de la formation dispensée pour IDEAL CONNAISSANCE le 6 mars 2017.

Branchements provisoires illégaux, infractions au code de l’urbanisme, occupations illégales de terrains par des membres de la communauté des gens du voyage, des roms voire des Zadistes pour ce qui concerne ma belle région nantaise, l’encadrement juridique des résidences « démontables » et « mobiles » est au cœur des préoccupations des collectivités et des autres acteurs locaux.

Sont des résidences mobiles de loisirs, les véhicules terrestres habitables qui sont destinés à une occupation temporaire ou saisonnière à usage de loisir, qui conservent des moyens de mobilité leur permettant d’être déplacés par traction mais que le code de la route interdit de faire circuler – c’est-à-dire les mobiles homes.

Et, en application des dispositions de l’article R. 111-34 I. du code de l’urbanisme, telles qu’elles sont modifiées par le décret du 27 avril 2015, ces résidences mobiles de loisirs ne peuvent désormais être implantées que dans :

► les parcs résidentiels de loisirs mentionnés au I de l’article R. 111-32, autres que ceux créés après le 1er octobre 2007 et exploités par cession d’emplacements ou par location d’emplacements d’une durée supérieure à un an ;

► les villages de vacances classés en hébergement léger en application du code du tourisme ;

► les terrains de camping régulièrement créés, à l’exception de ceux créés par une déclaration préalable ou créés sans autorisation d’aménager, par une déclaration en mairie, sur le fondement des dispositions du code de l’urbanisme dans leur rédaction antérieure au 1er octobre 2007 ou constituant des aires naturelles de camping.

I.       La Loi du 5 juillet 2000 relative à l’accueil des gens du voyage

Le stationnement des gens du voyage est réglementé, par la loi n° 2000-614 du 5 juillet 2000 modifiée.

Un schéma départemental d’accueil est élaboré dans les conditions fixées par l’article 1er de la loi du 5 juillet 2000, l’État pouvant se substituer aux communes ou EPCI pour acquérir les terrains d’accueil nécessaires (L. n° 2000-614, 5 juill. 2000, art. 3).

Des aires d’accueil sont en effet imposées, particulièrement aux communes de plus de 5000 habitants.

La loi no 2000-614 du 5 juillet 2000 relative à l’accueil et à l’habitat des gens du voyage a introduit, par son article 8, un article L. 443-3 dans le code de l’urbanisme qui prévoit que dans les zones constructibles, des terrains bâtis ou non bâtis peuvent être aménagés afin de permettre l’installation de caravanes constituant l’habitat permanent de leurs utilisateurs.

Ces terrains dits familiaux se distinguent des aires d’accueil collectives aménagées définies à l’article 2 de la loi du 5 juillet précitée, lesquelles sont réalisées par ou pour le compte d’une collectivité publique pour l’accueil des gens du voyage itinérants.

L’article 1er de la loi du 5 juillet 2000 dispose désormais dans sa version issue de la LOI n°2017-86 du 27 janvier 2017 (- art. 149)

« I. – Les communes participent à l’accueil des personnes dites gens du voyage et dont l’habitat traditionnel est constitué de résidences mobiles installées sur des aires d’accueil ou des terrains prévus à cet effet.

 Ce mode d’habitat est pris en compte par les politiques et les dispositifs d’urbanisme, d’habitat et de logement adoptés par l’Etat et par les collectivités territoriales.  

  1. – Dans chaque département, au vu d’une évaluation préalable des besoins et de l’offre existante, notamment de la fréquence et de la durée des séjours des gens du voyage, de l’évolution de leurs modes de vie et de leur ancrage, des possibilités de scolarisation des enfants, d’accès aux soins et d’exercice des activités économiques, un schéma départemental prévoit les secteurs géographiques d’implantation et les communes où doivent être réalisés (…):

 2° Des terrains familiaux locatifs aménagés et implantés dans les conditions prévues à l’article L. 444-1 du code de l’urbanisme et destinés à l’installation prolongée de résidences mobiles, le cas échéant dans le cadre des mesures définies par le plan départemental d’action pour le logement et l’hébergement des personnes défavorisées, ainsi que le nombre et la capacité des terrains ; »

L’article L. 444-1 du code de l’urbanisme dispose que :

« L’aménagement de terrains bâtis ou non bâtis, pour permettre l’installation de résidences démontables constituant l’habitat permanent de leurs utilisateurs définies par décret en Conseil d’Etat ou de résidences mobiles au sens de l’article 1er de la loi n° 2000-614 du 5 juillet 2000 relative à l’accueil et à l’habitat des gens du voyage, est soumis à permis d’aménager ou à déclaration préalable, dans des conditions fixées par décret en Conseil d’Etat. Ces terrains doivent être situés dans des secteurs constructibles. Ils peuvent être autorisés dans des secteurs de taille et de capacité d’accueil limitées, dans les conditions prévues à l’article L. 151-13. »

L’article 151-13 précise quant à lui que :

« Le règlement peut, à titre exceptionnel, délimiter dans les zones naturelles, agricoles ou forestières des secteurs de taille et de capacité d’accueil limitées dans lesquels peuvent être autorisés :

2° Des aires d’accueil et des terrains familiaux locatifs destinés à l’habitat des gens du voyage au sens de la loi n° 2000-614 du 5 juillet 2000 relative à l’accueil et à l’habitat des gens du voyage ; »

II.    La circulaire du 17 décembre 2003

La circulaire n°2003-76/IUH1/26 du 17 décembre 2003 relative aux terrains familiaux permettant l’installation des caravanes constituant l’habitat permanent de leurs utilisateurs est venue préciser ladite notion en affirmant que :

« les terrains familiaux se distinguent des aires d’accueil collectives et ne sont pas assimilables à des équipements publics. Ils correspondent à un habitat privé qui peut être locatif ou en pleine propriété ».

En effet, réalisés à l’initiative de personnes physiques ou de personnes morales publiques ou privées, ces terrains familiaux constituent des opérations d’aménagement à caractère privé.

III. La Loi ALUR

La loi n°2014-366 du 24 mars 2014 pour l’accès au logement et un urbanisme rénové dite loi ALUR pose le principe que les documents d’urbanisme doivent tenir compte de tous les types d’habitat.

Cette loi modifie en effet l’article L.121-1 du Code de l’urbanisme, qui prévoit désormais la prise en compte par les documents d’urbanisme « des besoins présents et futurs de l’ensemble des modes d’habitat ».

Le même article est modifié de manière à ce que soient également pris en compte par ces documents les besoins en matière de mobilité.

La loi étend par ailleurs le régime prévu par le code de l’urbanisme pour les caravanes, à d’autres types d’habitat.

Ainsi, selon l’article L 444-1 du Code de l’urbanisme, dans sa rédaction issue de la loi ALUR, les aménagements de terrains destinés à l’installation de résidences démontables ou de résidences mobiles sont soumis à permis d’aménager ou à déclaration préalable.

La loi prévoit également que les terrains destinés à accueillir des résidences démontables constituant l’habitat permanent de leurs utilisateurs devront avoir fait l’objet des travaux nécessaires portant sur les réseaux publics de distribution d’eau, d’assainissement ou de distribution d’électricité.

Ces terrains pourront être autorisés dans des secteurs de taille et de capacité d’accueil limités et délimités par le PLU.

IV.  Le Décret du 27 avril 2015

Le décret n° 2015-482 du 27 avril 2015 portant diverses mesures d’application de la loi ALUR et relatif à certaines actualisations et corrections à apporter en matière d’application du droit des sols soumet à déclaration préalable l’aménagement de terrains bâtis ou non bâtis, destinés aux aires d’accueil et aux terrains familiaux des gens du voyage, permettant l’installation de plus de deux résidences mobiles mentionnées à l’article 1er de la loi n°2000-614 du 5 juillet 2000 relative à l’accueil et à l’habitat des gens du voyage, constituant l’habitat permanent des gens du voyage (C. urb., art. R. 421-23, j).

V.     Loi du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République (NOTRe).

La loi NOTRe du 7 août 2015 a posé le principe selon lequel les communautés de communes et d’agglomération sont obligatoirement compétentes en matière d’aire d’accueil des gens du voyage.

Au-delà de cette position de principe cette loi a laissé subsister une incertitude quant aux contours précis de la compétence des EPCI.

La question s’est posée de savoir si cette loi concernait seulement les aires permanentes d’accueil ou également des aires de grand passage et des terrains familiaux locatifs ?

VI.  LOI n° 2017-86 du 27 janvier 2017 relative à l’égalité et à la citoyenneté

C’est la loi n°2017-86 du 27 janvier 2017 relative à l’égalité et à la citoyenneté qui a précisé les contours de cette compétence.

Le texte précise que les communautés de communes et d’agglomération, les communautés urbaines ainsi que les métropoles sont compétentes pour l’aménagement, l’entretien et la gestion des aires d’accueil des gens du voyage et des terrains familiaux locatifs « tels que définis aux 1° à 3° du II de l’article 1er de la loi n° 2000-614 du 5 juillet 2000 relative à l’accueil et à l’habitat des gens du voyage ».

Cela signifie en clair que la réalisation et la gestion, non seulement des aires permanentes d’accueil mais également des aires de grand passage et des terrains familiaux locatifs incombe désormais aux communautés et aux métropoles.

Les délais de mise en œuvre sont prévus par cette loi sous le contrôle de l’Etat (article 149 de la loi n°2017-86 du 27 janvier 2017) :

« I. – Les communes figurant au schéma départemental en application des dispositions des II et III de l’article 1er sont tenues, dans un délai de deux ans suivant la publication de ce schéma, de participer à sa mise en œuvre. Elles le font en mettant à la disposition des gens du voyage les aires permanentes d’accueil aménagées et entretenues, les terrains familiaux locatifs et les aires de grand passage dont le schéma départemental a prévu la réalisation sur leur territoire. Elles peuvent également transférer cette compétence à un établissement public de coopération intercommunale chargé de mettre en œuvre les dispositions du schéma départemental ou contribuer financièrement à l’aménagement et à l’entretien de ces aires et terrains dans le cadre de conventions intercommunales. Un établissement public de coopération intercommunale chargé de mettre en œuvre les dispositions du schéma départemental peut également contribuer financièrement à l’aménagement et à l’entretien d’aires permanentes d’accueil aménagées et entretenues, de terrains familiaux locatifs et d’aires de grand passage dans le cadre de conventions entre établissements publics de coopération intercommunale. Un établissement public de coopération intercommunale compétent pour mettre en œuvre les dispositions du schéma départemental peut retenir un terrain d’implantation pour une aire permanente d’accueil, une aire de grand passage ou un terrain familial locatif situé sur le territoire d’une autre commune membre que celle figurant au schéma départemental à la condition qu’elle soit incluse dans le même secteur géographique d’implantation prévu par le schéma départemental.

  1. – Les communes et les établissements publics de coopération intercommunale intéressés assurent la gestion de ces aires et terrains ou la confient par convention à une personne publique ou privée.

II bis. – Un décret en Conseil d’Etat détermine :(…)

2° En ce qui concerne les terrains familiaux locatifs : les règles applicables à leur aménagement, leur équipement, leur gestion et leur usage ;

III. – Le délai de deux ans prévu au I est prorogé de deux ans, à compter de sa date d’expiration, lorsque la commune ou l’établissement public de coopération intercommunale a manifesté, dans ce délai, la volonté de se conformer à ses obligations :

– soit par la transmission au représentant de l’Etat dans le département d’une délibération ou d’une lettre d’intention comportant la localisation de l’opération de réalisation ou de réhabilitation de l’aire permanente d’accueil, des terrains familiaux locatifs ou de l’aire de grand passage ;

– soit par l’acquisition des terrains ou le lancement d’une procédure d’acquisition des terrains sur lesquels les aménagements sont prévus ;

– soit par la réalisation d’une étude préalable.

Le délai d’exécution de la décision d’attribution de subvention, qu’il s’agisse d’un acte unilatéral ou d’une convention, concernant les communes ou établissements publics de coopération intercommunale qui se trouvent dans la situation ci-dessus est prorogé de deux ans.

  1. – Un délai supplémentaire est accordé, jusqu’au 31 décembre 2008 à compter de la date d’expiration du délai prévu au III, à la commune ou à l’établissement public de coopération intercommunale qui a manifesté, dans les conditions fixées au III, la volonté de se conformer à ses obligations et qui, au terme de ce délai, n’a pu néanmoins s’en acquitter. »

Jérôme MAUDET

 

Droit de l’urbanisme : quid de l’indemnisation lorsqu’un terrain devient inconstructible ?

Nul ne dispose de droit acquis au maintien du classement de sa parcelle.

En principe, la modification du classement d’une parcelle n’est pas de nature à ouvrir une action indemnitaire en vertu du principe de non indemnisation des servitudes d’urbanisme.

L’article 160-5 du Code de l’urbanisme dispose en effet que :

« N’ouvrent droit à aucune indemnité les servitudes instituées par application du présent code en matière de voirie, d’hygiène et d’esthétique ou pour d’autres objets et concernant, notamment, l’utilisation du sol, la hauteur des constructions, la proportion des surfaces bâties et non bâties dans chaque propriété, l’interdiction de construire dans certaines zones et en bordure de certaines voies, la répartition des immeubles entre diverses zones.

Toutefois, une indemnité est due s’il résulte de ces servitudes une atteinte à des droits acquis ou une modification à l’état antérieur des lieux déterminant un dommage direct, matériel et certain ; cette indemnité, à défaut d’accord amiable, est fixée par le tribunal administratif, qui doit tenir compte de la plus-value donnée aux immeubles par la réalisation du plan d’occupation des sols rendu public ou du plan local d’urbanisme approuvé ou du document qui en tient lieu. »

Dès lors, ce n’est que s’il est porté atteinte aux droits acquis des propriétaires et à la modification de l’état antérieur des lieux que la responsabilité de la collectivité peut être recherchée.

L’atteinte aux droits acquis peut par exemple résulter de l’institution d’une servitude d’urbanisme faisant échec à la réalisation d’une opération qui doit se dérouler en plusieurs étapes.

Tel est notamment le cas de la remise en cause d’un projet de lotissement, postérieurement à la délivrance de la décision individuelle créatrice de droits qui autorise la division du terrain en vue de la cession des lots

La modification de l’état antérieur des lieux n’a jamais, à ma connaissance, pu fonder une indemnisation, car il a été jugé à maintes reprises que le fait de grever un terrain d’une servitude d’inconstructibilité n’est pas susceptible par lui-même de constituer un dommage dès lors que le terrain est maintenu dans son état actuel.

Naturellement, si le classement venait à s’avérer illégal en raison d’une erreur manifeste ou d’un détournement de pouvoir, l’illégalité fautive de l’administration serait de nature à ouvrir une action indemnitaire au bénéfice du propriétaire.

Voir en ce sens :

« 11. Considérant que le changement de classement du lotissement de la  » Couturelle  » et de l’emplacement réservé du  » clairon  » a consisté à faire passer ces terrains d’une zone UCb, définie au règlement du plan local d’urbanisme comme une zone  » urbaine mixte de densité moyenne assurant la transition entre les quartiers centraux et les quartiers de plus faible densité avec une dominante d’habitats « , en une zone UBb, définie comme une zone  » urbaine mixte de densité élevée, affectée à l’habitat, pouvant comporter des commerce, des services, des bureaux, des activités artisanales et industrielles, des équipement publics, compatibles avec un environnement urbain  » ; que cette nouvelle zone correspond, comme en l’espèce, à un secteur proche du centre ville ; que ce changement répond à la volonté de la communauté urbaine d’augmenter la densité de l’habitat dans cet espace, tout en permettant la construction de logements sociaux ; que, dans ces conditions, cette modification du zonage et du coefficient associé n’est pas entachée d’erreur manifeste d’appréciation ;

Sur le détournement de pouvoir :

Considérant qu’il ne ressort pas des pièces du dossier qu’en adoptant lamodificationdu plan local d’urbanisme en litige, qui vise notamment à permettre la construction de logements sociaux, la communauté urbaine aurait poursuivi à un but étranger à l’intérêt général ; que le détournement de pouvoir allégué n’est pas établi ; » (CAA DOUAI, 7 janvier 2015, N° 13DA00249)

Jérôme MAUDET

Avocat au Barreau de Nantes

Droit des collectivités : modalités de retrait des actes obtenus par fraude

Une décision illégale obtenue par fraude, doit être retirée sans condition de délai.

Le retrait d’une telle décision impose toutefois à l’administration de motiver sa décision et de respecter la procédure contradictoire prévue par l’article 24 de la loi du 12avril 2000 désormais codifiée :

« Considérant que, quand bien même le permis de construire délivré à M. X a été obtenu par fraude et a ainsi perdu son caractère créateur de droit, ce qui permet son retrait à tout moment, cette circonstance ne dispense pas l’administration de motiver la décision qui en prononce le retrait et, par voie de conséquence, de respecter la procédure contradictoire imposée par les dispositions combinées de l’article 1er de la loi du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et de l’article 24 de la loi du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs rapports avec les administrations ; qu’il est constant que ni M. X ni la SCI LE CLOS BLEU VISION n’ont été invités par le maire de la commune de Saint Paul à présenter leurs observations avant le retrait des autorisations dont ils étaient bénéficiaires ; qu’ainsi cette décision de retrait prise à la suite d’une procédure irrégulière est entachée d’illégalité et doit être annulée ; » (Cour administrative d’appel, BORDEAUX, Chambre 1, 2 Novembre 2006 – n° 04BX01608)

Jérôme MAUDET

Avocat

Collectivités : recours direct de la victime contre les entreprises en charge de travaux publics

Le recours dont dispose les tiers contre le maître d’ouvrage s’étend aux personnes privées qui ont réalisé les travaux publics, sans condition de délai sous réserve de la prescription quadriennale.

En d’autres termes, la victime peut agir soit contre l’entrepreneur, soit contre le maître de l’ouvrage, soit contre les deux solidairement sur les mêmes fondement à savoir la responsabilité sans faute ou pour faute présumée.

Les principes relatifs à la responsabilité des entrepreneurs à l’égard des victimes des dommages de travaux publics s’appliquent en cas de sous-traité.

La victime peut donc agir non seulement contre l’entrepreneur sous-traitant, qui a exécuté effectivement les travaux, mais également contre l’entrepreneur titulaire du marché.

Cette action n’est possible que si le fait dommageable est imputable à l’entrepreneur :

« Considérant qu’il résulte des rapports de l’expert désigné par les premiers juges, dont les conclusions reposent sur une étude de la nature et de la structure des sols ainsi que du régime des pluies, que les désordres apparus sur le chantier de M. Garnero ont eu pour cause, non comme le soutiennent les sociétés requérantes, des pluies exceptionnelles, mais les travaux entrepris, à une vingtaine de mètres en surplomb, pour la construction de l’autoroute A 8 ; que les tirs de mines, les injections de ciment après forages qui ont été effectués, ainsi que la pression même des piliers construits, ont profondément modifié le réseau des fissures du terrain, accru le phénomène de résurgence des eaux et provoqué des éboulements de terrain ; qu’ainsi il est établi que les désordres dont la société civile immobilière Majoma et M. Garnero ont demandé réparation ont pour cause les travaux de construction de l’autoroute ; que, dès lors, les sociétés Spad et Citra-France ne sont pas fondées à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, lequel est suffisamment motivé sur ce point, le tribunal administratif de Nice a retenu leur responsabilité dans la survenance des désordres ; » (Conseil d’Etat, Sous-section 5, 5 Février 1990 – n° 46170)

Il n’est toutefois pas nécessaire que le fait dommageable ait pour cause une faute de l’entrepreneur.

L’entrepreneur ne peut pas, vis-à-vis de la victime, s’exonérer de sa responsabilité en établissant l’absence de faute de sa part, notamment la circonstance que les travaux ont été réalisés selon les règles de l’art.

Il peut seulement invoquer, à cette fin, soit la faute de la victime soit la force majeure

« 3. Considérant, d’une part, que, même en l’absence de faute, la collectivité maître de l’ouvrage ainsi que, le cas échéant, l’entrepreneur chargé des travaux sont responsables vis-à-vis des tiers des dommages causés à ceux-ci par l’exécution d’un travail public à moins que ces dommages ne soient imputables à un cas de force majeure ou à une faute de la victime ; » (CAA Douai, 15 oct. 2013, n° 12DA00831, Cne Pont-de-l’Arche : JurisData n° 2013-025720).

Charge éventuellement à l’entreprise mise en cause de solliciter la garantie du maître d’ouvrage si elle s’y estime fondée.

Jérôme MAUDET

Avocat

Droit public : Retrait d’un acte créateur de droit au profit de plusieurs bénéficiaires

Le retrait d’une décision créatrice de droit ne peut intervenir qu’après observation d’une procédure contradictoire permettant à son bénéficiaire de présenter des observations sur la mesure de retrait envisagée.

L’article 24 de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations  désormais codifié à l’article 121-1 du Code des relations entre le public et l’administration prévoit en effet que :

« Exception faite des cas où il est statué sur une demande, les décisions individuelles qui doivent être motivées en application des articles 1er et 2 de la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l’amélioration des relations entre l’administration et le public n’interviennent qu’après que la personne intéressée a été mise à même de présenter des observations écrites et, le cas échéant, sur sa demande, des observations orales. »

Par un arrêt du 30 décembre 2015, le Conseil d’Etat a considéré, à propos d’un permis de construire qu’il s’agit d’une garantie fondamentale dont le nom respect emporte la nullité de la décision de retrait :

« le respect du caractère contradictoire de la procédure prévue par les dispositions de l’article 24 de la loi du 12 avril 2000 constitue une garantie pour le titulaire du permis que l’autorité administrative entend rapporter » et juge en conséquence « qu’eu égard à la nature et aux effets d’un tel retrait, le délai de trois mois prévu par l’article L. 424-5 du code de l’urbanisme oblige l’autorité administrative à mettre en œuvre cette décision de manière à éviter que le bénéficiaire du permis ne soit privé de cette garantie ».

Cette obligation est toutefois écartée dans le cas où il est statué sur une demande, en cas d’urgence ou de circonstances exceptionnelles, lorsque le respect de cette procédure serait de nature à compromettre l’ordre public ou la conduite des relations internationales ou enfin lorsque des dispositions législatives ont instauré une procédure contradictoire particulière. L’autorité administrative n’est en outre pas tenue de satisfaire les demandes d’audition abusives, notamment par leur nombre, leur caractère répétitif ou systématique.

Encore faut-il que l’ensemble des bénéficiaires soient informés de la décision ou aient formé une demande de retrait.

Voir en ce sens :

«  Considérant que la délibération du 20 mars 2009  » approuve les conditions des ventes du lot E1 au profit des acquéreurs cités ci-dessus [ M. B… et Mme E… -C… agissant pour le compte de la SCA MetB ] ou de toute personne physique ou morale qu’il leur plaira de substituer  » ; que cette délibération ne pouvait être analysée comme créatrice de droits qu’au seul profit de la SCA MetB alors en cours de constitution ; qu’en outre, elle ne comportait aucune condition suspensive relative au délai dans lequel la société devait être constituée ; que le courrier présenté le 18 mai 2009 par M. B… à titre individuel demandant l’annulation du protocole d’accord et du permis de construire ne pouvait être regardé comme émanant du bénéficiaire de cette délibération, alors qu’il ne ressort pas des pièces du dossier que Mme E… -C… aurait renoncé à son bénéfice, ni que la constitution de la société SCA MetB aurait été rendue impossible ; que, dans ces conditions, et en l’absence d’une demande présentée dans les mêmes conditions que celles dans lesquelles avait été souscrite la demande initiale, la commune ne pouvait légalement procéder au retrait de la délibération du 20 mars 2009 par la délibération en litige ; » (CAA NANTES, 29 novembre 2013, N°11NT02809)

 

Jérôme MAUDET

Avocat

Ouverture d’un bureau secondaire à la ROCHE SUR YON

Droit pénal de l’urbanisme : que faire en cas de non respect d’un arrêté interruptif de travaux ?

Le fait de poursuivre des travaux malgré la notification d’un arrêté interruptif constitue une infraction au Code de l’urbanisme prévue et réprimée par l’article L.480-3 dudit Code lequel prévoit que :

« En cas de continuation des travaux nonobstant la décision judiciaire ou l’arrêté en ordonnant l’interruption, les personnes visées au deuxième alinéa de l’article L. 480-4 encourent une amende de 75 000 € et une peine de trois mois d’emprisonnement.

Ces peines sont également applicables en cas de continuation des travaux nonobstant la décision de la juridiction administrative prononçant la suspension ou le sursis à exécution de l’autorisation d’urbanisme. »

Sans attendre la décision de la juridiction éventuellement saisie le Maire a la possibilité, si ce n’est le devoir, de faire usage de ses pouvoirs de police pour mettre un terme à la poursuite des travaux.

L’article L.480-2 dispose en effet que :

« Le maire peut prendre toutes mesures de coercition nécessaires pour assurer l’application immédiate de la décision judiciaire ou de son arrêté, en procédant notamment à la saisie des matériaux approvisionnés ou du matériel de chantier.

La saisie et, s’il y a lieu, l’apposition des scellés sont effectuées par l’un des agents visés à l’article L. 480-1 du présent code qui dresse procès-verbal. » 

La pose de scellés peut être effectuée par le Maire ou l’un de ses adjoints ou par tout agent dûment habilité et commissionné à cet effet.

Afin de se constituer la preuve de la pose de scellés, il me semble qu’il est judicieux pour le Maire ou l’agent de se faire accompagner par un huissier lequel dispose d’ailleurs du matériel nécessaire.

Son constat devra ensuite être transmis au Procureur pour information.

Il appartiendra ensuite au destinataire de l’arrêté, s’il s’y estime fondé, de solliciter judiciairement la main levée de l’arrêté interruptif et la dépose des scellés.

L’article L.480-2 précité prévoit en effet que :

« L’autorité judiciaire peut à tout moment, d’office ou à la demande, soit du maire ou du fonctionnaire compétent, soit du bénéficiaire des travaux, se prononcer sur la mainlevée ou le maintien des mesures prises pour assurer l’interruption des travaux. »

S’il venait à procéder à la dépose des scellés sans décision de justice préalable, la commune n’aurait alors qu’à en référer au Procureur lequel ne manquera pas, à mon sens, d’engager l’action publique et de faire montre d’une grande sévérité à son égard.

Jérôme MAUDET

Avocat au barreau de NANTES