A la suite d’une commande de pièces détachées pour un montant d’environ 10.000 euros, une entreprise s’est vue infliger par une collectivité une pénalité de 104.400 euros au titre des retards.
Le juge administratif de première instance saisi d’un recours en plein contentieux a ramené le montant des pénalités à de plus justes proportions à hauteur de 10.000 euros.
L’entreprise mécontente a alors interjeté appel de cette décision en raison du caractère disproportionné de la sanction.
La Cour d’appel de MARSEILLE dans un arrêt du 9 novembre 2015 en a profité pour rappeler l’office du juge en matière de contrôle desdites pénalités.
Après avoir rappelé que le juge administratif est garant de la loyauté des relations contractuelles, la Cour a considéré que les pénalités ayant le caractère d’une réparation forfaitaire, l’administration n’a pas à justifier de l’existence d’un quelconque préjudice.
La juridiction administrative a toutefois la possibilité de moduler le montant des pénalités en fonction du montant global du marché.
2. » Considérant, d’une part, que les parties à un contrat administratif peuvent saisir le juge d’un recours de plein contentieux contestant la validité du contrat qui les lie ; qu’il appartient alors au juge, lorsqu’il constate l’existence d’irrégularités, d’en apprécier l’importance et les conséquences, après avoir vérifié que les irrégularités dont se prévalent les parties sont de celles qu’elles peuvent, eu égard à l’ exigence de loyauté des relations contractuelles, invoquer devant lui ; qu’il lui revient, après avoir pris en considération la nature de l’illégalité commise et en tenant compte de l’objectif de stabilité des relations contractuelles, soit de décider que la poursuite de l’exécution du contrat est possible, éventuellement sous réserve de mesures de régularisation prises par la personne publique ou convenues entre les parties, soit de prononcer, le cas échéant avec un effet différé, après avoir vérifié que sa décision ne portera pas une atteinte excessive à l’intérêt général, la résiliation du contrat ou, en raison seulement d’une irrégularité invoquée par une partie ou relevée d’office par lui, tenant au caractère illicite du contenu du contrat ou à un vice d’une particulière gravité relatif notamment aux conditions dans lesquelles les parties ont donné leur consentement, son annulation ;(…)
6. Considérant qu’aux termes de la clause n° 8 du cahier des clauses techniques particulières applicables au marché litigieux : » Le non-respect des obligations contenues dans le présent CCTP pourrait entrainer l’application de pénalités. (…) Ainsi, les écarts suivants entraineront l’application des pénalités définies ci-dessous : (…) Le non-respect des délais de livraison conformément au CCTP / jour de retard et / pièce : 50 € (…) » ; qu’au regard de ce qui a été dit aux points 2 à 4, la société Ecollect, si elle n’est pas recevable à demander l’annulation de cette clause, peut néanmoins être regardée comme demandant, à titre principal, que ses stipulations, qui fondent le titre exécutoire contesté, soient écartées ;
7. Considérant, toutefois, que si la société Ecollect fait valoir que cette clause serait » irrégulière » et » particulièrement inadaptée aux circonstances de l’espèce parce que disproportionnée « , elle n’assortit pas, sur ce point, son moyen de précisions et justifications suffisantes pour permettre à la Cour d’en apprécier le bien-fondé ; qu’en tout état de cause, il ne résulte pas de l’instruction que ladite clause présenterait, par son contenu, un caractère illicite ou que la conclusion du contrat serait entachée d’un vice d’une particulière gravité ; que si la société Ecollect soutient, en outre, que la disproportion du montant des pénalités qui lui ont été infligées, par rapport au montant initial du marché litigieux, entacherait ce dernier d’une illégalité dont la portée aurait été méconnue lors de sa conclusion, cette seule circonstance ne suffit pas à établir le caractère illicite de la clause dont s’agit, dès lors qu’il est loisible au juge administratif, saisi de conclusions en ce sens, de modérer ou d’augmenter les pénalités de retard résultant du contrat, par application des principes dont s’inspire l’article 1152 du code civil, si ces pénalités atteignent un montant manifestement excessif ou dérisoire eu égard au montant du marché ;
8. Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que la société Ecollect n’est pas fondée à demander l’annulation du titre exécutoire n° 628 du 11 février 2011 ;
En ce qui concerne la modulation des pénalités de retard :
9. Considérant qu’aux termes de l’article 1152 du code civil : » Lorsque la convention porte que celui qui manquera de l’exécuter payera une certaine somme à titre de dommages-intérêts, il ne peut être alloué à l’autre partie une somme plus forte, ni moindre. / Néanmoins, le juge peut, même d’office, modérer ou augmenter la peine qui avait été convenue, si elle est manifestement excessive ou dérisoire. Toute stipulation contraire sera réputée non écrite. » ; que le cahier des clauses techniques particulières applicables au marché litigieux ne limite pas le montant des pénalités de retard susceptibles d’être infligées ;
10. Considérant qu’ainsi qu’il a été dit au point 7, il est loisible au juge administratif, saisi de conclusions en ce sens, de modérer ou d’augmenter les pénalités de retard résultant du contrat, par application des principes dont s’inspire ces dispositions, si ces pénalités atteignent un montant manifestement excessif ou dérisoire eu égard au montant du marché ;
11. Considérant, d’une part, que contrairement à ce que soutient la société Ecollect, le caractère manifestement excessif ou dérisoire du montant des pénalités de retard doit, dans le cas d’un marché à bon de commandes, défini par le I de l’article 77 du codes marchés publics, dans sa rédaction applicable au présent litige, comme » un marché conclu avec un ou plusieurs opérateurs économiques et exécuté au fur et à mesure de l’émission de bons de commande « , s’apprécier au regard non pas du montant de chaque chantier concerné, mais du montant global et définitif du marché, ainsi que le fait valoir la ville de Cannes ; que d’autre part, ces pénalités ayant le caractère d’une réparation forfaitaire, l’administration n’a pas à justifier de l’existence d’un préjudice ayant résulté, pour elle, du retard, comme le fait encore valoir la commune ;
12. Considérant qu’il résulte de l’instruction et notamment de l’acte d’engagement du 15 janvier 2008, que le montant total du marché litigieux était de 39 512,35 euros TTC ; que dès lors que le montant des pénalités de retard infligées à la société par la commune représentait environ 264 % de ce montant, celui-ci est manifestement excessif, en tout état de cause, par rapport au montant total du marché ;
13. Considérant, toutefois, que la société Ecollect n’invoque aucune circonstance particulière de nature à justifier l’importance du retard en cause, alors au demeurant qu’elle ne pouvait ignorer l’attachement de la commune au respect des délais de livraison fixés, au vu notamment des critères d’attribution du marché et avait, du reste, proposé de son propre chef des délais inférieurs aux délais plafonds prévus par le règlement de la consultation, sur lesquels elle s’est, ainsi, contractuellement engagée ; qu’à supposer même que la ville de Cannes n’aurait subi aucun préjudice spécifique du fait de ce retard, au-delà de celui résultant de l’atteinte portée à la qualité du service public, la société Ecollect, qui n’invoque pas utilement les dispositions de la norme NFP 03-0001, dès lors que celles-ci ne sont pas, en tout état de cause, applicables au marché litigieux, ne saurait pour autant demander que le montant des pénalités de retard soit réduit à la somme de 418,14 euros, laquelle serait manifestement dérisoire au regard du montant du marché litigieux ; que dans les circonstances de l’espèce, il y a lieu de fixer à la somme de 10 000 euros le montant de ces pénalités, la circonstance que ce montant serait quasiment égal à celui de la commande concernée étant sans incidence ;
14. Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que la société Ecollect n’est pas fondée à soutenir que c’est à tort que le tribunal administratif, dans le jugement attaqué, a ramené à 10 000 euros le montant des pénalités de retard qui lui ont été infligées en vertu du titre exécutoire n° 628 du 11 février 2011 ; »
Jérôme MAUDET