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Droit de la santé : Responsabilité d’un CHU pour retard de diagnostic

Par un jugement du 14 janvier 2015, le Tribunal administratif de Nantes a décidé de condamner un centre hospitalier départemental en raison du préjudice subi par un patient à la suite d’un diagnostic tardif d’une tumeur cérébrale.

La juridiction administrative a considéré que la requérante rapportait bien la preuve qui lui incombait de l’existence d’un lien de causalité entre le retard fautif dénoncé et le préjudice qu’elle a subi à raison de la dégradation de son état de santé.

« 2. Considérant qu’aux termes de l’article L. 1142-1 du code de la santé publique : « (…) les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du présent code, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d’actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu’en cas de faute (…) » ;

3. Considérant qu’il résulte de l’instruction, et notamment du rapport d’expertise établi le 18 novembre 2010 par le docteur C, neuropsychiatre, assisté du docteur V en qualité de sapiteur neuro-ophtalmologiste, désignés par ordonnance de référé du président du tribunal de grande instance de Nantes du 8 janvier 2009, que la prise en charge de Mlle D par le CHU de Nantes en décembre 2003, tant aux urgences qu’en unité psychiatrique, n’a pas été conforme aux règles de l’art ; que ces experts soulignent ainsi que le médecin urgentiste a eu tort, notamment, de ne pas prendre en considération des symptômes aussi évocateurs que l’association de troubles de la marche, de céphalées et de vomissements et de s’abstenir de prendre l’avis d’un neurologue ou de faire pratiquer une imagerie ; que les médecins psychiatres, au cours de l’hospitalisation de la patiente, n’ont pas davantage pensé à solliciter l’avis d’un neurologue ou de tout autre médecin somaticien ; qu’enfin, ils soulignent que, si Mlle D avait été opérée lors de sa première hospitalisation le 19 décembre 2003, elle n’aurait très probablement eu aucune séquelle visuelle ; que si le CHU soutient que sa responsabilité ne saurait seule être engagée, les docteurs B et M, médecins libéraux que Mlle D a consultés en décembre 2003, ayant selon lui également contribué au retard de diagnostic en cause, le docteur C indique que ceux-ci ne peuvent faire l’objet de critiques ; que l’expert précise encore que les dommages dont souffre la requérante sont imputables à 75% au défaut de prise en charge de la part du CHU et à 25% au développement de la tumeur ; que, dès lors, l’évolution de l’état de santé de Mlle D apparaît comme étant la conséquence directe et certaine des fautes liées au retard de diagnostic relevées lors de son hospitalisation ; qu’il suit de là que Mlle D est fondée à soutenir que le retard de diagnostic est fautif et de nature à engager la responsabilité du CHU de Nantes à son égard ; » (TA de Nantes, 14 janvier 2015, n°1109666)

Le Tribunal rappelle également que la victime est bien fondée à solliciter réparation au titre de la perte de chance qu’elle a subie:

« Sur la perte de chance :

4. Considérant que, dans le cas où la faute commise lors de la prise en charge ou du traitement d’un patient dans un établissement public hospitalier a compromis ses chances d’obtenir une amélioration de son état de santé ou d’échapper à son aggravation, le préjudice résultant directement de la faute commise par l’établissement et qui doit être intégralement réparé n’est pas le dommage corporel constaté, mais la perte de chance d’éviter que ce dommage soit advenu ; que la réparation qui incombe à l’hôpital doit alors être évaluée à une fraction du dommage corporel déterminée en fonction de l’ampleur de la chance perdue ; »

Jérôme MAUDET

Avocat au barreau de NANTES