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Droit des collectivités : fixation du prix en matière de préemption

Pour la Cour de cassation, les règles qui gouvernent la fixation du prix en matière de préemption permettent à une collectivité de proposer un prix bien inférieur à celui porté dans la déclaration d’intention d’aliéner.

Charge éventuellement au vendeur de renoncer à la cession de son bien s’il s’estime lésé.

« Mais attendu qu’ayant relevé que les règles de fixation du prix du bien sur lequel s’exerce le droit de préemption traduisent le souci de la bonne utilisation des deniers publics et permettent la poursuite de l’objectif d’intérêt public de réalisation de logements locatifs sociaux, que le propriétaire du bien est en mesure de faire fixer par le juge la valeur de ce bien, au jour du jugement, en produisant aux débats des termes de comparaison pertinents, et reste libre, si la valeur fixée par le juge ne lui convient pas, de renoncer à la transaction envisagée et de conserver son bien, la cour d’appel en a déduit à bon droit que ces règles, qui assurent un juste équilibre entre les intérêts et droits en cause et ne portent pas une atteinte disproportionnée au droit de propriété, n’étaient pas contraires aux dispositions de l’article 1er du Premier protocole additionnel à la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ; » (Cass. Civ. 3, 5 juillet 2018, n°17-20.033)

Jérôme MAUDET

Avocat

Collectivités : droit de préemption urbain dans les communes dotées d’une carte communale

Dans les communes dotées d’une carte communale ce sont les dispositions de l’article L. 211-1 alinéa 2 du code de l’urbanisme qui trouvent à s’appliquer pour l’instauration du droit de préemption urbain :

« Les conseils municipaux des communes dotées d’une carte communale approuvée peuvent, en vue de la réalisation d’un équipement ou d’une opération d’aménagement, instituer un droit de préemption dans un ou plusieurs périmètres délimités par la carte. La délibération précise, pour chaque périmètre, l’équipement ou l’opération projetée »

A la lecture de cette disposition, il apparaît que la commune a la possibilité d’instituer un droit de préemption urbain sur une ou plusieurs parcelles déterminées et identifiées de la carte communale.

Cependant, une incertitude demeure dans la jurisprudence administrative.

Dans un arrêt du 12 juin 2015, la Cour administrative d’appel de Marseille juge que :

« Considérant que par une délibération du 8 mars 2011 le conseil municipal d’Aulas, commune dotée d’une carte communale, a institué, sur le fondement de l’article L. 211-1 précité, un droit de préemption en vue d’intervenir dans un périmètre comprenant seize parcelles, dont les parcelles B 1111 et 2340 appartenant à M. A…faisant l’objet de la délibération en litige, pour un aménagement comprenant l’agrandissement d’un jardin public et la réalisation d’une petite structure d’hébergement pour personnes âgées sur des terrains situés en zone constructible de ladite carte communale ; que cette délibération mentionne donc un objet précis dans un périmètre déterminé au sens des dispositions précitées de l’article L. 211-1du code de l’urbanisme ; que, par suite le requérant n’est fondé ni à exciper du défaut de motivation de la délibération précitée du 8 mars 2011, ni à soutenir que la délibération attaquée du 3 février 2012, qui vise et se réfère expressément à la délibération du 8 mars 2011, aurait insuffisamment précisé l’objet en vu duquel la préemption était exercée ni, par suite, qu’elle aurait méconnu les exigences de l’article L. 210-1 du code de l’urbanisme » (C.A.A. Marseille, 12 juin 2015, n°14MA00008).

Pourtant, en 2010, la même cour administrative d’appel de Marseille ne semble pas réticente à une délimitation large et imprécise du périmètre (bien qu’en l’espèce la Cour a confirmé l’annulation de la décision de préemption d’une parcelle) :

« Considérant que, par délibération du 26 février 1990, le conseil municipal de la COMMUNE DE SAINT CLEMENT DE RIVIERE a institué un droit de préemption urbain sur toutes les zones urbaines et d’urbanisation future de la commune ; qu’il ressort des pièces du dossier que cette délibération a été affichée en mairie et a fait l’objet d’une insertion dans le journal Le Midi Libre du 13 avril 1990 ; que la commune n’a pas démontré qu’une seconde publication avait été régulièrement effectuée ; que, dans ces conditions, cette délibération n’est pas devenue exécutoire ; qu’ainsi, la décision de préemption litigieuse du 3 janvier 2005, prise sur le fondement de la délibération du 26 février 1990, est dépourvue de base légale »

En conséquence, et en l’état de la jurisprudence actuelle le simple fait d’instituer un droit de préemption urbain « sur tous les secteurs du territoire communal inscrits en zones constructibles de la carte communale » ne paraît pas contraire à l’article L. 211-1 du code de l’urbanisme.

Jérôme MAUDET

Avocat au Barreau de NANTES