Contentieux administratif : le Conseil d’Etat revient sur les conditions de recevabilité d’un recours indemnitaire
Par un avis du 27 mars 2019, le Conseil d’Etat est venu préciser les conditions d’application de l’article R. 421-1 du code justice administrative relatif aux recours indemnitaires et à la liaison du contentieux.
Rappelons que l’article R.421-1 du Code de justice administrative dispose notamment que :
« Lorsque la requête tend au paiement d’une somme d’argent, elle n’est recevable qu’après l’intervention de la décision prise par l’administration sur une demande préalablement formée devant elle. »
Cette rédaction issue du Décret n°2016-1480 du 2 novembre 2016 semblait imposer aux requérants d’obtenir une décision de la part de l’administration préalablement à l’engagement d’une procédure contentieuse.
La possibilité de régulariser la procédure en cours d’instance issue de la jurisprudence dite « Etablissement Français du Sang » du 11 avril 2008 semblait donc devoir être écartée.
« Considérant qu’aucune fin de non-recevoir tirée du défaut de décision préalable ne peut être opposée à un requérant ayant introduit devant le juge administratif un contentieux indemnitaire à une date où il n’avait présenté aucune demande en ce sens devant l’administration lorsqu’il a formé, postérieurement à l’introduction de son recours juridictionnel, une demande auprès de l’administration sur laquelle le silence gardé par celle-ci a fait naître une décision implicite de rejet avant que le juge de première instance ne statue, et ce quelles que soient les conclusions du mémoire en défense de l’administration ; que lorsque ce mémoire en défense conclut à titre principal, à l’irrecevabilité faute de décision préalable et, à titre subsidiaire seulement, au rejet au fond, ces conclusions font seulement obstacle à ce que le contentieux soit lié par ce mémoire lui-même ; » (CE, 11 avril 2008, n°281374)
Toutefois dans son avis du 27 mars 2019, le Conseil d’Etat a considéré, après avoir rappelé que le défaut de liaison du contentieux était un moyen d’ordre public pouvant être soulevé d’office par le juge administratif, que l’intervention d’une demande indemnitaire en cours de procédure est bien de nature à régulariser la procédure.
« 2. Il résulte de ces dispositions qu’en l’absence de décision de l’administration rejetant une demande formulée devant elle par le requérant ou pour son compte, une requête tendant au versement d’une somme d’argent est irrecevable et peut être rejetée pour ce motif même si, dans son mémoire en défense, l’administration n’a pas soutenu que cette requête était irrecevable, mais seulement que les conclusions du requérant n’étaient pas fondées.
3. En revanche, les termes du second alinéa de l’article R.421-1 du Code de justice administrative n’impliquent pas que la condition de recevabilité de la requête tenant à l’existence d’une décision de l’administration s’apprécie à la date de son introduction. Cette condition doit être regardée comme remplie si, à la date à laquelle le juge statue, l’administration a pris une décision, expresse ou implicite, sur une demande formée devant elle. Par suite l’intervention d’une telle décision en cours d’instance régularise la requête, sans qu’il soit nécessaire que le requérant confirme ses conclusions et alors même que l’administration aurait auparavant opposé une fin de non-recevoir fondée sur l’absence de décision. » (CE Sect. avis 27 mars 2019, n° 426472).
Jérôme MAUDET
Avocat