Articles

Droit de propriété : peut ont faire supprimer une servitude de vue ou un simple jour ?

L’article 676 du Code civil relatif aux jours précise que :

« Le propriétaire d’un mur non mitoyen, joignant immédiatement l’héritage d’autrui, peut pratiquer dans ce mur des jours ou fenêtres à fer maillé et verre dormant.

Ces fenêtres doivent être garnies d’un treillis de fer, dont les mailles auront un décimètre (environ trois pouces huit lignes) d’ouverture au plus, et d’un châssis à verre dormant. »

L’ouverture de jours respectant les dispositions des articles 676 et 677 du Code civil correspond à l’exercice normal du droit de propriété et n’implique aucune prétention de servitude sur le fonds voisin.

L’ouverture d’une fenêtre qui est un simple jour et non pas une vue droite ne peut pas entraîner l’acquisition par prescription d’une servitude de vue.

Le propriétaire du « fonds servant » ne peut, en principe, pas en demander la suppression.

Rien ne lui empêche, en revanche, de bâtir un mur, même à l’extrême limite de votre fonds, en respectant la réglementation et ainsi obstruer les jours ouverts sur son fonds.

S’il s’agit en réalité d’une vue au sens de la jurisprudence, la question est un peu plus délicate.

S’agissant des servitudes de vue, l’article 688 du Code civil dispose en effet que :

« Les servitudes sont ou continues, ou discontinues.

Les servitudes continues sont celles dont l’usage est ou peut être continuel sans avoir besoin du fait actuel de l’homme : tels sont les conduites d’eau, les égouts, les vues et autres de cette espèce.

Les servitudes discontinues sont celles qui ont besoin du fait actuel de l’homme pour être exercées : tels sont les droits de passage, puisage, pacage et autres semblables. »

L’article 689 dispose pour sa part que :

« Les servitudes sont apparentes ou non apparentes.

Les servitudes apparentes sont celles qui s’annoncent par des ouvrages extérieurs, tels qu’une porte, une fenêtre, un aqueduc.

Les servitudes non apparentes sont celles qui n’ont pas de signe extérieur de leur existence, comme, par exemple, la prohibition de bâtir sur un fonds, ou de ne bâtir qu’à une hauteur déterminée. »

L’article 690 précise enfin que :

« Les servitudes continues et apparentes s’acquièrent par titre, ou par la possession de trente ans. »

 S’il n’existe aucune mention dans les titres et que la vue existe depuis moins de 30 ans, la suppression de la vue peut être exigée.

En effet la jurisprudence considère de manière constante, y compris lorsqu’il existe un acte sous-seing privé, (c’est-à-dire une convention prévoyant la création d’une servitude au profit d’une personne et non d’un fonds) qu’une servitude doit être reprise par acte authentique :

« Constitue une condition intrinsèque de validité de la servitude de vue la reprise par acte authentique, pour inscription au livre foncier, de l’acte sous seing privé autorisant la création de vues droites.

La mention de l’acceptation des servitudes existantes dans l’acte de vente d’un immeuble ne saurait régulariser la servitude de vue litigieuse, celle-ci doit donc être supprimée. » (Cour d’appel, COLMAR, Chambre civile 3, 5 Novembre 1990, Numéro JurisData : 1990- 050314)

En l’absence de mention de la servitude dans le titre, l’action du propriétaire du « fonds dominant » ou des éventuels acquéreurs destinée à obtenir le maintien du jour serait difficile à mettre en œuvre.

« L’existence d’une servitude au profit d’un fonds dominant ne peut trouver son fondement que dans le titre du fonds servant. Il peut être suppléé par témoins ou présomptions à l’insuffisance de l’acte invoqué comme titre de servitude lorsqu’il existe un commencement de preuve par écrit. » (CAA Lyon, 15 octobre 2013, N°12/02660).

Jérôme MAUDET

Avocat

Droit pénal de l’urbanisme : arrêté interruptif et contrôle de conformité des travaux réalisés

Lorsqu’il constate une infraction au Code de l’urbanisme, le maire, en sa qualité d’auxiliaire de l’autorité judiciaire, est tenu de dresser un procès verbal et de le transmettre au Procureur de la République afin que celui-ci apprécie de l’opportunité d’engager ou non l’action publique.

A défaut, sa responsabilité est susceptible d’être recherchée pour carence dans l’exercice de ses pouvoirs de police.

Le maire a également compétence pour ordonner l’interruption des travaux en cours de réalisation après avoir constaté l’infraction.

Par un arrêt du 26 juin 2013, le Conseil d’Etat est toutefois venu rappeler que le Maire ne peut pas ordonner l’interruption de travaux pour lesquels il a délivré une autorisation d’urbanisme demeurée en vigueur.

‘ 1. Considérant qu’il ressort des énonciations de l’arrêt attaqué que, par un arrêté du 29 décembre 1999, le maire de Boulogne-Billancourt a délivré à la SCI Danjou une autorisation de démolir une partie des bâtiments situés au 80 rue d’Anjou, en vue de la réalisation d’un projet immobilier ; que, par un autre arrêté du 9 octobre 2000, le maire ne s’est pas opposé à une déclaration de travaux concernant le même terrain ; que, par un arrêté du 26 avril 2001, le maire, agissant cette fois au nom de l’Etat, après qu’il a été dressé procès-verbal d’infraction en application de l’article L. 480-1 du code de l’urbanisme, a ordonné l’interruption des travaux sur le fondement de l’article L. 480-2 du même code, au motif que ceux-ci n’étaient pas conformes aux autorisations d’urbanisme accordées ; qu’il a pris le 27 juin 2001 un nouvel arrêté d’interruption des travaux, alors que le chantier était toujours arrêté ; que les travaux ont repris, après l’obtention par la société requérante par arrêté du 8 septembre 2001 d’un permis de construire ; que, par un arrêt du 1er avril 2005, la cour d’appel de Versailles a jugé que les travaux étaient conformes aux autorisations accordées à la SCI Danjou et a relaxé son gérant des faits d’exécution de travaux non autorisés par un permis de construire ; que, par un jugement du 8 janvier 2009, le tribunal administratif de Versailles a rejeté la demande d’indemnisation présentée par la SCI Danjou du chef des préjudices résultant, selon elle, de l’illégalité de l’arrêté du 26 avril 2001 ; que, par un arrêt du 3 août 2010, contre lequel la SCI Danjou se pourvoit en cassation, la cour administrative de Versailles a confirmé ce jugement ;

2. Considérant qu’aux termes de l’article L. 480-2 du code de l’urbanisme, dans sa rédaction alors en vigueur : ‘ L’interruption des travaux peut être ordonnée soit sur réquisition du ministère public agissant à la requête du maire, du fonctionnaire compétent ou de l’une des associations visées à l’article L. 480-1, soit, même d’office, par le juge d’instruction saisi des poursuites ou par le tribunal correctionnel.(…) ; Dès qu’un procès-verbal relevant l’une des infractions prévues à l’article L. 480-4 a été dressé, le maire peut également, si l’autorité judiciaire ne s’est pas encore prononcée, ordonner par arrêté motivé l’interruption des travaux. Copie de cet arrêté est transmise sans délai au ministère public (…) ‘ ; que l’article L. 480-4 du même code, dans sa rédaction alors en vigueur, dispose que : ‘ L’exécution de travaux ou l’utilisation du sol en méconnaissance des obligations imposées par les titres Ier, II, IV et VI du présent livre, par les règlements pris pour son application ou par les autorisations délivrées en conformité avec leurs dispositions, exception faite des infractions relatives à l’affichage des autorisations ou déclarations concernant des travaux, constructions ou installations, est punie d’une amende comprise entre 8 000 F et un montant qui ne peut excéder, soit, dans le cas de construction d’une surface de plancher, une somme égale à 40 000 F par mètre carré de surface construite, démolie ou rendue inutilisable au sens de l’article L. 430-2, soit, dans les autres cas, un montant de 2 000 000 F. En cas de récidive, outre la peine d’amende ainsi définie un emprisonnement de six mois pourra être prononcé. / Les peines prévues à l’alinéa précédent peuvent être prononcées contre les utilisateurs du sol, les bénéficiaires des travaux, les architectes, les entrepreneurs ou autres personnes responsables de l’exécution desdits travaux (…) ‘ ;

3. Considérant que si le maire, agissant au nom de l’Etat en sa qualité d’auxiliaire de l’autorité judiciaire, peut, en vertu des dispositions du troisième alinéa de l’article L. 480-2 du code de l’urbanisme, interrompre les travaux pour lesquels a été relevée, par procès-verbal dressé en application de l’article L. 480-1 du même code, une infraction mentionnée à l’article L. 480-4, résultant soit de l’exécution de travaux sans les autorisations prescrites par le livre IV du code de l’urbanisme, soit de la méconnaissance des autorisations délivrées, il ne peut légalement prendre un arrêté interruptif pour des travaux exécutés conformément aux autorisations d’urbanisme en vigueur à la date de sa décision et ce même s’il estime que les travaux en cause méconnaissent les règles d’urbanisme et notamment le document local d’urbanisme ; ‘ (CE, 26 juin 2013, N°344331)

Jérôme MAUDET

Avocat