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Collectivités : suspension pour doute sérieux d’un arrêté municipal anti-expulsion

Sans surprise, par ordonnance du 7 septembre 2017, le juge des référés du Tribunal administratif de MONTREUIL a suspendu,  l’arrêté d’un maire par lequel il avait décidé que lors de toute expulsion locative sur le territoire de sa commune, il devra être fourni la justification que le relogement de la personne expulsée et de sa famille dans un logement décent a été assuré.

Selon le juge des référés, le Maire ne peut pas faire usage de ses pouvoirs de police pour se substituer au Préfet en la matière :

« 3. Considérant, d’une part, qu’en vertu des articles L. 2212-1 et L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales, le maire est chargé, sous le contrôle administratif du représentant de l’Etat dans le département, de la police municipale, en vue d’assurer le bon ordre, la sûreté, la sécurité et la salubrité publiques ;

  1. Considérant, d’autre part, qu’aux termes de l’article L. 411-1 du code des procédures civiles d’exécution : « Sauf disposition spéciale, l’expulsion d’un immeuble ou d’un lieu habité ne peut être poursuivie qu’en vertu d’une décision de justice ou d’un procès-verbal de conciliation exécutoire et après signification d’un commandement d’avoir à libérer les locaux » ; que selon l’article L. 153-1 du code des procédures civiles d’exécution : « L’Etat est tenu de prêter son concours à l’exécution des jugements et des autres titres exécutoires. Le refus de l’Etat de prêter son concours ouvre droit à réparation.
  2. Considérant qu’il résulte des dispositions précitées que si le maire de la commune se voit confier, en vertu des articles L. 2212-1 et L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales, des pouvoirs de police générale, en vue du maintien de l’ordre, de la sécurité et de la salubrité publics, il ne peut en user pour faire échec à l’exécution des décisions du représentant de l’Etat dans le département lorsque celui-ci a, en application d’une décision de justice, accordé le concours de la force publique pour qu’il soit procédé à l’expulsion des occupants d’un logement ; qu’il appartient au seul préfet d’apprécier, sous le contrôle du juge, les risques de troubles à l’ordre public consécutifs à la mise en œuvre d’une procédure d’expulsion ; que le maire n’est pas compétent pour apprécier l’existence de ces risques et ne peut exiger que la justification du relogement des personnes expulsées lui soit fournie ; qu’il suit de là que le moyen tiré de l’incompétence du maire pour prendre l’arrêté litigieux apparaît de nature, en l’état de l’instruction, à faire naître un doute sérieux sur la légalité de cet arrêté ; qu’il y a donc lieu de suspendre l’exécution de l’arrêté du 27 mars 2017 du maire de la commune de Villetaneuse ;  » (TA Montreuil, ord., 6 septembre 2017, n° 1707364)

Jérôme MAUDET

Avocat

Collectivités : conditions de retrait ou d’abrogation d’une délibération autorisant une vente

Malgré l’existence d’une délibération du Conseil municipal autorisant le maire ou son adjoint à signer tous les documents et actes nécessaires à l’achat, il est possible pour la collectivité de ne pas aller au bout de la procédure.

Il ressort des dispositions de l’article L. 2122-21 du Code général des collectivités territoriales que

« Sous le contrôle du conseil municipal et sous le contrôle administratif du représentant de l’Etat dans le département, le maire est chargé, d’une manière générale, d’exécuter les décisions du conseil municipal et, en particulier : (…)

De passer dans les mêmes formes les actes de vente, échange, partage, acceptation de dons ou legs, acquisition, transaction, lorsque ces actes ont été autorisés conformément aux dispositions du présent code ; »

Dès lors, il revient au maire d’exécuter la délibération du conseil municipal une fois que celle-ci a été votée.

Cette obligation est toutefois soumise au caractère préparatoire ou non de la délibération en cause.

A titre liminaire, il est donc important de savoir si la délibération constitue un document préparatoire à l’acquisition des parcelles visées.

Si tel est le cas, elle ne sera pas créatrice de droit et pourra être abrogée sans condition particulière.

A l’inverse, si, en raison de sa précision, elle ne peut pas être raisonnablement considérée comme un simple document préparatoire, elle créera des droits au profit du vendeur.

Son retrait ne sera donc possible qu’à certaines conditions.

En effet, la Cour administrative d’appel de Marseille a considéré que :

« Considérant qu’il ressort des pièces du dossier qu’à la suite de la demande de la société Rom par courrier du 22 novembre 2007, le conseil municipal de la COMMUNE DE FONT-ROMEU-ODEILLO-VIA a décidé par délibération du 23 janvier 2008, d’une part, de valider le principe de la vente à M. , en sa qualité de représentant de la société Rom, d’un terrain d’une surface de 758 m², situé sur la parcelle AM n° 25 d’une surface totale de 19 920 m², appartenant au domaine privé de la commune, tel que matérialisé sur un plan annexé à la délibération, après évaluation du service des domaines par courrier du 18 janvier 2008 dans une fourchette allant de 15 à 40 euros le m² , pour un prix fixé en accord avec le pétitionnaire d’un montant de 30 320 euros, et, d’autre part, d’autoriser Monsieur le maire à signer tous actes dont les frais et émoluments seront à la charge exclusive de l’acquéreur ; que cette délibération, prise en accord avec l’acquéreur, définit précisément la chose et le prix, n’est subordonnée à aucune condition et autorise le maire à signer tous les actes nécessaires à sa mise en oeuvre ; que, dans ces conditions, cette délibération ne constitue pas une simple mesure préparatoire mais a créé des droits au profit de la société Rom, alors même qu’elle est rédigée au conditionnel lorsqu’elle relate le rapport fait au conseil municipal, qu’elle n’est pas accompagnée d’un document d’arpentage et qu’elle ne constitue pas une promesse synallagmatique de vente

Considérant que, sous réserve de dispositions législatives ou réglementaires contraires, et hors le cas où il est satisfait à une demande du bénéficiaire, l’administration ne peut retirer une décision individuelle explicite créatrice de droits, si elle est illégale, que dans le délai de quatre mois suivant la prise de cette décision ; que, par suite, les seules circonstances, retenues par la délibération contestée du 22 juillet 2008 portant retrait de la délibération du 23 janvier 2008, tirées, d’une part, de ce que cette dernière délibération n’avait fait l’objet d’aucun commencement d’exécution, aucun acte n’ayant été signé, et, d’autre part, de ce que le nouveau conseil municipal souhaitait conserver la maîtrise foncière des terrains situés dans la zone concernée proche du centre-ville et par voie de conséquence ne souhaitait céder aucun terrain dont la commune avait la pleine propriété, ne sont pas de nature à justifier légalement le retrait de la délibération initiale » (C.A.A. Marseille, 24 janvier 2011, n°10MA00109)

Dans un telle hypothèse, si la collectivité souhaite revenir sur le processus d’acquisition lancé par la délibération, il reviendra au conseil municipal de le retirer ou de l’abroger suivant les conditions fixées par le Code des relations entre le public et l’administration et par la jurisprudence.

Ce formalisme est décisif afin de réduire, autant que faire se peut, les risques d’engagement de responsabilité de la Commune.

Schématiquement, la commune ne peut abroger ou retirer une décision que dans trois hypothèses :

  • LE DELAI DE QUATRE MOIS

Aux termes de l’article L. 242-1 du Code des relations entre le public et l’administration :

« L’administration ne peut abroger ou retirer une décision créatrice de droits de sa propre initiative ou sur la demande d’un tiers que si elle est illégale et si l’abrogation ou le retrait intervient dans le délai de quatre mois suivant la prise de cette décision »

  • L’EXISTENCE D’UNE FRAUDE

La seconde condition ressort de la jurisprudence du Conseil d’Etat en date du 30 mars 2016 laquelle dégage un principe général du droit selon lequel :

« Une décision administrative obtenue par fraude ne crée pas de droits au profit de son titulaire et peut être retirée à tout moment » (C.E., 30 mars 2016, n°395702).

  • LA DEMANDE DU BENEFICIAIRE

Enfin, il ressort des dispositions de l’article L. 242-4 du Code des relations entre le public et l’administration que :

« Sur demande du bénéficiaire de la décision, l’administration peut, selon le cas et sans condition de délai, abroger ou retirer une décision créatrice de droits, même légale, si son retrait ou son abrogation n’est pas susceptible de porter atteinte aux droits des tiers et s’il s’agit de la remplacer par une décision plus favorable au bénéficiaire ».

Le risque contentieux est important puisque la juridiction éventuellement saisie pourrait également considérer que la vente étant parfaite, la collectivité n’était donc pas en mesure de renoncer à la vente:

« 6. Il résulte de ce qui a été dit au point 4 que le conseil municipal de Saint-Amand-les-Eaux ne pouvait légalement à la date à laquelle il a statué par ses deux délibérations du 30 juin 2011, ni  » annuler  » la délibération du 21 décembre 2006 par laquelle il avait exprimé son accord sur la demande d’acquisition des parcelles litigieuses formée par la SARL Bowling du Hainaut au prix que celle-ci proposait ni, par voie de conséquence, dès lors que la commune n’en avait plus la propriété, décider de céder ces mêmes parcelles à la société Cases Investissements. Dès lors, et sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens de la requête, la SARL Bowling du Hainaut et la SARL Bowling de Saint-Amand-les-Eaux sont fondées à soutenir que c’est à tort que le tribunal administratif de Lille a rejeté leurs conclusions tendant à l’annulation des deux délibérations du 30 juin 2011 du conseil municipal de Saint-Amand-les-Eaux. » (CE, 15 mars 2017, n°393407)

 

Jérôme MAUDET

Avocat

Droit pénal de l’urbanisme : que faire en cas de non respect d’un arrêté interruptif de travaux ?

Le fait de poursuivre des travaux malgré la notification d’un arrêté interruptif constitue une infraction au Code de l’urbanisme prévue et réprimée par l’article L.480-3 dudit Code lequel prévoit que :

« En cas de continuation des travaux nonobstant la décision judiciaire ou l’arrêté en ordonnant l’interruption, les personnes visées au deuxième alinéa de l’article L. 480-4 encourent une amende de 75 000 € et une peine de trois mois d’emprisonnement.

Ces peines sont également applicables en cas de continuation des travaux nonobstant la décision de la juridiction administrative prononçant la suspension ou le sursis à exécution de l’autorisation d’urbanisme. »

Sans attendre la décision de la juridiction éventuellement saisie le Maire a la possibilité, si ce n’est le devoir, de faire usage de ses pouvoirs de police pour mettre un terme à la poursuite des travaux.

L’article L.480-2 dispose en effet que :

« Le maire peut prendre toutes mesures de coercition nécessaires pour assurer l’application immédiate de la décision judiciaire ou de son arrêté, en procédant notamment à la saisie des matériaux approvisionnés ou du matériel de chantier.

La saisie et, s’il y a lieu, l’apposition des scellés sont effectuées par l’un des agents visés à l’article L. 480-1 du présent code qui dresse procès-verbal. » 

La pose de scellés peut être effectuée par le Maire ou l’un de ses adjoints ou par tout agent dûment habilité et commissionné à cet effet.

Afin de se constituer la preuve de la pose de scellés, il me semble qu’il est judicieux pour le Maire ou l’agent de se faire accompagner par un huissier lequel dispose d’ailleurs du matériel nécessaire.

Son constat devra ensuite être transmis au Procureur pour information.

Il appartiendra ensuite au destinataire de l’arrêté, s’il s’y estime fondé, de solliciter judiciairement la main levée de l’arrêté interruptif et la dépose des scellés.

L’article L.480-2 précité prévoit en effet que :

« L’autorité judiciaire peut à tout moment, d’office ou à la demande, soit du maire ou du fonctionnaire compétent, soit du bénéficiaire des travaux, se prononcer sur la mainlevée ou le maintien des mesures prises pour assurer l’interruption des travaux. »

S’il venait à procéder à la dépose des scellés sans décision de justice préalable, la commune n’aurait alors qu’à en référer au Procureur lequel ne manquera pas, à mon sens, d’engager l’action publique et de faire montre d’une grande sévérité à son égard.

Jérôme MAUDET

Avocat au barreau de NANTES

 

Opération escargot sur le périphérique de Nantes : Que risquent les participants et organisateurs ?

L’article 11 de la convention européenne des droits de l’homme stipule que :

« 1. Toute personne a droit à la liberté de réunion pacifique et à la liberté d’association, y compris le droit de fonder avec d’autres des syndicats et de s’affilier à des syndicats pour la défense de ses intérêts.

2. L’exercice de ces droits ne peut faire l’objet d’autres restrictions que celles qui, prévues par la loi, constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, à la sécurité nationale, à la sûreté publique, à la défense de l’ordre et à la prévention du crime, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d’autrui. Le présent article n’interdit pas que des restrictions légitimes soient imposées à l’exercice de ces droits par les membres des forces armées, de la police ou de l’administration de l’Etat. »

Précisément l’article L.412-1 du Code de la route prévoit une telle restriction :

 « Le fait, en vue d’entraver ou de gêner la circulation, de placer ou de tenter de placer, sur une voie ouverte à la circulation publique, un objet faisant obstacle au passage des véhicules ou d’employer, ou de tenter d’employer un moyen quelconque pour y mettre obstacle, est puni de deux ans d’emprisonnement et de 4 500 euros d’amende.

Toute personne coupable de l’une des infractions prévues au présent article encourt également la peine complémentaire de suspension, pour une durée de trois ans au plus, du permis de conduire, cette suspension pouvant être limitée à la conduite en dehors de l’activité professionnelle.

Lorsqu’un délit prévu au présent article est commis à l’aide d’un véhicule, l’immobilisation et la mise en fourrière peuvent être prescrites dans les conditions prévues aux articles L. 325-1 à L. 325-3.

Les délits prévus au présent article donnent lieu de plein droit à la réduction de la moitié du nombre maximal de points du permis de conduire. »

Pour le Conseil d’Etat la participation à une manifestation sur la voie publique au moyen d’un véhicule dans le but d’entraver la circulation est suffisante pour caractériser l’infraction :

« Considérant qu’aux termes de l’article L. 7 du code de la route : « Quiconque aura, en vue d’entraver ou de gêner la circulation, placé ou tenté de placer, sur une voie ouverte à la circulation publique, un objet faisant obstacle au passage des véhicules ou qui aura employé ou tenté d’employer un moyen quelconque pour y mettre obstacle, sera puni d’un emprisonnement de trois mois à deux ans et d’une amende de 1.000 à 20.000 F ou de l’une de ces deux peines seulement. » ; qu’aux termes de l’article L. 14 dudit code : « La suspension du permis de conduire pendant trois ans au plus peut être ordonnée par le jugement, en cas de condamnation prononcée à l’occasion de la conduite d’un véhicule pour l’une des infractions suivantes : 1° Infractions prévues par les articles L. 1° à L. 4, L. 7, L. 9 et L. 19 du présent code ; qu’aux termes de l’article L. 18 dudit code : « Saisi d’un procès-verbal constatant une des infractions visées à l’article L. 14, le préfet du département dans lequel cette infraction a été commise peut, s’il n’estime pas devoir procéder au classement, prononcer à titre provisoire, soit un avertissement, soit la suspension du permis de conduire ou l’interdiction de sa délivrance lorsque le conducteur n’en est pas titulaire. » ;

Considérant qu’il résulte des pièces du dossier que les requérants ont participé le 30 juin 1989 à une opération organisée par les chauffeurs de taxis de Lyon sur l’autoroute A.7 et destinée à mettre obstacle à la circulation sur cette voie ; que, dès lors, c’est à tort que, pour annuler les décisions de suspension du permis de conduire de MM. X…, Durand, Umatte, Rosa Y…, Mattachiom et Mayet, le tribunal administratif de Lyon s’est fondé sur la circonstance que les infractions constatées n’entraient pas dans le champ d’application des articles L. 7 et L. 14 du code de la route ; » (CE 7 octobre 1994, n°116427.)

La Cour européenne des droits de l’Homme dans une décision du 5 mars 2009 a d’ailleurs estimé que cette législation, compte tenu du but d’intérêt général poursuivi, ne constitue pas une ingérence disproportionnée au regard des principes de liberté d’expression et de manifester (CEDH 5 mars 2009, n° 31684/05).

Jérôme MAUDET

Avocat au barreau de Nantes

Collectivités : vente de biens privés et mise en concurrence

Par un arrêt du 19 mars 2002, la Cour administrative d’appel de Bordeaux a déjà admis la validité d’une vente qui prévoyait la construction d’un ensemble immobilier devant ensuite faire l’objet d’une division dont un lot devait revenir à la commune :

« Considérant que, par délibération du 16 décembre 1988, le conseil de communauté de la COMMUNAUTE URBAINE DE BORDEAUX a autorisé son président à signer avec la S.A.R.L. Porte de Bordeaux un contrat par lequel cette société construirait et vendrait à la COMMUNAUTE URBAINE DE BORDEAUX, dans les conditions prévues à l’article 1601-3 du code civil, 714 places de stationnement ;

Considérant qu’il ressort des pièces du dossier, que si ce contrat tendait à la réalisation d’un parc public de stationnement, il n’avait pas pour objet la construction d’un immeuble que la COMMUNAUTE URBAINE DE BORDEAUX aurait conçu en fonction de ses besoins propres et selon des caractéristiques qu’elle aurait elle-même définies ; que la vente ne concernait qu’une partie d’un ensemble immobilier sur l’édification duquel la COMMUNAUTE URBAINE DE BORDEAUX n’exerçait aucun contrôle ni surveillance particulière, la S.A.R.L. Porte de Bordeaux étant maître de l’ouvrage ; qu’il suit de là que la COMMUNAUTE URBAINE DE BORDEAUX est fondée à soutenir que c’est à tort que, pour rejeter son action en responsabilité décennale, le tribunal administratif de Bordeaux a considéré que le contrat litigieux constituait un marché de travaux publics irrégulièrement conclu ;

Considérant qu’il résulte de ce qui précède que le contrat conclu entre la S.A.R.L. Porte de Bordeaux et la société Spie Sud-Ouest le 26 janvier 1989 pour la construction du parc de stationnement litigieux est un marché de travaux privés ; que la circonstance que le droit d’exercer l’action en garantie décennale ait été transmis à la COMMUNAUTE URBAINE DE BORDEAUX en vertu de l’article 1601- 3 du code civil après la réception de l’ouvrage ne saurait avoir pour effet de modifier la nature juridique de ces travaux dont la juridiction judiciaire peut seule connaître ; que par suite la demande de la COMMUNAUTE URBAINE DE BORDEAUX enregistrée au greffe du tribunal administratif de Bordeaux le 28 mai 1993 doit être rejetée comme portée devant une juridiction incompétente pour en connaître ; » (CAA Bordeaux 19 mars 2002, Cté urbaine de Bordeaux, req. n°97BX01384).

La Cour de justice de l’Union européenne tempère toutefois ce principe et considère qu’une convention peut être qualifiée de marché public de travaux si le contrat prévoit une implication de la personne publique ou répond à un besoin autre que la simple vente. (CJCE 25 mars 2010, Helmut Müller GmbH, aff. C-451/08).

En substance,  les ventes qui ne sont pas exclusivement destinées à céder un bien du domaine privé doivent être précédées d’une mise en concurrence.

La commune doit donc garder à l’esprit qu’il existe un risque de qualification dès lors que la commune souhaite être associée au moins indirectement à la réalisation du projet et qu’elle a vocation à acquérir un ou plusieurs lots in fine.

S’agissant des ventes réalisées par les collectivités, il n’est pas anodin de rappeler que la loi prévoit que les actes des personnes publiques peuvent être reçus par les notaires mais également par les maires ou présidents de conseil départemental voire le préfet également officiers publics. 

En pratique, l’acte authentique peut donc prendre la forme d’un acte administratif dont le coût peut s’avérer bien plus intéressant pour l’acquéreur tout en présentant les mêmes garanties.

Jérôme MAUDET

Avocat

Permis de construire : la fraude corrompt tout

Fraus omnia corrumpit.

Tout acte obtenu par fraude peut être retiré ou abrogé sans condition de délai (CE, 13 juin 2003, préfet Jura c/ Cattin N° 250503).

L’Administration est tenue de prononcer le retrait de sa décision :

« Le permis de construire litigieux a été obtenu à la suite de manoeuvres frauduleuses de son titulaire. Ainsi, il n’a pu créer de droits à son profit. Par suite, le maire saisi de la demande du requérant, même si celle-ci avait été présentée après l’expiration du délai de recours contentieux à l’encontre dudit permis, était tenu d’en prononcer le retrait. Par conséquent, il y a lieu d’annuler la décision implicite du maire refusant de retirer son arrêté du 8 août 1988. » (CAA Marseille, 1er juill. 1999, Morisson : JurisData n° 1999-111062).

L’appréciation de l’existence d’une fraude ayant conduit à l’obtention d’une décision relève de l’appréciation souveraine des juges du fond.

Le juge administratif entend assez largement la notion de fraude.

Il n’en demeure pas moins que la fraude doit être prouvée :

« En l’espèce, l’allocation pouvait être attribuée pour les 120 salariés d’un établissement licenciés pour motif économique et âgés de moins de cinquante-six ans et deux mois. Cette allocation été supprimée à un salarié algérien qui, pour obtenir du tribunal algérien de première instance la rectification de sa date de naissance uniquement dans le but d’obtenir le bénéfice de l’allocation litigieuse. Les radiographies effectuées révèlent que son âge se situe, sans certitude aux alentours de cinquante et un ou cinquante neuf ans, et vraisemblablement aux alentours de la soixantaine plutôt que de la cinquantaine. La fraude alléguée par l’administration n’est donc pas établie et ne pouvait justifier l’interruption du versement de l’allocation en cause. La décision du ministre rejetant le recours gracieux de l’intéressé est donc annulée. » (CAA Nantes, 29 juin 2001, Zoubairi : JurisData n°2001-175157)

 

 

Urbanisme : illégalité formelle, compétence liée ou pouvoir d’appréciation

Un décision administrative doit respecter un certain formalisme faute de quoi celle-ci est illégale.

A titre d’exemple, en application de l’article 4 de la loi du 12 avril 2000 toute décision doit porter mention du nom et du prénom son auteur :

« Dans ses relations avec l’une des autorités administratives mentionnées à l’article 1er, toute personne a le droit de connaître le prénom, le nom, la qualité et l’adresse administratives de l’agent chargé d’instruire sa demande ou de traiter l’affaire qui la concerne ; ces éléments figurent sur les correspondances qui lui sont adressées. Si des motifs intéressant la sécurité publique ou la sécurité des personnes le justifient, l’anonymat de l’agent est respecté.

Toute décision prise par l’une des autorités administratives mentionnées à l’article 1er comporte, outre la signature de son auteur, la mention, en caractères lisibles, du prénom, du nom et de la qualité de celui-ci. »

Ainsi, lorsque l’auteur de l’acte omet de mentionner ses nom et prénom la décision encourt l’annulation.

Encore faut-il qu’il existe une ambiguïté :

« 4. Considérant, au surplus, qu’aux termes de la loi du 12 avril 2000 susvisée :  » (…) Toute décision prise par l’une des autorités administratives mentionnées à l’article 1er comporte, outre la signature de son auteur, la mention, en caractères lisibles, du prénom, du nom et de la qualité de celui-ci.  » ; que si la société  » LC Appro  » soutient que l’arrêté litigieux ne mentionne pas, en méconnaissance de ces dispositions, le nom et le prénom du maire d’Aubagne, il comporte sa qualité et sa signature ; qu’en l’espèce, il n’en résultait pour la société requérante aucune ambiguïté quant à l’identité du signataire de cet acte ; » (CAA MARSEILLE, 7 Novembre 2014, N°13MA00761).

Par ailleurs, le moyen tiré de l’irrégularité formelle de l’acte attaqué est insusceptible de prospérer si l’auteur de l’acte se trouvait dans le cadre d’une compétence liée.

Le juge administratif considère en effet, que lorsque l’administration n’a d’autre choix que de prendre une décision dans un sens donné, il ne saurait lui être reprochée une quelconque illégalité formelle.

Encore faut-il que l’auteur de l’acte n’ait aucune marge d’appréciation.

C’est ce qu’est venue rappeler la Cour d’appel de Marseille dans un arrêt du 13 mars 2015 :

« 8. Considérant qu’il est constant que l’arrêté de refus de permis de construire du 14 avril 2011, qui doit être regardé comme portant retrait d’un permis de construire tacite, n’a pas été précédé de la mise en oeuvre de la procédure contradictoire prescrite par les dispositions précitées de la loi du 12 avril 2000, laquelle a le caractère d’une garantie dont la société requérante a été effectivement privée ; que si le tribunal administratif de Montpellier a relevé que le maire était tenu de retirer le permis de construire illégalement délivré, il ressort toutefois des pièces du dossier que le maire était nécessairement conduit, pour relever l’éventuelle illégalité du permis en litige, à porter une appréciation sur les faits de l’espèce, notamment sur la question de savoir si le projet d’extension était conforme aux exigences des dispositions du plan local d’urbanisme local applicables en zone agricole, où le projet est implanté ; qu’ainsi, contrairement à ce que les premiers juges ont estimé, le maire n’était pas en situation de compétence liée pour retirer le permis tacite et le moyen d’irrégularité de la procédure n’est, par suite, pas inopérant ; » (Cour administrative d’appel MARSEILLE Chambre 9, 13 Mars 2015 , N°13MA02884).

Jérôme MAUDET

Avocat au barreau de Nantes

 

Droit pénal de l’urbanisme : délais de transmission des procès-verbaux

Les infractions au Code de l’urbanisme doivent être constatées par un agent assermenté dûment habilité à cet effet.

En principe, le Procès-Verbal d’infraction doit être transmis au Parquet avant l’expiration d’un délai de 3 jours.

L’article 29 du Code de procédure pénale dispose en effet que :

« Les gardes particuliers assermentés constatent par procès-verbaux tous délits et contraventions portant atteinte aux propriétés dont ils ont la garde.

Les procès-verbaux sont remis ou envoyés par lettre recommandée directement au procureur de la République. Cet envoi doit avoir lieu, à peine de nullité, dans les trois jours au plus tard, y compris celui où ils ont constaté le fait, objet de leur procès-verbal. »

Le non-respect de ces délais de 3 jours est toutefois apprécié avec bienveillance par le juge judiciaire en application de l’adage « pas de nullité sans grief » :

« Attendu que, pour rejeter l’exception tirée de la nullité du procès-verbal de constat du 13 septembre 2007, l’arrêt retient notamment que la nullité prévue par l’article 29 du code de procédure pénale, qui n’est pas une nullité d’ordre public, ni une nullité résultant de la violation des droits de la défense, ne fait pas grief aux prévenus dès lors qu’ils ne sont pas directement lésés, ni même concernés par cette irrégularité relative au délai de transmission de la procédure au procureur de la République, et qu’il n’est d’ailleurs pas allégué par les appelants que l’inobservation de ce délai ait porté atteinte à leurs intérêts ; » (Cass. Crim. 7 décembre 2010. N° de pourvoi: 10-81729)

Il n’en demeure pas moins préférable de respecter le délai de 3 jours pour éviter tout débat inutile sur ce point.

Jérôme MAUDET

Avocat

Collectivités : une commune peut-elle déroger à l’avis des domaines dans le cadre d’une vente immobilière ?

France-Domaine a remplacé le service des Domaines depuis 2006.

Ce service est sous l’autorité du préfet et sous la responsabilité du trésorier payeur général. France-Domaine est appelée à émettre des avis sur la valeur vénale ou locative des biens immobiliers en cas d’acquisition, de location ou de vente.

La consultation du service des domaines est obligatoire pour les projets d’acquisitions d’immeubles ou de droits réels immobiliers ainsi que pour les prises à bail dès lors que l’opération projetée dépasse un certain seuil.

D’autre part, l’article L. 2241-1 du Code général des collectivités territoriales précise les conditions dans lesquelles le service des domaines doit être consulté en matière d’aliénation d’un bien immobilier de la commune :

« Le conseil municipal délibère sur la gestion des biens et les opérations immobilières effectuées par la commune, sous réserve, s’il s’agit de biens appartenant à une section de commune, des dispositions des articles L. 2411-1 à L. 2411-19.

Le bilan des acquisitions et cessions opérées sur le territoire d’une commune de plus de 2 000 habitants par celle-ci, ou par une personne publique ou privée agissant dans le cadre d’une convention avec cette commune, donne lieu chaque année à une délibération du conseil municipal. Ce bilan est annexé au compte administratif de la commune.

Toute cession d’immeubles ou de droits réels immobiliers par une commune de plus de 2 000 habitants donne lieu à délibération motivée du conseil municipal portant sur les conditions de la vente et ses caractéristiques essentielles. Le conseil municipal délibère au vue de l’avis de l’autorité compétente de l’Etat. Cet avis est réputé donné à l’issue d’un délai d’un mois à compter de la saisine de cette autorité. »

L’avis des domaines est un avis simple.

La commune dispose en effet d’une marge d’appréciation pour fixer le prix.

Voir notamment en ce sens une réponse du Ministère de l’économie, des finances et de l’industrie publiée dans le JO Sénat du 13/01/2005 :

« La consultation du service des domaines par les collectivités territoriales, et notamment les communes, est essentiellement régie par deux dispositions.

D’une part, l’article 23 de la loi n°2001-1168 du 11 décembre 2001 portant mesures urgentes de réformes à caractère économique et financier (Journal officiel du 12 décembre 2001, page 19703) dispose que les projets d’acquisitions d’immeubles ou de droits réels immobiliers par les collectivités territoriales et les personnes qui en dépendent, ainsi que les prises à bail, doivent être précédés, avant toute entente amiable, d’une demande d’avis du directeur des services fiscaux dès lors que l’opération projetée dépasse un certain seuil fixé par l’autorité administrative compétente.

En outre, les acquisitions poursuivies par voie d’expropriation pour cause d’utilité publique doivent être également précédées d’un avis du directeur des services fiscaux sans montant minimum.

Ces seuils ont été fixés respectivement à 75 000 euros en valeur vénale pour les projets d’acquisition et à 12 000 euros de loyer annuel, charges comprises, pour les prises à bail, par l’arrêté du 17 décembre 2001 publié au Journal officiel du 1er janvier 2002.

Pour les collectivités territoriales et les personnes qui en dépendent, ces dispositions se substituent à celles du décret n° 86-455 du 14 mars 1986.

La simple obligation de délibérer au vu de l’avis du service domanial remplace désormais la décision expresse de passer outre naguère exigée des consultants qui entendaient, le cas échéant, poursuivre l’opération en retenant des conditions financières supérieures à l’évaluation domaniale.

D’autre part, l’article 11 de la loi n° 95-127 du 8 février 1995, relative aux marchés publics et délégation de services publics, dispose que toute cession d’immeubles ou de droits réels immobiliers par une commune de plus de 2 000 habitants donne lieu à délibération motivée du conseil municipal portant sur les conditions de la vente et ses caractéristiques essentielles.

Le conseil municipal délibère au vu de l’avis du service des domaines.

En revanche, il n’existe pas de seuil minimum de consultation ni de procédure de passer outre.

La commune peut procéder à une cession en retenant un prix différent de la valeur déterminée par le service des domaines mais la motivation de la délibération doit, notamment, porter sur le prix. »

L’avis du service des Domaines ne lie donc pas la collectivité, qui peut toujours en vertu du principe de libre administration, décider de passer outre (TA Montpellier, 28 nov. 2001, n° 971709, Assoc. Saint-Cyprien ma ville).

L’avis rendu par France Domaine est en effet un avis simple ce qui implique que la collectivité peut procéder à une cession en retenant un prix différent de celui qui résulte de l’évaluation domaniale.

L’évaluation des Domaines sert toutefois de point d’appui aux contrôles qu’exercent le Préfet, le juge des comptes et les juridictions administratives sur les opérations de vente.

La juridiction administrative éventuellement saisie vérifiera ainsi à partir de l’avis de France Domaine si le prix fixé par la délibération ne révèle pas une erreur manifeste d’appréciation de la commune:

Le Conseil d’Etat a ainsi annulé une vente consentie à un prix très inférieur au prix fixé par le service domaines.

« Considérant qu’après avoir relevé que la commune de Courtenay n’entendait pas soutenir qu’elle avait entendu consentir à l’acquéreur du bien une aide indirecte sur le fondement des dispositions de l’article L. 1511-3 du code général des collectivités territoriales , la cour a, par une appréciation souveraine exempte de dénaturation, constaté que la dernière évaluation du service des domaines, ramenant la valeur vénale du bien à une somme comprise entre 710 000 euros et 770 000 euros, avait pris en compte la circonstance que la commune n’avait pas réalisé certains travaux de rénovation, alors que le prix de cession de ce bien avait été fixé par la délibération du 29 avril 2002 du conseil municipal à 533 571 euros ; que c’est sans erreur de droit que la cour en a déduit, par un arrêt suffisamment motivé, que cette vente consentie à un prix très inférieur à l’estimation du service des domaines, dont elle a jugé par une appréciation souveraine qu’il correspondait à la valeur vénale de l’immeuble, avait été illégalement décidée ; que, par suite, la commune de Courtenay n’est pas fondée à demander l’annulation de l’arrêt attaqué en tant qu’il statue sur la légalité de sa délibération ; » (CE, 8e et 3e ss-sect., 25 sept. 2009, n° 298918, Cne de Courtenay : JurisData n° 2009-009520)

Il résulte de ce qui précède que si la collectivité n’est pas liée par l’avis, elle ne saurait l’ignorer totalement pour s’en éloigner de manière trop conséquente sous peine d’encourir une annulation de l’acte autorisant la vente pour erreur manifeste d’appréciation.

En tout état de cause, la loi impose une délibération « portant sur les conditions de la vente et les caractéristiques essentielles ».

La motivation de cette délibération devra porter sur la décision de céder, le prix, le choix de l’acquéreur et les droits et obligations respectives du cédant et du cessionnaire.

Devront également figurer dans la délibération les conditions et caractéristiques essentielles de la cession ou de la situation physique de l’immeuble.

Jérôme MAUDET

Collectivités territoriales : Obligations du maire en matière de police du bruit

Au titre de ses pouvoirs de police générale, le maire a l’obligation d’assurer le bon ordre, la tranquillité et la salubrité publiques.

Selon la jurisprudence, il s’agit d’une obligation de moyen qui impose à l’autorité de police administrative de tout mettre en oeuvre pour garantir ou rétablir l’ordre public par des dispositions matérielles de nature à faire cesser les troubles invoqués.

Livrée à l’appréciation du juge, cette obligation s’apprécie, notamment, en fonction de la taille de la collectivité.

Cette obligation est satisfaite lorsque l’autorité a édicté des « mesures appropriées » à une situation :

« Considérant qu’il résulte de l’instruction que les manifestations organisées dans le foyer rural situé à proximité immédiate de la maison de M. Lagrange à Montcourt-Fromonville (Seine-et-Marne) ont, à de nombreuses reprises au cours des années 1978 et 1979, entraîné des bruits de nature, en raison de leur caractère excessif et du fait qu’ils se sont prolongés tard dans la nuit, à porter gravement atteinte à la tranquillité et au repos nocturne de l’intéressé ; que les autorités de police municipale, informées de cette situation par les plaintes de M. Lagrange, n’ont pas pris les mesures appropriées pour mettre fin aux troubles qui en résultaient ; que, dans les circonstances de l’espèce, leur carence a présenté le caractère d’une faute lourde de nature à engager la responsabilité de la commune ; qu’en fixant à 10 000 F le montant de l’indemnité due à ce titre à M. Lagrange les premiers juges ont fait une exacte appréciation du préjudice subi par l’intéressé ;

que les mesures prises par le maire à la suite du jugement du tribunal administratif ont eu pour effet de faire cesser à partir de 22 heures les bruits provenant du foyer communal ; que M. Lagrange n’est ainsi pas fondé à soutenir, par des conclusions incidentes, que son préjudice se serait aggravé depuis le jugement du tribunal administratif ; que, par suite, tant les conclusions de la requête de la commune que les conclusions incidentes de M. Lagrange tendant à une augmentation des sommes qui lui ont été allouées par les premiers juges doivent être rejetées » (CE, 17 mars 1989, Commune de Montcourt-Fromonville, Rec. 1989 p.513 et 914.)

Les mesures de police doivent être adaptées et proportionnées aux risques de trouble à l’ordre public.

Aussi, l’illégalité du refus d’agir s’apprécie à la lumière de la gravité du péril et n’est constatée que si l’autorité n’ordonne pas les « mesures indispensables » :

« Considérant que le refus opposé par un maire à une demande tendant à ce qu’il fasse usage des pouvoirs de police que lui confère le code des communes n’est entaché d’illégalité que dans le cas où, en raison de la gravité du péril résultant d’une situation particulièrement dangereuse pour le bon ordre, la sécurité ou la salubrité publique, cette autorité, en n’ordonnant pas les mesures indispensables pour faire cesser ce péril grave, méconnaît ses obligations légales ; « CE, 19 avril 1989, Kerlo, RDP 1990 p.911, DA 1989 comm. n° 292 ».

La jurisprudence distingue ainsi deux obligations pesant sur les communes dans l’exercice de ses pouvoirs de police par le maire :

 » si les mesures édictées puis exécutées de ce chef n’ont pu empêcher que des dommages surviennent au printemps de l’année 1985 aux cultures de M. DELAVALLADE, la commune ne peut être pour autant regardée comme ayant commis une faute simple, au regard de la finalité de la police municipale, dans l’édiction de mesures appropriées aux « événements fâcheux » qui pourraient être occasionnés par la divagation de pigeons ou une faute lourde dans l’exécution de ces mesures ; » (CE section, 4 décembre 1995, DELEVALLADE, n°133880).

Il pèse donc sur les communes une obligation de résultat relevant du régime de la faute simple pour ce qui concerne l’obligation d’édicter des mesures juridiques.

Les collectivités ont, en revanche, une simple obligation de moyen relevant du régime de la faute lourde quant à la prise de mesures matérielles pour exécuter ces mesures de réglementation.

Il résulte en effet d’une jurisprudence constante que seule une faute lourde est de nature à engager la responsabilité d’une commune en matière de tranquillité publique :

« Considérant que Mme VIRMAUX recherche la responsabilité de la ville de Paris à raison des troubles dans ses conditions d’existence subis en 1978 et 1979 et de la dépréciation de son appartement sis 251 rue Saint-Denis à Paris, résultant de la présence de prostituées et de proxénètes sur la voie publique à proximité de l’entrée de son immeuble;

Considérant que la responsabilité ainsi recherchée ne peut être engagée que s’il peut être relevé une faute lourde à l’encontre des services de police dépendant de la préfecture de police dans l’exercice de leur mission tendant à réprimer les atteintes à la tranquillité publique ;

Considérant qu’il résulte de l’instruction qu’en 1978 et 1979, les services de police ont procédé à un grand nombre d’interpellations dans la rue Saint-Denis et spécialement aux abords immédiats de l’immeuble de Mme VIRMAUX, dans lesquels, à la suite des doléances de celle-ci, il a été procédé à une surveillance particulière ; qu’en exerçant ces actions, alors même qu’elles n’ont pas suffi à supprimer toute activité de racolage, les services de la préfecture de police n’ont commis aucune faute lourde ; que, dès lors, Mme VIRMAUX n’est pas fondée à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a rejeté sa demande d’indemnité » (CE, 8 avril 1987, Virmaux c/ Ville de Paris, Rec. 1987 p.140)

Et, en particulier, en matière de nuisances nocturnes dues à un débit de boisson :

« Considérant, d’une part, qu’il incombait au maire de Vaux-Sur-Mer, en charge en vertu de l’article 97 du Code de l’administration communale, de la police municipale et de l’exécution des actes de l’autorité supérieure qui y sont relatifs de prendre les mesures appropriées pour empêcher sur le territoire de sa commune, les bruits excessifs de nature à troubler le repos et la tranquillité des habitants et d’assurer l’observation de la réglementation édictée à cet effet et résultant notamment de l’arrêté du préfet de la CHARENTE-MARITIME, en date du 21 MARS 1960, modifié par les arrêtés des 28 mars 1961 et 22 avril 1963. Que s’il est constant que l’exploitation de l’établissement dénommé « Love-Love » sur la plage de Nauzan, dans le voisinage de la villa dont le sieur Latty est propriétaire indivis sur le territoire de la commune a, en raison du bruit qu’elle a provoqué notamment au cours des mois de juillet et août 1972, porté atteinte à la tranquillité et au repos nocturne du sieur Latty, il ne résulte pas de l’instruction que l’insuffisance des mesures prises par le maire pour assurer le respect de la réglementation préfectorale par l’exploitante de l’établissement qui bénéficiait d’une autorisation d’ouverture jusqu’à 4 heures du matin délivrée par l’autorité préfectorale, ait eu, dans les circonstances de l’espèce, le caractère d’une faute lourde de nature à engager la responsabilité de la commune » (CE, 23 juin 1976, Latty c/ Commune de Vaux-sur-Mer, RDP 1997 p.865).

Jérôme MAUDET

avocat au barreau de Nantes