Droit des collectivités : subventions et conseillers municipaux intéressés

Il est souvent délicat de distinguer l’intérêt de la commune dans son ensemble et l’intérêt personnel de un ou plusieurs élus.

Cette difficulté, est renforcée par le fait que la jurisprudence administrative n’a jamais dégagé de définition précise de la notion d’intérêt personnel à l’affaire.

L’article L.2131-11 du Code général des collectivités territoriales dispose que :

« sont illégales les délibérations auxquelles ont pris part un ou plusieurs membres du conseil intéressés à l’affaire qui en fait l’objet, soit en leur nom personnel, soit comme mandataires ».

Le Conseil d’Etat considère de manière générale que l’intérêt à l’affaire existe dès lors qu’il ne se confond pas avec « les intérêts de la généralité des habitants de la commune » (CE, 16 décembre 1994, req. n°145370).

Cependant, la simple présence du conseiller municipal ne suffit pas à remettre en cause la légalité de la délibération du conseil municipal.

Le juge administratif vérifie si la participation de l’élu a été de nature à lui permettre d’exercer une influence sur le résultat du vote.

L’existence d’une influence de l’élu sur le résultat du vote fait l’objet d’une appréciation par le juge administratif au regard du cas d’espèce.

L’influence effective sur le résultat du vote est appréciée souplement par la jurisprudence.

Voir en ce sens pour une illustration récente :

« Sur le moyen tiré de la participation au vote d’un conseiller municipal intéressé : 

  1. Considérant qu’aux termes de l’article L. 2131-11 du code général des collectivités territoriales :  » Sont illégales les délibérations auxquelles ont pris part un ou plusieurs membres du conseil intéressés à l’affaire qui en fait l’objet, soit en leur nom personnel, soit comme mandataires  » ; 
  2. Considérant qu’à supposer même que l’un des conseillers municipaux ayant participé à l’adoption de la délibération attaquée aurait été personnellement intéressé au classement de parcelles lui appartenant, cette circonstance est restée sans influence sur le classement des parcelles appartenant aux requérants ; que, par suite, le moyen fondé sur les dispositions de l’article L. 2131-11 du code général des collectivités territoriales doit être écarté ; » (CAA DOUAI, 5 mars 2015, N°13DA02153)

Il faut donc que l’influence de l’élu intéressé ait été effective, c’est-à-dire que sa participation ait été de nature à exercer une influence décisive sur le résultat du vote.

S’agissant de l’intérêt personnel des élus à l’affaire, l’article L.2123-11 précité prohibe la participation au vote d’un élu qui pourrait être directement intéressé par la délibération.

Il est préférable que le conseiller municipal membre actif d’une association ne peut puisse participer à une délibération la concernant. Cette affirmation doit toutefois être nuancée :

« Considérant qu’aux termes de l’article L.2131-11 du code général des collectivités territoriales : Sont illégales les délibérations auxquelles ont pris part un ou plusieurs membres du conseil intéressés à l’affaire qui en fait l’objet, soit en leur nom personnel, soit comme mandataires. ; que cependant, dès lors que l’association dont s’agit présente un intérêt communal, et que ses membres ne peuvent en retirer aucun bénéfice personnel, la circonstance que le maire de la commune en soit le président et que plusieurs conseillers municipaux fassent partie de son conseil d’administration n’est pas de nature à les faire regarder comme étant intéressés au sens des dispositions précitées ; » (CAA MARSEILLE, 16 septembre 2003, n°99MA01085).

Par ailleurs, le lien de parenté de l’élu ou du conseiller avec des personnes intéressées n’est pas, à lui seul, de nature à établir l’existence d’un intérêt personnel :

« 5. Considérant, (…) que si M. Ducros de Lafarge de Romefort fait état de ce que la belle-soeur et les neveux et nièces de Mme C…conseillère municipale, sont propriétaires en indivision du bien dont l’acquisition fait l’objet des délibérations litigieuses et que l’époux de cette dernière serait notoirement attaché à la réalisation du projet d’ouverture d’un bar, il ne ressort pas des pièces du dossier, que Mme C…aurait influencé le vote du conseil municipal ; qu’en tout état de cause, l’existence d’un lien de parenté avec une personne dont les intérêts sont concernés par l’objet d’une délibération ne suffit pas, à elle seule, à faire regarder un conseiller municipal comme personnellement intéressé à l’affaire dont il est délibéré par le conseil municipal, au sens des dispositions précitées du code général des collectivités territoriales ; que, dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions doit être écarté ; » (CAA LYON, 11 Juillet 2013, N° 12LY01336).

Toutefois, l’existence d’un lien de famille entre l’un des architectes désignés pour l’élaboration du POS et le maire a ainsi pu être interprétée comme étant constitutive d’un intérêt personnel de ce dernier (CE, 10 juin 1992, n° 94644).

Jérôme MAUDET

Avocat au barreau de NANTES

Trouble du voisinage : perte de vue et d’ensoleillement

La construction d’une extension crée généralement des désagréments aux voisins déjà installés sur place.

Ces désagréments s’ils sont constitutifs d’un trouble ne sont pas, pour autant, constitutifs d’un trouble anormal du voisinage.

La Cour d’appel de MONTPELLIER a d’ailleurs estimé que l’obstruction d’une vue, à la supposer même « imprenable », ne constitue pas, à elle seule, un trouble anormal de voisinage :

« la vue dont jouit un propriétaire depuis sa maison n’est pas un droit susceptible en lui-même de protection tant qu’il n’y a pas de troubles dépassant l’inconvénient normal de voisinage.

Ainsi, en achetant un chalet implanté sur le lot No33 du « Lotissement du Lac», Les consorts Y… ne pouvaient ignorer que la « vue exceptionnelle sur le lac de MATEMALE et sur les Pyrénées » dont ils jouissaient n’était nullement garantie, et constituait un avantage précaire qui cesserait tôt ou tard lorsqu’une construction serait édifiée sur la parcelle voisine encore non bâtie du même lotissement, le fait que leur maison ait été édifiée en premier ne leur conférant aucune prééminence, aucun droit de s’opposer à des constructions ultérieures sur les fonds voisins.

En d’autres termes, la perte d’agrément – voire même de 25 % de la valeur de leur bien ainsi qu’ils le prétendent – pouvant résulter de la réduction de la vue causée par l’implantation du nouvel immeuble, ne peut être considérée en soi comme un trouble anormal ou excessif, dans la mesure où elle ne procède que de l’exercice du droit légitime du propriétaire voisin de construire dans le respect des règles en vigueur, sauf aux époux Y… à rapporter la preuve de circonstances particulières démontrant un abus de ce droit, générateur de troubles excédant les inconvénients normaux du voisinage.

Or force est de constater qu’ils se bornent à faire valoir que leur vue s’arrête désormais à la façade de ce bâtiment qui masque le panorama, mais n’apportent aucun élément concret permettant de démontrer que ce trouble présente un caractère anormal ni que l’immeuble n’a pas été édifié conformément au permis de construire et aux prescriptions d’urbanisme. Au contraire, les photographies produites révèlent que la construction qui les prive en partie de la vue sur le lac n’est pas un bâtiment particulièrement inesthétique, ou encore d’une hauteur de nature à générer un sentiment d’enfermement, mais un chalet en bois d’un étage de belle facture apparente, dans le style du pays.

Ne rapportant pas dès lors la preuve de l’existence des troubles anormaux de voisinage qu’ils invoquent, les consorts Y… seront en conséquence déboutés de toutes leurs demandes. »  (CA MONTPELLIER, 3 juin 2008, N°07/4081).

S’agissant de la perte d’ensoleillement, la jurisprudence a coutume de rappeler que les avantages dont bénéficie un propriétaire, tels qu’une vue dégagée ou un ensoleillement important, ne sont pas des droits acquis, sauf à rendre impossible toute évolution du tissu construit.

« Attendu, selon l’arrêt attaqué (Bordeaux, 6 avril 1993), que M. X… ayant édifié une construction en limite de sa propriété, contiguë à celle de M. Y…, ce dernier se plaignant d’une diminution de l’ensoleillement et de l’éclairement, l’a assigné en dommages-intérêts en invoquant un trouble anormal de voisinage ; (…)

Mais attendu que l’arrêt retient que M. Y… n’est pas fondé à se plaindre d’une diminution de l’ensoleillement et de l’éclairement de sa maison par suite de l’extension de la construction de M. X… en limite de sa propriété et de la perte d’un avantage nécessairement précaire au centre d’une agglomération très peuplée, cet inconvénient ne constituant pas en de telles circonstances un trouble anormal de voisinage ; » (Cass. Civ. 2, 3 mai 1995, pourvoi: N°93-15920)

La Cour d’appel de CAEN a d’ailleurs rappelé qu’en dépit d’une perte d’ensoleillement avérée, la construction d’un hôtel n’est pas de nature à justifier une action pour trouble anormal du voisinage.

« Ne constitue pas un trouble anormal de voisinage l’édification, sur un terrain jouxtant l’immeuble des revendiquants, d’un hôtel.

 En effet, les propriétaires d’appartements n’ont d’une part aucun droit acquis opposable à la société d’investissement de bénéficier d’une vue sur la mer telle qu’elle empêche la construction d’un immeuble de 3 ou 4 étages. (…)

Enfin, sur l’ensoleillement, dans une zone relativement urbanisée, une perte d’ensoleillement en fin de soirée est dans l’ordre des choses, étant observé que la clarté peut continuer sans ensoleillement direct. » (Cour d’appel de Caen, 17 Mars 2009, N°07/03576).

Par un arrêt du même jour la Cour d’appel de MONTPELLIER a confirmé cette position :

« la perte d’ensoleillement, limitée, qui procède de l’exercice du droit légitime du propriétaire voisin d’édifier une maison, ne constitue pas, alors que les constructions sont situées dans un milieu urbain et constructible où nul ne dispose d’un droit acquis sur l’environnement et où chacun peut s’attendre à être privé d’un avantage en fonction de l’évolution du contexte, un trouble excédant les inconvénients normaux du voisinage et ouvrant droit à réparation. » (Cour d’appel de MONTPELLIER, 17 mars 2009, N° 07/03576).

Jérôme MAUDET

Avocat au barreau de NANTES

 

Droit des collectivités : décision illégale et responsabilités de la commune et de ses agents

Toutes les irrégularités sont fautives et sont susceptibles d’engager la responsabilité de la collectivité voire de ses agents :

Ainsi, la délivrance d’un permis de construire en zone inondable constitue une faute (CE, 2 oct. 2002, n°232720), nonobstant le fait que le bénéficiaire du permis ait connu ce risque :

« Considérant, en second lieu, que si les requérants connaissaient le caractère inondable de la partie du terrain classée au plan d’occupation des sols en zone ND 1, aucune faute ne peut être retenue à leur encontre pour avoir sollicité la délivrance d’un permis de construire pour un projet dont l’implantation était prévue sur la partie de ce terrain classée en zone NB 2, où des constructions étaient autorisées, conformément d’ailleurs aux énonciations du certificat d’urbanisme qui leur avait été délivré le 24 juillet 1992 ; que si les requérants n’ont pas entièrement réalisé les travaux de remblais qu’ils avaient prévus, ce fait, postérieur à la délivrance de l’autorisation de construire en litige et distinct de la faute commise par la commune, n’est pas de nature à exonérer cette dernière de sa responsabilité eu égard au fondement juridique de l’action en responsabilité introduite par les requérants. » (CAA Marseille, 10 avr. 2003, N° 99MA00108)

En principe, doit en premier lieu être recherchée la responsabilité administrative de la commune par l’intermédiaire de son maire.

La responsabilité des services instructeurs n’est que secondaire et ne peut être recherchée que dans un second temps :

– soit par la collectivité à laquelle ils appartiennent dans l’hypothèse d’une faute personnelle,

– soit par la collectivité qui a dû répondre de l’illégalité fautive.

Voir notamment en ce sens, la réponse ministérielle du 13 mars 2000, à propos de la responsabilité des services instructeurs de l’Etat (JOAN 13 mars 2000, en réponse à une question écrite n°36684) :

« A la suite de la décentralisation des compétences en matière d’urbanisme opérée en 1983, a été posé le principe de la compétence du maire pour délivrer, au nom de la commune, les permis de construire et les autres autorisations ou actes relatifs à l’utilisation et à l’occupation du sol, dès lors que la commune est dotée d’un plan d’occupation des sols approuvé. Pour exercer cette compétence et instruire les dossiers correspondants, il peut être tout d’abord fait appel aux moyens propres des communes. Ainsi, l’existence d’un service d’urbanisme est systématique dans les très grandes villes, la consistance et les effectifs du service variant ensuite selon les situations locales pour les communes de moindre importance. Pour les petites communes dépourvues de services techniques suffisants, la question des moyens humains peut se résoudre notamment par le recours à la coopération intercommunale ou par la mise à disposition de la commune des services extérieurs de l’Etat. (…) lorsqu’ils instruisent un dossier pour le compte d’une commune, les services de l’Etat engagent la responsabilité de la commune. Ainsi, dans le cas où le maire, au nom de la commune, prendrait une décision qui serait contraire aux lois et aux règlements sur la base d’un avis erroné des services de l’Etat et causerait un préjudice, la responsabilité de la commune serait normalement engagée en cas de plein contentieux.

Ceci étant, plusieurs éléments doivent être soulignés, indépendamment de la souscription par la commune d’une assurance pour se garantir contre les risques contentieux liés à la délivrance des autorisations précitées qui fait d’ailleurs l’objet d’une compensation financière de l’Etat au titre de la dotation générale de décentralisation.

(…) la responsabilité de l’Etat pourrait elle-même être engagée envers la commune dans le cas où le service instructeur aurait commis une faute dans le cadre de cette instruction. … »

Ce n’est qu’en cas de faute personnelle que la responsabilité de l’agent est susceptible d’être recherchée.

Or, la jurisprudence a précisé que, quelle que soit sa gravité et même si elle constitue une infraction pénale, une faute personnelle commise par un agent de l’Administration est susceptible d’engager la responsabilité de cette dernière, dès lors qu’elle a été commise non pas dans l’intérêt personnel de cet agent, mais dans l’exercice de ses fonctions et avec les moyens du service, et donc qu’elle n’est pas détachable du service (T. confl., 19 oct. 1998, n° 3131, préfet Tarn : BJDU 1998, p. 469).

Dans cette affaire, un agent de la DDE avait procédé à la falsification des documents graphiques d’un POS à la demande du maire afin de réduire l’emprise d’un espace boisé classé.

Ce faisant, il a engagé la responsabilité administrative de la commune au nom de laquelle sont délivrés les permis de construire outre sa propre responsabilité pénale.

La notion de faute personnelle détachable du service est appréhendée de façon relativement restrictive par la jurisprudence.

En dehors des agissements touchant la vie privée de l’auteur de la faute, la faute personnelle ne recouvre en réalité que deux grandes hypothèses : 

– la première est celle de la faute commise par l’agent dans l’exercice de ses fonctions, mais qui s’en détache psychologiquement à raison de l’intention maligne dont elle procède.

– la seconde est celle où l’agent commet une faute professionnelle d’une gravité telle qu’elle se détache de l’exercice de son mandat.

D’une manière générale, la mise en cause de la responsabilité des agents demeure exceptionnelle.

En effet, coexistent fréquemment une faute personnelle ou une faute de service caractérisée par un fonctionnement défectueux du service.

Si la faute personnelle n’est pas dépourvue de tout lien avec le service, c’est la collectivité qui devra prendre en charge les conséquences financières de la faute de son agent.

S’il venait à être poursuivi, l’agent pourrait demander à bénéficier de la protection fonctionnelle.

L’article 11 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 dispose en effet que :

« Les fonctionnaires bénéficient, à l’occasion de leurs fonctions et conformément aux règles fixées par le code pénal et les lois spéciales, d’une protection organisée par la collectivité publique qui les emploie à la date des faits en cause ou des faits ayant été imputés de façon diffamatoire au fonctionnaire.

Lorsqu’un fonctionnaire a été poursuivi par un tiers pour faute de service et que le conflit d’attribution n’a pas été élevé, la collectivité publique doit, dans la mesure où une faute personnelle détachable de l’exercice de ses fonctions n’est pas imputable à ce fonctionnaire, le couvrir des condamnations civiles prononcées contre lui.

La collectivité publique est tenue de protéger les fonctionnaires contre les menaces, violences, voies de fait, injures, diffamations ou outrages dont ils pourraient être victimes à l’occasion de leurs fonctions, et de réparer, le cas échéant, le préjudice qui en est résulté.

La collectivité publique est tenue d’accorder sa protection au fonctionnaire ou à l’ancien fonctionnaire dans le cas où il fait l’objet de poursuites pénales à l’occasion de faits qui n’ont pas le caractère d’une faute personnelle.

La collectivité publique est subrogée aux droits de la victime pour obtenir des auteurs des menaces ou attaques la restitution des sommes versées au fonctionnaire intéressé. Elle dispose, en outre, aux mêmes fins, d’une action directe qu’elle peut exercer au besoin par voie de constitution de partie civile devant la juridiction pénale. Les dispositions du présent article sont applicables aux agents publics non titulaires. »

Par un arrêt du 20 avril 2011, le Conseil d’État a rappelé que le bénéfice de la protection fonctionnelle instituée par l’article 11 de la loi du 13 juillet 1983 ne peut être refusé à un fonctionnaire ou ancien fonctionnaire qu’en cas de faute personnelle, lorsque sa responsabilité pénale est engagée, ou pour un motif d’intérêt général, lorsqu’il est victime d’attaques dans l’exercice de ses fonctions (CE, 20 avr. 2011, n° 332255, M. Bertrand : JurisData n° 2011-006522 ; JCP A 2011, act. 324).

En complément de la protection fonctionnelle, la responsabilité civile des agents est susceptible d’être couverte par un contrat d’assurance.

Ce contrat est indépendant du contrat de responsabilité civile de la commune.

La garantie s’applique aux conséquences pécuniaires de la responsabilité personnelle encourue par l’élu ou l’agent assuré vis-à-vis des tiers.

Jérôme MAUDET

Avocat

 

Droit des collectivités : responsabilité pénale des agents

Les agents publics sont susceptibles de faire l’objet de poursuites pénales pour les infractions qu’ils seraient susceptibles de commettre à l’occasion de leurs fonctions.

Le droit pénal français obéit au principe de légalité des délits et des peines : les crimes et délits sont déterminés limitativement par la loi, et nul ne peut être poursuivi pour un fait ou un comportement qui ne soit pas caractérisé par un texte comme constitutif d’une infraction.

Les qualifications sont diverses :

  • Prise illégale d’intérêt,
  • Délit de favoritisme,
  • Concussion,
  • Faux en écriture publique,
  • Mise en danger de la vie d’autrui par manquement à une obligation particulière de prudence…

C’est à l’agent poursuivi qu’il reviendra d’assumer les conséquences pénales de ses actes et en particulier le paiement d’une éventuelle amende laquelle ne pourra pas être prise en charge par une quelconque assurance.

En matière de responsabilité pénale, le critère du rattachement de la faute à l’accomplissement du service est inopérant.

La décision est examinée en tant que telle aux fins d’apprécier si elle est ou non constitutive de l’infraction.

La responsabilité pénale de l’agent public pourra en conséquence être engagée, même à raison d’une faute de sa part qui n’est pas détachable du service.

Tout agent intervenant de manière déterminante dans l’élaboration d’un acte administratif est susceptible de faire l’objet de poursuites pénales.

Or, dans les collectivités locales, les services sont très largement associés à l’élaboration des actes.

Comme en matière de marchés publics, la délivrance d’une autorisation d’urbanisme est une opération complexe qui nécessite l’addition de compétences administratives, juridiques et techniques.

De ce fait, la procédure implique généralement la collaboration de plusieurs personnes, ce qui peut aboutir à la mise en jeu de la responsabilité pénale de plusieurs intervenants à cette procédure.

Les personnes qui ont concouru à l’élaboration de l’acte sans en être directement l’auteur peuvent néanmoins être entendues dans le cadre d’une procédure pénale, voire être poursuivis au titre de la complicité pour certains délits.

Pour qu’elles soient susceptibles d’être poursuivies, il convient d’apprécier si elles ont accompli des actes ayant influencé la prise de la décision.

L’article 122-4 du Code pénal prévoit que :

« n’est pas pénalement responsable la personne qui accompli un acte commandé par l’autorité légitime. »

Ce principe ne souffre qu’une limite, en droit pénal, l’hypothèse où l’ordre donné est manifestement illégal.

Voir notamment en ce sens une réponse ministérielle du ministère de l’équipement du transport et du tourisme publiée au journal officiel de l’Assemblée nationale du 9 janvier 1995 :

« En particulier, il est clair qu’un agent de l’Etat ne saurait participer à l’établissement d’un acte illégal sans porter atteinte à ses devoirs et sans risquer d’engager sa responsabilité pénale. Si donc le maire lui donnait des instructions qui ne lui paraitraient pas conformes au droit, le service instructeur ne pourrait que faire part au maire de son analyse et lui proposer un acte qu’il estime légal. Bien entendu, le maire garde son pouvoir d’appréciation et peut établir et délivrer l’acte qu’il souhaite s’il ne partage pas l’analyse du service instructeur. Les agents de ce service restent, en outre, placés sous l’autorité hiérarchique du chef du service de l’Etat auquel ils appartiennent. »

L’article 28 du statut général de la fonction publique subordonne l’engagement de la responsabilité pénale au fait que l’illégalité compromette gravement un intérêt public.

Cette condition est toutefois presque toujours remplie lorsqu’une sanction pénale est encourue.

Il appartient donc à l’agent qui aurait connaissance d’une illégalité de refuser de proposer une solution non conforme à la légalité, sous peine d’engager sa propre responsabilité.

Si l’auteur de l’acte venait à passer outre, seule sa responsabilité pourrait alors être utilement recherchée.

Pour se prémunir des risques, l’agent a toujours la possibilité de souscrire une assurance défense pénale et protection juridique.

Par cette garantie l’assureur s’engage généralement :

“à défendre devant les tribunaux répressifs, lorsqu’ils sont personnellement impliqués à l’occasion d’un dommage garanti par le présent contrat, le maire, les adjoints, les conseillers municipaux et les délégués spéciaux dans l’exercice de leurs fonctions….”.

Jérôme MAUDET

Avocat

 

Expulsion : procédure d’exécution et contenu des décisions d’expulsion

Aux termes de l’article L.111-3 du Code des procédures civiles d’exécution modifié récemment par la LOI n°2015-177 du 16 février 2015 – art. 11 (V)

« Seuls constituent des titres exécutoires :

 1° Les décisions des juridictions de l’ordre judiciaire ou de l’ordre administratif lorsqu’elles ont force exécutoire, ainsi que les accords auxquels ces juridictions ont conféré force exécutoire ;

 2° Les actes et les jugements étrangers ainsi que les sentences arbitrales déclarés exécutoires par une décision non susceptible d’un recours suspensif d’exécution, sans préjudice des dispositions du droit de l’Union européenne applicables ;

 3° Les extraits de procès-verbaux de conciliation signés par le juge et les parties ;

 4° Les actes notariés revêtus de la formule exécutoire ;

 5° Le titre délivré par l’huissier de justice en cas de non-paiement d’un chèque ;

 6° Les titres délivrés par les personnes morales de droit public qualifiés comme tels par la loi, ou les décisions auxquelles la loi attache les effets d’un jugement. »

L’article 502 du Code de procédure civile précise pour sa part que :

 « Nul jugement, nul acte ne peut être mis à exécution que sur présentation d’une expédition revêtue de la formule exécutoire, à moins que la loi n’en dispose autrement. »

En principe, il faut donc avoir obtenu la copie exécutoire du jugement pour qu’un huissier de justice puisse notifier ce jugement à la partie perdante.

Voir en ce sens pour un exemple récent, à propos d’une décision juridictionnelle rendue par un bâtonnier de l’ordre des avocats :

« Vu l’article 502 du code de procédure civile, ensemble l’article L. 111-3 du code des procédures civiles d’exécution et l’article 153 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 ;

Attendu que selon le premier de ces textes, nul jugement, nul acte ne peut être mis à exécution que sur présentation d’une expédition revêtue de la formule exécutoire à moins que la loi n’en dispose autrement.(…)

Qu’en statuant ainsi, alors que, même exécutoire de droit à titre provisoire, la décision du bâtonnier (…) ne peut être exécutée que sur présentation d’une expédition revêtue de la formule exécutoire, la cour d’appel a violé les textes susvisés ; » (Cour de cassation, civile, Chambre civile 2, 30 janvier 2014, 12-29.246, Publié au bulletin).

Les ordonnances de référé sont exécutoires de droit et à titre provisoire.

Il en résulte qu’un appel n’aura pas d’effet suspensif et que le débiteur de l’obligation doit s’exécuter dès qu’il a reçu signification de la décision.

Encore faut-il que l’ordonnance soit revêtue de la formule exécutoire laquelle se présente comme suit en vertu de l’article 1er du décret n°47-1047 du 12 juin 1947 :

« Au nom du peuple français « , et terminées par la formule suivante :

« En conséquence, la République française mande et ordonne à tous huissiers de justice, sur ce requis, de mettre ledit arrêt (ou ledit jugement, etc.) à exécution, aux procureurs généraux et aux procureurs de la République près les tribunaux de grande instance d’y tenir la main, à tous commandants et officiers de la force publique de prêter main-forte lorsqu’ils en seront légalement requis.

« En foi de quoi, le présent arrêt (ou jugement, etc.) a été signé par… »..

Il est toutefois possible pour le juge des référés de déroger à ces dispositions en précisant dans l’ordonnance que celle-ci est exécutoire sur minute et avant même enregistrement.

L’article 489 du Code de procédure civile :

 « L’ordonnance de référé est exécutoire à titre provisoire. Le juge peut toutefois subordonner l’exécution provisoire à la constitution d’une garantie dans les conditions prévues aux articles 517 à 522.

En cas de nécessité, le juge peut ordonner que l’exécution aura lieu au seul vu de la minute. »

Ainsi, lorsqu’une ordonnance de référé a été déclarée exécutoire sur minute, le fait que cette minute n’ait pas été revêtue de la forme exécutoire est sans conséquence et permettra à l’huissier de procéder à la signification et à l’exécution immédiatement.

Cette exécution au seul vu de la minute est par ailleurs de droit en ce qui concerne les ordonnances sur requête conformément aux dispositions de l’article 495 du Code de procédure civile.

Jérôme MAUDET

Avocat au barreau de NANTES

Fonction publique : nature du licenciement pour insuffisance professionnelle

Un licenciement pour insuffisance professionnelle n’a pas un caractère disciplinaire.

Il s’agit en effet de sanctionner l’agent lorsque les fonctions sont exercées d’une manière qui n’est pas satisfaisante indépendamment de toute considération de nature disciplinaire :

« Considérant (…) que le C.N.A.S.E.A., ayant constaté que M. du X… de KERORGUEN connaissait des difficultés pour assurer la bonne exécution des missions qui lui étaient confiées et pour gérer le personnel placé sous son autorité, a décidé, au motif que les statuts applicables au personnel de l’établissement ne prévoyaient que cette éventualité, de le licencier par application des dispositions de l’article 39-e, du décret du 30 décembre 1992 susrappelées, relatives aux sanctions réprimant les fautes de nature disciplinaire imputables aux agents dont s’agit ; que, contrairement à ce que soutient le C.N.A.S.E.A., les dispositions de l’article 43 (2 ), du même texte, également susrappelées l’autorisent à prononcer à l’encontre de son personnel, quelle que soit la nature de leur contrat, un licenciement pour insuffisance professionnelle ou pour inaptitude physique, mesures qui ne constituent pas des sanctions disciplinaires, mais des modalités de cessation de fonctions applicables aux agents qui ne les exercent pas de manière satisfaisante ; qu’en prononçant la sanction du licenciement sans préavis ni indemnité à l’encontre de M. du X… de KERORGUEN, au motif qu’aucune disposition du statut ne permettait de mettre fin à ses fonctions en raison de sa manière de servir, le directeur général du C.N.A.S.E.A. a commis une erreur de droit ;; (CAA Nantes, 29 mars 2001, n°99NT00823, n°00NT01464 et n°99NT02937).

Les règles procédurales sont en revanche identiques à celles d’un licenciement pour faute disciplinaire.

La collectivité devra notamment prendre l’avis de la commission paritaire.

Le juge administratif vérifie avec attention les motifs qui ont conduit la collectivité à prononcer le licenciement pour insuffisance professionnelle :

 « Considérant qu’il ressort des termes mêmes de la décision contestée du président du syndicat mixte que le licenciement litigieux est fondé sur l’attitude d’insubordination répétée et de remise en cause de l’autorité hiérarchique manifestée par M. A ; qu’à cet égard, il est reproché à l’intéressé :  » une incapacité à respecter les consignes qui lui sont données, une volonté expresse de ne pas les respecter, une attitude de dénigrement du service, du chef de service et du directeur de l’exploitation, la contestation répétée des ordres donnés par le chef de manoeuvre, le chef de service, le directeur de l’exploitation, ou encore la directrice générale, une insatisfaction de l’encadrement direct sur [sa] manière de servir, l’impolitesse volontaire et récurrente à l’égard de l’encadrement  » ; que les autres faits retenus à l’encontre de M. A dans la décision de licenciement évoquent :  » le refus de déférer aux convocations de la directrice générale, le refus de prendre les courriers qui lui sont destinés, des remarques écrites et verbales désobligeantes, provocatrices, irrespectueuses proférées à l’égard du directeur de l’exploitation et de la directrice générale du syndicat mixte, le rejet manifeste des hiérarchies et la remise en cause permanente de l’organisation du travail mise en place par cette hiérarchie, des absences injustifiées, des décisions personnelles de modifier le planning  » ; que les faits décrits précédemment, qui correspondent à la méconnaissance d’obligations professionnelles en matière d’obéissance hiérarchique, de réserve et d’exécution des tâches découlant de l’emploi, sont constitutifs pour l’essentiel de fautes disciplinaires ; que de tels faits ne révèlent pas, de la part de M. A, une insuffisance professionnelle pour exercer les responsabilités attachées à ses fonctions, laquelle s’apprécie légalement au regard des fonctions que doit normalement accomplir un agent de son grade et pourvu de ses titres et peut comporter des éléments tels que notamment, l’incapacité de travailler en équipe, l’absence de rigueur dans l’exécution des tâches conférées, la lenteur et la médiocrité du travail réalisé, le manque d’éthique professionnelle ; qu’il suit de là que le SYNDICAT MIXTE DE PIERREFONDS n’est pas fondé à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Saint-Denis a annulé, comme fondée sur des motifs disciplinaires et entachée d’erreur de droit, la décision licenciant M. A pour insuffisance professionnelle ; » (Cour administrative d’appel de BORDEAUX, 12 Juin 2012, N° 11BX03228)

Voir également en ce sens :

« 5- Considérant, en premier lieu, qu’il résulte de l’instruction que le maire de Bandol a voulu réorganiser en 2008 le service chargé de la communication de la ville en lui donnant la charge, non seulement de la rédaction et diffusion du journal municipal, mais également de missions en lien avec la politique communale d’animation et de tourisme ; qu’à cet égard, l’objet du contrat de M. B signé en juin 2008 était la mise en oeuvre de la politique de communication de la ville, la conception et diffusion des supports d’information, l’organisation de manifestations évènementielles, et la rédaction et diffusion du bulletin municipal ;

6- Considérant, en deuxième lieu, que le licenciement pour insuffisance professionnelle en litige est motivé par l’absence de force de proposition de l’intéressé dans la politique de communication, son incapacité à planifier et organiser les tâches, son refus de laisser à disposition des agents du service le véhicule de service, son non-respect des procédures internes et son absence de qualité rédactionnelle ; qu’il résulte de l’instruction que le grief susmentionné relatif au véhicule de service ne constitue pas la motivation principale de la décision attaquée, laquelle aurait été prise sans ce grief ;

7- Considérant, en troisième lieu, qu’il résulte de l’instruction qu’il est reproché à titre principal à l’intéressé, alors qu’il a été nommé chef de service sur un emploi de catégorie A, ses difficultés à prendre des initiatives, à participer à la mise en place des politiques communales avec l’équipe constituée par les autres chefs de service, à encadrer les agents de son service et à veiller à ce que la publication du journal communal ne comporte pas de faute d’orthographe ou de syntaxe ; que cette insuffisance professionnelle est suffisamment établie par les éléments versés au dossier par la commune intimée qui notamment fait état, sans être sérieusement contestée sur ce point, de l’absence de participation régulière de l’intéressé aux réunions de l’équipe de direction, alors même que ses fonctions de responsable de la communication comportaient une dimension fonctionnelle transversale ; que l’intéressé ne conteste pas sérieusement ses difficultés à assumer les fonctions qui lui ont été confiées en se contentant de soutenir qu’il a manqué de moyens en personnels et que le maire aurait dû le prévenir plus tôt au cours de l’été 2008, lors de la saison estivale, qu’il ne remplissait pas correctement sa mission contractuelle ; que dans ces conditions, le licenciement en litige n’est entaché d’aucune erreur d’appréciation ; » (Cour administrative d’appel MARSEILLE, 9 novembre 2012, N°10MA03279).

Jérôme MAUDET

Avocat au barreau de NANTES

Droit des collectivités : Bail commercial et domaine public

Avant l’entrée en vigueur de la loi n°2014-626 du 18 juin 2014 relative à l’artisanat, au commerce et aux très petites entreprises, la Cour de cassation rappelait fréquemment l’impossibilité de conclure des baux commerciaux sur le domaine public :

« Attendu que, pour déclarer acquise la clause résolutoire et condamner la société Shogun à payer une certaine somme à titre provisionnel à la société Toco, l’arrêt retient que le bail, régi selon les termes du contrat par le décret du 30 septembre 1953, porte en réalité sur le domaine public maritime, circonstance qui à l’évidence exclut l’application de ce texte.. » (Cass. Civ.3, 3 novembre 2005, pourvoi n°04-15414.)

Voir également en ce sens s’agissant d’un bien indivisible du domaine public fluvial (Cass. Civ.1, 18 mars 1998, pourvoi n°96-13128) :

« attendu qu’ayant relevé que les locaux litigieux, qui formaient un tout indivisible, étaient situés pour partie sur le domaine public fluvial, la cour d’appel en a exactement déduit, sans être tenue de procéder à une recherche que ses constatations rendaient inopérante, que la société BTK ne pouvait invoquer le bénéfice du statut des baux commerciaux et a ainsi légalement justifié sa décision »

La Cour administrative d’appel de Marseille a en outre considéré sur ce point qu’en l’absence de mesure de déclassement, toute convention ou délibération, même antérieure, autorisant la conclusion d’un bail commercial doit être considérée comme nulle (CAA Marseille, 12 juin 2006, n°04MA01375) :

« Considérant qu’il résulte de l’instruction (…) que la parcelle autorisée est destinée à une activité commerciale et que des délibérations antérieures ont estimé que cette partie de la propriété communale relevait du domaine privé de la commune, celle-ci continue à constituer une dépendance domaine public communal ; que, par voie de conséquence, Mme X ne saurait utilement se prévaloir des stipulations des baux conclus avec la commune, lesquels n’ont aucune incidence sur l’appartenance au domaine public de celle-ci ; (…)

Considérant que comme il vient d’être dit, l’arrêté du 17 avril 2001 comporte occupation du domaine public ; que, dès lors, Mme X n’est pas fondée à se prévaloir des dispositions du décret du 30 septembre 1953 réglant les rapports entre les propriétaires et les locataires en ce qui concerne le renouvellement des baux à loyer des locaux à usage commercial pour soutenir qu’elle avait droit, sur ce fondement, au renouvellement de son bail ; que Mme X, qui n’a jamais été légalement titulaire d’un bail commercial à cet emplacement, n’a pu ni acquérir un fonds de commerce, ni en constituer un sur le domaine public … » (voir également en ce sens CAA Nancy, 22 juin 2006, n°04NC00128)

S’agissant d’une règle d’ordre public, la circonstance que le conseil municipal ait, par délibération en autorisé le maire à signer un bail commercial et que ce contrat ait été signé sous ce vocable n’était pas de nature à permettre au demandeur de se prévaloir de la propriété commerciale.

Voir notamment :

« Considérant qu’ en raison du caractère précaire et personnel des titres d’occupation du domaine public et des droits qui sont garantis au titulaire d’un bail commercial, un tel bail ne saurait être conclu sur le domaine public ; que, lorsque l’autorité gestionnaire du domaine public conclut un  » bail commercial  » pour l’exploitation d’un bien sur le domaine public ou laisse croire à l’exploitant de ce bien qu’il bénéficie des garanties prévues par la législation sur les baux commerciaux, elle commet une faute de nature à engager sa responsabilité ; que cet exploitant peut alors prétendre, sous réserve, le cas échéant, de ses propres fautes, à être indemnisé de l’ensemble des dépenses dont il justifie qu’elles n’ont été exposées que dans la perspective d’une exploitation dans le cadre d’un bail commercial ainsi que des préjudices commerciaux et, le cas échéant, financiers qui résultent directement de la faute qu’a commise l’autorité gestionnaire du domaine public en l’induisant en erreur sur l’étendue de ses droits

Considérant que si, en outre, l’autorité gestionnaire du domaine met fin avant son terme au bail commercial illégalement conclu en l’absence de toute faute de l’exploitant, celui-ci doit être regardé, pour l’indemnisation des préjudices qu’il invoque, comme ayant été titulaire d’un contrat portant autorisation d’occupation du domaine public pour la durée du bail conclu ; qu’il est à ce titre en principe en droit, sous réserve qu’il n’en résulte aucune double indemnisation, d’obtenir réparation du préjudice direct et certain résultant de la résiliation unilatérale d’une telle convention avant son terme, tel que la perte des bénéfices découlant d’une occupation conforme aux exigences de la protection du domaine public et des dépenses exposées pour l’occupation normale du domaine, qui auraient dû être couvertes au terme de cette occupation ; (…)

Considérant, en revanche, qu’eu égard au caractère révocable et personnel, déjà rappelé, d’une autorisation d’occupation du domaine public, celle-ci ne peut donner lieu à la constitution d’un fonds de commerce dont l’occupant serait propriétaire ; », (Conseil d’État, 8ème / 3ème SSR, 24/11/2014, 352402, Publié au recueil Lebon)

La loi du 18 juin 2014 relative à l’artisanat, au commerce et aux très petites entreprises a toutefois introduit dans le code général de la propriété des personnes publiques un article L. 2124-32-1, aux termes duquel  »

« Un fonds de commerce peut être exploité sur le domaine public sous réserve de l’existence d’une clientèle propre. »

Ces dispositions ne sont, dès lors que la loi n’en a pas disposé autrement, applicables qu’aux fonds de commerce dont les exploitants occupent le domaine public en vertu de titres délivrés à compter de son entrée en vigueur (Conseil d’État, 24/11/2014, n°352402 prévité).

Les nouvelles dispositions du Code général de la propriété des personnes publiques ne sont donc pas rétroactives.

Ainsi, l’occupant en vertu d’un titre délivré avant l’entrée en vigueur de la loi du 18 juin 2014, qui n’a jamais été légalement propriétaire d’un fonds de commerce, ne peut pas prétendre à l’indemnisation de la perte d’un tel fonds.

 

Jérôme MAUDET

Avocat au barreau de NANTES

 

Annulation d’une décision de préemption et rétrocession de l’immeuble à l’acquéreur évincé.

L’annulation d’une décision de préemption par le juge administratif, implique en principe de remettre les parties dans l’état dans lequel elles étaient avant la décision de préemption.

Il convient toutefois de tempérer cette affirmation à la lumière de la jurisprudence

Le Conseil d’Etat a en effet considéré en pareille hypothèse que :

« Considérant que l’annulation par le juge de l’excès de pouvoir de l’acte par lequel le titulaire du droit de préemption décide d’exercer ce droit emporte pour conséquence que ce titulaire doit être regardé comme n’ayant jamais décidé de préempter ; qu’ainsi,  cette annulation implique nécessairement, sauf atteinte excessive à l’intérêt général appréciée au regard de l’ensemble des intérêts en présence, que le titulaire, s’il n’a pas entre temps cédé le bien illégalement préempté, prenne toute mesure afin de mettre fin aux effets de la décision annulée. » (Conseil d’Etat, 29 décembre 2004, SCI Desjardins KB, n° 259855, Lebon 839).

De même :

« Considérant en revanche que lorsque le bien préempté a été revendu, ni les dispositions précitées de l’article L 911-1 du Code de justice administrative, ni aucune autre disposition ne permettent à la juridiction administrative, saisie en vue de faire exécuter l’annulation de la seule décision de préemption, de prescrire des mesures qui, tendant à la remise en cause de la revente du bien, se rattachent ainsi à un litige distinct portant sur la légalité de cette décision de revente et ne sauraient, dès lors, être regardées comme étant au nombre de celles qu’implique l’annulation de la décision de préemption ; que si les requérants font en l’espèce valoir que la préemption du domaine de la COMMUNAUTE DES MONIALES DOMINICAINES DE CLAIREFONTAINE-EN-YVELINES et sa revente à la Fédération française de football forment un tout indissociable, il résulte de ce qui a été dit ci-dessus, que cette revente fait obstacle à ce que soient mises en œuvre les mesures qui, à défaut, permettraient d’exécuter l’annulation de la préemption » (Conseil d’Etat, 26 février 2003, M. et Mme BOUR, n° 231558).

Il résulte de cette jurisprudence que l’absence de revente du bien est une condition nécessaire à la remise des parties dans l’état dans lequel elles étaient avant la décision de préemption.

Le juge administratif a d’ailleurs considéré que la revente du bien, dont on saura postérieurement qu’il a été illégalement préempté, ne peut être annulée du simple fait de l’illégalité de la décision de préemption :

« Les décisions par lesquelles une commune préempte un bien puis le revend, entre lesquelles s’interpose un acte authentique opérant le transfert de propriété, ne forment pas entre elles un ensemble indissociable qui justifierait que l’annulation de la première entraîne par voie de conséquence celle de la seconde » (Conseil d’Etat, 26 nov. 2001, n° 222211, Commune de la Teste de Buch).

Voir également en ce sens (CE, 21 novembre 2008, N° 302144) :

« Les biens acquis par l’exercice du droit de préemption doivent être utilisés ou aliénés (…) ;

Considérant, en dernier lieu, que c’est sans contradiction de motifs et par là-même, sans erreur de droit, que la cour administrative d’appel de Douai, pour écarter le moyen de M. A tiré de ce que cette dernière délibération devait être annulée en raison de l’annulation de celle qui avait décidé de préempter, a jugé que les décisions par lesquelles une commune préempte un bien puis le revend, entre lesquelles s’interpose l’acte authentique opérant le transfert de propriété, ne forment pas entre elles un ensemble indissociable qui justifierait que l’annulation de la première entraîne par voie de conséquence l’annulation de la seconde ; »

Ainsi, la rétrocession du bien au profit de l’acquéreur évincé et l’annulation subséquente de la vente intervenue postérieurement ne sont pas de droit.

Au contraire, en matière d’expropriation, le droit de rétrocession, institué par l’article L 12-6 du Code de l’expropriation, ne comporte pas de droit de suite.

Il doit nécessairement en aller de même lorsque le bien préempté a été vendu à un tiers et, a fortiori, lorsque le dit bien se situe dans l’emprise d’une opération déclarée d’utilité publique.

Enfin, l’article 1599 du Code civil dispose que la vente de la chose d’autrui est nulle, la jurisprudence étant constante pour déclarer que cette nullité est relative et ne peut bénéficier qu’au seul acquéreur qui a seul qualité pour l’invoquer (exemple : Civ. III, 9 mars 2005, Bull. civ. III, n° 63).

« Attendu que pour déclarer M. X… recevable en son action, l’arrêt retient que si l’action en nullité de la chose d’autrui n’appartient qu’à l’acquéreur, ceci vaut pour écarter l’action du vendeur mais non celle du véritable propriétaire ;

Qu’en statuant ainsi, alors que l’action en nullité de la vente de la chose d’autrui ne peut être demandée que par l’acquéreur et non par le véritable propriétaire qui ne dispose que d’une action en revendication, la cour d’appel a violé le texte susvisé ; »

Sous réserve de l’appréciation de la juridiction éventuellement saisie, il peut donc être soutenu qu’un acquéreur évincé ne saurait utilement prétendre bénéficier de la règle de l’article 1599 du Code civil.

Par un arrêt récent du 21 octobre 2009, la Cour de cassation est venue confirmer que la rétrocession d’un bien au profit de l’acquéreur évincé, à la suite d’une annulation d’une décision de préemption, n’est pas de droit comme le prétend la SCI demanderesse.

La Cour de cassation confirme cette analyse au motif que l’annulation de la décision de préemption ne saurait, à elle seule, suffire à entraîner de plein droit l’annulation des ventes subséquentes :

« Attendu que pour accueillir la demande, l’arrêt, après avoir constaté que le droit de préemption avait été irrégulièrement exercé par le maire, retient que la préemption et la vente de l’immeuble à l’établissement public qui en découle s’inscrivent dans la poursuite d’un objectif d’intérêt général, que les biens litigieux n’ont été l’objet d’aucun aménagement particulier ou intégration au domaine public, mais que l’attentisme de la commune paralyse en même temps l’exercice normal par l’acquéreur évincé du droit réel qu’il tient d’une vente dont la régularité n’est pas discutée, de sorte que, dans la balance des intérêts légitimes en présence, les ventes consécutives à l’exercice irrégulier du droit de préemption doivent être annulées par le juge judiciaire du contrat, privé en la forme ;

Qu’en statuant ainsi, la cour d’appel, qui a fait application des dispositions de l’article L. 911 1 du code de justice administrative qui régissent la demande, faite au juge administratif, de prescrire les mesures d’exécution qu’implique nécessairement la décision d’annulation d’une décision de préemption, a violé les textes susvisés » (Cass. 3e civ., 21 oct. 2009, n° 08-11.162, FS-P+B, Commune d’Hermanville sur Mer c/ Doublet : JurisData n° 2009-050148).

Jérôme MAUDET

Avocat au barreau de Nantes

 

Droit pénal de l’urbanisme : une commune peut-elle pénétrer sur une propriété privée ?

L’article L 461-1 du Code de l’Urbanisme, lequel dispose que :

 « Le préfet et l’autorité compétente mentionnée aux articles L. 422-1 à L. 422-3 ou ses délégués, ainsi que les fonctionnaires et les agents commissionnés à cet effet par le ministre chargé de l’urbanisme et assermentés, peuvent visiter les constructions en cours, procéder aux vérifications qu’ils jugent utiles et se faire communiquer tous documents techniques se rapportant à la réalisation des bâtiments, en particulier ceux relatifs à l’accessibilité aux personnes handicapées quel que soit le type de handicap. Ce droit de visite et de communication peut aussi être exercé après l’achèvement des travaux pendant trois ans. » 

Si les travaux ne sont pas achevés, ou que ceux-ci sont achevés depuis plus de trois ans, la collectivité qui souhaite obtenir l’autorisation de pénétrer dans les lieux pour constater une éventuelle infraction doit obtenir une autorisation judiciaire pour ce faire.

Dans cette perspective, la collectivité a la possibilité de saisir le juge judiciaire dans le cadre d’une procédure d’ordonnance sur requête.

L’article 145 du Code de procédure civile dispose en effet que :

« S’il existe un motif légitime de conserver ou d’établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige, les mesures d’instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé. »

Une telle procédure présente l’avantage de la simplicité et de la célérité.

En substance, la commune par l’intermédiaire de son conseil saisie le Président du Tribunal de Grande instance sur le fondement des dispositions combinées des articles 145, 493 et 812 du Code de procédure civile, l’autorisation de pénétrer sur la parcelle litigieuse aux fins de vérifier si les règles d’occupation du sol sont respectées.

 Jérôme MAUDET

Avocat au barreau de Nantes

Droit des collectivités : permis de construire et corruption

L’octroi d’une libéralité destinée à favoriser la délivrance d’un permis de construire peut constituer un délit de corruption passive ou active suivant que l’on se place du côté de la collectivité ou de l’entreprise.

L’article 432-11 du Code pénal précise en effet que :

« Est puni de dix ans d’emprisonnement et de 150 000 euros d’amende le fait, par une personne dépositaire de l’autorité publique, chargée d’une mission de service public, ou investie d’un mandat électif public, de solliciter ou d’agréer, sans droit, à tout moment, directement ou indirectement, des offres, des promesses, des dons, des présents ou des avantages quelconques, pour elle-même ou pour autrui :

 1° Soit pour accomplir ou s’abstenir d’accomplir un acte de sa fonction, de sa mission ou de son mandat ou facilité par sa fonction, sa mission ou son mandat ;

2° Soit pour abuser de son influence réelle ou supposée en vue de faire obtenir d’une autorité ou d’une administration publique des distinctions, des emplois, des marchés ou toute autre décision favorable.

L’article 433-1 du même Code dispose que :

« Est puni de dix ans d’emprisonnement et de 150 000 euros d’amende le fait, par quiconque, de proposer, sans droit, à tout moment, directement ou indirectement, des offres, des promesses, des dons, des présents ou des avantages quelconques à une personne dépositaire de l’autorité publique, chargée d’une mission de service public ou investie d’un mandat électif public, pour elle-même ou pour autrui, afin :

1° Soit qu’elle accomplisse ou s’abstienne d’accomplir un acte de sa fonction, de sa mission ou de son mandat, ou facilité par sa fonction, sa mission ou son mandat ;

2° Soit qu’elle abuse de son influence réelle ou supposée en vue de faire obtenir d’une autorité ou d’une administration publique des distinctions, des emplois, des marchés ou toute autre décision favorable.

Est puni des mêmes peines le fait de céder à une personne dépositaire de l’autorité publique, chargée d’une mission de service public ou investie d’un mandat électif public qui sollicite, sans droit, à tout moment, directement ou indirectement, des offres, des promesses, des dons, des présents ou des avantages quelconques, pour elle-même ou pour autrui, afin d’accomplir ou de s’abstenir d’accomplir un acte visé au 1° ou d’abuser de son influence dans les conditions visées au 2°. »

L’article 433-2 précise également que :

 « Est puni de cinq ans d’emprisonnement et de 75 000 euros d’amende le fait, par quiconque, de solliciter ou d’agréer, à tout moment, directement ou indirectement, des offres, des promesses, des dons, des présents ou des avantages quelconques, pour lui-même ou pour autrui, afin d’abuser de son influence réelle ou supposée en vue de faire obtenir d’une autorité ou d’une administration publique des distinctions, des emplois, des marchés ou toute autre décision favorable.

 Est puni des mêmes peines le fait de céder aux sollicitations prévues au premier alinéa ou de proposer, sans droit, à tout moment, directement ou indirectement, des offres, des promesses, des dons, des présents ou des avantages quelconques à une personne, pour elle-même ou pour autrui, afin qu’elle abuse de son influence réelle ou supposée en vue de faire obtenir d’une autorité ou d’une administration publique des distinctions, des emplois, des marchés ou toute autre décision favorable. »

 Selon la Cour de cassation, le délit est constitué, y compris lorsque le profit retiré par le corrompu peut être indirect.

 Tel est notamment le cas lorsqu’une commune soumet la délivrance d’un permis de construire à une contrepartie :

 « Attendu que, pour déclarer Alain X… coupable de corruption passive, l’arrêt attaqué et le jugement qu’il confirme énoncent que la somme d’argent que celui-ci a indûment réclamée en contrepartie de la délivrance d’un permis de construire devait profiter à la commune dont il était le maire ;

 Attendu qu’en l’état de ces énonciations, et dès lors que le profit retiré par le corrompu peut être indirect, la cour d’appel a justifié sa décision au regard de l’article 432-11 du code pénal, dans sa rédaction alors en vigueur ; » (Cass. crim., 20 mai 2009, n° 08-83.789 : JurisData n° 2009-049202).

Jérôme MAUDET

Avocat