Droit pénal de l’urbanisme : nullité du procès-verbal de constat d’infraction en l’absence d’accord de l’occupant

Aux termes de l’article L.461-1 du Code de l’urbanisme les agents habilités à constater les infractions au Code de l’urbanisme disposent d’un délai de 6 ans à compter de l’achèvement des travaux pour visiter et s’assurer de la conformité des constructions.

L’article L.461-2 du même Code encadre ce droit de visite :

« Le droit de visite et de communication dans les lieux mentionnés à l’article L. 461-1 s’exerce entre 6 heures et 21 heures et, en dehors de ces heures, lorsque ces lieux sont ouverts au public.

Les domiciles et les locaux comportant des parties à usage d’habitation ne peuvent cependant être visités qu’en présence de leur occupant et avec son assentiment. »

C’est dispositions, dont la méconnaissance entache de nullité le procès-verbal de constat, s’appliquent aux résidences principales mais également aux résidences secondaires vient préciser la Cour de cassation dans un arrêt du 25 janvier 2022 au visa de l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme :

 » 8. Toute ingérence d’une autorité publique dans l’exercice du droit au respect de la vie privée et du domicile doit être prévue par la loi.

9. Pour rejeter l’exception de nullité du procès verbal de constat, tirée de ce que les photographies jointes à ce document par l’agent, ont été prises depuis la propriété de M. [S], l’arrêt attaqué retient qu’avant l’entrée en vigueur de l’article L. 480-17 du code de l’urbanisme imposant l’accord écrit du propriétaire d’un domicile pour entrer dans sa propriété, l’article L. 461-1 du même code autorisait l’entrée dans une propriété privée en l’absence d’opposition expresse du propriétaire et que les photographies jointes aux procès-verbaux de 2013 et 2014, en ce qu’elles présentent toutes les faces du bâtiment, ont été prises à la fois depuis le domaine public et depuis la propriété de M. [S] en l’absence de celui-ci, et sans que la possibilité lui ait été offerte de s’y opposer.

10. Le juge d’appel relève également qu’à supposer que des photographies ont été prises depuis la propriété de M. [S], les constatations littérales figurant dans les procès-verbaux, relatives à la seule présence d’une habitation, puis à la pose d’un bardage sur celle-ci, peuvent sans difficulté être effectuées depuis le domaine public ou une autre parcelle. Il ajoute que la protection du domicile instituée par l’article L. 461-1 du code de l’urbanisme n’a pas lieu à s’appliquer au chalet de M. [S], en précisant que l’intéressé demeure dans la commune de [Localité 3] et que le chalet construit par lui sur les rives du lac de Pareloup ne lui sert pas d’habitation permanente, mais de pied à terre pour profiter des lieux, s’y détendre ou pratiquer des loisirs et en concluant ainsi que ce lieu ne constitue pas le domicile de M. [S], sauf le temps où il y est physiquement présent.

11. En statuant ainsi, la cour d’appel a méconnu le texte susvisé et le principe ci-dessus rappelé.

12. En effet, d’une part, la description du chalet comme lieu d’habitation et de villégiature, même non permanente, ne saurait à elle seule exclure sa qualification de domicile, au sens que lui confère l’article 8 de la Convention, de sorte que le recueil de l’accord du propriétaire, dont elle a constaté qu’il faisait défaut, était nécessaire à l’agent pour procéder à la visite.

13. D’autre part, en estimant que la nullité invoquée n’était pas fondée en raison du fait que les constatations pouvaient être faites depuis la voie publique, tandis qu’elle admettait que l’agent était bien entré dans la propriété sans autorisation, la cour d’appel n’a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations. » « Cour de cassation, Chambre criminelle, 25 janvier 2022, n°20-84.185).

Jérôme MAUDET

Avocat

L’agent immobilier est garant de la conformité de la construction et de la surface habitable

L’acquéreur d’un bien immobilier qui se révèle d’une surface inférieure à ce qui est mentionnée dans l’annonce ou qui découvre que la construction qu’il vient d’acquérir a été édifiée en méconnaissance des règles d’urbanisme est-il en capacité de rechercher la responsabilité de l’agent immobilier.

L’agent immobilier, qui n’est pas un professionnel de la construction, n’a pas à vérifier les surfaces habitables ou la conformité des travaux accomplis par le vendeur.

Et bien si…

En se bornant à reprendre les informations erronées fournies par les vendeurs sans effectuer les vérifications qui s’imposaient ni même solliciter les éléments justifiant de la surface habitable l’agent immobilier commet une faute engageant sa responsabilité.

En ce sens, la Cour d’Appel de COLMAR avait déjà jugé que :

« Ce faisant, l’agence immobilière s’est manifestement bornée à reprendre les informations, vagues et largement erronées, fournies par le vendeur, sans effectuer aucune vérification et sans même solliciter aucun justificatif de la part de ce dernier.

Or, en sa qualité de professionnelle, elle devait solliciter et transcrire des informations précises et exactes sur la surface du bien cédé, qui fait partie des caractéristiques essentielles de ce bien, dans le compromis de vente auquel elle prêtait son concours. En manquant à une obligation aussi élémentaire et en indiquant une surface largement erronée, elle a commis une faute à l’égard des acquéreurs, d’autant plus que sa qualité de professionnelle ne pouvait que mettre ces derniers en confiance lors de la signature du compromis de vente » (C.A. COLMAR, 14 janvier 2021, n°19/02767).

La Cour de cassation considère quant à elle que l’agence immobilière engage sa responsabilité en cas d’erreur sur la surface habitable :

« Mais attendu qu’ayant relevé que l’attestation de superficie établie par la Compagnie nationale d’expertise et de mesurage comportait une erreur de mesurage grave et manifeste, en ce qu’elle indiquait une surface de 79,21 m² au rez-de-chaussée, alors que cette mesure comprenait l’ancienne cave transformée en réserve située en sous-sol, et que la société Foncia, professionnel de l’immobilier, qui connaissait parfaitement le local, aurait dû se rendre compte de cette erreur et demander au métreur de la rectifier et qu’il appartenait à la société Foncia et au notaire, rédacteur des actes d’achat et de vente, de vérifier les indications de cette attestation et, soit de faire modifier la surface légale, soit de mentionner une réserve concernant la cave reliée au rez-de-chaussée dans la promesse de vente et dans l’acte notarié, et souverainement retenu que ces fautes avaient causé un préjudice à la société CHW, consistant en la perte de chance de vendre son bien au prix d’évaluation auquel il avait été proposé, la cour d’appel, qui en a déduit que la société Constatimmo, la société Allianz IARD, la société Foncia et la SCP notariale devaient réparer l’entier préjudice de la société CHW, a, par ces seuls motifs, légalement justifié sa décision de ce chef » (C.Cass., 9 mars 2017, n°15-29.384).

Par un arrêt du 2 févier 2022, la Cour de cassation est venue confirmer que l’agent immobilier ne peut pas se retrancher derrière sa qualité de néophyte en matière de construction pour échapper à sa responsabilité :

« 4. L’agent immobilier fait grief à l’arrêt de le condamner, in solidum avec Mme [D] à payer aux acquéreurs, la somme de 40 000 euros à titre de dommages-intérêts, toutes causes de préjudice confondues, alors « que l’agent immobilier, qui n’est pas un professionnel de la construction, n’a pas à vérifier la conformité des travaux accomplis par le vendeur sur le bien que ce dernier lui demande de vendre aux prescriptions du permis de construire obtenu par ce vendeur ; qu’en l’espèce, la cour d’appel a retenu la responsabilité de la société JBS Conseil en considérant qu’elle était responsable de la publication d’une annonce mentionnant une superficie habitable de 110 m², et qu’elle avait admis avoir eu communication des permis de construire obtenus par M. et Mme [E], de sorte qu’elle avait nécessairement constaté que le permis de construire délivré en 1978 portait sur une surface habitable moitié moindre que celle précisée dans l’annonce et qu’il manquait sur le plan du permis la véranda, le garage et une troisième pièce ; qu’en se prononçant ainsi, tandis que l’agent immobilier, qui devait seulement vérifier l’existence des permis de construire mentionnés par les époux vendeurs, n’était pas tenu, en revanche, de vérifier la conformité des travaux accomplis par M. et Mme [E] aux prescriptions des permis de construire dont ils lui avaient indiqué l’existence, au contraire des notaires intervenus lors de la conclusion de l’acte authentique, la cour d’appel a violé l’article 1382 du code civil dans sa rédaction applicable en la cause, devenu l’article 1240 du même code.

5. Après avoir relevé que l’agent immobilier avait publié une annonce mentionnant que le bien avait une surface habitable de 110 m² et rédigé la promesse de vente au vu des permis de construire, qui comportaient une surface habitable moitié moindre et sur lesquels manquaient manifestement la véranda, le garage et une troisième pièce, et retenu qu’il avait une parfaite connaissance de la teneur de ces documents et des lieux, la cour d’appel a pu en déduire que celui-ci avait commis une négligence et engagé ainsi sa responsabilité. » (Cass, 2 février 2022, n° 20-18.388)

La Cour de cassation confirme par ailleurs que même en présence d’un dol du vendeur, le manquement imputé à l’agence immobilière implique qu’elle indemnise la perte de chance de l’acquéreur d’avoir pu négocier le prix :

« 8. Après avoir retenu que, si les acquéreurs avaient eu connaissance du caractère illégal des constructions réalisées et de l’inconstructibilité attachée au bien, ils auraient pu renoncer à l’acquérir ou l’obtenir à un prix plus bas, la cour d’appel, qui n’était pas tenue de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, a pu en déduire que ceux-ci avaient perdu, par la faute de l’agent immobilier et le dol des vendeurs, la chance de le négocier à un tel prix et fixer, sans indemniser un préjudice hypothétique, le montant des dommages-intérêts à hauteur de la chance perdue. » (Cass, 2 février 2022, n° 20-18.388)

Jérôme MAUDET

Avocat

Loi Climat & Résilience : Quelles conséquences en matière d’aménagement commercial ?

 

Enfin promulguée !

La loi n°2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets a été publiée au journal officiel ce 24 août 2021.

Se félicitant de la promulgation de la loi, Barbara Pompili indique « Nous y sommes ! Après deux années de travail intense, la transformation écologique de notre société va s’accélérer grâce à la loi Climat & Résilience. Riche de près de 300 articles, c’est un texte complet et ambitieux qui ancre durablement l’écologie dans notre modèle de développement. (…) »

Issu de la Convention citoyenne pour le climat lancée par Emmanuel Macron en avril 2019 à la suite du Grand débat national, le projet de loi n°3875 a été présenté en Conseil des ministres le 10 février 2021.

Le projet de loi est adopté par l’Assemblée Nationale le 4 mai 2021.

Il est ensuite modifié et adopté par le Sénat le 29 juin 2021.

Contre toute attente et après de vifs débats, députés et sénateurs ont finalement réussi à s’entendre dans le cadre de la commission mixte paritaire et les travaux de ladite commission ont ainsi abouti à un texte comportant 305 articles contre 69 dans le projet de loi déposé.

Le 20 juillet 2021, le Parlement a adopté le projet de loi Climat et Résilience avec 233 voix en faveur et 35 voix contre le projet.

Saisi par 79 députés, le Conseil constitutionnel a rendu sa décision le 13 août 2021[1] en validant en grande partie le projet de loi.

Forte de ses 305 articles, la loi s’articule en huit titres et rappelle dans son tout premier article (Titre I), l’engagement de l’Etat à respecter l’objectif européen de baisse d’au moins 55% des émissions des gaz à effet de serre d’ici 2030 par rapport à 1990 :

  • Titre I : Atteindre les objectifs de l’accord de Paris et du Pacte Vert pour l’Europe (article 1er)
  • Titre II : Consommer (Articles 2 à 29)
  • Titre III : Produire et travailler (Articles 30 à 102)
  • Titre IV : Se déplacer (Articles 103 à 147)
  • Titre V : Se loger (Articles 148 à 251)
  • Titre VI : Se Nourrir (Articles 252 à 278)
  • Titre VII : Renforcer la protection judiciaire de l’environnement (articles 279 à 297)
  • Titre VIII : Dispositions relatives à l’évaluation climatique et environnementale (Articles 298 à 305)

Une centaine de décrets est annoncée.

Elle comporte, notamment, un titre V intitulé « Se Loger » dont les chapitres III et IV ont trait à la « lutte contre l’artificialisation des sols ».

L’instruction du gouvernement du 29 juillet 2019 relative à l’engagement de l’Etat en faveur d’une gestion économe de l’espace appelait déjà au renforcement de la mobilisation de l’élu local pour porter les enjeux de lutte contre l’artificialisation des sols et à la mise en place du principe « Zéro Artificialisation Nette » (ZAN) inscrit dans le plan biodiversité présenté à l’été 2018.

La loi pose le principe que le rythme d’artificialisation devra être divisé par deux d’ici 2030 et le « zéro artificialisation nette » atteint d’ici 2050 :

« Afin d’atteindre l’objectif national d’absence de toute artificialisation nette des sols en 2050, le rythme de l’artificialisation des sols dans les dix années suivant la promulgation de la présente loi doit être tel que, sur cette période, la consommation totale d’espace observée à l’échelle nationale soit inférieure à la moitié de celle observée sur les dix années précédant cette date. Ces objectifs sont appliqués de manière différenciée et territorialisée, dans les conditions fixées par la loi. »[2]

Elle inscrit expressément cet objectif à l’action des collectivités publiques en matière d’urbanisme par l’ajout sous l’article L101-2 du code de l’urbanisme d’un 6° bis relatif à « La lutte contre l’artificialisation des sols, avec un objectif d’absence d’artificialisation nette à terme »[3].

Est inséré un nouvel article L 101-2-1 du code de l’urbanisme ainsi rédigé :

« Art. L. 101-2-1. – L’atteinte des objectifs mentionnés au 6° bis de l’article L. 101-2 résulte de l’équilibre entre :

    1. La maîtrise de l’étalement urbain
    2. Le renouvellement urbain
    3. L’optimisation de la densité des espaces urbanisés
    4. La qualité urbaine
    5. La préservation et la restauration de la biodiversité et de la nature en ville
    6. La protection des sols des espaces naturels, agricoles et forestiers
    7. La renaturation des sols artificialisés. »

La notion d’artificialisation est désormais définie juridiquement sous ce même article :

« L’artificialisation est définie comme l’altération durable de tout ou partie des fonctions écologiques d’un sol, en particulier de ses fonctions biologiques, hydriques et climatiques, ainsi que de son potentiel agronomique par son occupation ou son usage. »

La notion de friche qui figurait parmi les surfaces artificialisées dans le projet de loi adopté par le Sénat ne figure plus dans la loi publiée.

La loi précise qu’il faut entendre par « friche » au sens du code de l’urbanisme « tout bien ou droit immobilier, bâti ou non bâti, inutilisé et dont l’état, la configuration ou l’occupation totale ou partielle ne permet pas un réemploi sans un aménagement ou des travaux préalables. Les modalités d’application du présent article sont fixées par décret. »[4]

La « renaturation » est quant à elle définit de la manière suivante :

« La renaturation d’un sol, ou désartificialisation, consiste en des actions ou des opérations de restauration ou d’amélioration de la fonctionnalité d’un sol, ayant pour effet de transformer un sol artificialisé en un sol non artificialisé.[5]

Il est également précisé qu’un décret en Conseil d’Etat « établira notamment une nomenclature des sols artificialisés ainsi que l’échelle à laquelle l’artificialisation des sols doit être appréciée dans les documents de planification et d’urbanisme. »

Au sein des titres III et V figurent plusieurs mesures qui concerne directement l’aménagement commercial.

 

Que contient le texte publié en matière d’aménagement commercial ?

A la suite de l’instruction du gouvernement du 29 juillet 2019 relative à l’engagement de l’Etat en faveur d’une gestion économe de l’espace, le Premier Ministre Jean CASTEX rappelait, dans une circulaire datée du 24 aout 2020 sur le rôle des préfets en matière d’aménagement commercial, que « la lutte contre l’artificialisation des sols est en effet un des objectifs assignés à l’aménagement commercial : les projets, pour être autorisés, ne doivent pas compromettre cet impératif ». Il leur est « demandé de faire usage des pouvoirs dont ils disposent en la matière pour lutter contre l’artificialisation des sols générée par les équipements commerciaux soumis à autorisation d’exploitation commerciale. »

Aussi la loi prévoit-elle en son article 215 un principe général d’interdiction de toute nouvelle autorisation d’exploitation commerciale portant sur un projet qui engendrerait une artificialisation des sols.

Cette interdiction (1) comporte toutefois certaines dérogations (2) assujetties à une procédure pour le moins floue (3).

La loi élargit la faculté d’auto-saisine prévue à l’article L 752-4 du code de commerce (4).

La loi renforce également les obligations en matière de performances énergétiques et environnementales des bâtiments commerciaux. (5)

La loi ne soumet finalement pas les entrepôts consacrés au commerce électronique à autorisation d’exploitation commerciale. (6)

 

  • Un principe général d’interdiction de toute nouvelle autorisation d’exploitation commerciale générant une artificialisation du sol

La loi fixe un principe général d’interdiction de toute nouvelle autorisation d’exploitation commerciale portant sur un projet (création ou extension) qui entraînerait une artificialisation des sols au sens du 9ème alinéa de l’article 101-2-1 du code de l’urbanisme, c’est – à- dire qui « engendrerait une altération durable de tout ou partie des fonctions écologiques d’un sol, en particulier de ses fonctions biologiques, hydriques et climatiques, ainsi que de son potentiel agronomique par son occupation ou son usage. » [6]

A contrario, tout projet d’aménagement commercial qui ne génère pas d’artificialisation est autorisée.

La loi précise qu’est considérée comme « artificialisée », « une surface dont les sols sont soit imperméabilisés en raison du bâti ou d’un revêtement, soit stabilisés et compactés, soit constitués de matériaux composites » [7]

Est considérée en revanche comme « Non artificialisée » : « une surface soit naturelle, nue ou couverte d’eau, soit végétalisée, constituant un habitat naturel ou utilisée à usage de cultures ».[8]

Plusieurs décrets doivent intervenir afin d’établir une nomenclature des sols artificialisés et précisant les modalités d’application du présent article ainsi que les projets considérés comme engendrant une artificialisation des sols du V de l’article L752-6 du code de commerce.

 

  • Une dérogation possible

Répondant à certains critères :

La loi prévoit néanmoins une procédure dérogatoire si le pétitionnaire démontre, à l’appui de l’analyse d’impact mentionnée au III de l’article L752-6 du code de commerce que son projet obligatoirement :

  • s’insère en continuité avec les espaces urbanisés dans un secteur au type d’urbanisation adéquat,
  • répond aux besoins du territoire,
  • et qu’il obéit à l’un des 4 critères suivants :
    • L’insertion du projet dans le secteur d’intervention d’une opération de revitalisation de territoire (ORT) ou dans un quartier prioritaire de la politique de la ville (QPV)
    • L’insertion du projet dans une opération d’aménagement au sein d’un espace déjà urbanisé, afin de favoriser notamment la mixité fonctionnelle du secteur concerné
    • La compensation par la transformation d’un sol artificialisé en sol non artificialisé, au sens de l’avant-dernier alinéa de l’article L. 101-2-1 du code de l’urbanisme ;
    • L’insertion au sein d’un secteur d’implantation périphérique ou d’une centralité urbaine identifiés dans le document d’orientation et d’objectifs (DOO) du schéma de cohérence territoriale (SCOT) entré en vigueur avant la publication de la présente loi (soit avant le 24 aout 2021) ou au sein d’une zone d’activité commerciale délimitée dans le règlement du plan local d’urbanisme intercommunal (PLUi) entré en vigueur avant la publication de la même loi

Le projet est donc soumis à 3 conditions cumulatives nécessaires :

  • une insertion en continuité de l’urbanisation
  • dans un secteur au type d’urbanisation adéquate
  • et répondant aux besoins du territoire

Auxquelles s’ajoutent l’un des quatre critères alternatifs précités :

  • L’insertion du projet dans le secteur d’intervention d’une ORT ou dans un quartier prioritaire (QPV)
  • L’insertion du projet dans une opération d’aménagement au sein d’un espace déjà urbanisé,
  • La compensation par la transformation d’un sol artificialisé en sol non artificialisé,
  • L’insertion au sein d’un secteur d’implantation périphérique ou d’une centralité urbaine identifiés dans le DOO du SCOT entré en vigueur avant la publication de la présente loi, soit avant le 24 aout 2021 ou au sein d’une zone d’activité commerciale délimitée dans le règlement du PLUi entré en vigueur avant la publication de la présente loi, soit avant le 24 aout 2021

Parmi ces critères, d’ores et déjà le terme « type d’urbanisation adéquate » interroge. Qu’a entendu prendre en compte le législateur ? le centre-ville, une zone d’activités économique, industrielle ou artisanales ? la réalité physique des lieux et/ou la possibilité juridique d’implanter tel projet dans tel secteur au regard des règles d’urbanisme applicables ?

Il a en de même s’agissant de la réponse aux besoins du territoire ? s’agit-il des besoins démographiques, économiques, de la nécessité de renforcer l’attractivité du territoire, de moderniser les équipements commerciaux ?

 

Réservée à certains projets seulement :

Certains projets seulement pourront bénéficier de cette dérogation.

Il s’agit des projets ayant pour objet :

 

  • la création d’un magasin de commerce de détail ou d’un ensemble commercial d’une surface de vente inférieure à 10 000 m²,
  • l’extension d’un magasin de commerce de détail ou d’un ensemble commercial d’une surface de vente inférieure à 10 000 m² après réalisation du projet,
  • L’extension de la surface de vente d’un magasin de commerce de détail ou d’un ensemble commercial ayant déjà atteint le seuil des 10 000 m² ou devant le dépasser par la réalisation du projet, dans la limite d’une seule extension par magasin ou ensemble commercial et sous réserve que l’extension de la surface de vente soit inférieure à 1 000 m².

 

3-Et selon une procédure encore floue

 

L’article 215 de la loi précise que pour les projets d’une surface de vente supérieure à 3000m² et inférieure à 10 000m², la dérogation n’est accordée qu’après avis conforme du représentant de l’Etat.

La loi ne renseigne toutefois pas sur l’articulation de la procédure entre l’obtention de la dérogation, le dépôt de la demande et la séance de la CDAC devant statuer sur le projet. La dérogation doit-elle être obtenue antérieurement à l’instar de la dérogation prévue à l’article L142-5 du code de l’urbanisme en l’absence de SCOT applicable ? le préfet se prononce-t-il lors de la séance de la CDAC ? …

Un décret viendra préciser les modalités du présent article.

 

4-Elargissement de la faculté d’auto-saisine pour l’ensemble des communes (L752-4)

La loi complète la faculté d’auto-saisine en élargissant à toute les communes (et non plus aux seules communes de moins de 20.000 habitants) la faculté pour l’assemblée délibérante de soumettre à l’avis de la CDAC un projet d’une surface de vente comprise entre 300 et 1000m² dès lors qu’il engendre une artificialisation du sol (L752-4)[9]

 

5-Le renforcement de la performance énergétique et environnementale des bâtiments commerciaux (toitures, parc de stationnement)

 

  • La loi impose que tout projet de construction d’un bâtiment commercial créant plus de 500m² d’emprise au sol, de projet d’extension de la même surface ou de rénovation lourde de bâtiments ou parties de bâtiment intègre :
  • soit un procédé de production d’énergies renouvelables,
  • soit un système de végétalisation, garantissant un haut degré d’efficacité thermique et d’isolation et favorisant la préservation et la reconquête de la biodiversité (article L171-4 du CCH)
  • et, sur les aires de stationnement associées lorsqu’elles sont prévues par le projet, des revêtements de surface, des aménagements hydrauliques ou des dispositifs végétalisés favorisant la perméabilité et l’infiltration des eaux pluviales ou leur évaporation et préservant les fonctions écologiques des sols.[10]

Ces obligations seront réalisées en toiture du bâtiment ou sur les ombrières surplombant les aires de stationnement, sur une surface au moins égale à 30 % de la toiture du bâtiment construit ou rénové de manière lourde et des ombrières créées.

Ces dispositions entrent en vigueur le 1er juillet 2023.

Seules des contraintes techniques, de sécurité, architecturales ou patrimoniales ou des conditions économiquement inacceptables permettront d’être exonéré de cette obligation (un décret précisera les conditions d’exonération).

  • La loi prévoit en outre que les parcs de stationnement de plus de 500m² associés aux bâtiments ou parties de bâtiments concernés par l’article L171-4 précité ou les nouveaux parcs de stationnement extérieurs ouverts au public de plus de 500 m² doivent intégrer sur au moins la moitié de leur surface des revêtements de surface, des aménagements hydrauliques ou des dispositifs végétalisés favorisant la perméabilité et l’infiltration des eaux pluviales ou leur évaporation.

Ils doivent également intégrer des dispositifs végétalisés ou des ombrières concourant à l’ombrage desdits parcs sur au moins la moitié de leur surface, dès lors que l’un ou l’autre de ces dispositifs n’est pas incompatible avec la nature du projet ou du secteur d’implantation et ne porte pas atteinte à la préservation du patrimoine architectural ou paysager.

Si lesdits parcs comportent des ombrières, celles-ci intègrent un procédé de production d’énergies renouvelables sur la totalité de leur surface.

Seules des contraintes techniques, de sécurité, architecturales ou patrimoniales ou des conditions économiquement inacceptables permettront de s’affranchir de cette obligation (un décret précisera les conditions d’exonération).

Ces dispositions s’appliquent aux demandes d’autorisation de construction ou d’aménagement d’urbanisme déposées à compter du 1er juillet 2023.[11]

 

6-L’absence de soumission des entrepôts à la législation relative à l’urbanisme commercial

La soumission des entrepôts consacrés au commerce électronique au régime de l’autorisation d’exploitation commerciale revient comme un serpent de mer à chaque modification et réforme de l’urbanisme commercial.

De nombreux amendements ont été déposés tant devant l’Assemblée nationale que le Sénat afin de les soumettre.

Les sénateurs examinant ledit projet de loi Climat & Résilience ont voté, le 29 juin 2021, la soumission des entrepôts du e-commerce, ou plus précisément, « des locaux destinés à l’entreposage en vue de la livraison à toute personne physique de biens commandés par voie télématique » d’une surface de plancher supérieure 5000m² au régime de l’autorisation d’exploitation commerciale.[12]

La loi adoptée n’assujettira finalement pas la construction de ces entrepôts e-commerce à une autorisation d’exploitation commerciale.

Dans leur saisine du Conseil constitutionnel, les députés requérants reprochaient à l’article 215 adopté de ne pas s’appliquer aux entrepôts des entreprises de commerce en ligne, quand bien même leur implantation ou leur extension engendrerait une artificialisation des sols de sorte que, selon eux, il en résulterait une différence de traitement injustifiée entre ces entreprises et celles qui exercent une activité de commerce physique, en méconnaissance du principe d’égalité devant la loi.

Le Conseil constitutionnel n’est pas de cet avis et précise que :

« 10. Les dispositions contestées se limitent à introduire une nouvelle condition au régime de l’autorisation d’exploitation commerciale. Or, ce régime a pour objet principal d’assurer une répartition des surfaces commerciales favorisant un meilleur aménagement du territoire. Il résulte de l’article L. 752-1 du code de commerce qu’il ne s’applique pas aux entrepôts.

  1. Dès lors, les dispositions contestées ne créent, par elles-mêmes, aucune différence de traitement entre les entreprises de commerce en ligne et celles qui exercent une activité de commerce au détail. 
  1. Le grief tiré de la méconnaissance du principe d’égalité devant la loi doit donc être écarté. 
  1. Par conséquent, le premier alinéa du paragraphe V de l’article L. 752-6 du code de commerce, qui ne méconnaît aucune autre exigence constitutionnelle, est conforme à la Constitution. »[13]

 

***

 

Ces nouvelles dispositions s’inscrivent dans une succession de réformes intervenues ces dernières années[14] qui ont profondément modifié l’appréhension de la matière.

La loi Climat & Résilience constitue une nouvelle épreuve que l’ensemble des acteurs de l’urbanisme et de l’aménagement commercial devront surmonter en mobilisant tout leur talents et ressources intérieurs.

L’aménagement commercial ou le pouvoir de la résilience ?

 

Céline CAMUS

Avocate-associée du cabinet Seban Atlantique

 

 

 

[1] Décision n°2021-825 DC du 13 août 2021

[2] Article 191

[3] Article 192

[4] Article 222 de la loi et nouvel article L111-26 du code de l’urbanisme

[5] Article 192

[6] Ajout d’un V sous l’article L752-6 du code de commerce

[7] Article 192

[8] Article 192

[9] Article 196

[10] Article 101 (création dans le code de la construction et de l’habitation d’un article L171-4)

[11] Article 101 (création dans le  code de l’urbanisme d’un article L111-19-1)

[12] Article 52 bis AAA

[13] Décision n°2021-825 DC du 13 aout 2021

[14] Loi n° 2008-776 du 4 aout 2008 de Modernisation de l’Economie (loi LME); loi n° 2014-336 du 24 mars 2014 pour l’Accès au logement et un urbanisme rénové (loi ALUR) ;  loi n° 201-626 du 18 juin 2014 relative à l’artisanat, au commerce et aux très petites entreprise (loi PINEL); loi n°2018-1021 du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique (loi ELAN)

 

Urbanisme : Vendredi 4 juin 2021 Céline CAMUS reviendra sur les éléments marquants du dernier semestre et répondra à vos questions

Inscription: contact@seban-atlantique.fr et au 02 51 89 74 20

Seban Atlantique 2 place de la Bourse 44000 NANTES

Afin d’assurer le respect des gestes barrières le nombre de place est limité

Vie du cabinet : Intervention de Me Céline CAMUS sur le thème du « Contentieux de l’urbanisme »

 

Céline CAMUS intervenait mercredi 14 avril 2021 dans les locaux de l’AMF 44  pour former les élus sur le thème du « Contentieux de l’urbanisme »

Merci à l’AMF 44 pour sa confiance renouvelée et aux participants pour la qualité de leur écoute et des échanges !

 

Au programme de l’après midi :

 Les conditions de recevabilité, les délais à respecter, les prorogations

    • L’intérêt à agir
    • Le délai de recours
    • La notification
    • Le titre de propriété
    • La dualité des moyens
    • Le recours préalable obligatoire (RAPO)

L’instruction

    • Les délais de procédure
    • La cristallisation des moyens/OCI/mémoire récapitulatif
    • Les moyens invoqués
    • Le retrait
    • La régularisation, l’annulation partielle, le sursis à statuer

Les voies de recours

    • Rappel sur la suspension temporaire de l’appel (R. 811-1-1 CJA)
    • Cassation

Vie du cabinet : Intervention de Me Céline CAMUS sur le thème du « Contentieux de l’urbanisme »

 

Céline CAMUS intervenait mardi 16 février 2021 dans les locaux de l’AMF 44  pour former les élus sur le thème du « Contentieux de l’urbanisme »

Merci à l’AMF 44 pour sa confiance renouvelée et aux participants pour la qualité de leur écoute et des échanges !

 

 

 

Au programme de l’après midi :

 

Les conditions de recevabilité, les délais à respecter, les prorogations

    • L’intérêt à agir
    • Le délai de recours
    • La notification
    • Le titre de propriété
    • La dualité des moyens
    • Le recours préalable obligatoire (RAPO)

L’instruction

    • Les délais de procédure
    • La cristallisation des moyens/OCI/mémoire récapitulatif
    • Les moyens invoqués
    • Le retrait
    • La régularisation, l’annulation partielle, le sursis à statuer

Les voies de recours

    • Rappel sur la suspension temporaire de l’appel (R. 811-1-1 CJA)
    • Cassation

Droit de l’urbanisme : impossible de régulariser une construction achevée par le biais d’un permis de construire modificatif

Par un arrêt du 25 novembre 2020, le Conseil d’Etat a considéré qu’un maire ne peut pas délivrer un permis de construire modificatif pour régulariser une construction déjà achevée.

La seule solution pour le constructeur, est de solliciter la délivrance d’un nouveau permis de construire destiné à régulariser l’ensemble des éléments de la construction :

« 2. L’autorité compétente, saisie d’une demande en ce sens, peut délivrer au titulaire d’un permis de construire en cours de validité, tant que la construction que ce permis autorise n’est pas achevée, un permis le modifiant, sous réserve que les modifications apportées au projet initial n’en remettent pas en cause, par leur nature ou leur ampleur, la conception générale.

3. En outre, aux termes de l’article L. 462-2 du code de l’urbanisme, dans sa rédaction applicable au litige :  » L’autorité compétente (…) peut, dans un délai fixé par décret en Conseil d’Etat, procéder ou faire procéder à un récolement des travaux et, lorsque ceux-ci ne sont pas conformes au permis délivré ou à la déclaration préalable, mettre en demeure le maître de l’ouvrage de déposer un dossier modificatif ou de mettre les travaux en conformité. (…) / Passé ce délai, l’autorité compétente ne peut plus contester la conformité des travaux. (…) « . En vertu de l’article R. 462-6 du même code, dans sa rédaction applicable au litige, à compter de la date de réception en mairie de la déclaration signée par le bénéficiaire du permis de construire attestant l’achèvement et la conformité des travaux, l’autorité compétente dispose, sous réserve des cas où un récolement des travaux est obligatoire, d’un délai de trois mois pour contester la conformité des travaux au permis ou à la déclaration, au-delà duquel elle ne peut plus exiger du propriétaire qui envisage de faire de nouveaux travaux qu’il présente une demande de permis ou dépose une déclaration portant sur les éléments de la construction existante édifiés sans respecter le permis de construire précédemment obtenu ou la déclaration préalable précédemment déposée.

4. Enfin, si la construction achevée n’est pas conforme au projet autorisé, le titulaire du permis de construire conserve la faculté, notamment si une action civile tendant à la démolition ou à la mise en conformité de la construction a été engagée, de solliciter la délivrance d’un nouveau permis de construire destiné à la régulariser, qui doit porter sur l’ensemble des éléments de la construction qui ont eu pour effet de modifier le bâtiment tel qu’il avait été initialement approuvé et respecter les règles d’urbanisme en vigueur à la date de son octroi. » (CE, 25 novembre 2020, n°429623)

Jérôme MAUDET

Avocat

Le cabinet SEBAN ATLANTIQUE recrute

 

 

Le cabinet SEBAN-ATLANTIQUE, filiale du cabinet SEBAN & ASSOCIES, est une société d’avocats dont l’activité est principalement dédiée aux acteurs publics. Son approche pluridisciplinaire lui permet de répondre aux préoccupations de ses clients relevant à la fois du droit public, du droit privé et du droit pénal.

Dans le cadre de son développement, le cabinet propose pour ses bureaux de Nantes, une collaboration libérale à temps complet ainsi qu’un stage élève avocat.

Vous êtes organisé(e), rigoureux (se), vous disposez de réelles qualités rédactionnelles et d’excellentes connaissances juridiques en droit public et vous souhaitez vous investir pour nos clients. Des connaissances en droit de l’urbanisme seront particulièrement appréciées.

Merci de bien vouloir transmettre votre candidature (CV et lettre de motivation) par e-mail à l’adresse suivante : contact @ seban-atlantique.fr 

Urbanisme : comment anticiper votre dématérialisation ?

Vendredi 2 octobre 2020 le cabinet NEPSIO Conseil et le cabinet SEBAN-ATLANTIQUE vous invitent à un petit déjeuner destiné aux acteurs publics.

Inscrivez-vous ici 

Le cabinet SEBAN-ATLANTIQUE recrute !

Le cabinet SEBAN-ATLANTIQUE, filiale du cabinet SEBAN & ASSOCIES, est une société d’avocats dont l’activité est principalement dédiée aux acteurs publics. Son approche pluridisciplinaire lui permet de répondre aux préoccupations de ses clients relevant à la fois du droit public, du droit privé et du droit pénal.

Dans le cadre de son développement, le cabinet propose pour ses bureaux de Nantes, une collaboration libérale à temps complet ainsi qu’un stage élève avocat à compter de septembre 2020.

Vous serez plus spécialement affecté(e) au secteur urbanisme et urbanisme commercial pour lequel le cabinet assiste ses clients publics sur les aspects juridiques de leurs actions, tant en conseil qu’en contentieux.

Vous êtes organisé(e), vous disposez de réelles qualités rédactionnelles et d’excellentes connaissances juridiques en droit public et vous souhaitez vous investir dans des dossiers complexes pour nos clients acteurs publics.

Merci de bien vouloir transmettre votre candidature (CV et lettre de motivation) par e-mail à l’adresse suivante : contact @ seban-atlantique.fr

Une expérience solide en droit public et en droit de l’urbanisme est exigée.