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Collectivités : suspension pour doute sérieux d’un arrêté municipal anti-expulsion

Sans surprise, par ordonnance du 7 septembre 2017, le juge des référés du Tribunal administratif de MONTREUIL a suspendu,  l’arrêté d’un maire par lequel il avait décidé que lors de toute expulsion locative sur le territoire de sa commune, il devra être fourni la justification que le relogement de la personne expulsée et de sa famille dans un logement décent a été assuré.

Selon le juge des référés, le Maire ne peut pas faire usage de ses pouvoirs de police pour se substituer au Préfet en la matière :

« 3. Considérant, d’une part, qu’en vertu des articles L. 2212-1 et L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales, le maire est chargé, sous le contrôle administratif du représentant de l’Etat dans le département, de la police municipale, en vue d’assurer le bon ordre, la sûreté, la sécurité et la salubrité publiques ;

  1. Considérant, d’autre part, qu’aux termes de l’article L. 411-1 du code des procédures civiles d’exécution : « Sauf disposition spéciale, l’expulsion d’un immeuble ou d’un lieu habité ne peut être poursuivie qu’en vertu d’une décision de justice ou d’un procès-verbal de conciliation exécutoire et après signification d’un commandement d’avoir à libérer les locaux » ; que selon l’article L. 153-1 du code des procédures civiles d’exécution : « L’Etat est tenu de prêter son concours à l’exécution des jugements et des autres titres exécutoires. Le refus de l’Etat de prêter son concours ouvre droit à réparation.
  2. Considérant qu’il résulte des dispositions précitées que si le maire de la commune se voit confier, en vertu des articles L. 2212-1 et L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales, des pouvoirs de police générale, en vue du maintien de l’ordre, de la sécurité et de la salubrité publics, il ne peut en user pour faire échec à l’exécution des décisions du représentant de l’Etat dans le département lorsque celui-ci a, en application d’une décision de justice, accordé le concours de la force publique pour qu’il soit procédé à l’expulsion des occupants d’un logement ; qu’il appartient au seul préfet d’apprécier, sous le contrôle du juge, les risques de troubles à l’ordre public consécutifs à la mise en œuvre d’une procédure d’expulsion ; que le maire n’est pas compétent pour apprécier l’existence de ces risques et ne peut exiger que la justification du relogement des personnes expulsées lui soit fournie ; qu’il suit de là que le moyen tiré de l’incompétence du maire pour prendre l’arrêté litigieux apparaît de nature, en l’état de l’instruction, à faire naître un doute sérieux sur la légalité de cet arrêté ; qu’il y a donc lieu de suspendre l’exécution de l’arrêté du 27 mars 2017 du maire de la commune de Villetaneuse ;  » (TA Montreuil, ord., 6 septembre 2017, n° 1707364)

Jérôme MAUDET

Avocat

Droit des collectivités : pouvoirs du maire sur les branchements électriques provisoires

L’article 1er du décret n°72-1120 du 14/12/1972 prévoit seulement deux cas d’installations électriques pour lesquelles il est possible d’établir un branchement provisoire.

– les installations « dont le raccordement n’a qu’un caractère provisoire »,

« les installations dont la mise sous tension n’est demandée que pour une période limitée, en vue de procéder aux essais de l’installation ».

 Comme l’a récemment rappelé la Commission de régulation de l’énergie, un branchement provisoire n’a pas vocation à être utilisé à des fins pérennes.

« le raccordement provisoire d’une installation électrique est uniquement destiné à l’alimentation à caractère temporaire de celle-ci et ne peut être utilisé pour l’alimentation électrique définitive de l’installation. 

Un logement occupé (…) ne peut donc faire l’objet que d’une alimentation définitive, et non d’une alimentation provisoire (…) » (Commission de régulation de l’énergie, décision du 4 juin 2014 publiée au journal officiel du 27 septembre 2014).

 Les contrats type de branchements provisoires stipulent d’ailleurs expressément l’impossibilité d’utiliser un tel raccordement pour alimenter l’installation intérieure d’une habitation notamment :

« Ce raccordement à caractère temporaire, est uniquement destiné à l’alimentation d’une installation décrite ci-dessus. Il ne saurait en aucun cas servir à d’autres fins et ou à l’alimentation d’une installation électrique définitive, par exemple alimenter une installation intérieure d’une habitation ou d’un local sans CONSUEL. »

L’utilisation d’un raccordement provisoire à des fins pérennes ne permet pas de remplir cet objectif puisqu’aucun contrôle de l’installation ne peut intervenir sous le contrôle du CONSUEL.

Dans un telle hypohtèse, il appartient donc au Maire d’inviter le concessionnaire en charge des réseaux électriques de  mettre fin à cette situation tant sur le fondement des dispositions de l’article L.111-6 du Code de l’urbanisme lequel prévoit que :

 « Les bâtiments, locaux ou installations soumis aux dispositions des articles L. 421-1 à L. 421-4 ou L. 510-1, ne peuvent, nonobstant toutes clauses contraires des cahiers des charges de concession, d’affermage ou de régie intéressée, être raccordés définitivement aux réseaux d’électricité, d’eau, de gaz ou de téléphone si leur construction ou leur transformation n’a pas été, selon le cas, autorisée ou agréée en vertu des articles précités. »

Dans un arrêt du 28 janvier 2014, la Cour administrative d’appel de LYON a d’ailleurs considéré qu’un branchement prétendument provisoire doit être requalifié de définitif s’il est utilisé à des fins pérennes :

 « 6. Considérant qu’au contentieux, la commune de Châtel-Guyon soutient que la demande de raccordement provisoire au réseau électrique présentée par M. A…doit être regardée comme visant en réalité à obtenir un raccordement définitif à ce réseau ; qu’il ressort des pièces du dossier et n’est pas contesté qu’à la date à laquelle la décision litigieuse est intervenue, M. A… résidait d’une manière habituelle sur la parcelle cadastrée ZA 386 ; que, dans ces conditions, alors que la demande de raccordement provisoire ne correspond pas à une hypothèse d’occupation effectivement provisoire de la parcelle, mais à une occupation permanente, la demande de raccordement présentée par M. A…doit être regardée comme tendant en réalité à obtenir un raccordement définitif au réseau électrique ; que, par ailleurs, il est constant que le chalet et les caravanes qui sont situés sur le terrain constituent une construction et des installations irrégulières au regard des dispositions d’urbanisme applicables ; que, dès lors, le maire aurait pu légalement, en application des dispositions précitées de l’ article L. 111-6 du code de l’urbanisme  , s’opposer à ce raccordement définitif ; qu’il résulte de l’instruction que le maire aurait pris la même décision s’il s’était initialement fondé sur ce motif ; qu’en conséquence, il y a lieu de faire droit à la substitution de motifs demandée par la commune de Châtel-Guyon ;» (CAA LYON, 28 janvier 2014, N°13LY01302)

Voir également en ce sens :

« Si les requérants ont sollicité un raccordement provisoire, il ressort des pièces du dossier qu’ils résident de manière habituelle sur ces parcelles où ils ont effectué de nombreux aménagements, et ce depuis plusieurs années ; que dans ces conditions les demandes de raccordement qu’ils ont présentées doivent être regardées comme tendant en réalité à obtenir un raccordement définitif ; que dès lors le maire pouvait légalement s’y opposer en application des dispositions précitées de l’article L.11-6 du Code de l’urbanisme. » (TA GRENOBLE, 18 novembre 2014, N°1206133).

Ou encore :

 « 3. Considérant, en premier lieu, que les dispositions de l’article L. 111-6 citées ci-dessus permettent au maire de s’opposer au raccordement définitif au réseau de distribution d’électricité des caravanes et autres habitations mobiles stationnant irrégulièrement sur le territoire de la commune concernée, soit au regard des articles R. 443-1 et suivants du code de l’urbanisme, soit au regard du règlement annexé au plan d’occupation des sols ou du plan local d’urbanisme ; qu’il n’appartient pas au maire de se prononcer sur les demandes de raccordement aux réseaux n’entrant pas dans les prévisions de l’article L. 111-6, notamment si elles sont destinées à fournir en électricité des installations de pompage agricoles ; qu’en revanche, la circonstance que la demande de raccordement soit motivée par les besoins de l’exploitation agricole ne fait pas obstacle à ce que le maire fasse usage des pouvoirs d’opposition qu’il tient de l’article L. 111-6, dès lors qu’il estime que cette demande concerne des habitations mobiles en stationnement irrégulier ; que, par suite, en jugeant, après avoir indiqué que des habitations mobiles en stationnement irrégulier étaient présentes sur le terrain de Mme A à la date de la décision attaquée, que le maire avait pu légalement s’opposer à la demande de raccordement litigieuse, alors même que l’intéressée aurait pris l’engagement de n’utiliser l’électricité ainsi fournie qu’à des fins exclusivement agricoles, la cour n’a pas entaché son arrêt d’erreur de droit ; » (Conseil d’Etat, 26 décembre 2012, N°340503)

Jérôme MAUDET

Avocat au Barreau de Nantes

Droit des collectivités : responsabilité du maire à raison des nuisances causées par les occupants d’une aire d’accueil

En cas de carence du maire dans l’exercice de ses pouvoirs de police, sa responsabilité est susceptible d’être recherchée à raison des nuisances subies par les riverains d’une aire d’accueil.

La prétendue carence des services de l’Etat n’est pas, à elle seule et à la supposée établie, de nature à exonérer la commune de sa propre responsabilité.

Par un arrêt du 5 novembre 2013, la Cour d’appel de BORDEAUX est venue rappeler ce principe qui s’inscrit dans la droite ligne de la jurisprudence :

« 3. Considérant qu’aux termes de l’article L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales :  » La police municipale a pour objet d’assurer le bon ordre, la sûreté, la sécurité et la salubrité publiques. Elle comprend notamment : / (…) 2°Le soin de réprimer les atteintes à la tranquillité publique telles que (…) les troubles de voisinage, (…)et tous actes de nature à compromettre la tranquillité publique ; 3° Le maintien du bon ordre dans les endroits où il se fait de grands rassemblements d’hommes, tels que les foires, marchés, réjouissances et cérémonies publiques, spectacles, jeux, cafés, églises et autres lieux publics ; / (…) 5° Le soin de prévenir, par des précautions convenables, (…) les pollutions de toute nature…  » ;

4. Considérant qu’il résulte de l’instruction, en particulier du constat d’huissier établi le 28 septembre 2009 à la demande de MmeA…, de nombreux témoignages concordants et circonstanciés, rédigés tant en juillet 2009 qu’au cours de l’année 2012 et du premier semestre 2013, et de planches photographiques dont il n’est pas contesté qu’elles se rapportent à l’aire d’accueil des gens du voyage aménagée provisoirement sur l’unité foncière située en face de l’habitation de M. B…et de MmeA…, que ladite aire est utilisée, par certains de ses occupants, comme lieu de dépôt de véhicules hors d’usage ; que des véhicules y ont été démontés et les pièces détachées entassées ; que de nombreux matériels, dont des appareils électroménagers, sont abandonnés sur l’aire d’accueil ; que les occupants du terrain y pratiquent des feux, notamment de matériaux dont la combustion provoque, non seulement une nuisance olfactive pour le voisinage, mais une pollution atmosphérique ; que l’environnement de ce terrain est détérioré par de nombreux détritus et déjections, y compris des déjections humaines, qui affectent la salubrité des lieux ; qu’en outre, Mme A…a été conduite à porter plainte, le 2 mai 2012, en raison de blessures causées à un de ses animaux domestiques par un tir de fusil qu’elle impute à des occupants de ladite aire pour les avoir vus en possession d’une telle arme peu avant et peu après le coup de feu ; que si, pour contester les éléments de preuve ainsi produits par M. B…et MmeA…, la commune de Graulhet se prévaut d’un rapport établi par les services de la direction départementale des affaires sanitaires et sociales du Tarn à la suite d’une visite des lieux le 24 juin 2009, ce document se borne à décrire les équipements disponibles pour attester de la conformité de l’aménagement aux dispositions réglementaires applicables et ne contredit pas sérieusement l’état des lieux dressé par le constat d’huissier et confirmé par les nombreux témoignages ; qu’il en est de même du rapport convenu des services de cette direction du 11 décembre 2009, à la suite d’une visite programmée et effectuée le 3 décembre 2009 avec un élu et des responsables de l’administration de la collectivité ; que, dans ces conditions, en se dispensant de prendre les mesures nécessaires pour remédier à l’usage non conforme de l’aire d’accueil par ses occupants, au besoin par l’exclusion de l’aire, et aux atteintes portées à l’ordre public comme à la salubrité publique, alors qu’il a été informé à plusieurs reprises de la situation, le maire de Graulhet a commis une faute qui engage la responsabilité de la commune ; que la police municipale relevant de la compétence du maire, à la seule exception de la tranquillité publique dans les communes où la police est étatisée, par application de l’article L. 2214-4 du code général des collectivités territoriales, la commune de Graulhet ne peut utilement soutenir, pour s’exonérer de sa responsabilité, même partiellement, que les services de l’Etat ont pu commettre une faute en s’abstenant de poursuivre les responsables des troubles de voisinage que subissent M. B…et MmeA… ;

5. Considérant qu’il résulte de l’instruction que l’usage non conforme de l’aire d’accueil des gens du voyage, l’état d’insalubrité de l’environnement de cet équipement et les risques pour la sécurité de leurs animaux ont causé à M. B…et MmeA…, indépendamment des atteintes qui ont pu être portées à leur tranquillité par les occupants de l’aire, des troubles de toute nature dans leurs conditions d’existence et un préjudice moral dont ils sont en droit d’obtenir réparation ; que, si M. B…et Mme A…ont contesté devant la juridiction administrative plusieurs des actes relatifs à la création de l’aire d’accueil définitive sur le territoire de la commune de Graulhet, au demeurant sur un terrain à proximité immédiate de l’aire actuelle, cette circonstance ne permet pas de leur imputer les préjudices subis, contrairement à ce que soutient la collectivité ; que le tribunal administratif n’a pas fait une évaluation excessive de l’indemnisation à laquelle ils peuvent prétendre en la fixant à la somme de 15 000 euros ;  » (CAA Bordeaux, 5 novembre 2013, N°13BX01069).

En cas de non respect des règles applicables à l’aire d’accueil et notamment du réglement intérieur la commune a tout intérêt à saisir le Tribunal administratif dans le cadre d’un référé mesure utile aux fins d’expulsion.

La procédure est relativement rapide puisqu’il convient de prévoir une quinzaine de jours pour obtenir une ordonnance.

Voir notamment :

« Sur les conclusions présentées sur le fondement de l’article L 521-3 du code de justice administrative :

1. Considérant qu’aux termes de l’article L. 521-3 du code de justice administrative :

« En cas d’urgence et sur simple requête qui sera recevable même en l’absence de décision administrative préalable, le juge des référés peut ordonner toutes autres mesures utiles sans faire obstacle à l’exécution d’aucune décision administrative » ;

2. Considérant que, saisi sur le fondement des dispositions précitées, de conclusions tendant à ce que l’expulsion d’un occupant sans droit ni titre du domaine public soit ordonnée, le juge des référés fait droit à celles-ci dès lors que la demande présentée est utile, ne se heurte à aucune contestation sérieuse et que la libération des dépendances occupées présente un caractère d’urgence ;

3. Considérant qu’il résulte de l’instruction que M. M. et M. G. se sont installés avec leurs véhicules et caravanes sans droit ni titre sur l’aire d’accueil Les Mollaires sise à Saint-Florent-des-Bois laquelle est gérée par La-Roche-sur-Yon agglomération ; que des arrêtés leur ordonnant de quitter les lieux sans délai ont été pris par le président de cet établissement public le 10 avril 2015 ; que la demande de la collectivité ne se heurte à aucune contestation sérieuse ; que l’évacuation des intéressés revêt un caractère d’urgence et d’utilité dès lors que des dégradations des équipements ont été constatés le 31 mars 2015 outre un départ de feux dans le local poubelles et l’incendie d’un véhicule volé sur un terrain vague situé à proximité de l’aire d’accueil ; 

4. Considérant par suite, qu’il y a lieu, d’enjoindre aux intéressés et à tous les occupants de leur chef, de libérer sans délai les lieux et de dire, qu’à défaut de ce faire, la communauté d’agglomération X pourra faire procéder à leur expulsion, au besoin avec le concours de la force publique, sous astreinte de 100 euros par personne et par jour de retard à compter du lendemain de la notification de la présente ordonnance ; Sur les conclusions présentées au titre de l’article L.761-1 du code de justice administrative :

5. Considérant qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge in solidum de M. M.et de M. G. la somme de 1 000 euros au titre des frais exposés par la communauté d’agglomération X en raison de la présente instance et non compris dans les dépens ; » (TA Ordonnance de référé du 29 avril 2015, n°1503269)

Jérôme MAUDET

Avocat au barreau de NANTES

 

Droit pénal de l’urbanisme : délais de transmission des procès-verbaux

Les infractions au Code de l’urbanisme doivent être constatées par un agent assermenté dûment habilité à cet effet.

En principe, le Procès-Verbal d’infraction doit être transmis au Parquet avant l’expiration d’un délai de 3 jours.

L’article 29 du Code de procédure pénale dispose en effet que :

« Les gardes particuliers assermentés constatent par procès-verbaux tous délits et contraventions portant atteinte aux propriétés dont ils ont la garde.

Les procès-verbaux sont remis ou envoyés par lettre recommandée directement au procureur de la République. Cet envoi doit avoir lieu, à peine de nullité, dans les trois jours au plus tard, y compris celui où ils ont constaté le fait, objet de leur procès-verbal. »

Le non-respect de ces délais de 3 jours est toutefois apprécié avec bienveillance par le juge judiciaire en application de l’adage « pas de nullité sans grief » :

« Attendu que, pour rejeter l’exception tirée de la nullité du procès-verbal de constat du 13 septembre 2007, l’arrêt retient notamment que la nullité prévue par l’article 29 du code de procédure pénale, qui n’est pas une nullité d’ordre public, ni une nullité résultant de la violation des droits de la défense, ne fait pas grief aux prévenus dès lors qu’ils ne sont pas directement lésés, ni même concernés par cette irrégularité relative au délai de transmission de la procédure au procureur de la République, et qu’il n’est d’ailleurs pas allégué par les appelants que l’inobservation de ce délai ait porté atteinte à leurs intérêts ; » (Cass. Crim. 7 décembre 2010. N° de pourvoi: 10-81729)

Il n’en demeure pas moins préférable de respecter le délai de 3 jours pour éviter tout débat inutile sur ce point.

Jérôme MAUDET

Avocat

Expulsion : procédure d’exécution et contenu des décisions d’expulsion

Aux termes de l’article L.111-3 du Code des procédures civiles d’exécution modifié récemment par la LOI n°2015-177 du 16 février 2015 – art. 11 (V)

« Seuls constituent des titres exécutoires :

 1° Les décisions des juridictions de l’ordre judiciaire ou de l’ordre administratif lorsqu’elles ont force exécutoire, ainsi que les accords auxquels ces juridictions ont conféré force exécutoire ;

 2° Les actes et les jugements étrangers ainsi que les sentences arbitrales déclarés exécutoires par une décision non susceptible d’un recours suspensif d’exécution, sans préjudice des dispositions du droit de l’Union européenne applicables ;

 3° Les extraits de procès-verbaux de conciliation signés par le juge et les parties ;

 4° Les actes notariés revêtus de la formule exécutoire ;

 5° Le titre délivré par l’huissier de justice en cas de non-paiement d’un chèque ;

 6° Les titres délivrés par les personnes morales de droit public qualifiés comme tels par la loi, ou les décisions auxquelles la loi attache les effets d’un jugement. »

L’article 502 du Code de procédure civile précise pour sa part que :

 « Nul jugement, nul acte ne peut être mis à exécution que sur présentation d’une expédition revêtue de la formule exécutoire, à moins que la loi n’en dispose autrement. »

En principe, il faut donc avoir obtenu la copie exécutoire du jugement pour qu’un huissier de justice puisse notifier ce jugement à la partie perdante.

Voir en ce sens pour un exemple récent, à propos d’une décision juridictionnelle rendue par un bâtonnier de l’ordre des avocats :

« Vu l’article 502 du code de procédure civile, ensemble l’article L. 111-3 du code des procédures civiles d’exécution et l’article 153 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 ;

Attendu que selon le premier de ces textes, nul jugement, nul acte ne peut être mis à exécution que sur présentation d’une expédition revêtue de la formule exécutoire à moins que la loi n’en dispose autrement.(…)

Qu’en statuant ainsi, alors que, même exécutoire de droit à titre provisoire, la décision du bâtonnier (…) ne peut être exécutée que sur présentation d’une expédition revêtue de la formule exécutoire, la cour d’appel a violé les textes susvisés ; » (Cour de cassation, civile, Chambre civile 2, 30 janvier 2014, 12-29.246, Publié au bulletin).

Les ordonnances de référé sont exécutoires de droit et à titre provisoire.

Il en résulte qu’un appel n’aura pas d’effet suspensif et que le débiteur de l’obligation doit s’exécuter dès qu’il a reçu signification de la décision.

Encore faut-il que l’ordonnance soit revêtue de la formule exécutoire laquelle se présente comme suit en vertu de l’article 1er du décret n°47-1047 du 12 juin 1947 :

« Au nom du peuple français « , et terminées par la formule suivante :

« En conséquence, la République française mande et ordonne à tous huissiers de justice, sur ce requis, de mettre ledit arrêt (ou ledit jugement, etc.) à exécution, aux procureurs généraux et aux procureurs de la République près les tribunaux de grande instance d’y tenir la main, à tous commandants et officiers de la force publique de prêter main-forte lorsqu’ils en seront légalement requis.

« En foi de quoi, le présent arrêt (ou jugement, etc.) a été signé par… »..

Il est toutefois possible pour le juge des référés de déroger à ces dispositions en précisant dans l’ordonnance que celle-ci est exécutoire sur minute et avant même enregistrement.

L’article 489 du Code de procédure civile :

 « L’ordonnance de référé est exécutoire à titre provisoire. Le juge peut toutefois subordonner l’exécution provisoire à la constitution d’une garantie dans les conditions prévues aux articles 517 à 522.

En cas de nécessité, le juge peut ordonner que l’exécution aura lieu au seul vu de la minute. »

Ainsi, lorsqu’une ordonnance de référé a été déclarée exécutoire sur minute, le fait que cette minute n’ait pas été revêtue de la forme exécutoire est sans conséquence et permettra à l’huissier de procéder à la signification et à l’exécution immédiatement.

Cette exécution au seul vu de la minute est par ailleurs de droit en ce qui concerne les ordonnances sur requête conformément aux dispositions de l’article 495 du Code de procédure civile.

Jérôme MAUDET

Avocat au barreau de NANTES

Droit des collectivités : Bail commercial et domaine public

Avant l’entrée en vigueur de la loi n°2014-626 du 18 juin 2014 relative à l’artisanat, au commerce et aux très petites entreprises, la Cour de cassation rappelait fréquemment l’impossibilité de conclure des baux commerciaux sur le domaine public :

« Attendu que, pour déclarer acquise la clause résolutoire et condamner la société Shogun à payer une certaine somme à titre provisionnel à la société Toco, l’arrêt retient que le bail, régi selon les termes du contrat par le décret du 30 septembre 1953, porte en réalité sur le domaine public maritime, circonstance qui à l’évidence exclut l’application de ce texte.. » (Cass. Civ.3, 3 novembre 2005, pourvoi n°04-15414.)

Voir également en ce sens s’agissant d’un bien indivisible du domaine public fluvial (Cass. Civ.1, 18 mars 1998, pourvoi n°96-13128) :

« attendu qu’ayant relevé que les locaux litigieux, qui formaient un tout indivisible, étaient situés pour partie sur le domaine public fluvial, la cour d’appel en a exactement déduit, sans être tenue de procéder à une recherche que ses constatations rendaient inopérante, que la société BTK ne pouvait invoquer le bénéfice du statut des baux commerciaux et a ainsi légalement justifié sa décision »

La Cour administrative d’appel de Marseille a en outre considéré sur ce point qu’en l’absence de mesure de déclassement, toute convention ou délibération, même antérieure, autorisant la conclusion d’un bail commercial doit être considérée comme nulle (CAA Marseille, 12 juin 2006, n°04MA01375) :

« Considérant qu’il résulte de l’instruction (…) que la parcelle autorisée est destinée à une activité commerciale et que des délibérations antérieures ont estimé que cette partie de la propriété communale relevait du domaine privé de la commune, celle-ci continue à constituer une dépendance domaine public communal ; que, par voie de conséquence, Mme X ne saurait utilement se prévaloir des stipulations des baux conclus avec la commune, lesquels n’ont aucune incidence sur l’appartenance au domaine public de celle-ci ; (…)

Considérant que comme il vient d’être dit, l’arrêté du 17 avril 2001 comporte occupation du domaine public ; que, dès lors, Mme X n’est pas fondée à se prévaloir des dispositions du décret du 30 septembre 1953 réglant les rapports entre les propriétaires et les locataires en ce qui concerne le renouvellement des baux à loyer des locaux à usage commercial pour soutenir qu’elle avait droit, sur ce fondement, au renouvellement de son bail ; que Mme X, qui n’a jamais été légalement titulaire d’un bail commercial à cet emplacement, n’a pu ni acquérir un fonds de commerce, ni en constituer un sur le domaine public … » (voir également en ce sens CAA Nancy, 22 juin 2006, n°04NC00128)

S’agissant d’une règle d’ordre public, la circonstance que le conseil municipal ait, par délibération en autorisé le maire à signer un bail commercial et que ce contrat ait été signé sous ce vocable n’était pas de nature à permettre au demandeur de se prévaloir de la propriété commerciale.

Voir notamment :

« Considérant qu’ en raison du caractère précaire et personnel des titres d’occupation du domaine public et des droits qui sont garantis au titulaire d’un bail commercial, un tel bail ne saurait être conclu sur le domaine public ; que, lorsque l’autorité gestionnaire du domaine public conclut un  » bail commercial  » pour l’exploitation d’un bien sur le domaine public ou laisse croire à l’exploitant de ce bien qu’il bénéficie des garanties prévues par la législation sur les baux commerciaux, elle commet une faute de nature à engager sa responsabilité ; que cet exploitant peut alors prétendre, sous réserve, le cas échéant, de ses propres fautes, à être indemnisé de l’ensemble des dépenses dont il justifie qu’elles n’ont été exposées que dans la perspective d’une exploitation dans le cadre d’un bail commercial ainsi que des préjudices commerciaux et, le cas échéant, financiers qui résultent directement de la faute qu’a commise l’autorité gestionnaire du domaine public en l’induisant en erreur sur l’étendue de ses droits

Considérant que si, en outre, l’autorité gestionnaire du domaine met fin avant son terme au bail commercial illégalement conclu en l’absence de toute faute de l’exploitant, celui-ci doit être regardé, pour l’indemnisation des préjudices qu’il invoque, comme ayant été titulaire d’un contrat portant autorisation d’occupation du domaine public pour la durée du bail conclu ; qu’il est à ce titre en principe en droit, sous réserve qu’il n’en résulte aucune double indemnisation, d’obtenir réparation du préjudice direct et certain résultant de la résiliation unilatérale d’une telle convention avant son terme, tel que la perte des bénéfices découlant d’une occupation conforme aux exigences de la protection du domaine public et des dépenses exposées pour l’occupation normale du domaine, qui auraient dû être couvertes au terme de cette occupation ; (…)

Considérant, en revanche, qu’eu égard au caractère révocable et personnel, déjà rappelé, d’une autorisation d’occupation du domaine public, celle-ci ne peut donner lieu à la constitution d’un fonds de commerce dont l’occupant serait propriétaire ; », (Conseil d’État, 8ème / 3ème SSR, 24/11/2014, 352402, Publié au recueil Lebon)

La loi du 18 juin 2014 relative à l’artisanat, au commerce et aux très petites entreprises a toutefois introduit dans le code général de la propriété des personnes publiques un article L. 2124-32-1, aux termes duquel  »

« Un fonds de commerce peut être exploité sur le domaine public sous réserve de l’existence d’une clientèle propre. »

Ces dispositions ne sont, dès lors que la loi n’en a pas disposé autrement, applicables qu’aux fonds de commerce dont les exploitants occupent le domaine public en vertu de titres délivrés à compter de son entrée en vigueur (Conseil d’État, 24/11/2014, n°352402 prévité).

Les nouvelles dispositions du Code général de la propriété des personnes publiques ne sont donc pas rétroactives.

Ainsi, l’occupant en vertu d’un titre délivré avant l’entrée en vigueur de la loi du 18 juin 2014, qui n’a jamais été légalement propriétaire d’un fonds de commerce, ne peut pas prétendre à l’indemnisation de la perte d’un tel fonds.

 

Jérôme MAUDET

Avocat au barreau de NANTES

 

Expulsion : compétence du Tribunal d’instance y compris pour les locaux professionnels

Par un arrêt du 23 Janvier 2012, N° 40, 11/00053, la Cour d’appel de Toulouse a rappelé que la question de l’expulsion d’occupant d’un immeuble occupé sans droit ni titre ayant élu domicile dans lesdits locaux relève de la compétence du Tribunal d’instance.

La circonstance qu’à l’origine les locaux ne soient pas destinés à l’habitation est inopérante.

La Cour compétente pour connaître de l’appel d’une décision du Tribunal d’instance a décidé de statuer immédiatement sans renvoi et a ordonné l’expulsion des occupants.

‘ Sur l’occupation des lieux et ses incidences

sur la compétence

Aux termes de l’ article R 221-5 du code de l’organisation judiciaire , le tribunal d’instance connaît, à charge d’appel, des actions tendant à l’expulsion des personnes qui occupent aux fins d’habitation des immeubles bâtis, sans droit ni titre.

La compétence de cette juridiction s’étend donc à l’expulsion des locaux qui, bien que n’étant pas normalement à usage d’habitation, le sont de fait.

Peu importe, dès lors, que l’immeuble propriété de la Sci Les Aigles soit à usage de bureaux et de foyer, puisque M. Louis et M. Stree en avaient fait leur domicile personnel et y résidaient effectivement.

L’action tendant à les déclarer occupants sans droit ni titre et à les expulser relevait donc de la compétence d’attribution du tribunal d’instance et non du tribunal de grande instance.

La cour étant juridiction d’appel relativement à la juridiction compétente, le tribunal d’instance de Toulouse, et l’ordonnance attaquée étant susceptible d’appel dans l’ensemble de ses dispositions, il convient de statuer sur le fond du litige conformément aux dispositions des articles 79 alinéa 1 et 98 du code de procédure civile ; saisie par l’effet dévolutif de l’appel de l’ensemble du litige et investie de la plénitude de juridiction, elle a le pouvoir et le devoir de garder la connaissance de l’affaire et d’apporter à celle-ci une solution au fond.

sur l’expulsion

Aux termes de l’ article 809 alinéa 1 du Code de procédure civile , le juge des référés est compétent, même en présence d’une contestation sérieuse, pour prendre toute mesure conservatoire qui s’impose pour prévenir un dommage imminent ou faire cesser un trouble manifestement illicite, l’urgence n’étant pas, dans ce cadre là, une condition de son intervention.

L’illicéité de l’occupation par M. Louis et M. Stree de l’immeuble dont la Sci Les Aigles était alors propriétaire, nécessairement source de nombreux inconvénients pour elle, est manifeste puisqu’elle s’est produite contre sa volonté, qu’aucun lien de droit, contractuel ou autre, n’a jamais existé entre ces parties, que ces occupants sont dépourvus depuis l’origine de tout titre d’occupation.

L’ordonnance de référé qui a prescrit leur expulsion en supprimant, par disposition spéciale et motivée le délai de deux mois prévu par l’ article 62 de la loi du 9 juillet 1991 sera donc confirmée, étant souligné qu’en matière de référés la cour doit apprécier la situation à la date de sa décision, que la libération des lieux est effective depuis le 14 février 2011 suivant procès-verbal d’expulsion dressé par huissier, que l’immeuble a été vendu depuis lors à un promoteur immobilier qui l’a été entièrement détruit, ce qui rend sans objet toute demande au titre de l’alinéa 2 de ce texte devant la juridiction du second degré.’

Jérôme MAUDET

Avocat