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Marchés publics : Comment s’apprécie la spécialisation de l’avocat ?

La refonte du régime des spécialisations des avocats a permis d’améliorer l’accès des avocats à une mention de spécialisation en remplaçant l’examen théorique prévu par un contrôle des connaissances portant sur la pratique professionnelle et d’autre part, de favoriser la lisibilité pour le public de compétences acquises au sein d’une liste renouvelée de mentions de spécialisation, arrêtée par le Conseil national des barreaux.

L’objectif de la réforme était de maintenir un niveau élevé d’exigence et d’instaurer une obligation de formation continue renforcée.

La mention de spécialisation est donc un gage pour le client que l’avocat est bien spécialiste de la matière concernée.

Dans le cadre des procédures d’appel à concurrence, les collectivités sont fondées à exiger des garanties quant à la compétence des candidats tout particulièrement en droit public.

Les règles de la commande publique exigent toutefois que les candidats soient mis sur un pied d’égalité.

Le titulaire d’une mention de spécialisation ne peut ainsi pas être favorisé si le réglement de la consultation n’impose pas que les candidats justifient de l’obtention de ce césame.

Par un arrêt confirmatif du 21 avril 2015, la Cour administrative d’appel de Nantes a censuré un marché public passé par une collectivité au motif que celle-ci avait évincé un candidat qui ne justifiait pas, par la production de certificats de spécialisation, sa « qualification d’avocat spécialisé en droit public ».

En substance, les juges ont considéré que dans la mesure où l’avis d’appel à concurrence prévoyait que les candidats pouvaient justifier par plusieurs moyens leur compétence en droit public, la collectivité ne pouvait pas écarter une offre au seul motif que le candidat n’était pas titulaire du certificat de spécialisation.

« 3. Considérant que les marchés passés en application du code des marchés publics sont soumis aux principes qui découlent de l’exigence d’égal accès à la commande publique, rappelés par le II de l’article 1er de ce code ; que les marchés passés selon la procédure adaptée prévue à l’article 28 du même code sont soumis aux dispositions de son article 1er, comme tous les contrats entrant dans le champ d’application de celui-ci ; que, pour assurer le respect des principes de liberté d’accès à la commande publique, d’égalité de traitement des candidats et de transparence des procédures, l’information appropriée des candidats sur les critères d’attribution d’un marché public est nécessaire dès l’engagement de la procédure d’attribution du marché, dans l’avis d’appel public à concurrence ou le cahier des charges tenu à la disposition des candidats ; que, dans le cas où le pouvoir adjudicateur souhaite retenir d’autres critères que celui du prix, l’information appropriée des candidats doit alors également porter sur les conditions de mise en oeuvre de ces critères ; qu’il appartient au pouvoir adjudicateur d’indiquer les critères d’attribution du marché et les conditions de leur mise en oeuvre selon les modalités appropriées à l’objet, aux caractéristiques et au montant du marché concerné ; que, lorsque le pouvoir adjudicateur décide de limiter le nombre des candidats admis à présenter une offre, il lui appartient, y compris lorsqu’il met en oeuvre une procédure adaptée sur le fondement de l’article 28 du code des marchés publics, d’assurer l’information appropriée des candidats sur les critères de sélection de ces candidatures dès l’engagement de la procédure d’attribution du marché, dans l’avis d’appel public à concurrence ou le cahier des charges tenu à la disposition des candidats ; que cette information appropriée suppose que le pouvoir adjudicateur indique aussi les documents ou renseignements au vu desquels il entend opérer la sélection des candidatures ; que, par ailleurs, si le pouvoir adjudicateur entend fixer des niveaux minimaux de capacité, ces derniers doivent aussi être portés à la connaissance des candidats ; que cette information appropriée des candidats n’implique en revanche pas que le pouvoir adjudicateur indique les conditions de mise en oeuvre des critères de sélection des candidatures ;

4. Considérant que l’avis d’appel public à la concurrence indiquait, d’une part, sous la rubrique  » Autres renseignements demandés  »  » Qualification d’avocat spécialisé en droit public ou en droit de l’environnement français exigée « , tout en précisant que  » Les candidats pourront justifier de leur compétence par tous moyens, y compris des références détaillées « , et d’autre part que les offres seraient évaluées sur le critère du prix, pondéré à hauteur de 55%, et sur celui de la valeur technique, à hauteur de 45% ; que l’article 5 du règlement de consultation prévoyait que la valeur technique serait analysée  » au regard d’une note méthodologique détaillant : – la méthode de travail proposée (sur 2 points), – l’équipe dédiée au marché (sur 8 points)  » ; qu’il résulte de l’instruction, notamment du rapport d’analyse des offres, que le pouvoir adjudicateur n’a attribué à la SELARL S. qu’une note de deux sur huit au sous-critère de l’équipe dédiée au marché en se fondant exclusivement sur la circonstance que les avocats affectés n’avaient pas justifié détenir le certificat de spécialisation délivré par l’ordre des avocats ; que l’appréciation de la valeur de l’équipe dédiée au marché ne pouvait se réduire à ce seul élément ; que les membres de l’équipe affectée par la SELARL S. justifiaient par ailleurs de leur compétence et spécialisation en la matière par leurs titres, leurs publications et leur expérience professionnelle ; qu’ainsi la communauté urbaine la communauté urbaine Le Mans métropole a donné à la détention de ce certificat de spécialisation une importance excessive et a commis une erreur manifeste d’appréciation ;

5. Considérant qu’il ne résulte pas de l’instruction que l’annulation du marché litigieux porterait une atteinte excessive à l’intérêt général ou aux droits des cocontractants ; que, dans ces conditions, eu égard à la nature et à la gravité de l’irrégularité entachant la procédure de passation de ce marché, qui affecte le choix du cocontractant, la communauté urbaine Le Mans métropole n’est pas fondée à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a annulé le marché qu’elle a signé avec le cabinet X. et associés ; » (Cour Administrative d’Appel de Nantes, 4ème chambre, 21/04/2015, 13NT01943)

Jérôme MAUDET

Avocat