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Collectivités : dommages de travaux publics et exclusion de garantie de l’assureur

Par un arrêt du 4 décembre 2014, la Cour administrative d’appel de Nantes est venue rappeler la compétence du juge administratif pour connaître d’une demande de garantie formée par une commune contre son assureur.

Dès lors que le prétendu sinistre est la conséquence de l’exercice d’une mission de service public, l’assureur n’est pas fondé à soutenir que la juridiction administrative n’est pas compétente pour connaître de l’action en garantie.

« Sur l’exception d’incompétence de la juridiction administrative opposée par la société AIG Chartis Europe Limited :

2. Considérant que la circonstance, à la supposer établie, qu’une partie des travaux qui sont à l’origine des dommages invoqués a été réalisée pour le compte d’une société privée est sans incidence dès lors que ces travaux répondaient à une mission de service public tendant à promouvoir le développement économique du territoire ; qu’ils ont de ce fait revêtu le caractère de travaux publics ; qu’il s’ensuit que la juridiction administrative est compétente pour connaître de la demande indemnitaire de la SARL Tweed ; que l’exception d’incompétence opposée à nouveau en appel par la société AIG Chartis Europe Limited doit, dès lors, être écartée ; » (Cour administrative d’appel NANTES, 4 décembre 2014, N°13NT01690)

L’arrêt revient également sur les conditions classiques de mise en oeuvre de la responsabilité d’une collectivité à raison des dommages subis par les riverains d’une voie publique.

 » Sur la responsabilité de la commune de Bourges :

3. Considérant qu’il appartient au riverain d’une voie publique qui entend obtenir réparation des dommages qu’il estime avoir subis à l’occasion d’une opération de travaux publics à l’égard de laquelle il a la qualité de tiers d’établir, d’une part, le lien de causalité entre cette opération et les dommages invoqués, et, d’autre part, le caractère anormal et spécial de son préjudice, les riverains des voies publiques étant tenus de supporter sans contrepartie les sujétions normales qui leur sont imposées dans un but d’intérêt général ;

4. Considérant qu’il résulte de l’instruction et notamment du rapport d’expertise établi par M. B…que si l’accès au parking situé en face du magasin de la SARL Tweed a été supprimé en raison de la mise en place d’une palissade de chantier en juin 2007, l’enseigne du magasin est toujours restée visible et sa fréquentation stable ; que la baisse de chiffre d’affaires invoquée par l’intéressée n’est apparue qu’en juin 2008, soit un an après le début des travaux, et s’explique par une baisse du montant moyen des achats par client et par une conjoncture économique défavorable pour le secteur de l’ameublement au cours de la période 2008-2011 ; qu’il ressort de l’instruction que l’accès aux piétons est demeuré possible pendant la durée des travaux ; que la circonstance que la circulation automobile a été interdite dans la rue Sous les Ceps à plusieurs reprises, et notamment du 27 février au 3 avril 2009, et que pour des raisons qui n’ont pas été explicitées par la société requérante le chiffre d’affaires du mois de mars 2009 ne s’est élevé qu’à 180 euros ne suffit pas à elle seule à caractériser un dommage anormal et spécial ; que les parkings situés à proximité du magasin étaient accessibles et, s’ils connaissaient des saturations rendant le stationnement difficile pour la clientèle, ce phénomène était de nature à affecter tout le quartier concerné et non de manière spécifique le commerce en litige ; qu’en outre la SARL Tweed ne conteste pas qu’à la date à laquelle elle s’est installée en 2005-2006 elle avait connaissance du projet d’aménagement de ce quartier ; qu’enfin la commune soutient sans être contredite que les principaux clients de la société sont constitués d' » institutionnels « , qui représentent la part essentielle de son chiffre d’affaires et étaient peu susceptibles d’être affectés par l’environnement du magasin ; que, dans ces conditions, la SARL Tweed n’établit pas avoir subi un préjudice anormal et spécial à l’occasion des travaux d’aménagement de l’ensemble commercial dénommé Avaricum à proximité de son magasin ;

5. Considérant qu’il résulte de ce qui précède que la SARL Tweed n’est pas fondée à soutenir que c’est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif d’Orléans a rejeté sa demande et a mis les frais et honoraires d’expertise, liquidés et taxés à la somme de 8 793.57 euros, à sa charge définitive ;

Sur les conclusions de la commune de Bourges :

6. Considérant qu’à défaut de toute condamnation prononcée à son encontre, les conclusions de la commune de Bourges tendant à la condamnation de son assureur, la société AIG Chartis Europe Limited, à la garantir se trouvent dépourvues d’objet ; » (Cour administrative d’appel NANTES, 4 décembre 2014, N°13NT01690)

Jérôme MAUDET

Avocat

Droit de la santé : Responsabilité d’un CHU pour retard de diagnostic

Par un jugement du 14 janvier 2015, le Tribunal administratif de Nantes a décidé de condamner un centre hospitalier départemental en raison du préjudice subi par un patient à la suite d’un diagnostic tardif d’une tumeur cérébrale.

La juridiction administrative a considéré que la requérante rapportait bien la preuve qui lui incombait de l’existence d’un lien de causalité entre le retard fautif dénoncé et le préjudice qu’elle a subi à raison de la dégradation de son état de santé.

« 2. Considérant qu’aux termes de l’article L. 1142-1 du code de la santé publique : « (…) les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du présent code, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d’actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu’en cas de faute (…) » ;

3. Considérant qu’il résulte de l’instruction, et notamment du rapport d’expertise établi le 18 novembre 2010 par le docteur C, neuropsychiatre, assisté du docteur V en qualité de sapiteur neuro-ophtalmologiste, désignés par ordonnance de référé du président du tribunal de grande instance de Nantes du 8 janvier 2009, que la prise en charge de Mlle D par le CHU de Nantes en décembre 2003, tant aux urgences qu’en unité psychiatrique, n’a pas été conforme aux règles de l’art ; que ces experts soulignent ainsi que le médecin urgentiste a eu tort, notamment, de ne pas prendre en considération des symptômes aussi évocateurs que l’association de troubles de la marche, de céphalées et de vomissements et de s’abstenir de prendre l’avis d’un neurologue ou de faire pratiquer une imagerie ; que les médecins psychiatres, au cours de l’hospitalisation de la patiente, n’ont pas davantage pensé à solliciter l’avis d’un neurologue ou de tout autre médecin somaticien ; qu’enfin, ils soulignent que, si Mlle D avait été opérée lors de sa première hospitalisation le 19 décembre 2003, elle n’aurait très probablement eu aucune séquelle visuelle ; que si le CHU soutient que sa responsabilité ne saurait seule être engagée, les docteurs B et M, médecins libéraux que Mlle D a consultés en décembre 2003, ayant selon lui également contribué au retard de diagnostic en cause, le docteur C indique que ceux-ci ne peuvent faire l’objet de critiques ; que l’expert précise encore que les dommages dont souffre la requérante sont imputables à 75% au défaut de prise en charge de la part du CHU et à 25% au développement de la tumeur ; que, dès lors, l’évolution de l’état de santé de Mlle D apparaît comme étant la conséquence directe et certaine des fautes liées au retard de diagnostic relevées lors de son hospitalisation ; qu’il suit de là que Mlle D est fondée à soutenir que le retard de diagnostic est fautif et de nature à engager la responsabilité du CHU de Nantes à son égard ; » (TA de Nantes, 14 janvier 2015, n°1109666)

Le Tribunal rappelle également que la victime est bien fondée à solliciter réparation au titre de la perte de chance qu’elle a subie:

« Sur la perte de chance :

4. Considérant que, dans le cas où la faute commise lors de la prise en charge ou du traitement d’un patient dans un établissement public hospitalier a compromis ses chances d’obtenir une amélioration de son état de santé ou d’échapper à son aggravation, le préjudice résultant directement de la faute commise par l’établissement et qui doit être intégralement réparé n’est pas le dommage corporel constaté, mais la perte de chance d’éviter que ce dommage soit advenu ; que la réparation qui incombe à l’hôpital doit alors être évaluée à une fraction du dommage corporel déterminée en fonction de l’ampleur de la chance perdue ; »

Jérôme MAUDET

Avocat au barreau de NANTES