Collectivités : Pouvoirs de police du maire et obligation de raccordement au réseau d’assainissement

L’obligation de raccordement :

Aux termes de l’article L.1331-1 du Code de la santé publique :

« Le raccordement des immeubles aux réseaux publics de collecte disposés pour recevoir les eaux usées domestiques et établis sous la voie publique à laquelle ces immeubles ont accès soit directement, soit par l’intermédiaire de voies privées ou de servitudes de passage, est obligatoire dans le délai de deux ans à compter de la mise en service du réseau public de collecte. »

Le coût du raccordement n’est pas un motif permettant au propriétaire de s’exonérer de son obligation de raccordement :

« Attendu qu’ayant relevé, par motifs propres et adoptés que la propriété de M. X… pouvait être techniquement raccordée au réseau public d’assainissement mis en place par la commune de Valentine et que les devis produits et la réalisation effective du branchement du lot voisin montraient que le coût de réalisation des ouvrages nécessaires n’était pas excessif, la cour d’appel, qui a exactement retenu que l’article 11/2 du règlement d’assainissement de la commune ne visait que les réseaux privés d’assainissement et non les parties de raccordement situés sur la propriété privée et qui n’était pas tenue de répondre au moyen que ses constatations rendait inopérant, tiré de la condition de prise en charge par la commune de l’extension du réseau public jusqu’au droit de son lot mise par M. X… à son acceptation du branchement, a retenu à bon droit que celui-ci ne pouvait se soustraire à l’obligation de raccordement de son lot au réseau public d’assainissement ; » (Cass. 3e civ., 9 oct. 2012, n° 11-16.026).

Un contrôle sous la responsabilité du Maire :

En tant qu’autorité chargée d’assurer la police de la salubrité publique, c’est au Maire, qu’il incombe en principe de s’assurer du respect par les propriétaires de l’obligation qu’ils ont de raccorder, leurs constructions aux réseaux.

A défaut sa responsabilité peut être recherchée pour carence dans l’exercice de ses pouvoirs de Police :

« Considérant (…) qu’en application de ces dispositions le maire d’Angoulême était tenu, en tant qu’autorité chargée d’assurer la police de la salubrité publique, de réaliser la partie publique du branchement permettant de relier l’immeuble de M. Y… à la canalisation d’égout de la rue Saint Roch et d’inciter ce dernier à raccorder sa construction au réseau public d’assainissement ; qu’en ne satisfaisant pas à cette obligation avant l’intervention de Mme X… en 1986 alors que la canalisation publique d’évacuation des eaux usées qui dessert la rue Saint Roch a été mise en place au début des années 1960, il a commis une faute de nature à engager la responsabilité de la commune ; qu’aucune faute susceptible de réduire la responsabilité encourue par la commune d’Angoulême ne peut être retenue à l’encontre de Mme X… »  (CAA Bordeaux, 16 avril 1992, N°90BX00586).

Possibilité d’octroyer des délais :

L’article L.1331-1 du Code de la Santé publique précise toutefois que les collectivités disposent d’une certaine marge de manœuvre pour octroyer des délais :

« Un arrêté interministériel détermine les catégories d’immeubles pour lesquelles un arrêté du maire, approuvé par le représentant de l’Etat dans le département, peut accorder soit des prolongations de délais qui ne peuvent excéder une durée de dix ans, soit des exonérations de l’obligation prévue au premier alinéa.

Il peut être décidé par la commune qu’entre la mise en service du réseau public de collecte et le raccordement de l’immeuble ou l’expiration du délai accordé pour le raccordement, elle perçoit auprès des propriétaires des immeubles raccordables une somme équivalente à la redevance instituée en application de l’article L. 2224-12-2 du code général des collectivités territoriales.

La commune peut fixer des prescriptions techniques pour la réalisation des raccordements des immeubles au réseau public de collecte des eaux usées et des eaux pluviales. »

Les contrôles :

L’article L.1331-4 du code de la santé publique précise également que la commune peut contrôler le bon état de l’installation :

« Les ouvrages nécessaires pour amener les eaux usées à la partie publique du branchement sont à la charge exclusive des propriétaires et doivent être réalisés dans les conditions fixées à l’article L. 1331-1. Ils doivent être maintenus en bon état de fonctionnement par les propriétaires. La commune en contrôle la qualité d’exécution et peut également contrôler leur maintien en bon état de fonctionnement. »

Ce contrôle peut être effectué à tout moment par la commune et les agents du service d’assainissement lesquels ont accès aux propriétés privées :

  • Pour l’application des articles L. 1331-4 et L. 1331-6 ;
  • Pour procéder à la mission de contrôle des installations d’assainissement non collectif prévue au III de l’article L. 2224-8 du code général des collectivités territoriales ;
  • Pour procéder à l’entretien et aux travaux de réhabilitation et de réalisation des installations d’assainissement non collectif en application du même III ;
  • Pour assurer le contrôle des déversements d’eaux usées autres que domestiques et des utilisations de l’eau assimilables à un usage domestique.

En pratique ces contrôles sont souvent opérés à l’occasion de la vente des immeubles concernés ou en cas de pollution constatée.

Les sanctions :

Le fait qu’un immeuble ne soit pas raccordé au réseau d’assainissement alors qu’il devrait l’être expose son propriétaire à des sanctions financières voire à un raccordement forcé.

Le maire peut aller jusqu’à contraindre un de ses administrés à procéder au raccordement au réseau collectif avoisinant y compris si l’installation d’assainissement non collectif est conforme à la réglementation.

Dès l’établissement du branchement, les fosses et autres installations de même nature sont mises hors d’état de servir ou de créer des nuisances à venir, par les soins et aux frais du propriétaire (article L.1331-5 du Code de la santé publique).

L’article L.1331-6 du Code de la santé publique prévoit enfin que :

« Faute par le propriétaire de respecter les obligations édictées aux articles L. 1331-1, L. 1331-1-1, L. 1331-4 et L. 1331-5, la commune peut, après mise en demeure, procéder d’office et aux frais de l’intéressé aux travaux indispensables. »

Autrement dit, après mise en demeure restée infructueuse la commune peut faire réaliser d’initiative les travaux de raccordement pour permettre la mise en conformité et ensuite émettre un titre destiné à l’intéressé qui n’a pas daigné faire réaliser les travaux qui s’imposaient.

En pratique, la collectivité devra toutefois par précaution se faire autoriser par le juge judiciaire à procéder d’office aux travaux en pénétrant sur la propriété concernée.

L’article L.1331-8 du même Code précise enfin que :

« Tant que le propriétaire ne s’est pas conformé aux obligations prévues aux articles L. 1331-1 à L. 1331-7-1, il est astreint au paiement d’une somme au moins équivalente à la redevance qu’il aurait payée au service public d’assainissement si son immeuble avait été raccordé au réseau ou équipé d’une installation d’assainissement autonome réglementaire, et qui peut être majorée dans une proportion fixée par le conseil municipal. »

 

Jérôme MAUDET

Avocat

Collectivités : publicité des précisions sur les enseignes et préenseignes

Aux termes de l’article L.581-3 du Code de l’environnement :

« 1° Constitue une publicité, à l’exclusion des enseignes et des préenseignes, toute inscription, forme ou image, destinée à informer le public ou à attirer son attention, les dispositifs dont le principal objet est de recevoir lesdites inscriptions, formes ou images étant assimilées à des publicités ;

2° Constitue une enseigne toute inscription, forme ou image apposée sur un immeuble et relative à une activité qui s’y exerce ;

3° Constitue une préenseigne toute inscription, forme ou image indiquant la proximité d’un immeuble où s’exerce une activité déterminée. »

L’implantation des enseignes est strictement encadrée par l’article R581-64 du Code de l’environnement :

« Les enseignes de plus de 1 mètre carré, scellées au sol ou installées directement sur le sol, ne peuvent être placées à moins de 10 mètres d’une baie d’un immeuble situé sur un fonds voisin lorsqu’elles se trouvent en avant du plan du mur contenant cette baie.

Ces enseignes ne doivent pas être implantées à une distance inférieure à la moitié de leur hauteur au-dessus du niveau du sol d’une limite séparative de propriété. Elles peuvent cependant être accolées dos à dos si elles signalent des activités s’exerçant sur deux fonds voisins et si elles sont de mêmes dimensions.

Les enseignes de plus de 1 mètre carré scellées au sol ou installées directement sur le sol sont limitées en nombre à un dispositif placé le long de chacune des voies ouvertes à la circulation publique bordant l’immeuble où est exercée l’activité signalée. »

Une société avait décidé d’implanter sur le parking de son local commercial plusieurs dispositifs destinés à signaler l’activité qu’elle exerce.

Ces dispositifs étaient constitués de drapeaux fixés sur des mâts implantés au sol sur le parc de stationnement desservant ce local, le long de la route nationale qui borde le terrain.

Le préfet des Hautes-Alpes a mis en demeure une société de déposer sous astreinte plusieurs de ces dispositifs publicitaires implantés à proximité de ses locaux commerciaux dans un délai de quinze jours.

Estimant qu’il ne s’agissait pas d’enseignes ou de préenseignes au regard de leur implantation en retrait de son bâtiment, la société E. R. a demandé au Tribunal administratif de Marseille d’annuler les arrêtés et décisions préfectorales.

Par un jugement du 25 février 2016, le tribunal administratif de Marseille a effectivement annulé ces arrêtés et ces décisions.

Par un arrêt n° 16MA01608 du 26 janvier 2018, la Cour administrative d’appel de Marseille a rejeté l’appel interjeté par la ministre de l’environnement, de l’énergie et de la mer en ces termes :

« 2. Considérant que pour annuler les arrêtés en litige, le tribunal administratif, après avoir rappelé les dispositions légales en vigueur et les conditions dans lesquelles étaient installés les dispositifs d’information, a relevé qu’ils ne pouvaient être regardés comme des  » inscriptions, formes ou images apposées sur la façade ou devanture du lieu même où s’exerce l’activité  » et ne pouvaient donc recevoir la qualification d’enseignes au sens de l’article L. 581-3 du code de l’environnement ; qu’il en a déduit que les dispositions de l’article R. 581-64 de ce code ne trouvaient pas en l’espèce à s’appliquer et que le préfet des Hautes-Alpes ne pouvait, en conséquence, se fonder sur ces dispositions pour mettre en demeure la SARL E. R. de s’y conformer. » (CAA Marseille, 26 janvier 2018, N°16MA01608)

Saisi d’un pourvoi le Conseil d’Etat est venu contredire les juges du fond et préciser la notion d’enseigne et de préenseigne :

« 3. Il résulte de ces dispositions que doit être qualifiée d’enseigne, l’inscription, forme ou image installée sur un terrain ou un bâtiment où s’exerce l’activité signalée. S’agissant d’un dispositif scellé au sol ou installé sur le sol, sa distance par rapport à l’entrée du local où s’exerce l’activité est sans incidence sur la qualification d’enseigne, dès lors que ce dispositif est situé sur le terrain même où s’exerce cette activité et est relatif à cette dernière. Par suite, en estimant que les dispositifs signalant l’activité de la SARL E. R. implantés sur le terrain du local commercial ne pouvaient être qualifiés d’enseignes, au motif qu’ils n’étaient pas installés à proximité immédiate de l’entrée de ce local mais en périphérie de ce terrain, la cour administrative d’appel a commis une erreur de droit. »

L’éloignement du dispositif par rapport au lieu d’exercice de l’activité n’est donc pas de nature à permettre d’écarter la qualification d’enseigne s’il demeure situé sur le terrain où s’exerce l’activité.

 

Jérôme MAUDET

Avocat

Droit des collectivités : réparation du préjudice né d’une entente illicite sur les prix

Le département de la Manche s’estimant victime d’une entente nationale sur les prix avait demandé au tribunal administratif de Caen de condamner une société à lui verser la somme de 2 235 742 euros en réparation du préjudice subi du fait des pratiques anticoncurrentielles d’une société lors de la passation le 21 janvier 2002 et le 31 mars 2005 de deux marchés à bons de commande.

Par un jugement n°1500353 du 6 avril 2017, le Tribunal administratif de Caen a condamné la société S. F. à verser au département de la Manche cette somme assortie des intérêts légaux à compter du 16 février 2015 ainsi que la somme de 16 069,52 euros au titre des frais d’expertise.

Par un arrêt n°17NT01526 du 16 mars 2018, la Cour administrative d’appel de Nantes avait rejeté l’appel formé par la société S. F. contre ce jugement.

Le 27 mars 2020, le Conseil d’Etat a décidé rejeté le pourvoi en estimant que le Département était bien recevable à saisir le juge administratif nonobstant l’existence du principe du privilège du préalable.

En effet, si les demandes indemnitaires présentées devant le juge administratif sont irrecevables dès lors que la collectivité dispose de la faculté d’émettre un titre, il en va différemment si la créance repose sur l’application d’un contrat.

« 2. En premier lieu, si une personne publique est, en principe, irrecevable à demander au juge administratif de prononcer une mesure qu’elle a le pouvoir de prendre, la faculté d’émettre un titre exécutoire dont elle dispose ne fait pas obstacle, lorsque la créance trouve son origine dans un contrat, à ce qu’elle saisisse le juge d’administratif d’une demande tendant à son recouvrement. L’action tendant à l’engagement de la responsabilité quasi délictuelle d’une société en raison d’agissements dolosifs susceptibles d’avoir conduit une personne publique à contracter avec elle à des conditions de prix désavantageuses, qui tend à la réparation d’un préjudice né du contrat lui-même et résultant de la différence éventuelle entre les termes du marché effectivement conclu et ceux auxquels il aurait dû l’être dans des conditions normales de concurrence, doit être regardée, pour l’application de ces principes, comme trouvant son origine dans le contrat. Par suite, en jugeant recevable la demande introduite par le département de la Manche devant le tribunal administratif de Caen tendant à obtenir la condamnation de la société S. F. à l’indemniser du surcoût lié à des pratiques anticoncurrentielles lors de la passation des marchés conclus les 21 janvier 2002 et 31 mars 2005 avec la société Signature S.A., devenue la société Signalisation France, la cour n’a pas entaché son arrêt d’erreur de droit. » (Conseil d’État, 7ème – 2ème chambres réunies, 27/03/2020, n°420491, Publié au recueil Lebon)

L’arrêt est également intéressant du point de vue de la question de la prescription :

 « 3. En deuxième lieu, aux termes de l’article 2270-1 du code civil, en vigueur jusqu’à l’entrée en vigueur de la loi du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription en matière civile :

 » Les actions en responsabilité civile extracontractuelle se prescrivent par dix ans à compter de la manifestation du dommage ou de son aggravation.  »

Aux termes de l’article 2224 du même code, résultant de la loi du 17 juin 2008 :

 » Les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer « .

Aux termes du II de l’article 26 de cette loi :

 » Les dispositions de la présente loi qui réduisent la durée de la prescription s’appliquent aux prescriptions à compter du jour de l’entrée en vigueur de la présente loi, sans que la durée totale puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure « .

Enfin, aux termes de l’article L. 481-1 du code de commerce, dans sa rédaction issue de l’ordonnance du 9 mars 2017 relative aux actions en dommages et intérêts du fait des pratiques anticoncurrentielles :

 » Toute personne physique ou morale formant une entreprise (…) est responsable du dommage qu’elle a causé du fait de la commission d’une pratique anticoncurrentielle (…) « .

Aux termes de l’article L. 482-1 du même code :

 » L’action en dommages et intérêts fondée sur l’article L. 481-1 se prescrit à l’expiration d’un délai de cinq ans.

 Ce délai commence à courir du jour où le demandeur a connu ou aurait dû connaître de façon cumulative : /

1° Les actes ou faits imputés à l’une des personnes physiques ou morales mentionnées à l’article L. 481-1 et le fait qu’ils constituent une pratique anticoncurrentielle ; /

 2° Le fait que cette pratique lui cause un dommage ; /

3° L’identité de l’un des auteurs de cette pratique (…) « .

Aux termes de l’article 12 de cette ordonnance :

 » I. Les dispositions de la présente ordonnance entrent en vigueur le lendemain de sa publication (…).

    1. Les dispositions de la présente ordonnance qui allongent la durée d’une prescription s’appliquent lorsque le délai de prescription n’était pas expiré à la date de son entrée en vigueur. Il est alors tenu compte du délai déjà écoulé « . 
  1. Il résulte de ces dispositions que, jusqu’à l’entrée en vigueur de la loi du 17 juin 2008, les actions fondées sur la responsabilité quasi-délictuelle des auteurs de pratiques anticoncurrentielles se prescrivaient par dix ans à compter de la manifestation du dommage. Après l’entrée en vigueur de cette loi, la prescription de ces conclusions est régie par les dispositions de l’article 2224 du code civil fixant une prescription de cinq ans. S’appliquent, depuis l’entrée en vigueur de l’ordonnance du 9 mars 2017, les dispositions de l’article L. 482-1 du code de commerce posant une même prescription. 
  1. La cour administrative d’appel de Nantes a estimé, au terme de son appréciation souveraine des pièces du dossier, que le département de la Manche n’avait eu connaissance de manière suffisamment certaine de l’étendue des pratiques anticoncurrentielles dont il avait été victime qu’à compter de la décision du 22 décembre 2010 de l’Autorité de la concurrence. En en déduisant que l’action engagée par cette collectivité devant le tribunal administratif de Caen le 16 février 2015, soit dans le délai de cinq ans fixé par l’article 2224 du code civil, n’était pas prescrite, la cour, qui a suffisamment motivé son arrêt sur ce point, n’a pas commis d’erreur de droit.»

 

S’agissant enfin de l’évaluation du montant du préjudice du Département le Conseil d’Etat valide l’extrapolation opérée par les juges du fond consistant à s’appuyer sur la différence entre les prix pratiqués après et pendant l’entente illicite : 

« 6. En troisième lieu, il résulte des énonciations de l’arrêt attaqué que la cour administrative d’appel, qui n’était pas tenue de répondre explicitement à l’ensemble des arguments invoqués par la société requérante pour remettre en cause les conclusions du rapport d’expertise, s’est fondée, pour évaluer l’ampleur du préjudice subi par le département au titre du surcoût lié aux pratiques anticoncurrentielles, sur la comparaison entre les marchés passés pendant l’entente et une estimation des prix qui auraient dû être pratiqués sans cette entente, en prenant notamment en compte la chute des prix postérieure à son démantèlement ainsi que les facteurs exogènes susceptibles d’avoir eu une incidence sur celle-ci. En estimant implicitement qu’en l’espèce cette chute des prix ne résultait pas de l’augmentation de la pondération du critère du prix dans les marchés postérieurs ou de la réduction alléguée des marges bénéficiaires des entreprises concernées, la cour, dont l’arrêt est suffisamment motivé sur ce point, n’a pas dénaturé les pièces du dossier. »

Cet arrêt sera publié au Lebon.

 

Jérôme MAUDET

Avocat

Poison d’avril… nouvelles règles en matière de fonctionnement des institutions locales et de l’exercice des compétences des collectivités territoriales

Aux grands maux les grands remèdes.

Prise en application de l’article 11 de la loi d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19 l’Ordonnance n° 2020-391 du 1er avril 2020 vise à assurer la continuité du fonctionnement des institutions locales et de l’exercice des compétences des collectivités territoriales et des établissements publics locaux afin de faire face à l’épidémie de covid-19.

 

Une extension sous contrôle des pouvoirs de l’exécutif :

L’article 1er de l’ordonnance offre de plein droit aux exécutifs locaux, sans qu’une délibération ne soit nécessaire, les attributions que les assemblées délibérantes peuvent habituellement leur déléguer par délibération, afin de faciliter la prise des décisions dans les matières permettant d’assurer la continuité du fonctionnement et de l’action des collectivités territoriales et de leurs groupements.

Les attributions confiées aux exécutifs locaux feront l’objet d’un double contrôle :

  • Les organes délibérants doivent être informés des décisions prises dans le cadre de ces délégations, ils pourront dès leur première réunion modifier ou supprimer les délégations, et ils pourront in fine, après avoir repris leurs attributions, réformer les décisions prises dans le cadre de ces délégations, sous réserve des droits acquis.

 

  • Les décisions prises dans le cadre de ces délégations devront être systématiquement soumises au contrôle de légalité.

 

Limitation des conditions de quorum :

L’article 2 étend le dispositif de l’article 10 de la loi n° 2020-290 en fixant pendant la durée de l’état d’urgence au tiers, au lieu de la moitié, le quorum de membres nécessaires pour une réunion non seulement de l’organe délibérant des collectivités et des groupements, mais également des commissions permanentes des collectivités et des bureaux des EPCI à fiscalité propre.

Le quorum de l’ensemble de ces instances s’apprécie en fonction des membres présents ou représentés.

Les membres de ces instances peuvent être porteurs de deux pouvoirs, contre un seul aujourd’hui.

 

Des réunions facilitées :

L’article 3 facilite la réunion de l’assemblée délibérante des collectivités territoriales à la demande de ses membres.

Il abaisse la proportion de membres nécessaire pour provoquer une réunion de l’organe délibérant des collectivités et des groupements.

Aujourd’hui fixée à la moitié ou au tiers, cette proportion sera fixée, pendant la durée de l’état d’urgence, au cinquième.

Lorsqu’une demande est présentée, le chef de l’exécutif de la collectivité ou du groupement disposera d’un délai de six jours pour organiser la réunion, le cas échéant par téléconférence.

 

Allègement des consultations préalables obligatoires :

L’article 4 allège les modalités de consultations préalables à la prise de décisions des collectivités territoriales.

S’il est fait application de cette possibilité d’allègement, le maire ou le président de l’organe délibérant fait part sans délai de cette décision aux commissions ou conseils concernés, leur communique par tout moyen les éléments d’information relatifs aux affaires sur lesquelles ils n’ont pu être consultés et les informe des décisions prises.

L’article suspend par ailleurs l’obligation pour les organes délibérants des collectivités territoriales de se réunir au moins une fois par trimestre.

 

Fonctionnement et prolongement des mandats des représentants des EPCI :

L’article 5 traite différentes questions relatives aux établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre résultant d’une fusion intervenue dans la semaine précédant le premier tour des élections municipales et communautaires.

Il prolonge notamment le mandat des représentants de chaque ancien établissement public de coopération intercommunale au sein d’organismes de droit public ou de droit privé en exercice à la veille du premier tour, jusqu’à ce que l’organe délibérant de l’établissement public en ait décidé autrement.

 

Autorisation de la téléconférence :

L’article 6 autorise la réunion à distance des organes des collectivités territoriales et de leurs groupements.

S’il est fait usage de cette nouvelle faculté, le chef de l’exécutif doit utiliser tous les moyens dont il dispose pour convoquer les membres de l’organe délibérant. Lors des réunions en téléconférence, il ne peut être recouru qu’au vote au scrutin public.

Le quorum est apprécié en fonction de la présence des membres dans le lieu de réunion mais également de ceux présents à distance.

Pour les organes délibérants soumis à obligation de publicité, le caractère public de la réunion de l’organe délibérant de la collectivité territoriale ou de l’établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre est réputé satisfait lorsque les débats sont accessibles en direct au public de manière électronique.

L’assemblée délibérante peut également continuer à décider de se réunir à huis clos.

 

Assouplissement du formalisme des transmissions au contrôle de légalité et de publicité :

L’article 7 assouplit transitoirement les modalités de transmission des actes au contrôle de légalité, sans remettre en question les voies de transmission habituelles (par papier et par le biais du système d’information @ctes auquel une majorité de collectivités et groupements sont déjà raccordés).

L’ordonnance autorise ainsi la transmission électronique des actes aux préfectures par messagerie et ce jusqu’à la fin de l’état d’urgence sanitaire.

Afin d’être considérée comme régulière, cette modalité de transmission par voie électronique devra cependant répondre à plusieurs exigences tenant notamment à la bonne identification de la collectivité émettrice.

Par ailleurs, l’article 7 facilite l’accomplissement des formalités de publicité des actes réglementaires des autorités locales, qui conditionnent leur entrée en vigueur et déterminent le point de départ des délais de recours.

Il prévoit, à titre dérogatoire, que la publication des actes réglementaires puisse être assurée sous la seule forme électronique, sur le site internet de la collectivité territoriale ou du groupement de collectivités territoriales lorsqu’il existe, sous réserve qu’ils soient publiés dans leur intégralité, sous un format non modifiable et dans des conditions permettant d’en assurer la conservation, d’en garantir l’intégrité et d’en effectuer le téléchargement.

 

Réduction des délais de convocation des conseils d’administration des SDIS

L’article 8 permet de réduire le délai de convocation en urgence des conseils d’administration des services départementaux d’incendie et de secours.

Il rend par ailleurs applicables à ces conseils les dispositions de l’article 6 s’agissant de l’organisation de réunions par téléconférence.

 

Du temps pour les EPCI :

L’article 9 accorde un temps supplémentaire aux établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre dans leurs délibérations en matière d’eau, d’assainissement, de gestion des eaux pluviales urbaines.

Cet article prévoit ainsi de maintenir trois mois supplémentaires les syndicats infracommunautaires existant au 1er janvier 2019, le temps que la communauté de communes ou d’agglomération titulaire de la compétence délibère sur une délégation de compétence en faveur de ces syndicats, conformément aux dispositions de la loi n° 2019-1461 relative à l’engagement dans la vie locale et à la proximité de l’action publique.

Cette disposition ne compromet pas la possibilité de délibérer sans attendre la fin de ce délai de trois mois supplémentaires, soit en vue de déléguer, soit en vue de ne pas y pourvoir, entraînant alors la dissolution de la structure syndicale.

Une deuxième disposition donne trois mois supplémentaires aux organes délibérants des communautés de communes ou d’agglomération pour statuer, conformément à la loi n° 2019-1461, sur une demande de délégation de compétence de tout ou partie des compétences relatives à l’eau, l’assainissement et la gestion des eaux pluviales urbaines formulée par l’une de leurs communes membres entre janvier et mars 2020.

Enfin, la dernière disposition de cet article 9 proroge de trois mois le délai prévu au III de l’article 8 de la loi n° 2019-1428 du 24 décembre 2019 d’orientation des mobilités pour la délibération de l’organe délibérant en vue du transfert de la compétence d’organisation de la mobilité à la communauté de communes, lorsqu’il n’y a pas déjà été procédé.

Cette délibération devra ainsi intervenir avant le 31 mars 2021 au lieu du 30 décembre 2020, pour que le transfert de compétence prenne effet au 1er juillet 2021.

L’article 10 apporte des compléments nécessaires à la bonne application de l’

ordonnance n° 2020-330 du 25 mars 2020 relative aux mesures de continuité budgétaire, financière et fiscale des collectivités territoriales et des établissements publics locaux afin de faire face aux conséquences de l’épidémie de covid-19.

 

Entrée en vigueur :

L’article 11 précise les dates d’entrée en vigueur et de fin des dispositions de la présente ordonnance.

A noter que les articles 3, 4 et 6 à 8 sont rétroactivement applicables à compter du 12 mars 2020 et pendant la durée de l’état d’urgence sanitaire prévu à l’article L. 3131-20 du code de la santé publique, déclaré dans les conditions de l’article 4 de la loi du 23 mars 2020 susvisée.

 

Jérôme MAUDET

Avocat au Barreau de Nantes

 

Source : https://www.collectivites-locales.gouv.fr/covid-19-notice-explicative-lordonnance-visant-a-assurer-continuite-fonctionnement-des-institutions

 

Collectivités : comment obtenir la remise en état des lieux devant le juge civil ?

Édifier une construction en méconnaissance des règles d’urbanisme constitue un délit.

S’agissant d’un délit l’action publique se prescrit par 6 ans alors que l’action civile demeure ouverte pendant 10 années à compter de l’achèvement des travaux.

Aux termes des dispositions de l’article L. 480-14 du Code de l’urbanisme :

« La commune ou l’établissement public de coopération intercommunale compétent en matière de plan local d’urbanisme peut saisir le tribunal judiciaire en vue de faire ordonner la démolition ou la mise en conformité d’un ouvrage édifié ou installé sans l’autorisation exigée par le présent livre, en méconnaissance de cette autorisation ou, pour les aménagements, installations et travaux dispensés de toute formalité au titre du présent code, en violation de l’article L. 421-8. L’action civile se prescrit en pareil cas par dix ans à compter de l’achèvement des travaux ».

Il ressort de cette disposition que le seul fait générateur de l’action de la commune est la constatation de l’édification ou de l’installation d’un ouvrage sans autorisation pourtant indispensable à cette fin et prévue au livre IV du code de l’urbanisme « Régime applicable aux constructions, aménagements et démolitions ».

En d’autres termes, la seule constatation d’une construction illicite suffit pour que la démolition de la construction illégalement édifiée soit ordonnée par le juge civil.

Ainsi, la Cour de cassation juge que :

« Mais attendu que, M. N… s’étant borné à faire valoir dans ses conclusions d’appel que lui avait été délivrée le 30 juin 2016 une décision de non-opposition à la déclaration préalable qu’il avait présentée le 6 novembre 2015 en vue de la création d’une chambre sur terrasse existante, sans soutenir qu’il avait obtenu un permis de construire emportant régularisation de l’ensemble des travaux de surélévation précédemment entrepris, la cour d’appel, qui a constaté que ces travaux avaient été réalisés sans permis de construire, en a exactement déduit, sans être tenue de répondre à des conclusions ni d’examiner une pièce que ses constatations rendaient inopérantes, qu’il y avait lieu d’en ordonner la démolition » (C. Cass., 7 mars 2019, n°17-31177).

Par ailleurs, il ressort de la jurisprudence applicable que la collectivité n’a pas à démontrer l’existence d’un préjudice particulier pour solliciter la démolition de la construction édifiée sans autorisation.

En ce sens, la Cour de cassation juge sans ambiguïté que :

« Mais attendu que l’action attribuée à la commune par l’article L. 480-14 du code de l’urbanisme, qui a pour objet la démolition ou la mise en conformité, est destinée à faire cesser une situation illicite ;

 Que la volonté du législateur d’attribuer une action spécifique au profit de la commune serait compromise si cette action obéissait à la même condition de preuve d’un préjudice que l’action de droit commun ouverte à tout tiers victime de la violation de règles d’urbanisme ; » (C. Cass., 16 mai 2019, n°17-31757).

Dans le même sens, la Cour de Cassation juge que :

« attendu que la commune dispose d’une action autonome ne nécessitant pas la démonstration d’un préjudice personnel et direct causé par les constructions irrégulières ; que la cour d’appel, qui a constaté l’irrégularité des ouvrages construits par M. E…, sans avoir obtenu un permis de construire ou une autorisation préalable, dans le site naturel de la vallée de la Loue classé en zone Natura 2000, devant rester libre de toute construction et répertorié en aléa très fort de risque de glissement de terrain, en a exactement déduit que la demande de démolition devait être accueillie, alors que M. E… ne précise pas, concrètement, en quoi la mesure de démolition porterait une atteinte disproportionnée au droit au respect de ses biens » (C. Cass., 13 février 2020, n°19-16299).

Par conséquent, en raison de l’édification sans autorisation de l’ensemble des structures et constructions présentes sur la parcelle une collectivité est bien fondée à solliciter de la juridiction de céans leur démolition.

Cette dernière n’aura d’autres choix que de faire droit à cette demande.

En ce sens, la Cour d’appel de Paris juge en effet que les dispositions de l’article L. 480-14 du Code de l’urbanisme doivent être appliquées dès lors que les ouvrages litigieux n’ont pas fait l’objet des autorisations d’urbanisme nécessaires à leur construction.

Plus précisément, elle a jugé que :

« ces dispositions doivent être appliquées dès lors que, comme en l’espèce, la commune a saisi le tribunal, dans les 10 ans de la réalisation de l’ouvrage litigieux, sans que celui-ci ait jamais fait l’objet de l’autorisation d’urbanisme nécessaire à sa construction » (C.A. Paris, 10 novembre 2017, n°15/20013).

Par ailleurs, le contrevenant ne saurait invoquer la violation de dispositions relatives au respect du droit à la vie privée et familiale dès lors que la démolition sollicitée n’est pas contraire aux dispositions de l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme.

En ce sens, la Cour d’appel de Paris juge que :

« le fait pour l’autorité communale légalement investie de la police de l’urbanisme, afin notamment de lutter contre le développement anarchique de constructions qui portent gravement et durablement atteinte à l’ordre public, de solliciter la démolition d’une construction illicite pour avoir été réalisée sans l’autorisation administrative préalable prévue par la loi, fût-elle, comme en l’espèce le domicile de Mme X… et de sa famille, ne constitue pas, au sens de l’article 8 de la convention européenne des droits de l’homme précitée, une atteinte disproportionnée au droit au respect de sa vie privée et familiale et à la protection de son domicile » (C.A. Paris, 10 novembre 2017, n°15/20013

Louis-Marie LE ROUZIC

Avocat

 

URBANISME : Les impacts de l’ordonnance du 25 mars 2020 portant adaptation des règles devant les juridictions administratives

LES IMPACTS SUR L’URBANISME  DE L’ORDONNANCE N°2020-305 DU 25 MARS 2020 PORTANT ADAPTATION DES REGLES APPLICABLES DEVANT LES JURIDICTIONS ADMINISTRATIVES

 

Cette ordonnance portant adaptation des règles de procédure devant les juridictions administratives, et uniquement devant elles (ne sont ainsi pas concernées le déroulé de l’instruction et des audiences tenues devant les commissions d’aménagement commercial), s’articule avec l’ordonnance transversale prorogeant les délais administratifs et juridictionnels échus pendant la période d’urgence sanitaire.

Conformément aux dispositions de l’ordonnance n°2020-306, les actions en justice, recours, notifications, prescrits par la loi ou le règlement, à peine de nullité, sanction, caducité, forclusion, prescription, inopposabilité, irrecevabilité, péremption, qui devaient être réalisés entre le 12 mars 2020 et l’expiration du délai d’un mois à compter de la cessation de l’état d’urgence sanitaire, seront réputés avoir été faits à temps si ces actions ont été effectuées dans un délai qui ne peut excéder, à compter de la fin de cette période, le délai légalement imparti pour agir mais dans la limite de 2 mois. (art 2)

Les délais qui ont expiré ou qui expirent entre le 12 mars 2020 et, pour l’heure, le 24 juin 2020, sont interrompus pendant toute cette période et prorogés à compter de cette période d’un délai qui ne peut excéder le délai légalement imparti pour agir, dans la limite de 2 mois ;

Ainsi, les délais de recours à l’encontre d’un jugement ou d’un pourvoi à l’encontre d’un arrêt ou d’une ordonnance rendue en matière de référés recommenceront à courir à compter du 25 juin 2020 pour leur durée initiale dans la limite fixée par les textes.

On peut noter, dès à présent, que les délais d’appel et de pourvoi ne seront pas modifiés sur la notification des jugements et des arrêts qui seront adressés aux parties, mais la mesure de report des délais prévue par l’ordonnance n°2020-306 sera ajoutée en nota bene sur lesdits courriers de notification.

 

  • Quelles conséquences sur les délais d’instruction ?

Les conséquences sont de plusieurs ordres.

 

Sur les délais imposés aux parties par un texte

L’article 15 I précise que les dispositions de l’article 2 de l’ordonnance n°2020-306 sont applicables aux procédures devant les juridictions de l’ordre administratif.

Dès lors, les délais impartis aux parties par un texte pour produire un mémoire ou une pièce et expirant entre le 12 mars 2020 et un délai d’un mois après la cessation de l’état d’urgence (en l’état, fixée au 24 juin 2020) recommenceront à courir à compter de la fin de cette période pour leur durée initiale, dans la limite de deux mois.

Sont, notamment, concernés pour le contentieux en droit de l’urbanisme, les délais prévus à l’article R. 612-5-2 du Code de justice administrative (CJA) pour confirmer le maintien d’une requête au fond, à peine d’irrecevabilité de cette dernière, après le rejet d’un référé suspension pour défaut de moyen sérieux.

Sont concernés également les délais prévus à l’article R. 600-5 du Code de l’urbanisme pour produire de nouveaux moyens après la communication du premier mémoire en défense.

La cristallisation des moyens ne s’appliquera donc qu’à compter de la fin de cette période pour la durée initiale et dans la limite des deux mois fixés par les textes.

 

Sur les délais imposés aux parties par une mesure d’instruction

Pour l’application des dispositions de l’article 3 1° de l’ordonnance n°2020-306, les délais impartis aux parties par une mesure d’instruction pour produire une pièce ou un mémoire et expirant entre le 12 mars 2020 et un délai d’un mois après la cessation de l’état d’urgence sanitaire sont prorogés de plein droit de deux mois après la fin de cette période.

Le juge peut toutefois modifier ces mesures lorsqu’elles ont été prononcées avant le 12 mars 2020.

Sont ainsi visés les délais fixés aux parties pour régulariser une requête, pour confirmer une requête ou produire une pièce ou un mémoire.

A la différence des délais fixés par les textes, les délais impartis par la juridiction ne recommencent pas à courir pour leur durée initiale mais pour une durée forfaitaire qui prend fin deux mois après la période de référence (soit trois mois après la fin de l’état d’urgence sanitaire).

 

Sur les clôtures d’instruction

L’article 16 de l’ordonnance n°2020-305 prévoit que les mesures de clôture d’instruction intervenant entre le 12 mars 2020 et la cessation de l’état d’urgence sanitaire sont reportées de plein droit d’un mois après la fin de cet état d’urgence.

Il est également précisé que le juge peut reporter la clôture à une date ultérieure.

 

  • Quelles conséquences sur les délais impartis au juge pour statuer ?

Hors cas dérogatoires qui ne sont pas ici analysés (mesures particulières pour le contentieux des OQTF avec mesure de surveillance et refus d’entrée au titre de l’asile, ou contentieux électoral), l’article 17 précise que les délais impartis au juge pour statuer, que ces délais aient couru en tout ou partie pendant la période allant du 12 mars 2020 jusqu’à la fin de l’état d’urgence sanitaire, sont reportés jusqu’au 1er jour du 2ème mois suivant la fin de l’état d’urgence.

 

  • Quels impacts sur l’organisation et le fonctionnement des juridictions ?

La crise du Covid-19 avait déjà amené les juridictions de l’ordre administratif à revoir leurs modes de fonctionnement en interne et à adopter des plans de continuité recentrés sur les seules activités dites essentielles.

L’ordonnance réorganise, de manière dérogatoire et ce à compter du 12 mars 2020 et jusqu’à la date de cessation de l’état d’urgence sanitaire, le fonctionnement du travail juridictionnel en venant amender un certain nombre de dispositions du code de justice administrative.

 

Sur les formations de jugement

L’ordonnance prévoit ainsi, en son article 3, que les formations de jugement des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel pourront être complétées, en cas de besoin, par le magistrat d’une autre juridiction ou par un magistrat honoraire.

Cette possibilité de compléter les formations de jugement par un magistrat d’une autre juridiction n’étant actuellement permis qu’aux seuls tribunaux administratifs (article L. 221-2-1 CJA)

Il s’agit ici de pouvoir permettre que puisse se tenir, en cas de besoin, les formations de jugement, collégiale mais aussi à juge unique, en permettant la mutabilité des effectifs de magistrats entre tribunaux et cours pour pallier aux vacances éventuelles.

 

Sur la possibilité de statuer par ordonnances

Il s’agit ici d’élargir la possibilité de statuer par voie d’ordonnances prises sur la base de l’article R. 222-1 CJA aux conseillers ayant au moins deux ans d’ancienneté sans prise en compte de la condition de grade ( les dispositions actuelles nécessitant que le conseiller soit, au moins, premier conseiller).

Ce nouveau dispositif ne s’applique pas au rejet des requêtes manifestement dépourvues de tout fondement en appel.

 

Sur les échanges avec les parties

L’article 5 de l’ordonnance prévoit que la communication des pièces, actes et avis aux parties peut être effectuée par tout moyen.

Pour les parties qui ne sont pas ainsi inscrites dans l’application Télérecours ou Télérecours citoyens, les nouvelles dispositions permettent ainsi de déroger à l’exigence de la remise contre signature, ou de tout autre dispositif permettant de s’assurer de la réception,  imposée dans de nombreux articles du code de justice administrative (article R. 611-3, ou encore article R 611-5, et avis d’audience par exemple (article R 711-5 CJA).

La communication par échange électronique sera le vecteur privilégié de la communication avec la juridiction.

 

Sur la tenue des audiences

Ce sont très certainement les dispositions qui interpellent le plus dans la mesure où elles portent, provisoirement, atteintes au principe de publicité des audiences et des jugements, garantie d’une bonne justice et d’une justice transparente.

Le droit conventionnel (article 10 de la DUDH, article 14 §1 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, article 47 de la charte communautaire de droits fondamentaux, article 6 de la CESDH) attendra la fin de la crise sanitaire provoquée par le covid-19 pour reprendre ses droits.

Ce ne sont pas moins de 5 articles qui viennent ainsi amoindrir la publicité des débats ou la présence de l’avocat aux côtés de son client.

 

  • Restriction de la publicité des audiences

 

L’article 6 de l’ordonnance permet ainsi au président de la formation de jugement de décider de la possibilité de tenir des audiences, soit hors présence du public, soit en public restreint.

Les audiences des juridictions administratives pourront ainsi se tenir soit par dispositif de visioconférence, soit par téléphone et toujours dans des conditions qui doivent permettre de s’assurer de l’identité des parties et de garantir la confidentialité des échanges (article 7).

En cas d’impossibilité technique ou matérielle de recourir, par exemple à la visioconférence, le président de jugement, pourra décider, par une décision insusceptible de tout recours, d’entendre les parties, outre par voie téléphonique, par un échange électronique.

S’agissant des référés, l’article 9 prévoit de statuer sans audience sur tous les référés après information des parties et fixation d’une date de clôture d’instruction.

 

  • Présence physique de l’avocat ou de l’interprète non requise

 

Le texte précise également que lorsqu’une partie est assistée d’un conseil ou d’un interprète, la présence physique de ces derniers aux côtés de celle-ci n’est pas requise (article 7)

Pour s’assurer du respect du contradictoire et des droits de la défense, l’ensemble des opérations effectuées pour la tenue de l’audience sera consigné dans un procès-verbal.

 

  • Dispense généralisée des conclusions du rapporteur public à sa demande

 

De même, pour le contentieux de l’urbanisme habitué au prononcé des conclusions du rapporteur public, les nouvelles dispositions de l’article 8 prévoient une dispense possible de conclusions de ce magistrat à l’audience.

Il s’agit ainsi d’une généralisation temporaire de la possibilité de dispense prévue dans certaines matières par l’article R. 732-1-1 du CJA.

 

  • Signature, lecture et notification des décisions de justice

 

L’ordonnance déroge également aux dispositions de l’article R. 741-1 du CJA qui impose une lecture publique des décisions en audience publique.

Les décisions pourront être rendues publiques par une simple mise à disposition au greffe, s’il est physiquement accessible et faute d’accessibilité, les décisions pourront être communiquées sur demande par la voie électronique ou par téléphone.

Les jugements et arrêts devront alors obligatoirement comporter la mention « rendu public par mise à disposition au greffe le .. » et cette mention sera portée manuscritement par les greffes car les rôles de lecture ne seront pas forcément modifiés en temps utile pour que puisse être supprimée la mention « lu en audience publique le … ».

La notification à l’avocat vaudra notification aux parties (article 13).

La minute pourra être signée par le seul président de la formation de jugement, là encore de manière dérogatoire aux dispositions actuelles du code de justice administrative qui nécessitent la signature du greffier d’audience et du magistrat rapporteur du dossier.

Ces dispositions dérogatoires ont ainsi vocation à adapter le fonctionnement du travail juridictionnel au sein de l’ordre administratif à la crise sanitaire actuelle, pendant toute la durée de l’état d’urgence , à ce jour fixée au 24 juin 2020, sauf cessation anticipée de celui-ci ou prolongation législative nécessaire de cette situation en tous points exceptionnelle.

 

Gaëlle PAULIC

Avocate 

Urbanisme ordonnance du 25 mars 2020 : Entre interruption et suspension….

 

Entre interruption et suspension….

Les impacts sur l’urbanisme et l’urbanisme commercial de l’ordonnance du 25 mars 2020 relative à la prorogation des délais échus pendant la période d’urgence sanitaire

A ce jour, et ainsi qu’indiqué à l’article 4 de la loi d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19 du 23 mars 2020, l’état d’urgence sanitaire est déclaré pour une durée de deux mois à compter de l’entrée en vigueur de ladite loi, soit jusqu’au 24 mai 2020, étant précisé que l’état d’urgence sanitaire peut être prolongé par la loi ou abrégé par un décret en conseil des ministres.

 

  • DISPOSITIONS GENERALES SUR LA PROROGATION DES DELAIS

 

  1. La période concernée par l’ordonnance

L’article 1er précise que les dispositions du Titre I de l’ordonnance sont applicables aux délais et mesures qui ont expiré ou expirent entre le 12 mars 2020 et l’expiration d’un délai d’un mois compter de la date de cessation de l’état d’urgence sanitaire déclaré, et le cas échéant prorogé, soit pour l’heure entre le 12 mars 2020 et le 24 juin 2020.

Ne sont pas concernés :

  • les délais dont le terme est échu avant le 12 mars 2020: leur terme n’est pas reporté;

 

  • Mais, surtout, les délais dont le terme est fixé au-delà du mois suivant la date de la cessation de l’état d’urgence sanitaire: ces délais ne sont ni suspendus, ni prorogés.

 

  • Les conséquences sur les délais de recours gracieux, contentieux, de retrait des autorisations d’urbanisme

Les actions en justice, recours, notifications, prescrits par la loi ou le règlement, à peine de nullité, sanction, caducité, forclusion, prescription, inopposabilité, irrecevabilité, péremption, qui devaient être réalisés entre le 12 mars 2020 et l’expiration du délai d’un mois à compter de la cessation de l’état d’urgence sanitaire, seront réputés avoir été faits à temps s’ils ont été effectués dans un délai qui ne peut excéder, à compter de la fin de cette période, le délai légalement imparti pour agir mais dans la limite de 2 mois. (art 2)

Les délais qui ont expiré ou qui expirent entre le 12 mars 2020 et, pour l’heure, le 24 juin 2020, sont interrompus pendant toute cette période et prorogés à compter de cette période d’un délai qui ne peut excéder le délai légalement imparti pour agir, dans la limite de 2 mois ;

Ainsi, les délais de recours recommenceront à courir à compter du 25 juin 2020 pour leur durée initiale dans la limite de deux mois, soit jusqu’au 25 aout 2020.

 

Il est toutefois possible de former un recours durant cette période.

 

L’ordonnance ne prévoit pas de supprimer la réalisation de tout acte ou formalité dont le terme échoit dans la période visée : elle permet simplement de considérer comme n’étant pas tardif l’acte réalisé dans le délai supplémentaire imparti.

Ainsi, s’agissant des autorisations d’urbanisme, dont le délai de recours des tiers – qui expire, pour rappel, à l’issue d’un affichage continu de deux mois – prendrait fin entre le 12 mars et l’expiration d’un délai d’un mois à compter de la cessation de l’état d’urgence sanitaire, le délai de recours serait automatiquement prorogé.

Les tiers disposent donc ainsi de deux mois à compter du 25 juin 2020 pour introduire un recours (gracieux ou contentieux), et ce peu importe la durée de l’affichage qui aurait commencé à courir, ce qui induit une prolongation des délais de recours contentieux peu favorable pour les porteurs de projet

 

  • Quelles conséquences sur les mesures administratives ou juridictionnelles ?

L’article 3 fixe la liste des mesures judiciaires et administratives dont l’effet est prorogé de plein droit pour une durée de deux mois à compter de la fin de l’état d’urgence sanitaire majoré d’un mois, (soit à ce jour le 24 juin 2020) dès lors que leur échéance est intervenue dans cette période, sauf si elles sont levées ou leur terme modifié par l’autorité compétente entre temps.

 

Lorsque ces mesures ont été prononcées avant le 12 mars 2020, le juge ou l’autorité administrative peut y mettre fin s’il est saisi.

 

Il s’agit des mesures d’aide, d’accompagnement ou de soutien aux personnes en difficulté sociale, des mesures conservatoires, d’enquête, d’instruction, de conciliation ou de médiation, des mesures d’interdiction ou de suspension qui n’ont pas été prononcées à titre de sanction.

 

Ledit article précise également le sort des autorisations, permis et agrément en cours de validité et dont la péremption intervient pendant la période de la fin de l’état d’urgence sanitaire majoré d’un mois :

 

La loi prévoit ainsi une prorogation de plein droit des « Autorisations, permis et agréments » pour une durée de 2 mois commençant à courir à compter de la fin de l’état d’urgence sanitaire majoré d’un mois.

Ainsi les autorisation d’urbanisme, autorisation d’exploitation commerciale (….) qui arrivaient à expiration pendant cette période sont prorogés de plein droit de deux mois à compter du 24 juin 2020.

 

  • Report des effets des clauses résolutoires et celles prévoyant une déchéance insérée dans les promesses en cours de validité

L’article 4 prévoit que les astreintes, clauses pénales, clauses résolutoires et clauses de déchéance qui auraient dû produire ou commencer à produire leurs effets entre le 12 mars 2020 et l’expiration d’un délai d’un mois à compter de la date de cessation de l’état d’urgence sanitaire, sont suspendues.

 

Elles produiront effet un mois après la fin de cette période, si le débiteur n’a pas exécuté son obligation d’ici là.

 

Les astreintes et clauses pénales qui avaient commencé à courir avant le 12 mars 2020 voient quant à elles leur cours suspendu pendant la période définie au I de l’article 1er, elles reprendront effet dès le lendemain.

 

Ainsi et plus particulièrement, les clauses prévoyant une date limite pour le dépôt d’une demande de permis de construire ne sauraient, à mon sens, prendre effet pendant la période d’urgence sanitaire.

 

  • DISPOSITIONS PARTICULIERES AUX DELAIS ET PROCEDURES EN MATIERE ADMINISTRATIVE

 

  • Quelles sont les conséquences sur les délais impartis à l’administration pour émettre un avis, une décision ou un accord

L’article 7 prévoit que les délais de l’action administrative sont suspendus.

 

Les délais à l’issue desquels une décision, un accord ou un avis de l’un des organismes ou personnes mentionnés à l’article 6 peut ou doit intervenir ou est acquis implicitement et qui n’ont pas expiré avant le 12 mars 2020 sont, à cette date, suspendus jusqu’à la fin de la période mentionnée au I de l’article 1er soit jusqu’au 24 juin 2020

 

Le point de départ des délais qui auraient dû commencer à courir pendant cette période interviendra à l’achèvement de celle-ci.

 

Les mêmes règles s’appliquent aux délais impartis aux mêmes organismes ou personnes pour vérifier le caractère complet d’un dossier ou pour solliciter des pièces complémentaires dans le cadre de l’instruction d’une demande ainsi qu’aux délais prévus pour la consultation ou la participation du public.

 

Sont ainsi concernées les demandes donnant lieu à une décision d’une autorité administrative, et notamment des décisions implicites d’acceptation ou de rejet ainsi que les délais fixés pour les acteurs pris dans le cadre de la procédure d’instruction de ces demandes (demandes d’autorisation d’urbanisme, DIA…..)

 

Il en est de même pour les délais de consultation ou la participation du public ou de toute instance ou autorité, préalables à la prise d’une décision par une autorité administrative.

 

Pour les autorisations de construire dont l’instruction aurait dû commencer à courir à compter du 12 mars, le point de départ du délai d’instruction est l’expiration d’un délai d’un mois à compter de la date de cessation de l’état d’urgence sanitaire, soit à ce jour le 24 juin 2020. C’est un report complet

 

Il en va de même de la vérification de la complétude d’un dossier ou de la demande de pièce complémentaire : c’est un report complet

Pour les demandes en cours d’instruction au 12 mars 2020 : les délais sont suspendus jusqu’au 24 juin 2020. C’est une suspension pas un report complet : il conviendra donc d’être vigilant sur la computation des délais

 

Des exceptions : un décret pourra préciser les catégories d’actes, de procédure et d’obligations pour lesquels, pour des motifs de protection des intérêts fondamentaux de la Nation, de sécurité, de protection de la santé, de la salubrité publique, de préservation de l’environnement et de protection de l’enfance et de la jeunesse, le cours des délais reprend.

 

  • Report des délais pour réaliser des contrôles et des travaux :

L’article 8 suspend les délais imposés par l’administration, conformément à la loi et au règlement, à toute personne pour réaliser des contrôles (cas des DAACT par exemple) et des travaux ou pour se conformer à des prescriptions de toute nature jusqu’à l’expiration d’un délai d’un mois à compter de la date de cessation de l’état d’urgence sanitaire, (soit le 24 juin 2020) sauf lorsqu’ils résultent d’une décision de justice.

 

Le point de départ des délais de même nature qui auraient dû commencer à courir pendant cette même période est reporté jusqu’à l’achèvement de celle-ci.

Ainsi qu’indiqué précédemment, un décret pourra préciser les catégories d’actes, de procédure et d’obligations pour lesquels, pour des motifs de protection des intérêts fondamentaux de la Nation, de sécurité, de protection de la santé, de la salubrité publique, de préservation de l’environnement et de protection de l’enfance et de la jeunesse, le cours des délais reprend.

 

  • Quelles conséquences sur les enquêtes publiques : uniquement celles en cours ou devant être organisées pendant la période d’urgence sanitaire

A compter du 12 mars 2020 et pour la durée de la période d’état d’urgence sanitaire augmentée d’un mois, les procédures d’enquête publique relatives à des projets présentant tout à la fois un intérêt national et un caractère d’urgence peuvent être aménagées si le retard est susceptible d’entraîner des conséquences difficilement réparables dans la réalisation de ces projets:

  • L’autorité compétente pour organiser l’enquête peut, pour toute enquête publique déjà ouverte relative à un tel projet, décider qu’elle se poursuit uniquement par des moyens électroniques dématérialisés.
  • Toute nouvelle enquête publique relative à un tel projet sera ouverte et conduite uniquement par des moyens électroniques dématérialisés.

Si la durée de l’enquête publique excède celle de l’état d’urgence sanitaire augmentée d’un mois, l’autorité qui l’organise peut choisir de l’achever selon les mêmes modalités dématérialisées ou de l’achever selon les modalités de droit commun.

Les autres enquêtes publiques devraient donc être reportées après la fin de la période d’état d’urgence sanitaire.

***

Telles sont les dispositions des présentes ordonnances qui ne manqueront pas, dans la pratique, de soulever de nombreuses difficultés.

Céline CAMUS-

Avocate associée Seban Atlantique

 

Collectivités : Formation sur le cadre juridique encadrant la création et la gestion des terrains familiaux

Prenez soin de vous. Restez chez vous.

Le confinement n’interdit pas aux élus et agents des collectivités de se former surtout avec  idealCO : https://www.idealco.fr/

J’intervenais ce matin pour évoquer le cadre juridique applicable aux terrains familiaux d’accueil des gens du voyage.

 

Au programme  :

I.La Loi du 5 juillet 2000 relative à l’accueil des gens du voyage 

II.La Circulaire du 17 décembre 2003

III.La Loi ALUR

IV.Le Décret du 27 avril 2015

V.Loi du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République (NOTRe).

VI.LOI n° 2017-86 du 27 janvier 2017 relative à l’égalité et à la citoyenneté

VII. Décret n°2019-1478 du 26 décembre 2019

Merci à l’équipe d’idealCO et aux nombreux participants pour leur écoute et la qualité de nos échanges.

 

Jérôme MAUDET

Avocat 

URBANISME : Vers une suspension des délais par voie d’ordonnance

COVID-19 : LES IMPACTS DE LA LOI n° 2020-290 du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19 SUR L’URBANISME : Vers une suspension des délais par voie d’ordonnance (JORF n°0072 du 24 mars 2020)

La loi d’urgence publiée ce jour autorise, dans son article 11 du Titre II intitulé  « Mesures d’urgence économique et d’adaptation à la lutte contre l’épidémie de covid-19 », le gouvernement à prendre, par voie d’ordonnance, dans un délai de 3 mois, à compter de la publication de la loi, toute mesure, pouvant entrer en vigueur, si nécessaire, à compter du 12 mars 2020, relevant du domaine de la loi et, le cas échéant, à les étendre et à les adapter aux collectivités mentionnées à l’article 72-3 de la Constitution afin de faire face aux conséquences, notamment de nature administrative ou juridictionnelle :

a) Adaptant les délais et procédures applicables au dépôt et au traitement des déclarations et demandes présentées aux autorités administratives, les délais et les modalités de consultation du public ou de toute instance ou autorité, préalables à la prise d’une décision par une autorité administrative et, le cas échéant, les délais dans lesquels cette décision peut ou doit être prise ou peut naitre ainsi que les délais de réalisation par toute personne de contrôles, travaux et prescriptions de toute nature imposées par les lois et règlements, à moins que ceux-ci ne résultent d’une décision de justice ;

b) Adaptant, interrompant, suspendant ou reportant le terme des délais prévus à peine de nullité, caducité, forclusion, prescription, inopposabilité, déchéance d’un droit, fin d’un agrément ou d’une autorisation ou cessation d’une mesure, à l’exception des mesures privatives de liberté et des sanctions. Ces mesures sont rendues applicables à compter du 12 mars 2020 et ne peuvent excéder de plus de trois mois la fin des mesures de police administrative prises par le Gouvernement pour ralentir la propagation de l’épidémie de covid-19 ;

Les procédures d’instruction des demandes d’autorisation d’urbanisme ainsi que les procédures contentieuses en matière d’urbanisme sont bien concernées par de telles mesures ainsi que cela ressort des discussions sur le projet de loi relatives aux amendements (n°16 et 41) présentés respectivement par Mr SCHELLENBERGER et Mr FURST et visant notamment à s’assurer que l’adaptation des délais applicables en matière d’urbanisme et de construction relèvent bien de ces mesures.

Si l’amendement n°16 a été retiré, l’amendement 41 a été rejeté considérant que c’est l’ensemble des délais d’instruction et procédures qui feront l’objet d’une ordonnance globale, et non spécifiquement l’urbanisme, ordonnance qui devrait intervenir dans les tous prochains jours.

En tout état de cause, plusieurs recommandations du Ministère de la Cohésion des territoires figurent dans un document mis à jour le 21 mars 2020 et intitulé « Continuité des services publics locaux dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire » nous confirment que :

1.       « Les services chargés de recueillir les demandes d’autorisation d’urbanisme, sont considérés comme « facultatifs » et « non essentiels », : ils peuvent en conséquence être fermés sur décision de l’autorité locale compétent (p.6)

2.       Les services d’urbanisme pourront voir leur activité réduite dès lors que le projet de loi d’urgence prévoit une suspension du délai légal de traitement des autorisations d’urbanisme. Ainsi, l’inactivité d’un service ne générera pas, au cours de cette période, une décision implicite de la commune. (p.6)

Votre attention sera attirée sur le terme « suspension » utilisé et non « interruption » ce qui signifie qu’il conviendra de comptabiliser le délai qui a déjà commencé à courir ce qui n’est pas sans poser difficulté notamment lorsque la période de confinement sera terminée.

Une prolongation de ces délais d’instruction nous parait nécessaire tout comme la prorogation du délai de validité des autorisations d’urbanisme.

Il convient donc désormais d’attendre l’ordonnance à intervenir …

Céline CAMUS

Avocate associée

Urbanisme : Le droit de visite des agents

La loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique, dite loi ELAN, a modifié les conditions d’exercice du droit de visite en matière d’urbanisme.

Cette réforme a été motivée par le renforcement de la protection du droit au respect de la vie privée et familiale.

Postérieurement à l’entrée en vigueur de la réforme, par un arrêt du 16 mai 2019 n° 66554/14 la Cour européenne des droits de l’Homme a d’ailleurs jugé que les visites domiciliaires telles que prévues antérieurement en matière d’urbanisme méconnaissaient l’article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme (CEDH).

Depuis l’entrée en vigueur de la loi ELAN deux hypothèses se distinguent :

  • Le droit de visite et de communication dans un contexte d’autorisation d’urbanisme délivrée régulièrement (articles L.461-1 et suivants du Code de l’urbanisme)
  • Le droit de visite de constructions en cas de méconnaissance des règles d’urbanisme (articles L.480-17 et suivant du même Code)

 

I. L’exercice du droit de visite et de communication

Dans sa nouvelle rédaction l’article L.461-1 du Code de l’urbanisme dispose que :

« Le préfet et l’autorité compétente mentionnée aux articles L. 422-1 à L. 422-3 ou leurs délégués, ainsi que les fonctionnaires et les agents mentionnés à l’article L. 480-1 peuvent visiter les lieux accueillant ou susceptibles d’accueillir des constructions, aménagements, installations et travaux soumis aux dispositions du présent code afin de vérifier que ces dispositions sont respectées et se faire communiquer tous documents se rapportant à la réalisation de ces opérations.

Le droit de visite et de communication prévu au premier alinéa du présent article s’exerce jusqu’à six ans après l’achèvement des travaux. »

L’article L.461-2 du même Code précise que :

« Les domiciles et les locaux comportant des parties à usage d’habitation ne peuvent cependant être visités qu’en présence de leur occupant et avec son assentiment. »

Ce droit de visite peut s’exercer jusqu’à six ans après l’achèvement des travaux.

S’il est établi qu’une construction a été édifiée en méconnaissance des règles d’urbanisme l’autorité compétente peut mettre en demeure le maître d’ouvrage, dans un délai qui ne peut excéder six mois, de déposer, selon le cas, une demande de permis ou une déclaration préalable.

En cas de refus d’accès par l’occupant du domicile ou si la personne ayant qualité pour autoriser l’accès n’est pas joignable, les visites doivent être autorisées par le juge des libertés et de la détention

L’article L. 461-3 précise que :

« l’ordonnance comporte l’adresse des lieux à visiter, le nom et la qualité des agents habilités à procéder aux opérations de visite ainsi que les heures auxquelles ces agents sont autorisés à se présenter ».

Si l’occupant ou son représentant est absent, l’ordonnance doit alors être notifiée à l’intéressé après la visite par courrier recommandé avec accusé de réception.

A défaut de réception, il est procédé à la signification de l’ordonnance par voie d’huissier.

En l’absence de l’occupant, les agents chargés de la visite ne pourront procéder aux constats qu’en présence de deux témoins qui ne doivent pas être placés sous leur autorité.

Le juge des libertés et de la détention a la possibilité de se rendre sur place pendant la visite qui s’effectue sous son contrôle et son autorité.

En application de l’article L.461-3 le procès-verbal doit être dressé « sur-le-champ ». Il devra donc être rédigé de manière manuscrite et relater les modalités et le déroulement de la visite.

Les agents y consignent leurs constatations.

Ce procès-verbal est signé par les personnes présentes.

L’original du procès-verbal mentionnant les délais et voies de recours doit être adressé au juge de la liberté et de la détention et une copie est remise ou adressée par courrier recommandé à l’occupant des lieux ou à son représentant.

Le procès-verbal mentionne le délai et les voies de recours.

 

II. Le droit de visite applicable aux infractions au code de l’urbanisme

L’article L.480-1 du code de l’urbanisme dispose que :

« Les infractions aux dispositions des titres Ier, II, III, IV et VI du présent livre sont constatées par tous officiers ou agents de police judiciaire ainsi que par tous les fonctionnaires et agents de l’Etat et des collectivités publiques commissionnés à cet effet par le maire ou le ministre chargé de l’urbanisme suivant l’autorité dont ils relèvent et assermentés. Les procès-verbaux dressés par ces agents font foi jusqu’à preuve du contraire.

Les infractions mentionnées à l’article L. 480-4 peuvent être constatées par les agents commissionnés à cet effet par le ministre chargé de la culture et assermentés lorsqu’elles affectent des immeubles soumis aux dispositions législatives du code du patrimoine relatives aux monuments historiques, aux abords des monuments historiques ou aux sites patrimoniaux remarquables ou aux dispositions législatives du code de l’environnement relatives aux sites et qu’elles consistent soit dans le défaut de permis de construire, soit dans la non-conformité de la construction ou des travaux au permis de construire accordé. Il en est de même des infractions aux prescriptions établies en application des articles L. 522-1 à L. 522-4 du code du patrimoine.

Lorsque l’autorité administrative et, au cas où il est compétent pour délivrer les autorisations, le maire ou le président de l’établissement public de coopération intercommunale compétent ont connaissance d’une infraction de la nature de celles que prévoient les articles L. 480-4 et L. 610-1, ils sont tenus d’en faire dresser procès-verbal. »

Dans cette hypothèse, le constat d’infraction n’a pas obligatoirement à être rédigé sur place et une copie du procès-verbal devra être transmise dans un délai de cinq jours au ministère public.

L’article 29 du Code de procédure pénale dispose en effet que :

« Les gardes particuliers assermentés constatent par procès-verbaux tous délits et contraventions portant atteinte aux propriétés dont ils ont la garde.

Les procès-verbaux sont remis ou envoyés par lettre recommandée directement au procureur de la République. Cet envoi doit avoir lieu, à peine de nullité, dans les cinq jours suivant celui de la constatation du fait, objet de leur procès-verbal.»

Le non-respect de ces délais de 3 jours est toutefois apprécié avec bienveillance par le juge judiciaire en application de l’adage « pas de nullité sans grief » :

« Attendu que, pour rejeter l’exception tirée de la nullité du procès-verbal de constat du 13 septembre 2007, l’arrêt retient notamment que la nullité prévue par l’article 29 du code de procédure pénale, qui n’est pas une nullité d’ordre public, ni une nullité résultant de la violation des droits de la défense, ne fait pas grief aux prévenus dès lors qu’ils ne sont pas directement lésés, ni même concernés par cette irrégularité relative au délai de transmission de la procédure au procureur de la République, et qu’il n’est d’ailleurs pas allégué par les appelants que l’inobservation de ce délai ait porté atteinte à leurs intérêts ; » (Cass. Crim. 7 décembre 2010. N° de pourvoi: 10-81729)

La Loi ELAN a créé l’article L.480-17 du code de l’urbanisme pour encadrer les constatations et le droit de visite des agents :

« I.- Les fonctionnaires et agents mentionnés à l’article L. 480-1 recherchent et constatent les infractions prévues par le présent code en quelque lieu qu’elles soient commises.

Toutefois, ils sont tenus d’informer le procureur de la République, qui peut s’y opposer, avant d’accéder aux établissements et locaux professionnels. Ils ne peuvent pénétrer dans ces lieux avant 6 heures et après 21 heures. En dehors de ces heures, ils y accèdent lorsque les locaux sont ouverts au public.

II.- Les domiciles et les locaux comportant des parties à usage d’habitation ne peuvent être visités qu’entre 6 heures et 21 heures, avec l’assentiment de l’occupant ou, à défaut, en présence d’un officier de police judiciaire agissant conformément aux dispositions du code de procédure pénale relatives aux visites domiciliaires, perquisitions et saisies de pièces à conviction. Cet assentiment doit faire l’objet d’une déclaration écrite de la main de l’intéressé. Si celui-ci ne sait pas écrire, il en est fait mention au procès-verbal, ainsi que de son assentiment. »

Cet article permet un droit de visite dans la perspective de dresser procès-verbal de constat d’infraction.

Concernant les établissements et locaux professionnels, ces agents sont dans l’obligation d’en informer le Procureur de la République, qui peut s’opposer à cette visite.

Ce droit de visite ne peut s’exercer qu’aux heures ouvrées sauf si les locaux sont ouverts au public.

Concernant les domiciles et locaux comprenant des parties à usage d’habitation, les visites ne peuvent se dérouler que de 6 heures à 21 heures, et avec l’assentiment de l’occupant.

En cas de refus, cette visite ne pourra s’effectuer qu’en présence d’un officier de police judiciaire agissant conformément aux dispositions du code de procédure pénale relatives aux visites domiciliaires, perquisitions et saisies de pièces à conviction.

En cas d’obstacle à ces deux droits de visite, l’article L.480-12 prévoit que :

« Le fait de faire obstacle aux fonctions exercées par les autorités, fonctionnaires et agents habilités à exercer les missions de contrôle administratif prévues au chapitre Ier du titre VI du présent livre ou de recherche et de constatation des infractions prévues par le présent code est puni de six mois d’emprisonnement et de 7 500 € d’amende. »

 

Jérôme MAUDET

Avocat