Opposabilité d’un bail à l’égard d’une collectivité ayant acquis un bien libre de toute occupation

L’article 1743 du Code civil pose le principe de l’opposabilité du bail en cours à l’acquéreur d’un bien.

Peu importe le type de bail, commercial, d’habitation ou rural.

L’acquéreur ne peut donc expulser l’occupant exploitant si celui-ci est en mesure de produire un bail authentique ou ayant date certaine, ainsi que l’exige l’article 1743 du Code civil.

La jurisprudence se contente d’un bail verbal s’il est démontré que le nouveau propriétaire en connaissait l’existence antérieurement à l’acte translatif de propriété.

Toutefois, si l’acte de vente indique que la parcelle objet de la vente est transmise libre de toute occupation l’acquéreur pourra en principe se prévaloir de l’inopposabilité du bail.

En effet, si la vente est réalisée et qu’elle mentionne que la parcelle est libre de toute occupation et de toute location, le bail rural ne sera donc en principe pas opposable à l’acquéreur.

Voir en ce sens :

« Aux termes de l’article 1743 du Code civil, si le bailleur vend la chose louée, l’acquéreur ne peut expulser le fermier qui a un bail authentique ou dont la date est certaine au sens de l’article 1328 du Code civil. En l’espèce, le bail verbal n’a pas date certaine et le décès du bailleur est sans incidence. Le bail n’a pas été enregistré au fichier immobilier et sa substance n’a pas été constatée dans un acte dressé par un officier public. Par ailleurs, le preneur n’établit pas que l’acheteur avait connaissance du bail. La vente a été réalisée par l’héritier du bailleur et l’acte de vente mentionne que la parcelle est libre de toute occupation et de toute location. Le bail rural verbal n’est donc pas opposable à l’acheteur. » (Cour d’appel, DOUAI, Chambre 3, 31 janvier 2008)

Le cas échéant la commune pourrait exiger du preneur qu’il libère les lieux au besoin judiciairement.

Cette solution doit toutefois être nuancée à la lumière de la jurisprudence qui considère que l’article 1743 du Code civil ne peut pas être invoqué de bonne foi par le nouveau propriétaire qui a eu connaissance de l’existence du bail même n’ayant pas date certaine, avant le transfert de propriété.

Pour la Cour d’appel de Grenoble :

« L’usage régulier et ancien des terres, suivi d’un paiement régulier de fermages, justifie qu’il soit décidé que l’occupant des parcelles, qui y fait paître son bétail à plusieurs reprises dans l’année, qui entretient les clôtures fixes en barbelés, taille les buissons, tond et passe la herse de prairie, est titulaire d’un bail soumis au statut du fermage. » (Cour d’appel, GRENOBLE, Chambre commerciale, 1er mars 2007).

Si la commune ayant acquis le bien ne pouvait pas ignorer l’occupation du terrain, le preneur peut utilement soutenir que le bail rural lui est opposable nonobstant les mentions contraires contenues dans l’acte de vente.

Le cas échéant, si la commune souhaite changer la destination du bien loué, elle pourra demander la résiliation du bail rural à tout moment à condition de notifier la décision au moins 12 mois à l’avance par acte d’huissier.

A défaut de départ spontané passé ce délai, la commune pourra reprendre possession du bien.

Dans une telle hypothèse, la responsabilité des vendeurs pourrait également être recherchée par la commune si le bien ne se révèle pas libre de toute occupation après réitération de la vente.

Il a ainsi été jugé que le vendeur de terres agricoles engage sa responsabilité envers l’acheteur s’il a déclaré dans l’acte de vente que le bien est libre de toute occupation alors que cette déclaration était mensongère puisque la résiliation du bail avait été annulée par une décision de justice rendue quatre ans avant la vente et que le vendeur continuait à percevoir des fermages.

 Pour la Cour d’appel de Caen  :

 « Le vendeur a donc commis une faute au sens de l’article 1382 du Code civil en déclarant que son bien était libre de toute occupation. L’acheteur a conclu une transaction avec le preneur à bail, aux termes de laquelle l’acheteur a versé 20 000 euros au preneur afin que ce dernier abandonne son action en annulation de la vente pour non-respect de son droit de préemption. Le paiement de la somme librement convenue par les parties à la transaction, soit 20 000 euros, ne constitue pas un préjudice directement consécutif à la faute du vendeur. En revanche, si ce dernier n’avait pas caché à l’acheteur que le bien était occupé, l’acquéreur aurait pu négocier une baisse du prix de vente. Il est en effet établi qu’une parcelle occupée en vertu d’un bail rural a une valeur nettement inférieure à celle d’un bien libre d’occupation. La valeur de l’indemnité d’éviction versée aux preneurs dans une telle hypothèse peut être évaluée à un prix de l’ordre de 1 à 2 euros du mètre carré, soit entre 10 000 et 20000 euros pour la parcelle litigieuse. Le préjudice subi par l’acheteur peut donc être évalué à 16 000 euros. » (Cour d’appel, Caen, 7 Juillet 2020 – n° 17/03855).

Voir également en ce sens :

« L’existence du bail verbal est établie par la mise à disposition de parcelles à usage agricole et par le paiement de fermages. En effet, par attestation, le bailleur a confirmé avoir reçu des fermages de 1996 à 2002. Le fait que, dans l’acte authentique de vente de l’ensemble immobilier comprenant les parcelles litigieuses, le bailleur ait déclaré que les biens étaient libres de toute occupation est inopérant, car il s’agit manifestement d’une déclaration mensongère, qui l’expose d’ailleurs à une action de l’acheteur en indemnisation ou en annulation de la vente. » (Cour d’appel, ORLEANS, Chambre des urgences, 27 Mai 2009)

 

Jérôme MAUDET

Avocat

Squat : Il est possible d’être autorisé à entrer dans l’immeuble squatté même après 48h

En matière de squat d’immeubles bâtis, les forces de l’ordre considèrent, en principe, qu’avant l’expiration d’un délai de 48 heures, il est possible d’expulser les contrevenants dans la mesure où il s’agit d’un cas de flagrant délit de violation de domicile (serrure fracturée, carreaux cassés, volets arrachés…).

En pratique, pour que les officiers de police judiciaire puissent agir en flagrant délit, il suffit qu’ils aient connaissance d’indices apparents d’un comportement délictueux qui vient d’être commis ou va l’être de façon imminente.

Le constat de flagrance permet de mettre en oeuvre les mesures listées aux articles 54 et suivants du Code de procédure pénale.

L’article 54 du Code de procédure dispose ainsi que :

« En cas de crime flagrant, l’officier de police judiciaire qui en est avisé, informe immédiatement le procureur de la République, se transporte sans délai sur le lieu du crime et procède à toutes constatations utiles.

Il veille à la conservation des indices susceptibles de disparaître et de tout ce qui peut servir à la manifestation de la vérité. Il saisit les armes et instruments qui ont servi à commettre le crime ou qui étaient destinés à le commettre ainsi que tout ce qui paraît avoir été le produit direct ou indirect de ce crime.

Il représente les objets saisis, pour reconnaissance, aux personnes qui paraissent avoir participé au crime, si elles sont présentes. »

L’article 62-2 du même Code va jusqu’à légitimer la mise en garde à vue des personnes soupçonnées d’avoir commis un délit en état de flagrance :

« La garde à vue est une mesure de contrainte décidée par un officier de police judiciaire, sous le contrôle de l’autorité judiciaire, par laquelle une personne à l’encontre de laquelle il existe une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner qu’elle a commis ou tenté de commettre un crime ou un délit puni d’une peine d’emprisonnement est maintenue à la disposition des enquêteurs.

Cette mesure doit constituer l’unique moyen de parvenir à l’un au moins des objectifs suivants :

1° Permettre l’exécution des investigations impliquant la présence ou la participation de la personne ;

2° Garantir la présentation de la personne devant le procureur de la République afin que ce magistrat puisse apprécier la suite à donner à l’enquête ;

3° Empêcher que la personne ne modifie les preuves ou indices matériels ;

4° Empêcher que la personne ne fasse pression sur les témoins ou les victimes ainsi que sur leur famille ou leurs proches ;

5° Empêcher que la personne ne se concerte avec d’autres personnes susceptibles d’être ses coauteurs ou complices ;

6° Garantir la mise en oeuvre des mesures destinées à faire cesser le crime ou le délit. »

La flagrance est donc un constat de ce qu’un délit ou un crime vient d’être ou est en train d’être commis et permet la mise en oeuvre de mesures conservatoires, avant même qu’une juridiction ait été saisie et se soit prononcée.

Passé le délai de 48 heures, il est nécessaire de saisir le juge compétent afin d’obtenir une décision de justice et bientôt de saisir le Préfet si l’immeuble peut être qualifié de domicile.

Le propriétaire n’est toutefois pas totalement démuni et peut saisir par voie de requête le Président du Tribunal judiciaire en vue d’obtenir l’autorisation de pénétrer dans les lieux en présence d’un huissier, aux fins de constat de l’état de l’immeuble. au besoin avec le concours de la force publique et d’un serrurier.

L’article 145 du Code de procédure civile dispose en effet que :

« S’il existe un motif légitime de conserver ou d’établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige, les mesures d’instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé. »

Si lors de la visite des dégradations sont constatées ou que des produits illicites sont découverts des poursuites pénales pourront être engagées et les lieux libérés…

Jérôme MAUDET

Avocat

Le juge administratif compétent pour connaître d’une rupture brutale des relations commerciales établies

L’interruption soudaine d’une relation entre une collectivité et une entreprise privée peut constituer une rupture brutale des relations commerciales au sens de la jurisprudence même en l’absence de contrat écrit.

« Une rupture brutale s’entend d’une rupture effectuée d’une manière imprévisible, soudaine et violente » (C.A. Nîmes, 31 janvier 2008, n°07/02343).

Aux termes des dispositions de l’article L. 442-6, I. 5° du Code de commerce, une telle rupture est en effet susceptible d’engager la responsabilité de son auteur et de l’obliger à réparer le préjudice causé.

Plus précisément, cet article dispose que :

«  Engage la responsabilité de son auteur et l’oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers : (…)

5° De rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis déterminée, en référence aux usages du commerce, par des accords interprofessionnels. Lorsque la relation commerciale porte sur la fourniture de produits sous marque de distributeur, la durée minimale de préavis est double de celle qui serait applicable si le produit n’était pas fourni sous marque de distributeur. A défaut de tels accords, des arrêtés du ministre chargé de l’économie peuvent, pour chaque catégorie de produits, fixer, en tenant compte des usages du commerce, un délai minimum de préavis et encadrer les conditions de rupture des relations commerciales, notamment en fonction de leur durée. Les dispositions qui précèdent ne font pas obstacle à la faculté de résiliation sans préavis, en cas d’inexécution par l’autre partie de ses obligations ou en cas de force majeure. Lorsque la rupture de la relation commerciale résulte d’une mise en concurrence par enchères à distance, la durée minimale de préavis est double de celle résultant de l’application des dispositions du présent alinéa dans les cas où la durée du préavis initial est de moins de six mois, et d’au moins un an dans les autres cas ; (…) ».

En ce sens, il ressort de la jurisprudence que la notion de relation commerciale est considérée comme établie lorsque celle-ci présente un caractère suivi, stable et habituel.

La Chambre commerciale de la Cour de cassation juge ainsi, à plusieurs reprises, que :

 « Mais attendu, d’une part, qu’après avoir constaté que la société Eclatec confiait habituellement à la société Marchal des prestations de transport, que les parties entretenaient des relations d’affaires depuis cinq ans lors de la conclusion du contrat du 15 février 2005 et qu’un chiffre d’affaires annuel moyen de 311 300 euros avait été réalisé dans ce cadre par la société Marchal pendant la période 2000-2004, l’arrêt relève que ces relations se sont poursuivies, parallèlement aux prestations servies dans le cadre du contrat et qu’elles ont permis à la société Marchal de réaliser un chiffre d’affaires annuel moyen de 430 158 euros au cours de la période 2006-2008 ; qu’en cet état, la cour d’appel, après avoir rappelé qu’une succession de contrats ponctuels peut suffire à caractériser une relation commerciale établie au sens de l’article L. 442-6, I, 5° du code de commerce si ces contrats portent sur un même objet, et constaté que la société Eclatec ne démontrait pas que tel n’était pas le cas, n’a pas inversé la charge de la preuve en retenant qu’était ainsi établie l’existence d’une relation suivie, stable et habituelle » (C. Cass., Comm., 6 septembre 2016, n°15-15086).

Dans le même sens, il est jugé que :

« Attendu que pour retenir l’existence d’une relation commerciale établie entre les parties, l’arrêt, après avoir rappelé que l’article L. 442-6, I, 5° du code de commerce, par la généralité de ses termes, s’applique à toute relation suivie, stable et habituelle, se borne à relever que la société Fives Cryo passait des commandes régulières à M. X…depuis le quatrième trimestre 2003 et que le chiffre d’affaires de ce dernier était réalisé, pour plus de 95 %, par ces commandes, ce qui l’autorisait à anticiper pour l’avenir une certaine continuité du flux d’affaires » (C. Cass., Comm., 4 novembre 2014, n°13-22726).

Enfin, il a également été jugé que :

« Mais attendu qu’après avoir rappelé que de 1998 à 2005, les sociétés Planète Prod et Presse Planète ont produit, pour France 2, cinq séries de magazines et jeux représentant 183 émissions, quatre documentaires et un programme court incluant 260 modules du 1er semestre 2002 au 1er semestre 2004, l’arrêt retient que la constance des relations commerciales se déduit tant de la multiplicité des contrats conclus dont l’exécution s’est étalée sur plusieurs trimestres, que de la pluralité des documentaires, les derniers ayant été produits en 2005, en sorte que chaque année, sans fléchissement significatif, la société Planète Prod élaborait des propositions d’émissions, alors que la société Presse Planète intervenait comme agence de presse pour fournir l’ensemble des éléments d’information relatifs aux émissions produites, les deux sociétés recrutant les intervenants choisis ; que l’arrêt constate, ensuite, que les projets retenus par la chaîne donnaient lieu à la conclusion de diverses conventions successives, notamment, de pré-achat, de droit d’option et de production et qu’il en déduit que cette succession de conventions, dont l’exécution a duré parfois plusieurs années, représente un courant d’affaires significatif de plusieurs millions d’euros par an et donne la mesure du caractère stable, suivi et même habituel des relations nouées par les parties, peu important que ces contrats fussent indépendants les uns des autres et aient porté sur des émissions distinctes ou encore qu’ils aient contenu la clause d’usage permettant à la chaîne de mettre fin à la production et à la diffusion des programmes en cas d’audience insuffisante ; que l’arrêt relève encore que l’importance du courant d’affaires maintenu à haut niveau entre 2000 et 2003, ainsi que la diversité des productions réalisées ne pouvaient que conforter les sociétés Planète Prod et Presse Planète dans le sentiment que leurs productions correspondaient à la ligne éditoriale de la chaîne et qu’il constate que le protocole d’accord que les sociétés Planète Prod et Presse Planète avaient signé avec celle-ci le 16 décembre 2003, à la suite de la défection d’une animatrice renommée, les confortaient plus encore dans l’idée qu’elles avaient noué avec France 2 une relation commerciale établie que cette chaîne entendait poursuivre ; qu’en l’état de ces constatations et appréciations, la cour d’appel, qui a procédé à la recherche prétendument omise, a pu statuer comme elle a fait ; que le moyen n’est pas fondé » (C. Cass., Comm., 25 septembre 2012, n°11-24425).

Aux termes d’une décision du 8 février 2021, le Tribunal des conflits est venu  préciser qu’en raison du caractère attractif des contrats publics la juridiction administrative est seule compétente pour connaître d’un litige relatif à une rupture brutale des relations commerciales trouvant son origine dans un contrat administratif :

« 2. Le contrat qui liait l’établissement public SNCF Réseau et la société Entropia Conseil était régi par les stipulations du cahier des clauses et conditions générales applicables aux marchés de prestations intellectuelles du groupe SNCF prévoyant, notamment, au bénéfice de la personne publique contractante, la possibilité de résilier unilatéralement le contrat. Comportant ainsi des clauses qui, notamment par les prérogatives reconnues à la personne publique contractante dans l’exécution du contrat, impliquent, dans l’intérêt général, qu’il relève du régime exorbitant des contrats administratifs, ce contrat passé entre une personne publique et une personne privée est un contrat administratif.

3. La demande de la société Entropia, qui tend à obtenir réparation du préjudice qu’elle estime avoir subi du fait de la rupture brutale de la relation antérieurement établie entre elle et SNCF Réseau, est relative à la cessation de la relation contractuelle résultant de ce contrat administratif, alors même que la société se prévaut des dispositions du 5° du I de l’article L. 442-6 du code de commerce, désormais reprises en substance à l’article L. 442-1 du même code. Le litige ressortit, en conséquence, à la compétence de la juridiction administrative. » (Tribunal des conflits., 8 févr. 2021, n° 4201)

Jérôme MAUDET

Avocat

Focus d’actualité sur les expulsions

Ce matin Jérôme MAUDET et Louis-Marie LE ROUZIC, intervenaient pour le compte de quelques clients institutionnels pour faire un point sur les procédures d’expulsion.

Les objectifs de la formation :

Comprendre la typologie des occupations : 

Immeuble bâti

  • Occupation sans droit ni titre
  • Squat

Immeuble non bâti

  • Propriété privée
  • Domaine public
  • Domaine public routier

Maîtriser les différentes procédures

  • La procédure pénale
  • L’ordonnance sur requête
  • Les référés civils
  • Le référé civil d’heure à heure
  • La saisine du JCP
  • Les référés administratifs

Appréhender les délais au regard des réformes récentes

Merci aux participants pour la qualité de leur écoute et des échanges durant cette matinée !

Le support de formation est disponible sur simple demande par mail contact@seban-atlantique.fr

 

Vie du cabinet : c’est déjà la rentrée

Pour la reprise Céline CAMUS, Matthieu HENON et Jérôme MAUDET animeront le 28 août 2020 pour le compte d’élus une formation sur le thème :

 

Ethique et probité de l’élu municipal

L’élu face à la corruption, aux conflits d’intérêts et à la prise illégale d’intérêts

Au programme de la journée :

1.PROPOS INTRODUCTIFS

    • LES NOTIONS D’ÉTHIQUE ET DE PROBITÉ DE L’ÉLU : LA CHARTE DE L’ÉLU LOCAL
    • OBJECTIFS DE LA FORMATION

2.QUELQUES PRINCIPES DE RESPONSABILITE PENALE

    • LES MÉCANISMES DE RESPONSABILITÉ PÉNALE
    • Les QUALIFICATIONS PENALES
    • LES NOTIONS DE FAUTE DÉTACHABLE ET NON DÉTACHABLE EN DROIT PENAL
    • LA PROTECTION FONCTIONNELLE

3.LES PRATIQUES CORRUPTIVES

    • LES RECOMMANDATIONS DE L’AFA
    • LE DELIT DE CORRUPTION PUBLIQUE PASSIVE (COMMIS PAR LE CORROMPU)
    • LE DELIT DE CORRUPTION PUBLIQUE ACTIVE (COMMIS PAR LE CORRUPTEUR)
    • LE DELIT DE TRAFIC D’INFLUENCE PASSIF (COMMIS PAR LE CORROMPU)
    • LE DELIT DE TRAFIC D’INFLUENCE ACTIF (COMMIS PAR LE CORRUPTEUR)

4.LES CONFLITS D’INTERETS

    • LE REFERENTIEL JURIDIQUE DE LA PREVENTION DES CONFLITS D’INTERETS ISSU DE LA LOI DU 11/10/2013
    • LE DELIT DE PRISE ILLEGALE D’INTERETS
    • LES OUTILS DE PREVENTION DU RISQUE

5.LA COMMANDE PUBLIQUE

    • PRATIQUES CORRUPTIVES, CONFLIT D’INTERETS ET COMMANDE PUBLIQUE
    • LE DELIT DE FAVORITISME

6.LES INFRACTIONS INVOLONTAIRES

    • LES DELITS D’ATTEINTES INVOLONTAIRES A L’INTEGRITE PHYSIQUE
    • LE CAS DE LA TEMPETE XYNTHIA

7.QUELQUES PRINCIPES DE PROCEDURE PENALE

    • LES PHASES DU PROCES PENAL
    • LES INTERROGATOIRES DE POLICE
    • LES INTERROGATOIRES DU JUGE D’INSTRUCTION
    • LE CADRE DE TRANSMISSION DE DOCUMENTS

Expulsions : de la Trêve hivernale à la trêve estivale…

Aux termes de l’article L.412-6 du Code des procédures civiles d’exécution :

« Nonobstant toute décision d’expulsion passée en force de chose jugée et malgré l’expiration des délais accordés en vertu de l’article L. 412-3, il est sursis à toute mesure d’expulsion non exécutée à la date du 1er novembre de chaque année jusqu’au 31 mars de l’année suivante, à moins que le relogement des intéressés soit assuré dans des conditions suffisantes respectant l’unité et les besoins de la famille.

Par dérogation au premier alinéa du présent article, ce sursis ne s’applique pas lorsque la mesure d’expulsion a été prononcée en raison d’une introduction sans droit ni titre dans le domicile d’autrui par voies de fait.

Le juge peut supprimer ou réduire le bénéfice du sursis mentionné au même premier alinéa lorsque les personnes dont l’expulsion a été ordonnée sont entrées dans tout autre lieu que le domicile à l’aide des procédés mentionnés au deuxième alinéa. »

La Loi n° 2020-546 du 11 mai 2020 prorogeant l’état d’urgence sanitaire et complétant ses dispositions a exceptionnellement prorogé la date butoir au 10 juillet 2020.

Toutefois, le ministre du logement vient d’indiquer qu’il allait donner des instructions aux Préfets afin qu’il ne soit procédé à aucune expulsion sans possibilité de relogement effectivement des occupants sans droit ni titre.

En guise de compensation, le Ministre a fait savoir le 30 juin dernier que les propriétaires lésés pourront solliciter une indemnisation auprès des services de l’Etat si le concours de la force publique ne leur est pas octroyé alors même qu’ils peuvent en bénéficier.

 

Jérôme MAUDET

Avocat

« Amen je vous le dis » : Le Tribunal des conflits touché par SAINT ESPRIT

Aux termes de l’article 16 de la loi du 24 mai 1872 :

 » Le Tribunal des conflits est seul compétent pour connaître d’une action en indemnisation du préjudice découlant d’une durée totale excessive des procédures afférentes à un même litige et conduites entre les mêmes parties devant les juridictions des deux ordres en raison des règles de compétence applicables et, le cas échéant, devant lui ».

Après douze longues années de chemin de croix procédural et un refus du ministre de la justice, la commune de SAINT ESPRIT a prié le Tribunal des conflits de réparer son préjudice moral.

Celui-ci a d’abord rappelé en début de sermon que « le caractère excessif du délai de jugement d’une affaire doit s’apprécier en tenant compte des spécificités de chaque affaire et en prenant en compte sa complexité, les conditions de déroulement des procédures et le comportement des parties tout au long de celles-ci, ainsi que l’intérêt qu’il peut y avoir, pour l’une ou l’autre partie au litige, à ce que celui-ci soit tranché rapidement. »

Au cas d’espèce, il a estimé qu’ayant bu le calice jusqu’à la lie, la commune était bien fondée à demander réparation de son préjudice moral.

Il a donc invité l’Etat à se repentir et à faire pénitence en ces termes :

« 10. La durée totale des procédures contentieuses depuis la saisine de la juridiction judiciaire par la société le 10 mai 2007 jusqu’à la décision du 12 juin 2019 par laquelle le Conseil d’Etat n’a pas admis le pourvoi formé par le mandataire liquidateur de la société, qui est de plus de douze ans, doit être regardée comme excessive en l’espèce, compte tenu de l’absence de complexité spécifique du litige. Par suite, la responsabilité de l’Etat est engagée.

11. Cette durée excessive a occasionné pour la commune un préjudice moral lié à une situation prolongée d’incertitude. Dans les circonstances de l’espèce, il en sera fait une juste appréciation en condamnant l’Etat à verser à la commune une indemnité de 4 000 euros au titre de ce préjudice.» (Tribunal des Conflits, 08/06/2020, C4185)

Ainsi soit-il !

 

Jérôme MAUDET

Avocat

 

Collectivités : comment obtenir la remise en état des lieux devant le juge civil ?

Édifier une construction en méconnaissance des règles d’urbanisme constitue un délit.

S’agissant d’un délit l’action publique se prescrit par 6 ans alors que l’action civile demeure ouverte pendant 10 années à compter de l’achèvement des travaux.

Aux termes des dispositions de l’article L. 480-14 du Code de l’urbanisme :

« La commune ou l’établissement public de coopération intercommunale compétent en matière de plan local d’urbanisme peut saisir le tribunal judiciaire en vue de faire ordonner la démolition ou la mise en conformité d’un ouvrage édifié ou installé sans l’autorisation exigée par le présent livre, en méconnaissance de cette autorisation ou, pour les aménagements, installations et travaux dispensés de toute formalité au titre du présent code, en violation de l’article L. 421-8. L’action civile se prescrit en pareil cas par dix ans à compter de l’achèvement des travaux ».

Il ressort de cette disposition que le seul fait générateur de l’action de la commune est la constatation de l’édification ou de l’installation d’un ouvrage sans autorisation pourtant indispensable à cette fin et prévue au livre IV du code de l’urbanisme « Régime applicable aux constructions, aménagements et démolitions ».

En d’autres termes, la seule constatation d’une construction illicite suffit pour que la démolition de la construction illégalement édifiée soit ordonnée par le juge civil.

Ainsi, la Cour de cassation juge que :

« Mais attendu que, M. N… s’étant borné à faire valoir dans ses conclusions d’appel que lui avait été délivrée le 30 juin 2016 une décision de non-opposition à la déclaration préalable qu’il avait présentée le 6 novembre 2015 en vue de la création d’une chambre sur terrasse existante, sans soutenir qu’il avait obtenu un permis de construire emportant régularisation de l’ensemble des travaux de surélévation précédemment entrepris, la cour d’appel, qui a constaté que ces travaux avaient été réalisés sans permis de construire, en a exactement déduit, sans être tenue de répondre à des conclusions ni d’examiner une pièce que ses constatations rendaient inopérantes, qu’il y avait lieu d’en ordonner la démolition » (C. Cass., 7 mars 2019, n°17-31177).

Par ailleurs, il ressort de la jurisprudence applicable que la collectivité n’a pas à démontrer l’existence d’un préjudice particulier pour solliciter la démolition de la construction édifiée sans autorisation.

En ce sens, la Cour de cassation juge sans ambiguïté que :

« Mais attendu que l’action attribuée à la commune par l’article L. 480-14 du code de l’urbanisme, qui a pour objet la démolition ou la mise en conformité, est destinée à faire cesser une situation illicite ;

 Que la volonté du législateur d’attribuer une action spécifique au profit de la commune serait compromise si cette action obéissait à la même condition de preuve d’un préjudice que l’action de droit commun ouverte à tout tiers victime de la violation de règles d’urbanisme ; » (C. Cass., 16 mai 2019, n°17-31757).

Dans le même sens, la Cour de Cassation juge que :

« attendu que la commune dispose d’une action autonome ne nécessitant pas la démonstration d’un préjudice personnel et direct causé par les constructions irrégulières ; que la cour d’appel, qui a constaté l’irrégularité des ouvrages construits par M. E…, sans avoir obtenu un permis de construire ou une autorisation préalable, dans le site naturel de la vallée de la Loue classé en zone Natura 2000, devant rester libre de toute construction et répertorié en aléa très fort de risque de glissement de terrain, en a exactement déduit que la demande de démolition devait être accueillie, alors que M. E… ne précise pas, concrètement, en quoi la mesure de démolition porterait une atteinte disproportionnée au droit au respect de ses biens » (C. Cass., 13 février 2020, n°19-16299).

Par conséquent, en raison de l’édification sans autorisation de l’ensemble des structures et constructions présentes sur la parcelle une collectivité est bien fondée à solliciter de la juridiction de céans leur démolition.

Cette dernière n’aura d’autres choix que de faire droit à cette demande.

En ce sens, la Cour d’appel de Paris juge en effet que les dispositions de l’article L. 480-14 du Code de l’urbanisme doivent être appliquées dès lors que les ouvrages litigieux n’ont pas fait l’objet des autorisations d’urbanisme nécessaires à leur construction.

Plus précisément, elle a jugé que :

« ces dispositions doivent être appliquées dès lors que, comme en l’espèce, la commune a saisi le tribunal, dans les 10 ans de la réalisation de l’ouvrage litigieux, sans que celui-ci ait jamais fait l’objet de l’autorisation d’urbanisme nécessaire à sa construction » (C.A. Paris, 10 novembre 2017, n°15/20013).

Par ailleurs, le contrevenant ne saurait invoquer la violation de dispositions relatives au respect du droit à la vie privée et familiale dès lors que la démolition sollicitée n’est pas contraire aux dispositions de l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme.

En ce sens, la Cour d’appel de Paris juge que :

« le fait pour l’autorité communale légalement investie de la police de l’urbanisme, afin notamment de lutter contre le développement anarchique de constructions qui portent gravement et durablement atteinte à l’ordre public, de solliciter la démolition d’une construction illicite pour avoir été réalisée sans l’autorisation administrative préalable prévue par la loi, fût-elle, comme en l’espèce le domicile de Mme X… et de sa famille, ne constitue pas, au sens de l’article 8 de la convention européenne des droits de l’homme précitée, une atteinte disproportionnée au droit au respect de sa vie privée et familiale et à la protection de son domicile » (C.A. Paris, 10 novembre 2017, n°15/20013

Louis-Marie LE ROUZIC

Avocat

 

CORONAVIRUS : Quels seront les impacts sur les procédures en cours et à venir

Les mesures de confinement affectent l’ensemble du système judiciaire.

La ministre de la Justice, Nicole Belloubet, a annoncé samedi la fermeture de tous les tribunaux au public.

Seule l’activité essentielle est maintenue.

Le Conseil national des Barreaux a indiqué que :

 » Dès le lundi 16 mars 2020, les plans de continuation d’activité seront actionnés dans l’ensemble des juridictions pour éviter la propagation du virus. Les juridictions seront donc fermées sauf en ce qui concerne le traitement des contentieux essentiels :

  • Les audiences correctionnelles pour les mesures de détention provisoire et de contrôle judiciaire ;
  • Les audiences de comparution immédiate ;
  • Les présentations devant le juge d’instruction et le juge des libertés et de la détention ;
  • Les audiences du juge de l’application des peines pour la gestion des urgences ;
  • Les audiences du tribunal pour enfants et du juge pour enfant pour la gestion des urgences, notamment pour l’assistance éducative ;
  • Les permanences du parquet ;
  • Les référés devant le tribunal judiciaire visant l’urgence, et les mesures urgentes relevant du juge aux affaires familiales (notamment immeubles menaçant ruine, éviction conjoint violent) ;
  • Les audiences auprès d’un juge des libertés et de la détention civil (hospitalisation sous contrainte, rétention des étrangers) ;
  • Les permanences au tribunal pour enfants, l’assistance éducative d’urgence ;
  • Les audiences de la chambre de l’instruction pour la détention ;
  • Les audiences de la chambre des appels correctionnels et de la chambre d’applications des peines pour la gestion des urgences. »

Dans un communiqué daté du 17 mars 2020, le Conseil d’Etat est venu préciser de son côté que :

« 1.    Toutes les séances de jugement sont annulées à l’exception des référés.

2.    La présence de personnes aux audiences de référé sera limitée :

a. La présence physique des requérants n’est pas obligatoire (la procédure étant écrite)

b. L’accès du public sera très restreint

3.    Les requêtes des personnes physiques et morales de droit privé non représentées par un avocat, devront être déposées via le site internet (www.telerecours.fr)  ou par fax au 01 40 20 80 08.

4.    Les événements publics (colloques, conférences…) sont annulés/reportés. »

Les délais de procédure ne sont toutefois ni prorogés ni interrompus et l’instruction des dossiers se poursuit.

Les clôtures ne seront pas reportées sauf cas particulier.

Jérôme MAUDET

Avocat

 

Expulsion : un nouveau juge de l’expulsion à compter du 1er janvier 2020 …

Le juge d’instance est mort…

Vive le juge des contentieux de la protection !

A compter du 1er janvier 2020, le contentieux de l’expulsion des immeubles bâtis est confié au juge des contentieux de la protection.

En pratique rien de révolutionnaire puisqu’avec la réforme ce nouveau magistrat composant le Tribunal judiciaire aura pour mission de juger les affaires jusqu’alors confiées au juge d’instance.

L’article L.213-4-3 du Code de l’organisation judiciaire dispose en effet que :

« Le juge des contentieux de la protection connaît des actions tendant à l’expulsion des personnes qui occupent aux fins d’habitation des immeubles bâtis sans droit ni titre. »

Rappelons que la notion d’immeuble bâti n’est pas cantonnée aux immeubles d’habitation et qu’elle comprend également les immeubles à usage de bureaux ou les entrepôts.

En effet, la circonstance qu’à l’origine les locaux ne soient pas destinés à l’habitation est inopérante.

Voir en ce sens :

«  Aux termes de l’ article R 221-5 du code de l’organisation judiciaire , le tribunal d’instance connaît, à charge d’appel, des actions tendant à l’expulsion des personnes qui occupent aux fins d’habitation des immeubles bâtis, sans droit ni titre.

La compétence de cette juridiction s’étend donc à l’expulsion des locaux qui, bien que n’étant pas normalement à usage d’habitation, le sont de fait.

Peu importe, dès lors, que l’immeuble propriété de la Sci Les Aigles soit à usage de bureaux et de foyer, puisque M. Louis et M. Stree en avaient fait leur domicile personnel et y résidaient effectivement.

L’action tendant à les déclarer occupants sans droit ni titre et à les expulser relevait donc de la compétence d’attribution du tribunal d’instance et non du tribunal de grande instance. » (23 Janvier 2012, N° 40, 11/00053, la Cour d’appel de Toulouse a rappelé)

L’expulsion des occupants sans droit ni titre de terrains non bâtis, ce compris les voiries, (anciennement dévolue aux tribunaux de Grande Instance) relèvera dès le 1er janvier 2020 de la compétence du Tribunal judiciaire.

Naturellement, les occupations des autres dépendances du domaine public demeureront de la compétence du juge administratif.

 

Jérôme MAUDET

Avocat