urbanisme : délai de retrait d’une décision de non opposition

Aux termes de l’article L.424-5 du Code de l’urbanisme :

« La décision de non-opposition à une déclaration préalable ou le permis de construire ou d’aménager ou de démolir, tacite ou explicite, ne peuvent être retirés que s’ils sont illégaux et dans le délai de trois mois suivant la date de ces décisions. Passé ce délai, la décision de non-opposition et le permis ne peuvent être retirés que sur demande expresse de leur bénéficiaire (…). »

La décision ne peut être retirée à l’initiative de l’autorité compétente pour délivrer les autorisations d’urbanisme que si elle est illégale.

Le retrait motivé doit être effectué dans un délai de 3 mois, à compter de la date d’acquisition de la décision de non-opposition à déclaration préalable.

Ce délai de trois mois est spécifique au droit de l’urbanisme qui déroge au délai de droit commun de quatre mois fixé par la jurisprudence du Conseil d’ETAT dite « Ternon« (CE, 26 octobre 2001, n°197018).

Une décision de non opposition est par ailleurs un acte créateur de droit.

Le retrait doit donc s’effectuer dans le respect des conditions de fond et de forme attachées au retrait des actes faisant grief.

L’article L.121-1 du code des relations entre le public et l’administration dispose sur ce point que :

« Exception faite des cas où il est statué sur une demande, les décisions individuelles qui doivent être motivées en application de l’article L. 211-2, ainsi que les décisions qui, bien que non mentionnées à cet article, sont prises en considération de la personne, sont soumises au respect d’une procédure contradictoire préalable. »

Le bénéficiaire doit donc être mis à même présenter ses observations écrites ou orales dans un délai raisonnable qui, au regard de la jurisprudence, ne saurait par précaution être inférieur à 15 jours.

A titre d’exemple, un délai de 4 jours a notamment été jugé insuffisant :

« 4. Considérant qu’il résulte de l’instruction que l’administration a adressé à la société EDL un courrier daté du 28 février 2013 l’informant des circonstances l’ayant conduit à entreprendre la récupération des aides illégalement accordées, du montant qui allait lui être réclamé, et lui fournissant les coordonnées d’un correspondant à contacter en tant que de besoin ; qu’en l’absence de certitude sur la date de réception de ce courrier, on peut raisonnablement considérer qu’il est parvenu à la société EDL le lundi 4 mars, soit quatre jours seulement avant l’émission d’un titre de perception, ce qui ne lui laissait pas un délai suffisant pour présenter utilement ses observations, en dépit du fait que la publication des décisions rendues en 2004 et 2011 respectivement par la Commission européenne et la Cour de justice de l’union européenne était de nature l’alerter sur le sujet ;» (CAA Nantes, 6 janvier 2017, n°15NT01580)

 

Jérôme MAUDET

Avocat

Collectivités : abattage d’arbres sur une parcelle privée et voie de fait

Par un arrêt du 24 octobre 2019, la Cour de cassation a considéré que l’abattage d’arbres par une collectivité pourtant dépourvu de titre, n’était pas constitutif d’une voie de fait.

La Cour considère en effet qu’un tel acte, n’est pas insusceptible de se rattacher à un pouvoir de l’administration.

Dès lors, seule la juridiction administrative est compétente pour connaître d’une demande indemnitaire dirigée contre la collectivité.

« Vu la loi des 16-24 août 1790, ensemble l’article 76, alinéa 2, du code de procédure civile ;

Attendu que l’abattage, même sans titre, d’une haie implantée sur le terrain d’une personne privée qui en demande la remise en état ne procède pas d’un acte manifestement insusceptible de se rattacher à un pouvoir appartenant à l’administration et n’a pas pour effet l’extinction d’un droit de propriété, de sorte que la demande de remise en état des lieux relève de la seule compétence de la juridiction administrative ; qu’il y a donc lieu de relever d’office l’incompétence du juge judiciaire au profit de la juridiction administrative ; » (Cass. 24 octobre 2019, n°17-13550).

Jérôme MAUDET

Avocat

Vie du cabinet : SEBAN ATLANTIQUE rejoint l’association française des avocats-conseils auprès des collectivités territoriales (AFAC)

Par l’intermédiaire de Jérôme MAUDET, le cabinet Seban Atlantique a choisi de rejoindre et d’adhérer à l’Association Française des Avocats-Conseils auprès des collectivités territoriales (AFAC).

 

 

 

 

Depuis 1991, l’AFAC fédère des avocats tous attachés à une même exigence : l’excellence du conseil et de l’assistance juridiques aux collectivités territoriales.

Réunissant des confrères dont l’activité dominante est tournée vers les collectivités, le réseau AFAC, par la mutualisation des compétences qu’il regroupe et par l’échange d’expériences, œuvre pour une spécialisation toujours plus pointue permettant à ses membres d’apporter à leurs clients les réponses qu’ils attendent.

Collectivités : occupation irrégulière du domaine public et modalités de calcul de l’indemnité

L’occupation du domaine public d’une collectivité implique le versement d’une redevance conformément à l’article L.2125-1 du CG3P.

L’occupation irrégulière du domaine public doit également donner lieu au versement d’une indemnité de la part de l’occupant fut-il sans droit ni titre.

Par un arrêt du 1er juillet 2019, le Conseil d’Etat est venu apporter des précisions quant au calcul du montant de l’indemnité qui peut être fixée par la collectivité propriétaire notamment en cas d’occupation irrégulière du domaine public.

En substance, le Conseil d’Etat considère que le bénéficiaire doit verser une somme destinée à compenser les revenus auxquels aurait pu prétendre la personne publique de la part d’un occupant régulier.

A défaut de pouvoir obtenir un élément de comparaison, la collectivité peut fixer unilatéralement un montant et c’est au juge administratif qu’il reviendra en dernier ressort de faire usage de ses pouvoirs d’instruction pour fixer le montant dû par l’occupant irrégulier.

« 1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la société Café George V, qui exploite un établissement situé 120 avenue des Champs-Élysées à Paris, a été rendue destinataire d’un titre exécutoire en date du 20 mars 2015, d’un montant de 78 104,91 euros, pour le paiement de droits de voirie additionnels au titre de l’année 2014 afférents aux dispositifs de chauffage et d’écrans parallèles installés sur la contre-terrasse qu’elle a installée à hauteur de son établissement. Par un jugement du 29 septembre 2016, le tribunal administratif de Paris, saisi par la société requérante, a annulé ce titre exécutoire et l’a déchargée de l’obligation de payer ces droits. La ville de Paris se pourvoit en cassation contre l’arrêt du 10 avril 2018 par lequel la cour administrative d’appel de Paris a rejeté l’appel qu’elle avait formé contre ce jugement.

2. Aux termes de l’article L. 2125-1 du code général de la propriété des personnes publiques :  » Toute occupation ou utilisation du domaine public d’une personne publique mentionnée à l’article L. 1 donne lieu au paiement d’une redevance (…) « . Aux termes de l’article L. 2125-3 du même code :  » La redevance due pour l’occupation ou l’utilisation du domaine public tient compte des avantages de toute nature procurés au titulaire de l’autorisation « .

3. Le gestionnaire du domaine public est fondé à réclamer à l’occupant qui utilise de manière irrégulière le domaine une indemnité compensant les revenus qu’il aurait pu percevoir d’un occupant régulier pendant cette période. A cette fin, il doit rechercher le montant des redevances qui auraient été appliquées si l’occupant avait été placé dans une situation régulière, soit par référence à un tarif existant, lequel doit tenir compte des avantages de toute nature procurés par l’occupation du domaine public, soit, à défaut de tarif applicable, par référence au revenu, tenant compte des mêmes avantages, qu’aurait pu produire l’occupation régulière de la partie concernée du domaine public. La circonstance que l’occupation en cause serait irrégulière soit du fait qu’elle serait interdite, soit du fait que l’utilisation constatée de celui-ci contreviendrait aux termes de l’autorisation délivrée, n’empêche pas le gestionnaire du domaine de fixer le montant de l’indemnité due par l’occupant irrégulier par référence au montant de la redevance exigible, selon le cas, pour un emplacement similaire ou pour une utilisation procurant des avantages similaires.

4. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la ville de Paris s’est référée, pour calculer le montant de l’indemnité due pour l’année 2014 au titre des droits de voirie additionnels relatifs à l’utilisation irrégulière de dispositifs de chauffage et d’écrans parallèles sur la contre-terrasse installée par la société Café George V, aux tarifs applicables, en la matière, aux terrasses ouvertes. La cour administrative d’appel, après avoir retenu qu’il n’existait pas, dans la règlementation de la ville de Paris, de tarif applicable aux contre-terrasses, a estimé que la ville n’avait pas pu légalement fixer le montant des droits de voirie additionnels en se référant aux tarifs applicables aux terrasses ouvertes, parce que les contre-terrasses n’auraient été autorisées, contrairement aux terrasses, que pour une période limitée au cours de l’année civile.

5. Toutefois, d’une part, il ne ressort pas des dispositions de l’arrêté du 6 mai 2011 du maire de Paris portant règlement des étalages et des terrasses installés sur la voie publique que cet arrêté prévoirait que les contre-terrasses ne pourraient être autorisées que pendant une partie seulement de l’année. Par suite, en interprétant cet arrêté comme il a été dit au point 4, la cour administrative d’appel a commis une erreur de droit.

6. D’autre part, en déchargeant la société de l’obligation de payer l’intégralité de la somme mise à sa charge par le titre exécutoire du 20 mars 2015, sans chercher à déterminer par référence à une utilisation du domaine procurant des avantages similaires, le cas échéant en faisant usage de ses pouvoirs d’instruction, le montant de droits additionnels permettant de tenir compte des avantages de toute nature procurés par l’utilisation irrégulière du domaine public par la société Café George V, la cour a commis une erreur de droit. » (CE 1er juillet 2019, n°421403).

Jérôme MAUDET

Avocat

Vie du cabinet : Céline CAMUS rejoint la liste des associés du cabinet SEBAN-ATLANTIQUE

Un peu plus d’un an après sa création, le cabinet SEBAN ATLANTIQUE est fier de vous annoncer que Maître Céline CAMUS avocate Spécialiste en droit immobilier qualification spécifique Urbanisme va rejoindre la liste des associés du cabinet qu’elle avait rejoint le 29 juin 2018.

Le cabinet Seban & Associés, premier cabinet d’avocats dédié aux acteurs publics et de l’économie sociale et solidaire et Jérôme MAUDET avocat spécialiste en droit public se sont associés au mois de mai 2018 pour créer le cabinet Seban Atlantique.

L’objectif de la création de cette structure est d’offrir aux acteurs publics et à leurs partenaires dans l’Ouest une assistance de proximité et de haute technicité pour tous leurs besoins juridiques.

Seban Atlantique est un cabinet à vocation régionale tourné vers le secteur public qui combine à la fois le savoir-faire reconnu d’une structure nationale spécialisée et les atouts d’un ancrage territorial fort, propice à la réactivité.

Particulièrement actif en droit public, droit des collectivités, droit de la construction et de l’immobilier, droit de l’environnement, droit pénal de l’urbanisme, droit de l’urbanisme et de l’urbanisme commercial et droit routier, Seban Atlantique peut s’appuyer sur l’expertise des équipes Seban & Associés dans tous les autres domaines du droit.

Le cabinet implanté à Nantes dispose également d’un bureau secondaire en Vendée à la Roche-sur-Yon.

 


Céline CAMUS, avocate au Barreau de Nantes

Spécialiste en droit immobilier qualification spécifique Urbanisme

Membre du Conseil Régional de discipline

Membre de la Commission Administrative du Barreau de NANTES

Ancien Membre du conseil de l’ordre (2016-2018)


Formation :

(2014) Certificat de spécialisation en Droit Immobilier qualification « Urbanisme », Conseil National des Barreaux

(2002) Certificat d’aptitude à la Profession d’Avocat (CAPA), CRFPA de POITIERS

(2001) D.E.S.S. Droit de la Construction– Université de POITIERS, sous la direction de Messieurs Christian DEBOUY et Hugues PERINET-MARQUET


Expériences professionnelles :

2003-2016 : collaboratrice libérale puis avocate associée de la SCP LESAGE ORAIN PAGE VARIN CAMUS-ALEO (Nantes)

Novembre 2016-juin 2018 : Collaboratrice libérale du Cabinet Publi-Juris


Enseignements et formations : 

Formations auprès de l’Association des Maires de France (AMF) (Contentieux de l’urbanisme- urbanisme commercial),

Vacataire à la Faculté de Nantes (Droit de l’urbanisme- Master 2 Droit des Opérations Immobilières)

Professeur à l’Institut de la Construction et de l’Habitation (ICH)  (urbanisme/ Urbanisme Commercial)

Vacataire à la Faculté de POITIERS (Droit de l’Urbanisme Commercial – Master II Droit de la construction et de l’Urbanisme)


Domaines de compétences : 

Assiste et conseille au quotidien des collectivités de toutes tailles, des entreprises chargées d’une mission de service public, des promoteurs et des enseignes dans les domaines suivants :

  • Urbanisme
  • Urbanisme commercial
  • Aménagement
  • Expropriation/ préemption
  • Droit pénal de l’urbanisme

Présence du cabinet SEBAN ATLANTIQUE au Salon du Rétail et de l’Immobilier Commercial (#Siec19)

Céline CAMUS, Avocate au Barreau de Nantes et Spécialiste en droit immobilier qualification spécifique Urbanisme, sera présente lors de la quinzième édition du Salon du Retail et de l’Immobilier Commercial (Siec) qui se tiendra au parc des Expositions – Porte de Versailles les 5 et 6 juin.

Sous l’égide du Conseil National des Centres Commerciaux (CNCC) qui fête cette année ses 50 ans, le Siec est l’événement incontournable des dirigeants français et européens de l’industrie de l’Immobilier Commercial et du Retail !

Pour la contacter : ccamus@seban-atlantique.fr

 

 

 

Dommages de travaux publics : à quelle condition l’ouvrage public doit-il être déplacé ?  

Canalisations, arbres, plantations, aires de jeux, bacs de traitement des déchets… les ouvrages publics peuvent être à l’origine de nombreuses nuisances.

Les tiers à l’ouvrage public, peuvent rechercher la responsabilité du maître d’ouvrage public s’ils démontrent l’existence d’un trouble excédant les sujétions susceptibles d’être normalement imposées dans l’intérêt général aux riverains d’un tel équipement.

En ce sens, le Conseil d’Etat juge que :

« Considérant que pour retenir la responsabilité sans faute du propriétaire d’un ouvrage public à l’égard des tiers par rapport à cet ouvrage, le juge administratif apprécie si le préjudice allégué revêt un caractère anormal ; qu’il lui revient d’apprécier si les troubles permanents qu’entraîne la présence de l’ouvrage public sont supérieurs à ceux qui affectent tout résident d’une habitation située dans une zone urbanisée, et qui se trouve normalement exposé au risque de voir des immeubles collectifs édifiés sur les parcelles voisines ; que l’illégalité affectant une autorisation d’urbanisme ne saurait par elle-même suffire à caractériser l’anormalité du préjudice » (C.E., 28 septembre 2016, n°389581).

La Cour administrative d’appel de Lyon avait ainsi considéré à propos d’un centre de traitement de déchets ménagers que :

« si les époux B…se plaignent de nuisances, ils ne démontrent pas qu’elles excèdent par leur fréquence, leur durée ou leur intensité les sujétions normales de voisinage d’un tel ouvrage et que le préjudice de perte de valeur vénale de leur résidence n’est pas établi ; que les premiers juges en ont conclu que dans ces conditions leur préjudice ne pouvait être regardé comme anormal, c’est à dire grave et spécial ; que, par suite, le moyen tiré de ce que le jugement serait entaché d’un défaut de motivation, en ce que les premiers juges n’auraient pas précisé les éléments les ayant conduit à considérer que n’était pas établi le caractère anormal et spécial de leur préjudice, doit être écarté ; (…)

  1. Considérant qu’un dépôt aménagé pour les besoins du service de tri des ordures ménagères constitue un ouvrage public dont la présence est susceptible d’engager envers les tiers la responsabilité du maître de l’ouvrage, même en l’absence de faute ; qu’il appartient toutefois aux tiers d’apporter la preuve de la réalité des préjudices allégués et du lien entre la présence ou le fonctionnement de l’ouvrage et lesdits préjudices ; que ne sont pas susceptibles d’ouvrir droit à indemnité les préjudices qui n’excèdent pas les sujétions susceptibles d’être normalement imposées, dans l’intérêt général, aux riverains des ouvrages publics;
  2. Considérant qu’il résulte de l’instruction que le site de tri en cause, lequel comporte trois conteneurs destinés à la collecte du verre, du papier et des déchets ordinaires, est implanté, ainsi qu’il a été dit au point 1. , à proximité de la propriété de M. et Mme B…; que l’impact visuel et esthétique de cet ouvrage demeure toutefois limité depuis la résidence de ces derniers ; que si M. et Mme B…font état de manière générale d’un volume sonore important résultant de l’utilisation de la benne destinée au tri du verre par les usagers, lesquels se déplacent en véhicules à moteur, il ne résulte pas de l’instruction, à défaut en particulier d’indications plus précises quant à l’importance de ces nuisances intermittentes et à leur fréquence, qu’elles atteindraient un niveau anormalement élevé ; qu’il n’est pas plus établi que M. et Mme B…subiraient une atteinte significative lors du chargement et du déchargement des conteneurs, qui sont à distance de plusieurs mètres de leur habitation, situés sur le bord opposé de la chaussée ; que les nuisances olfactives liées à la présence des conteneurs, lesquels sont clos par des couvercles, vidés chaque quinzaine et désinfectés deux fois par an n’apparaissent pas comme excédant les désagréments résultant, de manière générale, de ce type d’ouvrage ; qu’il n’est pas non plus établi que ces conteneurs, semi-enterrés, masquent la visibilité des conducteurs des véhicules de passage, ou que l’emplacement choisi est à l’origine de difficultés de circulation en cas de croisement de deux véhicules (…)
  3. Considérant qu’il résulte de ce qui précède que M. et Mme B…ne sont pas fondés à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté leurs demandes» (C.A.A. Lyon, 10 décembre 2015, n°15LY00845).

Outre la réparation pécuniaire du préjudice, les tiers peuvent demander au juge d’enjoindre à la personne publique ou à son concessionnaire de déplacer l’ouvrage ou de procéder aux mesures qui s’imposent pour mettre un terme aux nuisances.

L’article L.911-1 du Code de justice administrative dispose en effet que :

« Lorsque sa décision implique nécessairement qu’une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d’un service public prenne une mesure d’exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d’un délai d’exécution.

La juridiction peut également prescrire d’office cette mesure. »

Par un arrêt du 18 mars 2019, le Conseil d’Etat est venu préciser les conditions dans lesquelles le juge administratif peut faire usage de son pouvoir d’injonction pour ordonner le déplacement d’un ouvrage ou la mise en œuvre de mesures destinées à mettre fin au préjudice subi par les tiers.

« Sur le bien fondé de l’arrêt en tant qu’il est relatif aux conclusions aux fins d’injonction présentées par la société des Cèdres :

  1. Lorsque le juge administratif statue sur un recours indemnitaire tendant à la réparation d’un préjudice imputable à un comportement fautif d’une personne publique et qu’il constate que ce comportement et ce préjudice perdurent à la date à laquelle il se prononce, il peut, en vertu de ses pouvoirs de pleine juridiction et lorsqu’il est saisi de conclusions en ce sens, enjoindre à la personne publique en cause de mettre fin à ce comportement ou d’en pallier les effets. Lorsqu’il met à la charge de la personne publique la réparation d’un préjudice grave et spécial imputable à la présence ou au fonctionnement d’un ouvrage public, il ne peut user d’un tel pouvoir d’injonction que si le requérant fait également état, à l’appui de ses conclusions à fin d’injonction, de ce que la poursuite de ce préjudice, ainsi réparé sur le terrain de la responsabilité sans faute du maître de l’ouvrage, trouve sa cause au moins pour partie dans une faute du propriétaire de l’ouvrage. Il peut alors enjoindre à la personne publique, dans cette seule mesure, de mettre fin à ce comportement fautif ou d’en pallier les effets.
  2. Il résulte de ce qui vient d’être dit au point 7, qu’en ordonnant à la commune de Chambéry de dévitaliser le système racinaire contribuant à la présence de drageons et de rejets de faux-acacias sur le terrain de la société des Cèdres, jusqu’à cessation de tels rejets, et d’abattre le frêne implanté sur le domaine public au voisinage de la propriété de cette société, alors qu’elle avait engagé la responsabilité de la commune sur le terrain de la responsabilité sans faute du propriétaire de l’ouvrage publique à l’égard d’un tiers sans rechercher, d’une part, si la société requérante avait fondé ses conclusions à fin d’injonction sur une faute de la commune en cette qualité de propriétaire de l’ouvrage à l’origine d’une partie au moins des dommages et, d’autre part, si les mesures demandées tendaient uniquement à mettre fin à ce comportement fautif ou à en pallier les effets, la cour administrative d’appel a commis une erreur de droit.» (Conseil d’État, 18/03/2019, 411462, Mentionné dans les tables du recueil Lebon)

En résumé, le juge administratif saisi d’une demande d’injonction tendant à la réparation d’un préjudice grave et spécial imputable à la présence ou au fonctionnement d’un ouvrage ne peut ordonner une telle mesure qu’à la condition que le préjudice soit toujours actuel au jour où il statue et qu’il trouve sa cause dans un comportement fautif du maître d’ouvrage.

 

Jérôme MAUDET

Avocat

Droit des collectivités : Conditions et délais pour le retrait d’une décision individuelle créatrice de droit

L’article L.121-1 du Code des relations entre le public et l’administration dispose que :

« Exception faite des cas où il est statué sur une demande, les décisions individuelles qui doivent être motivées en application de l’article L. 211-2, ainsi que les décisions qui, bien que non mentionnées à cet article, sont prises en considération de la personne, sont soumises au respect d’une procédure contradictoire préalable. »

L’article L.121-2 du même Code prévoit quant à lui que :

« Les dispositions de l’article L. 121-1 ne sont pas applicables :

 1° En cas d’urgence ou de circonstances exceptionnelles ;

2° Lorsque leur mise en œuvre serait de nature à compromettre l’ordre public … »

En l’absence d’urgence pour procéder au retrait d’une décision créatrice de droit, la collectivité doit un délai doit accorder aux bénéficiaires un délai pour présenter leurs observations directement ou par l’intermédiaire de leur conseil.

La question de la durée raisonnable de ce délai est délicate et fonction du cas d’espèce.

Un délai de 4 jours a notamment été jugé insuffisant :

« 4. Considérant qu’il résulte de l’instruction que l’administration a adressé à la société EDL un courrier daté du 28 février 2013 l’informant des circonstances l’ayant conduit à entreprendre la récupération des aides illégalement accordées, du montant qui allait lui être réclamé, et lui fournissant les coordonnées d’un correspondant à contacter en tant que de besoin ; qu’en l’absence de certitude sur la date de réception de ce courrier, on peut raisonnablement considérer qu’il est parvenu à la société EDL le lundi 4 mars, soit quatre jours seulement avant l’émission d’un titre de perception, ce qui ne lui laissait pas un délai suffisant pour présenter utilement ses observations, en dépit du fait que la publication des décisions rendues en 2004 et 2011 respectivement par la Commission européenne et la Cour de justice de l’union européenne était de nature l’alerter sur le sujet ;» (CAA Nantes, 6 janvier 2017, n°15NT01580)

Le délai imparti doit donc être suffisant pour permettre d’assurer l’effectivité d’une procédure contradictoire.

 

Jérôme MAUDET

Avocat

Contentieux administratif : sanction du non respect des demandes de productions émanant du juge administratif

L’article R.611-8-1 du Code de justice administrative dispose dans sa rédaction issue du Décret du 7 février 2019 que :

« Le président de la formation de jugement ou le président de la chambre chargée de l’instruction peut demander à l’une des parties de reprendre, dans un mémoire récapitulatif, les conclusions et moyens précédemment présentés dans le cadre de l’instance en cours, en l’informant que, si elle donne suite à cette invitation, les conclusions et moyens non repris seront réputés abandonnés. En cause d’appel, il peut être demandé à la partie de reprendre également les conclusions et moyens présentés en première instance qu’elle entend maintenir.

Le président de la formation de jugement ou le président de la chambre chargée de l’instruction peut en outre fixer un délai, qui ne peut être inférieur à un mois, à l’issue duquel, à défaut d’avoir produit le mémoire récapitulatif mentionné à l’alinéa précédent, la partie est réputée s’être désistée de sa requête ou de ses conclusions incidentes. La demande de production d’un mémoire récapitulatif informe la partie des conséquences du non-respect du délai fixé. »

L’article R.612-5-1 du même Code prévoit quant à lui que :

« Lorsque l’état du dossier permet de s’interroger sur l’intérêt que la requête conserve pour son auteur, le président de la formation de jugement ou le président de la chambre chargée de l’instruction, peut inviter le requérant à confirmer expressément le maintien de ses conclusions. La demande qui lui est adressée mentionne que, à défaut de réception de cette confirmation à l’expiration du délai fixé, qui ne peut être inférieur à un mois, il sera réputé s’être désisté de l’ensemble de ses conclusions. »

Ces dispositions confèrent au juge rapporteur la faculté de demander aux parties de produire un mémoire récapitulatif dans un délai déterminé. À défaut de le faire, le requérant est réputé se désister d’office.

Le Conseil d’Etat a déjà eu à connaître de recours contre des ordonnances rendues sur le fondement de de ces dispositions.

A propos de l’article R.611-8-1 du Code de justice administrative le Conseil d’Etat a considéré que :

  1. « Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. et Mme A… ont fait l’objet d’un examen contradictoire de leur situation fiscale personnelle portant sur les années 2009 à 2011, à l’issue duquel ils se sont vu notifier des rehaussements d’impôt sur le revenu et de cotisations sociales. Les épouxA…, après avoir contesté en vain ces impositions supplémentaires, ont saisi le tribunal administratif d’Orléans d’une demande tendant à en obtenir la décharge, qui a été rejetée par un jugement du 8 décembre 2015. Ils se pourvoient en cassation contre l’ordonnance du 28 décembre 2017 par laquelle le président de la 1ère chambre de la cour administrative d’appel de Nantes leur a, en application de l’article R. 611-8-1 du code de justice administrative, donné acte du désistement de la requête d’appel qu’ils avaient introduite contre ce jugement.
  2. L’article R. 611-8-1 du code de justice administrative, figurant au livre VI de ce code relatif à l’instruction des requêtes, dispose :  » Le président de la formation de jugement ou, au Conseil d’Etat, le président de la chambre chargée de l’instruction peut demander à l’une des parties de reprendre, dans un mémoire récapitulatif, les conclusions et moyens précédemment présentés dans le cadre de l’instance en cours, en l’informant que, si elle donne suite à cette invitation, les conclusions et moyens non repris seront réputés abandonnés. En cause d’appel, il peut être demandé à la partie de reprendre également les conclusions et moyens présentés en première instance qu’elle entend maintenir. / Le président de la formation de jugement ou, au Conseil d’Etat, le président de la chambre chargée de l’instruction peut en outre fixer un délai, qui ne peut être inférieur à un mois, à l’issue duquel, à défaut d’avoir produit le mémoire récapitulatif mentionné à l’alinéa précédent, la partie est réputée s’être désistée de sa requête ou de ses conclusions incidentes. La demande de production d’un mémoire récapitulatif informe la partie des conséquences du non-respect du délai fixé « .
  3. A l’occasion de la contestation de l’ordonnance prenant acte du désistement d’un requérant en l’absence de réponse à l’expiration du délai qui lui a été fixé pour produire un mémoire récapitulatif, il incombe au juge, saisi de moyens en ce sens, de vérifier que l’intéressé a reçu la demande mentionnée par les dispositions précitées de l’article R. 611-8-1 du code de justice administrative, que cette demande fixait un délai d’au moins un mois au requérant pour répondre et l’informait des conséquences d’un défaut de réponse dans ce délai, enfin que le requérant s’est abstenu de répondre dans le délai requis. En revanche, la seule circonstance que l’instruction était close à la date à laquelle le président de la formation de jugement a demandé à la partie en cause de produire un mémoire récapitulatif n’est, par elle-même, de nature ni à exonérer cette partie de l’obligation de produire un tel mémoire dans le délai qui lui est imparti, ni à faire obstacle à ce qu’un désistement soit constaté à défaut de respect de cette obligation.
  4. Il ressort des pièces du dossier d’appel que, par un courrier en date du 21 novembre 2017, le président de la 1ère chambre de la cour administrative d’appel a demandé à M. et MmeA…, en application de l’article R. 611-8-1 du code de justice administrative, de produire un mémoire récapitulatif dans un délai d’un mois, en leur précisant que cette obligation leur incombait à peine de désistement de leur requête d’appel. Faute pour les requérants d’avoir produit le mémoire demandé, ce magistrat leur a donné acte de leur désistement par une ordonnance du 27 décembre 2017.
  5. Il découle de ce qui a été dit au point 4 que les époux A…ne sont pas fondés à soutenir que l’ordonnance attaquée serait entachée d’irrégularité ni d’une erreur de droit ou de qualification juridique au motif que, par une ordonnance en date du 27 octobre 2017, le président de la 1ère chambre de la cour administrative d’appel avait fixé la clôture de l’instruction au 13 novembre suivant, de sorte que l’instruction était close à la date à laquelle il leur a été demandé de produire un mémoire récapitulatif. » (CE 8 février 2019, N° 418599)

Voir également en ce sens : (CE 25 juin 2018, N°416720)

S’agissant de l’application de l’article R.612-5-1 du même Code le Conseil d’Etat juge dans le même sens que :

« 2. Aux termes de l’article R. 612-5-1 du code de justice administrative :  » Lorsque l’état du dossier permet de s’interroger sur l’intérêt que la requête conserve pour son auteur, le président de la formation de jugement (…) peut inviter le requérant à confirmer expressément le maintien de ses conclusions. La demande qui lui est adressée mentionne que, à défaut de réception de cette confirmation à l’expiration du délai fixé, qui ne peut être inférieur à un mois, il sera réputé s’être désisté de l’ensemble de ses conclusions « .

  1. Il ressort des pièces des dossiers soumis aux juges du fond que la SAS Roset a saisi le tribunal administratif de Lyon le 15 avril 2015 de deux requêtes tendant à la réduction des cotisations de taxe foncière auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2012 à 2014 à raison des locaux dont elle est propriétaire dans les communes de Saint-Rambert-en-Bugey et Saint-Jean-le-Vieux. L’administration fiscale a présenté deux mémoires en défense, qui ont été enregistrés au greffe du tribunal les 16 et 19 novembre 2015. Par deux courriers du 20 janvier 2017, notifiés par la voie de l’application informatique Télérecours et dont le conseil de la requérante a accusé réception le même jour, le président de la 4ème chambre du tribunal a demandé à la requérante de confirmer le maintien de ses conclusions, en précisant qu’à défaut de réception de cette confirmation dans un délai d’un mois, elle serait réputée s’être désistée de ses conclusions en application des dispositions précitées de l’article R. 612-5-1 du code de justice administrative. La SAS Roset n’ayant pas répondu à ces demandes dans le délai fixé, le président de la 4e chambre a, par les ordonnances attaquées du 8 mars 2017, donné acte de son désistement.
  2. A l’occasion de la contestation de l’ordonnance prenant acte du désistement d’un requérant en l’absence de réponse à l’expiration du délai qui lui a été fixé, il incombe au juge, saisi de moyens en ce sens, de vérifier que l’intéressé a reçu la demande mentionnée par les dispositions précitées de l’article R 612-5-1 du code justice administrative, que cette demande fixait un délai d’au moins un mois au requérant pour répondre et l’informait des conséquences d’un défaut de réponse dans ce délai, enfin que le requérant s’est abstenu de répondre en temps utile. En revanche, les motifs pour lesquels le juge, auquel il incombe de veiller à une bonne administration de la justice, estime que l’état du dossier permet de s’interroger sur l’intérêt que la requête conserve pour son auteur ne peuvent être utilement discutés. Le juge n’est tenu d’indiquer ces motifs ni dans la demande de confirmation du maintien des conclusions qu’il adresse au requérant ni dans l’ordonnance par laquelle il prend acte, le cas échéant, de son désistement.
  3. Il résulte de ce qui précède que les pourvois de la SAS Roset, qui se borne à soutenir que le président de la 4ème chambre du tribunal administratif de Lyon aurait dû vérifier que des circonstances objectives justifiaient qu’il s’interroge sur l’intérêt que sa requête conservait pour lui et motiver son ordonnance sur ce point, doivent être rejetés. (CE 19 mars 2018, N°410389).

Jérôme MAUDET

Avocat

Contentieux administratif : le Conseil d’Etat revient sur les conditions de recevabilité d’un recours indemnitaire

Par un avis du 27 mars 2019, le Conseil d’Etat est venu préciser les conditions d’application de l’article R. 421-1 du code justice administrative relatif aux recours indemnitaires et à la liaison du contentieux.

Rappelons que l’article R.421-1 du Code de justice administrative dispose notamment que :

« Lorsque la requête tend au paiement d’une somme d’argent, elle n’est recevable qu’après l’intervention de la décision prise par l’administration sur une demande préalablement formée devant elle. »

Cette rédaction issue du Décret n°2016-1480 du 2 novembre 2016 semblait imposer aux requérants d’obtenir une décision de la part de l’administration préalablement à l’engagement d’une procédure contentieuse.

La possibilité de régulariser la procédure en cours d’instance issue de la jurisprudence dite « Etablissement Français du Sang » du 11 avril 2008 semblait donc devoir être écartée.

« Considérant qu’aucune fin de non-recevoir tirée du défaut de décision préalable ne peut être opposée à un requérant ayant introduit devant le juge administratif un contentieux indemnitaire à une date où il n’avait présenté aucune demande en ce sens devant l’administration lorsqu’il a formé, postérieurement à l’introduction de son recours juridictionnel, une demande auprès de l’administration sur laquelle le silence gardé par celle-ci a fait naître une décision implicite de rejet avant que le juge de première instance ne statue, et ce quelles que soient les conclusions du mémoire en défense de l’administration ; que lorsque ce mémoire en défense conclut à titre principal, à l’irrecevabilité faute de décision préalable et, à titre subsidiaire seulement, au rejet au fond, ces conclusions font seulement obstacle à ce que le contentieux soit lié par ce mémoire lui-même ; » (CE, 11 avril 2008, n°281374)

Toutefois dans son avis du 27 mars 2019, le Conseil d’Etat a considéré, après avoir rappelé que le défaut de liaison du contentieux était un moyen d’ordre public pouvant être soulevé d’office par le juge administratif, que l’intervention d’une demande indemnitaire en cours de procédure est bien de nature à régulariser la procédure.

« 2. Il résulte de ces dispositions qu’en l’absence de décision de l’administration rejetant une demande formulée devant elle par le requérant ou pour son compte, une requête tendant au versement d’une somme d’argent est irrecevable et peut être rejetée pour ce motif même si, dans son mémoire en défense, l’administration n’a pas soutenu que cette requête était irrecevable, mais seulement que les conclusions du requérant n’étaient pas fondées.  

3. En revanche, les termes du second alinéa de l’article R.421-1 du Code de justice administrative n’impliquent pas que la condition de recevabilité de la requête tenant à l’existence d’une décision de l’administration s’apprécie à la date de son introduction. Cette condition doit être regardée comme remplie si, à la date à laquelle le juge statue, l’administration a pris une décision, expresse ou implicite, sur une demande formée devant elle. Par suite l’intervention d’une telle décision en cours d’instance régularise la requête, sans qu’il soit nécessaire que le requérant confirme ses conclusions et alors même que l’administration aurait auparavant opposé une fin de non-recevoir fondée sur l’absence de décision. » (CE Sect. avis 27 mars 2019, n° 426472).

 

Jérôme MAUDET

Avocat