Collectivités : conditions de l’appartenance d’un bien au domaine public

Aux termes de l’article L. 2111-1 du code général de la propriété des personnes publiques :

« Sous réserve de dispositions législatives spéciales, le domaine public d’une personne publique mentionnée à l’article L. 1 est constitué des biens lui appartenant qui sont soit affectés à l’usage direct du public, soit affectés à un service public pourvu qu’en ce cas ils fassent l’objet d’un aménagement indispensable à l’exécution des missions de ce service public »

Il ressort de cette disposition que deux conditions cumulatives doivent être réunies pour qu’un bien appartienne au domaine public de la commune :

– ce bien doit lui appartenir

et

  • soit affecté à l’usage direct du public ;
  • soit affecté à un service public et que des aménagements aient été effectués pour exécuter cette mission de service public.

La juridiction administrative confirme l’exigence de cette double condition, prêtant une attention particulière à la seconde :

« Considérant, en premier lieu, qu’il résulte de l’instruction que les parcelles en litige sont affectées à l’usage direct du public et ont été spécialement aménagées à cet effet par la COMMUNE D’ANTIBES ; que, par suite, elles constituent des dépendances du domaine public communal » (C.A.A. Marseille, 20 décembre 2011, n°10MA01504).

A l’inverse, si une de ces deux conditions vient à manquer, le juge administratif est plus sévère.

La Cour administrative d’appel de Versailles juge en ce sens que :

« Considérant qu’il résulte de l’instruction que la parcelle sur laquelle est situé le carneau litigieux appartenant à la commune de Meudon n’est pas affectée à l’usage du public, l’accès au public y étant interdit, et n’a pas fait l’objet d’aménagements indispensables en vue de son affectation à un service public et n’a pas même reçu une telle affectation ; que la société BUHR FERRIER GOSSE n’est, par suite, pas fondée à soutenir que la parcelle litigieuse fait partie du domaine public de la commune de Meudon » (C.A.A. Versailles, 31 décembre 2015, n°14VE03297).

Le Conseil d’Etat veille également scrupuleusement au respect de cette double condition.

Tel est par exemple le cas pour un terrain laissé vide par la commune après la démolition d’un bâtiment lui appartenant. Ce terrain ne peut pas être considéré comme un bien appartenant au domaine public dans la mesure où, si la commune en est bien propriétaire, il ne ressort pas des pièces du dossier que cet emplacement ait été affecté à l’usage direct du public ou à un service public :

« Considérant qu’il ressort des pièces du dossier que si la parcelle litigieuse était accessible au public, elle ne pouvait être regardée comme affectée par la commune aux besoins de la circulation terrestre ; qu’ainsi, elle ne relevait pas, comme telle, en application de l’article L. 2111-14 du code général de la propriété des personnes publiques, du domaine public routier communal ; qu’en outre, il ne ressort pas des pièces du dossier, en dépit de la circonstance que des piétons aient pu de manière occasionnelle la traverser pour accéder aux bâtiments mitoyens, que la commune ait affecté cette parcelle à l’usage direct du public ; qu’elle n’a pas davantage été affectée à un service public ni fait l’objet d’un quelconque aménagement à cette fin ; qu’elle n’entrait pas, dès lors, dans les prévisions de l’article L. 2111-1 du même code » (C.E., 2 novembre 2015, n°373896).

Il ressort de cet arrêt que l’affectation au domaine public communal doit résulter d’une volonté intentionnelle de la commune. A défaut, le bien ou la dépendance visé(e) ne peuvent pas être considérés comme appartenant au domaine public.

Jérôme MAUDET

Avocat au barreau de NANTES

Collectivités : modalités de cesssion des biens du domaine privé

La collectivité est libre de choisir les modalités de vente des biens faisant partie de son domaine privé.

Autrement dit, elle n’a pas l’obligation de recourir à l’adjudication préalablement à la cession d’un bien immobilier lui appartenant (CE, 26 oct. 1994, n° 121717).

Les actes afférents à cette vente seront des actes de droit privé et de ce chef ne constituent pas des documents communicables au sens de la CADA.

Par ailleurs, l’article L.2241-1 du code général des collectivités territoriales (CGCT) dispose que les communes de plus de 2000 habitants doivent obtenir l’accord du Conseil municipal préalablement à la cession des biens communaux lequel devra se prononcer au regard de l’avis des domaines :

« Le conseil municipal délibère sur la gestion des biens et les opérations immobilières effectuées par la commune, sous réserve, s’il s’agit de biens appartenant à une section de commune, des dispositions des articles L. 2411-1 à L. 2411-19.

Le bilan des acquisitions et cessions opérées sur le territoire d’une commune de plus de 2 000 habitants par celle-ci, ou par une personne publique ou privée agissant dans le cadre d’une convention avec cette commune, donne lieu chaque année à une délibération du conseil municipal. Ce bilan est annexé au compte administratif de la commune. »

Le service des domaines dispose d’un délai d’un mois, à compter de la réception de la demande d’avis et du dossier complet, pour se prononcer.

À défaut de réponse dans ce délai, le conseil municipal pourra délibérer aux conditions financières qu’il souhaite.

En outre, s’agissant d’un avis obligatoire, mais non « conforme », la commune ne sera pas obligée de le suivre cet avis.

Jérôme MAUDET

Avocat au barreau de Nantes

Droit des collectivités: Aires d’accueil et de grands passages quelles obligations ?

La loi n°2000-614 du 5 juillet 2000 relative à l’accueil et à l’habitat des gens du voyage modifiée par la loi n°2013-403 du 17 mai 2013 fixe le cadre devant être respecté par les communes pour accueillir les gens du voyage.

Plusieurs types d’aires d’accueil existent. Ils doivent être distingués en fonction de la durée de l’occupation et du nombre de personnes accueillies.

1. Les aires permanentes d’accueil sont prévues pour permettre le stationnement des gens du voyage dont la durée de séjour ne peut pas excéder cinq mois.

Celles-ci doivent figurer dans un schéma départemental.

Les dispositions du II de l’article 1er de la loi du 5 juillet 2000 prévoient que ce document doit être établi « au vu d’une évaluation préalable des besoins et de l’offre existante, notamment de la fréquence et de la durée des séjours des gens du voyage, des possibilités de scolarisation des enfants, d’accès aux soins et d’exercice des activités économiques ».

Les secteurs géographiques d’implantation de ces aires permanentes d’accueil sont déterminés en fonction des résultats de cette évaluation.

L’article 2 de cette même loi impose alors aux communes comprises dans le schéma départemental de mettre en œuvre les mesures nécessaires au respect de la loi :

« I. – Les communes figurant au schéma départemental en application des dispositions des II et III de l’article 1er sont tenues, dans un délai de deux ans suivant la publication de ce schéma, de participer à sa mise en oeuvre. Elles le font en mettant à la disposition des gens du voyage une ou plusieurs aires d’accueil, aménagées et entretenues. Elles peuvent également transférer cette compétence à un établissement public de coopération intercommunale chargé de mettre en oeuvre les dispositions du schéma départemental ou contribuer financièrement à l’aménagement et à l’entretien de ces aires d’accueil dans le cadre de conventions intercommunales ».

Il convient de distinguer ces aires d’accueil permanentes des aires dites de grand passage.

2. En effet, les aires de grand passage n’étaient pas mentionnées expressis verbis dans le texte d’origine de la loi du 5 juillet 2000. Ce n’est qu’avec la modification introduite par la loi du 13 juillet 2006 portant engagement national pour le logement que l’article 4 de la loi a prévu l’existence de ces aires de grand passage.

Celles-ci sont destinées « à répondre aux besoins de déplacement des gens du voyage en grands groupes à l’occasion des rassemblements traditionnels ou occasionnels » (article 4 de la loi du 5 juillet 2000 modifié).

Elles sont donc différentes des premières aires dans la mesure où elles rassemblent un plus grand nombre de personnes. Une aire permanente  aura une capacité maximale d’accueil de 200 personnes alors qu’une aire de grand passage sera aménagée pour en accueillir plusieurs milliers.

Dès 2000, cette situation de grands rassemblements occasionnels, sans pour autant parler d’aires de grand voyage, avait été envisagée.

L’alinéa 3 du II de l’article 1er de la loi de 2000 dispose en ce sens que :

« Le schéma départemental détermine les emplacements susceptibles d’être occupés temporairement à l’occasion de rassemblements traditionnels ou occasionnels et définit les conditions dans lesquelles l’Etat intervient pour assurer le bon déroulement de ces rassemblements. »

A la différence des aires permanentes d’accueil, ces aires de grand passage ne sont prévues dans les schémas départementaux que si des rassemblements de grande ampleur sont susceptibles d’être organisés.

Si de tels emplacements d’accueil sont déterminés, les communes concernées par le schéma départemental sont tenues d’appliquer ledit schéma en créant des aires de grand passage.

En effet, l’article 2 de la loi du 5 juillet 2000 s’applique de façon identique aux aires permanentes d’accueil et aux aires de grand passage.

A défaut, aucune obligation ne semble peser sur la commune ou l’E.P.C.I.

Louis Marie LE ROUZIC

Droit pénal de l’urbanisme : démolition et droit au respect de la vie privée et familiale

Par un arrêt du 17 décembre 2015, la Cour de cassation a estimé que la Cour d’Appel doit vérifier s’il lui en est fait la demande, si la mesure de remise en état ne porte pas une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée et familiale et du domicile.

« Attendu, selon l’arrêt attaqué (Versailles, 11 septembre 2013), que Mme Anne X…est propriétaire d’une parcelle cadastrée AL173 située à Herblay ; que, se plaignant de l’installation sur ce terrain de cabanons de jardin et de plusieurs caravanes occupées par Mmes Anne et Catherine X…et par MM. Louis et Jonathan X…et André Y…et leurs enfants et se fondant sur l’infraction aux dispositions du plan local d’urbanisme (PLU) tenant à l’installation de ces ouvrages, la commune d’Herblay les a assignés en référé pour en obtenir l’enlèvement ;

Attendu que, pour accueillir la demande de la commune, l’arrêt retient que la parcelle appartenant à Mme X…est située dans un espace boisé classé comme zone naturelle, dans laquelle le PLU interdit l’implantation de constructions à usage d’habitation, les terrains de camping ou de caravanage ainsi que l’implantation d’habitations légères de loisir et le stationnement de caravanes à l’usage de résidence principale ou d’annexe à l’habitation, qu’il est établi et non contesté que les consorts X…, après avoir défriché et aménagé le terrain, y ont installé cinq caravanes, une construction modulaire à usage de cuisine, sur un revêtement en ciment, et deux petits cabanons de jardin en tôle en violation des interdictions édictées par les dispositions du PLU et, s’agissant des algéco et cabanons de jardin, sans déclaration préalable, en infraction à l’article R. 421-9 du code de l’urbanisme, et que l’article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et le droit au logement ne peuvent faire obstacle au respect des règles d’urbanisme ni faire disparaître le trouble résultant de leur violation ou effacer son caractère manifestement illicite ;

Qu’en statuant ainsi, sans rechercher, comme il le lui était demandé, si les mesures ordonnées étaient proportionnées au regard du droit au respect de la vie privée et familiale et du domicile des consorts X…, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision ; » (Cass. Civ, 17 décembre 2015, n°14-22095)

S’agissant du droit à l’électricité, le juge administratif procède également à ce contrôle.

Il a ainsi été jugé que le droit à l’électricité comme celui de mener une vie familiale normale doivent s’exercer dans le respect des lois :

« 6. Considérant, en troisième lieu, que l’opposition du maire de Jouet sur l’Aubois au raccordement définitif du terrain en cause au réseau de distribution de l’électricité n’a pas porté atteinte au droit de M. A… à l’électricité, ce droit ne pouvant s’exercer que dans les conditions prévues par la loi ; que, par suite, la décision litigieuse n’est pas contraire au droit à l’électricité pour tous consacré par la loi n° 2000-108 du 10 février 2000 relative à la modernisation et au développement du service public de l’électricité ; » (CAA NANTES, 17 avril 20151, N°14NT00717)

Selon la Cour administrative d’appel de Nantes la suppression d’un raccordement aux réseaux ne porte donc pas nécessairement atteinte au droit de mener une vie familiale normale.

Statuant après cassation, la Cour d’Appel de Versailles devra motiver sa décision sur ce point.

Jérôme MAUDET

Avocat au Barreau de Nantes

Collectivités : Cession des voiries d’un lotissement en l’absence d’Association Syndicale Libre.

Sous l’empire de l’article R.315-6 du Code de l’urbanisme désormais abrogé depuis le 1er octobre 2007 il était prévu que :

« Dans le cas où des équipements communs sont prévus, le dossier de la demande est, sous réserve de ce qui est dit à l’article R. 315-7, complété par les pièces annexes suivantes :

a) L’engagement du lotisseur que sera constituée une association syndicale des acquéreurs de lots à laquelle seront dévolus la propriété, la gestion et l’entretien des terrains et équipements communs jusqu’à leur transfert éventuel dans le domaine d’une personne morale de droit public ;

b) les statuts de l’association syndicale comprenant au moins les dispositions énumérées à l’article R. 315-8 ;

c) L’engagement du lotisseur de provoquer la réunion d’une assemblée de l’association syndicale dans le mois suivant l’attribution de la moitié des lots ou au plus tard dans l’année suivant l’attribution du premier lot, afin de substituer à l’organe d’administration provisoire de l’association un organe désigné par cette assemblée. »

L’article R.315-7 du même Code prévoyait deux types de dérogations :

« Les dispositions de l’article R. 315-6 ne sont pas applicables si le nombre de lots destinés à l’implantation des bâtiments n’étant pas supérieur à cinq, le lotisseur s’engage à ce que les équipements communs soient attribués en propriété divise ou indivise aux acquéreurs de lots.

Il en est de même si le lotisseur justifie de la conclusion avec une personne morale de droit public d’une convention prévoyant le transfert dans le domaine de cette personne morale de la totalité des équipements communs une fois les travaux achevés. »

Si aucune convention prévoyant le transfert dans le domaine de la personne morale n’a été conclue et en l’absence d’ASL, chaque co-lotis reste propriétaire d’une partie des espaces communs.

Pour pallier cette difficulté, la commune a la possibilité de procéder conformément à la procédure décrite par L. 318-3 du Code de l’urbanisme lequel dispose que :

« La propriété des voies privées ouvertes à la circulation publique dans des ensembles d’habitations peut, après enquête publique ouverte par l’autorité exécutive de la collectivité territoriale ou de l’établissement public de coopération intercommunale et réalisée conformément au code de l’expropriation pour cause d’utilité publique, être transférée d’office sans indemnité dans le domaine public de la commune sur le territoire de laquelle ces voies sont situées.

La décision de l’autorité administrative portant transfert vaut classement dans le domaine public et éteint, par elle-même et à sa date, tous droits réels et personnels existant sur les biens transférés.

Cette décision est prise par délibération du conseil municipal. Si un propriétaire intéressé a fait connaître son opposition, cette décision est prise par arrêté du représentant de l’Etat dans le département, à la demande de la commune.

L’acte portant classement d’office comporte également approbation d’un plan d’alignement dans lequel l’assiette des voies publiques est limitée aux emprises effectivement livrées à la circulation publique. »

Schématiquement la procédure se déroule comme suit :

  • Délibération du Conseil municipal décidant de la mise en œuvre d’une enquête publique
  • Choix du commissaire enquêteur
  • Arrêté d’ouverture d’enquête publique
  • Enquête publique (environ 15 jours)
  • Rapport d’enquête publique
  • Délibération du conseil municipal décidant du tarnsfert
  • Transmission aux services du cadastre
  • Modification du tableau des voiries communales

Cette procédure concerne uniquement la voirie et non le reste des espaces communs.

Des droits d’enregistrement devront être réglés et les cessions devront faire l’objet d’une publication auprès des services de la publicité foncière.

 En effet le transfert de propriété s’analyse comme une transmission de propriété entre vifs d’immeuble, obligatoirement soumise à publicité, en application des dispositions de l’article 28 1°) du décret n° 55-22 du 4 janvier 1955.

Jérôme MAUDET

Avocat

Droit des collectivités : pouvoirs du maire sur les branchements électriques provisoires

L’article 1er du décret n°72-1120 du 14/12/1972 prévoit seulement deux cas d’installations électriques pour lesquelles il est possible d’établir un branchement provisoire.

– les installations « dont le raccordement n’a qu’un caractère provisoire »,

« les installations dont la mise sous tension n’est demandée que pour une période limitée, en vue de procéder aux essais de l’installation ».

 Comme l’a récemment rappelé la Commission de régulation de l’énergie, un branchement provisoire n’a pas vocation à être utilisé à des fins pérennes.

« le raccordement provisoire d’une installation électrique est uniquement destiné à l’alimentation à caractère temporaire de celle-ci et ne peut être utilisé pour l’alimentation électrique définitive de l’installation. 

Un logement occupé (…) ne peut donc faire l’objet que d’une alimentation définitive, et non d’une alimentation provisoire (…) » (Commission de régulation de l’énergie, décision du 4 juin 2014 publiée au journal officiel du 27 septembre 2014).

 Les contrats type de branchements provisoires stipulent d’ailleurs expressément l’impossibilité d’utiliser un tel raccordement pour alimenter l’installation intérieure d’une habitation notamment :

« Ce raccordement à caractère temporaire, est uniquement destiné à l’alimentation d’une installation décrite ci-dessus. Il ne saurait en aucun cas servir à d’autres fins et ou à l’alimentation d’une installation électrique définitive, par exemple alimenter une installation intérieure d’une habitation ou d’un local sans CONSUEL. »

L’utilisation d’un raccordement provisoire à des fins pérennes ne permet pas de remplir cet objectif puisqu’aucun contrôle de l’installation ne peut intervenir sous le contrôle du CONSUEL.

Dans un telle hypohtèse, il appartient donc au Maire d’inviter le concessionnaire en charge des réseaux électriques de  mettre fin à cette situation tant sur le fondement des dispositions de l’article L.111-6 du Code de l’urbanisme lequel prévoit que :

 « Les bâtiments, locaux ou installations soumis aux dispositions des articles L. 421-1 à L. 421-4 ou L. 510-1, ne peuvent, nonobstant toutes clauses contraires des cahiers des charges de concession, d’affermage ou de régie intéressée, être raccordés définitivement aux réseaux d’électricité, d’eau, de gaz ou de téléphone si leur construction ou leur transformation n’a pas été, selon le cas, autorisée ou agréée en vertu des articles précités. »

Dans un arrêt du 28 janvier 2014, la Cour administrative d’appel de LYON a d’ailleurs considéré qu’un branchement prétendument provisoire doit être requalifié de définitif s’il est utilisé à des fins pérennes :

 « 6. Considérant qu’au contentieux, la commune de Châtel-Guyon soutient que la demande de raccordement provisoire au réseau électrique présentée par M. A…doit être regardée comme visant en réalité à obtenir un raccordement définitif à ce réseau ; qu’il ressort des pièces du dossier et n’est pas contesté qu’à la date à laquelle la décision litigieuse est intervenue, M. A… résidait d’une manière habituelle sur la parcelle cadastrée ZA 386 ; que, dans ces conditions, alors que la demande de raccordement provisoire ne correspond pas à une hypothèse d’occupation effectivement provisoire de la parcelle, mais à une occupation permanente, la demande de raccordement présentée par M. A…doit être regardée comme tendant en réalité à obtenir un raccordement définitif au réseau électrique ; que, par ailleurs, il est constant que le chalet et les caravanes qui sont situés sur le terrain constituent une construction et des installations irrégulières au regard des dispositions d’urbanisme applicables ; que, dès lors, le maire aurait pu légalement, en application des dispositions précitées de l’ article L. 111-6 du code de l’urbanisme  , s’opposer à ce raccordement définitif ; qu’il résulte de l’instruction que le maire aurait pris la même décision s’il s’était initialement fondé sur ce motif ; qu’en conséquence, il y a lieu de faire droit à la substitution de motifs demandée par la commune de Châtel-Guyon ;» (CAA LYON, 28 janvier 2014, N°13LY01302)

Voir également en ce sens :

« Si les requérants ont sollicité un raccordement provisoire, il ressort des pièces du dossier qu’ils résident de manière habituelle sur ces parcelles où ils ont effectué de nombreux aménagements, et ce depuis plusieurs années ; que dans ces conditions les demandes de raccordement qu’ils ont présentées doivent être regardées comme tendant en réalité à obtenir un raccordement définitif ; que dès lors le maire pouvait légalement s’y opposer en application des dispositions précitées de l’article L.11-6 du Code de l’urbanisme. » (TA GRENOBLE, 18 novembre 2014, N°1206133).

Ou encore :

 « 3. Considérant, en premier lieu, que les dispositions de l’article L. 111-6 citées ci-dessus permettent au maire de s’opposer au raccordement définitif au réseau de distribution d’électricité des caravanes et autres habitations mobiles stationnant irrégulièrement sur le territoire de la commune concernée, soit au regard des articles R. 443-1 et suivants du code de l’urbanisme, soit au regard du règlement annexé au plan d’occupation des sols ou du plan local d’urbanisme ; qu’il n’appartient pas au maire de se prononcer sur les demandes de raccordement aux réseaux n’entrant pas dans les prévisions de l’article L. 111-6, notamment si elles sont destinées à fournir en électricité des installations de pompage agricoles ; qu’en revanche, la circonstance que la demande de raccordement soit motivée par les besoins de l’exploitation agricole ne fait pas obstacle à ce que le maire fasse usage des pouvoirs d’opposition qu’il tient de l’article L. 111-6, dès lors qu’il estime que cette demande concerne des habitations mobiles en stationnement irrégulier ; que, par suite, en jugeant, après avoir indiqué que des habitations mobiles en stationnement irrégulier étaient présentes sur le terrain de Mme A à la date de la décision attaquée, que le maire avait pu légalement s’opposer à la demande de raccordement litigieuse, alors même que l’intéressée aurait pris l’engagement de n’utiliser l’électricité ainsi fournie qu’à des fins exclusivement agricoles, la cour n’a pas entaché son arrêt d’erreur de droit ; » (Conseil d’Etat, 26 décembre 2012, N°340503)

Jérôme MAUDET

Avocat au Barreau de Nantes

Indemnisation et incendie volontaire affectant un véhicule terrestre à moteur

Depuis les dix dernières années la jurisprudence a évolué et considère désormais de manière constante que l’origine volontaire d’un incendie affectant un véhicule terrestre à moteur exclut l’application des dispositions de la loi du 5 juillet 1985 qui permet une indemnisation automatique de la victime :

« Si la loi du 5 juillet 1985 est applicable aux véhicules en stationnement qui prennent feu, l’application de cette loi est exclue lorsque le sinistre procède du comportement fautif de l’homme.

Or, il résulte du procès-verbal établi par les services de police du commissariat de Cagnes-sur-Mer et plus particulièrement des investigations de M. Marcel G., requis en qualité d’expert incendie, que le feu a été allumé sous le véhicule à proximité du réservoir.

Ce point est confirmé par la déposition de M. Jack R. qui explique qu’alors qu’il se rendait en vélo à un rendez-vous pour une sortie cyclotouriste, il avait vu la voiture Twingo prendre feu, un dépôt de combustibles ayant été allumé sous la voiture près du pneu arrière droit qui était en feu. Il a alors vu deux groupes de deux jeunes gens qui s’éloignaient des lieux.

 Isabelino F. explique que, réveillé par une détonation, il est descendu jusqu’à son portail. Il a alors vu trois jeunes gens près d’une voiture stationnée à côté du salon de coiffure qui s’affairaient au niveau du réservoir. Ceux-ci sont partis en courant et quelques minutes après, il y a eu une explosion et tout a brûlé.

L’enquête n’a pas permis d’identifier le ou les auteurs des faits et le procureur de la république a classé la procédure.

Il suit de là que l’incendie a été volontairement allumé par des personnes non identifiées, ce qui exclut l’application de la loi du 5 juillet 1985. » (CA Aix en Provence, 30 Novembre 2011, n°2011/475, Numéro JurisData : 2011-031584)

Voir également en ce sens :

« Attendu que l’article 1er de la loi n°85-77 du 5 juillet 1985 stipule : ‘Les dispositions du présent chapitre s’appliquent même lorsqu’elles sont transportées en vertu d’un contrat, aux victimes d’un accident de la circulation dans lequel est impliqué un véhicule terrestre à moteur ainsi que ses remorques ou semi-remorques, à l’exception des chemins de fer et des tramways circulant sur des voies qui leur sont propres’ ;

Attendu que ce texte a vocation à s’appliquer aux seuls accidents à l’exclusion des infractions volontaires ; qu’en l’espèce où selon l’enquête de police le tracto-pelle a été incendié volontairement, le feu ayant été mis dans l’habitacle, le préjudice subi par Sabrane M. ne résulte pas d’un accident mais d’une infraction consistant dans une dégradation volontaire du véhicule par incendie ; » (CA Lyon, 7 février 2013, n°11/04730, Numéro JurisData : 2013-004345)

En l’état actuel de la jurisprudence et nonobstant le fait que le véhicule incendié ait joué un rôle causal dans la réalisation du dommage, il y a donc peu de chances de voir aboutir une action en responsabilité sur le fondement de la loi dite Badinter.

Pour tenter d’obtenir réparation du préjudice subi par la victime, l’action pourra être menée sur le fondement de l’article 1384 du Code civil lequel dispose que :

« On est responsable non seulement du dommage que l’on cause par son propre fait, mais encore de celui qui est causé par le fait des personnes dont on doit répondre, ou des choses que l’on a sous sa garde.

Toutefois, celui qui détient à un titre quelconque tout ou partie de l’immeuble ou des biens mobiliers dans lesquels un incendie a pris naissance ne sera responsable vis-à-vis des tiers des dommages causés par cet incendie que s’il est prouvé qu’il doit être attribué à sa faute ou à la faute des personnes dont il est responsable. »

Dans cette perspective, il appartiendra à la victime de démontrer que le propriétaire du véhicule a commis une faute de nature à engager sa responsabilité à raison des conséquences de l’incendie.

Cette preuve est cependant difficile à rapporter.

La jurisprudence considère en effet que l’incendie volontaire est un cas de force majeur susceptible d’exonérer le gardien de la chose de sa responsabilité :

« Attendu que tandis que l’ article 1384 alinéa 1er du code civil dispose : ‘On est responsable non seulement du dommage que l’on cause par son propre fait mais encore de celui qui est causé par le fait des personnes dont on doit répondre, ou des choses que l’on a sous sa garde.’, l’alinéa 2 apporte une réserve à savoir : ‘Toutefois, celui qui détient, à un titre quelconque, tout ou partie de l’immeuble ou des biens mobiliers dans lesquels un incendie a pris naissance ne sera responsable vis-à-vis des tiers, des dommages causés par cet incendie que s’il est prouvé qu’il doit être attribué à sa faute ou à la faute des personnes dont il est responsable’;

Attendu qu’il n’est pas établi en l’espèce que l’incendie soit dû à une faute de CEGELEC ou d’une personne dont elle était responsable ;

Attendu au surplus que l’incendie volontaire par un plusieurs individus du véhicule litigieux a pour la société CEGELEC les caractères de la force majeure ou du cas fortuit, et constitue donc en tout état de cause une cause exonératoire de responsabilité ; » (CA LYON, 7 février 2013, N°11/04730, Numéro JurisData : 2013-004345)

Jérôme MAUDET

Avocat

Collectivités : Cession de biens par acte administratif

L’article L3211-14 du Code général de la propriété des personnes publiques dispose que :

« Les collectivités territoriales, leurs groupements et leurs établissements publics cèdent leurs immeubles ou leurs droits réels immobiliers, dans les conditions fixées par le code général des collectivités territoriales. »

Article L 1311-13 du Code général des collectivités territoriales modifié par LOI n°2013-403 du 17 mai 2013 – art. 1 (V)

« Les maires, les présidents des conseils départementaux et les présidents des conseils régionaux, les présidents des établissements publics rattachés à une collectivité territoriale ou regroupant ces collectivités et les présidents des syndicats mixtes sont habilités à recevoir et à authentifier, en vue de leur publication au fichier immobilier, les actes concernant les droits réels immobiliers ainsi que les baux, passés en la forme administrative par ces collectivités et établissements publics.

Lorsqu’il est fait application de la procédure de réception et d’authentification des actes mentionnée au premier alinéa, la collectivité territoriale ou l’établissement public partie à l’acte est représenté, lors de la signature de l’acte, par un adjoint ou un vice-président dans l’ordre de leur nomination. »

Les communes ont donc la possibilité de faire des actes en la forme administrative ce qui leur permet notamment de céder certains biens communaux sans avoir à recourir aux services d’un Notaire.

A cet effet, le Maire es qualité d’officier public, reçoit les actes, leur confère l’authenticité, et en assure la conservation.

Cette faculté n’est offerte aux collectivités qu’à la condition qu’elles soient parties à l’acte.

L’habilitation à recevoir et à authentifier de tels actes étant un pouvoir propre du maire ou du Président du Conseil Départemental ou Régional ne peut pas être déléguée.

L’organe délibérant de la collectivité territoriale partie à l’acte devra désigner, par délibération, un adjoint pour signer ce acte.

Monsieur le Maire, vous voilà Notaire pour l’ensemble des contrats à laquelle votre commune est partie.

Jérôme MAUDET

Avocat

Collectivités : réparation intégrale des dommages de travaux publics

La victime d’un dommage de travaux publics qui justifie d’un lien de causalité entre son préjudice et les travaux réalisés a droit l’indemnisation de son entier préjudice.

En effet, en sa qualité de tiers aux travaux publics réalisés le requérant doit démontrer l’existence d’un lien de causalité entre lesdits travaux et le préjudice qu’il estime avoir subi.

L’existence d’une faute est totalement inopérante.

S’agissant du montant des sommes susceptibles d’être allouées à la victime la juridiction administrative rappelle régulièrement que le préjudice doit être intégralement réparé afin que la victime soit remise dans la situation dans laquelle elle se trouvait avant le sinistre.

La jurisprudence admet, en conséquence, qu’une collectivité puisse être condamnée à verser des sommes au requérant qui dépassent largement le simple coût de reprise des désordres.

 Voir notamment en ce sens :

 « Sur le préjudice : 

  1. Considérant, en premier lieu, que, afin que la requérante puisse à nouveau disposer d’un mur de clôture, il est nécessaire que le mur existant soit démoli puis reconstruit en vue de lui donner les caractéristiques d’un mur de soutènement ; que selon le devis du 20 septembre 2010, le coût de la démolition et de la reconstruction du mur s’élève à 32 105,42 euros ; que Mme B…ne justifiant pas s’être trouvée dans l’impossibilité de faire réaliser les travaux dès 2010, il n’y a pas lieu, comme elle le demande, de réévaluer cette somme selon l’indice INSEE du coût de la construction ; 
  2. Considérant, en deuxième lieu, qu’il résulte de l’instruction que les travaux de démolition et de reconstruction du mur ne peuvent être réalisés sans que la haie installée contre cet ouvrage ne soit détruite ; que, dès lors, la requérante a droit à la réparation du préjudice correspondant au coût d’arrachage de la haie existante et de plantation d’une nouvelle haie qui, selon le devis qu’elle produit, est de 6 706,57 euros, sans qu’il y ait lieu, pour le motif indiqué ci-dessus, de réévaluer cette somme selon l’indice du coût de la construction ; » (CAA LYON, 18/07/2013, 13LY00161).

Ou encore :

« Les travaux de démolition d’un bâtiment initiés par une commune ont entraîné des désordres dans une maison vétuste contiguë. Si les désordres fussent-ils peu importants, sont imputables à la démolition et nécessitent une reprise pour que l’immeuble soit remis à son état antérieur, le coût de cette reprise doit être entièrement supporté par la commune sans que la vétusté de l’immeuble soit opposée à sa propriétaire. Malgré l’amélioration que les travaux pourraient apporter à l’état du bien, la propriétaire ne doit supporter aucune partie du coût des travaux qu’elle n’aurait pas été tenue d’engager si l’immeuble n’avait pas été affecté par la démolition du bâtiment voisin. » (CAA POITIERS, 12 novembre 2008, N° 07/01422).

Jérôme MAUDET

Avocat

Collectivités : vente de biens privés et mise en concurrence

Par un arrêt du 19 mars 2002, la Cour administrative d’appel de Bordeaux a déjà admis la validité d’une vente qui prévoyait la construction d’un ensemble immobilier devant ensuite faire l’objet d’une division dont un lot devait revenir à la commune :

« Considérant que, par délibération du 16 décembre 1988, le conseil de communauté de la COMMUNAUTE URBAINE DE BORDEAUX a autorisé son président à signer avec la S.A.R.L. Porte de Bordeaux un contrat par lequel cette société construirait et vendrait à la COMMUNAUTE URBAINE DE BORDEAUX, dans les conditions prévues à l’article 1601-3 du code civil, 714 places de stationnement ;

Considérant qu’il ressort des pièces du dossier, que si ce contrat tendait à la réalisation d’un parc public de stationnement, il n’avait pas pour objet la construction d’un immeuble que la COMMUNAUTE URBAINE DE BORDEAUX aurait conçu en fonction de ses besoins propres et selon des caractéristiques qu’elle aurait elle-même définies ; que la vente ne concernait qu’une partie d’un ensemble immobilier sur l’édification duquel la COMMUNAUTE URBAINE DE BORDEAUX n’exerçait aucun contrôle ni surveillance particulière, la S.A.R.L. Porte de Bordeaux étant maître de l’ouvrage ; qu’il suit de là que la COMMUNAUTE URBAINE DE BORDEAUX est fondée à soutenir que c’est à tort que, pour rejeter son action en responsabilité décennale, le tribunal administratif de Bordeaux a considéré que le contrat litigieux constituait un marché de travaux publics irrégulièrement conclu ;

Considérant qu’il résulte de ce qui précède que le contrat conclu entre la S.A.R.L. Porte de Bordeaux et la société Spie Sud-Ouest le 26 janvier 1989 pour la construction du parc de stationnement litigieux est un marché de travaux privés ; que la circonstance que le droit d’exercer l’action en garantie décennale ait été transmis à la COMMUNAUTE URBAINE DE BORDEAUX en vertu de l’article 1601- 3 du code civil après la réception de l’ouvrage ne saurait avoir pour effet de modifier la nature juridique de ces travaux dont la juridiction judiciaire peut seule connaître ; que par suite la demande de la COMMUNAUTE URBAINE DE BORDEAUX enregistrée au greffe du tribunal administratif de Bordeaux le 28 mai 1993 doit être rejetée comme portée devant une juridiction incompétente pour en connaître ; » (CAA Bordeaux 19 mars 2002, Cté urbaine de Bordeaux, req. n°97BX01384).

La Cour de justice de l’Union européenne tempère toutefois ce principe et considère qu’une convention peut être qualifiée de marché public de travaux si le contrat prévoit une implication de la personne publique ou répond à un besoin autre que la simple vente. (CJCE 25 mars 2010, Helmut Müller GmbH, aff. C-451/08).

En substance,  les ventes qui ne sont pas exclusivement destinées à céder un bien du domaine privé doivent être précédées d’une mise en concurrence.

La commune doit donc garder à l’esprit qu’il existe un risque de qualification dès lors que la commune souhaite être associée au moins indirectement à la réalisation du projet et qu’elle a vocation à acquérir un ou plusieurs lots in fine.

S’agissant des ventes réalisées par les collectivités, il n’est pas anodin de rappeler que la loi prévoit que les actes des personnes publiques peuvent être reçus par les notaires mais également par les maires ou présidents de conseil départemental voire le préfet également officiers publics. 

En pratique, l’acte authentique peut donc prendre la forme d’un acte administratif dont le coût peut s’avérer bien plus intéressant pour l’acquéreur tout en présentant les mêmes garanties.

Jérôme MAUDET

Avocat