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Droit de propriété : qui peut juger l’implantation irrégulière d’un ouvrage public ?

L’atteinte au droit de propriété relève en principe du juge judiciaire.

La question de la responsabilité d’une personne publique ou d’une entreprise chargée d’une mission de service public relève, quant à elle, de la compétence du juge administratif.

En présence d’une voie de fait, le juge judiciaire retrouve toutefois sa compétence.

Il résulte en effet d’une jurisprudence constante que, dès lors que les requérants se prévalent d’une emprise irrégulière qui ne peut pas se rattacher à un pouvoir de l’administration, seul le juge judiciaire a vocation à connaître d’une telle demande.

Voir en ce sens, pour un exemple nantais :

 « Considérant que la requérante ne soutient pas, et qu’il ne ressort pas du dossier, que l’empiètement allégué aurait été autorisé par une décision ou un acte administratif dont il appartiendrait à la juridiction administrative de connaître ; Que dans ces conditions, dans la mesure où le fait invoqué comme origine du préjudice est susceptible de constituer une emprise irrégulière sur une propriété privée, le litige relève de la compétence du juge judiciaire ;

Considérant qu’il résulte de ce qui précède que la requête doit être rejetée comme portée devant une juridiction incompétente pour en connaître. » (TA NANTES, 24 mai 2012 n°0905137)

Par un arrêt du 18 février 2015, la Cour de cassation est toutefois venue préciser que la circonstance que l’ouvrage soit mal implanté n’est pas, à elle seule, constitutive d’une voie de fait :  

« Vu le principe de séparation des autorités administratives et judiciaires, la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III ;

Attendu qu’il n’y a voie de fait de la part de l’administration, justifiant, par exception au principe de séparation des autorités administratives et judiciaires, la compétence des juridictions de l’ordre judiciaire pour en ordonner la cessation ou la réparation, que dans la mesure où l’administration soit a procédé à l’exécution forcée, dans des conditions irrégulières, d’une décision, même régulière, portant atteinte à la liberté individuelle ou aboutissant à l’extinction d’un droit de propriété, soit a pris une décision qui a les mêmes effets d’atteinte à la liberté individuelle ou d’extinction d’un droit de propriété et qui est manifestement insusceptible d’être rattachée à un pouvoir appartenant à l’autorité administrative ;

Attendu, selon l’arrêt attaqué, que M. et Mme X… ont assigné la société Electricité réseau distribution de France (ERDF), sur le fondement de la voie de fait, aux fins de la voir condamnée à procéder à l’enlèvement du poteau électrique implanté sur une parcelle de terrain leur appartenant ; que la société ERDF a soulevé l’incompétence des juridictions de l’ordre judiciaire au profit des juridictions administratives ;

Attendu que pour rejeter cette exception d’incompétence, l’arrêt, après avoir relevé qu’il n’était pas contesté que le poteau électrique litigieux fût un ouvrage public, énonce que si les juridictions judiciaires ne peuvent prescrire aucune mesure de nature à porter atteinte à l’intégrité ou au fonctionnement d’un ouvrage public, il en va autrement d’un acte qui est manifestement insusceptible de se rattacher à un pouvoir dont dispose l’autorité administrative et lorsqu’aucune procédure de régularisation appropriée n’a été engagée ;

Qu’en statuant ainsi, alors que l’implantation, même sans titre, d’un ouvrage public sur le terrain d’une personne privée ne procède pas d’un acte manifestement insusceptible de se rattacher à un pouvoir dont dispose l’administration, la cour d’appel a violé le principe et les textes susvisés ; » (Cour de cassation, Chambre civile 1, 18 Février 2015 – n° 14-13.359, 193).

Jérôme MAUDET

Avocat au Barreau de NANTES

 

Droit pénal de l’urbanisme : délais de transmission des procès-verbaux

Les infractions au Code de l’urbanisme doivent être constatées par un agent assermenté dûment habilité à cet effet.

En principe, le Procès-Verbal d’infraction doit être transmis au Parquet avant l’expiration d’un délai de 3 jours.

L’article 29 du Code de procédure pénale dispose en effet que :

« Les gardes particuliers assermentés constatent par procès-verbaux tous délits et contraventions portant atteinte aux propriétés dont ils ont la garde.

Les procès-verbaux sont remis ou envoyés par lettre recommandée directement au procureur de la République. Cet envoi doit avoir lieu, à peine de nullité, dans les trois jours au plus tard, y compris celui où ils ont constaté le fait, objet de leur procès-verbal. »

Le non-respect de ces délais de 3 jours est toutefois apprécié avec bienveillance par le juge judiciaire en application de l’adage « pas de nullité sans grief » :

« Attendu que, pour rejeter l’exception tirée de la nullité du procès-verbal de constat du 13 septembre 2007, l’arrêt retient notamment que la nullité prévue par l’article 29 du code de procédure pénale, qui n’est pas une nullité d’ordre public, ni une nullité résultant de la violation des droits de la défense, ne fait pas grief aux prévenus dès lors qu’ils ne sont pas directement lésés, ni même concernés par cette irrégularité relative au délai de transmission de la procédure au procureur de la République, et qu’il n’est d’ailleurs pas allégué par les appelants que l’inobservation de ce délai ait porté atteinte à leurs intérêts ; » (Cass. Crim. 7 décembre 2010. N° de pourvoi: 10-81729)

Il n’en demeure pas moins préférable de respecter le délai de 3 jours pour éviter tout débat inutile sur ce point.

Jérôme MAUDET

Avocat

Droit des collectivités : subventions et conseillers municipaux intéressés

Il est souvent délicat de distinguer l’intérêt de la commune dans son ensemble et l’intérêt personnel de un ou plusieurs élus.

Cette difficulté, est renforcée par le fait que la jurisprudence administrative n’a jamais dégagé de définition précise de la notion d’intérêt personnel à l’affaire.

L’article L.2131-11 du Code général des collectivités territoriales dispose que :

« sont illégales les délibérations auxquelles ont pris part un ou plusieurs membres du conseil intéressés à l’affaire qui en fait l’objet, soit en leur nom personnel, soit comme mandataires ».

Le Conseil d’Etat considère de manière générale que l’intérêt à l’affaire existe dès lors qu’il ne se confond pas avec « les intérêts de la généralité des habitants de la commune » (CE, 16 décembre 1994, req. n°145370).

Cependant, la simple présence du conseiller municipal ne suffit pas à remettre en cause la légalité de la délibération du conseil municipal.

Le juge administratif vérifie si la participation de l’élu a été de nature à lui permettre d’exercer une influence sur le résultat du vote.

L’existence d’une influence de l’élu sur le résultat du vote fait l’objet d’une appréciation par le juge administratif au regard du cas d’espèce.

L’influence effective sur le résultat du vote est appréciée souplement par la jurisprudence.

Voir en ce sens pour une illustration récente :

« Sur le moyen tiré de la participation au vote d’un conseiller municipal intéressé : 

  1. Considérant qu’aux termes de l’article L. 2131-11 du code général des collectivités territoriales :  » Sont illégales les délibérations auxquelles ont pris part un ou plusieurs membres du conseil intéressés à l’affaire qui en fait l’objet, soit en leur nom personnel, soit comme mandataires  » ; 
  2. Considérant qu’à supposer même que l’un des conseillers municipaux ayant participé à l’adoption de la délibération attaquée aurait été personnellement intéressé au classement de parcelles lui appartenant, cette circonstance est restée sans influence sur le classement des parcelles appartenant aux requérants ; que, par suite, le moyen fondé sur les dispositions de l’article L. 2131-11 du code général des collectivités territoriales doit être écarté ; » (CAA DOUAI, 5 mars 2015, N°13DA02153)

Il faut donc que l’influence de l’élu intéressé ait été effective, c’est-à-dire que sa participation ait été de nature à exercer une influence décisive sur le résultat du vote.

S’agissant de l’intérêt personnel des élus à l’affaire, l’article L.2123-11 précité prohibe la participation au vote d’un élu qui pourrait être directement intéressé par la délibération.

Il est préférable que le conseiller municipal membre actif d’une association ne peut puisse participer à une délibération la concernant. Cette affirmation doit toutefois être nuancée :

« Considérant qu’aux termes de l’article L.2131-11 du code général des collectivités territoriales : Sont illégales les délibérations auxquelles ont pris part un ou plusieurs membres du conseil intéressés à l’affaire qui en fait l’objet, soit en leur nom personnel, soit comme mandataires. ; que cependant, dès lors que l’association dont s’agit présente un intérêt communal, et que ses membres ne peuvent en retirer aucun bénéfice personnel, la circonstance que le maire de la commune en soit le président et que plusieurs conseillers municipaux fassent partie de son conseil d’administration n’est pas de nature à les faire regarder comme étant intéressés au sens des dispositions précitées ; » (CAA MARSEILLE, 16 septembre 2003, n°99MA01085).

Par ailleurs, le lien de parenté de l’élu ou du conseiller avec des personnes intéressées n’est pas, à lui seul, de nature à établir l’existence d’un intérêt personnel :

« 5. Considérant, (…) que si M. Ducros de Lafarge de Romefort fait état de ce que la belle-soeur et les neveux et nièces de Mme C…conseillère municipale, sont propriétaires en indivision du bien dont l’acquisition fait l’objet des délibérations litigieuses et que l’époux de cette dernière serait notoirement attaché à la réalisation du projet d’ouverture d’un bar, il ne ressort pas des pièces du dossier, que Mme C…aurait influencé le vote du conseil municipal ; qu’en tout état de cause, l’existence d’un lien de parenté avec une personne dont les intérêts sont concernés par l’objet d’une délibération ne suffit pas, à elle seule, à faire regarder un conseiller municipal comme personnellement intéressé à l’affaire dont il est délibéré par le conseil municipal, au sens des dispositions précitées du code général des collectivités territoriales ; que, dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions doit être écarté ; » (CAA LYON, 11 Juillet 2013, N° 12LY01336).

Toutefois, l’existence d’un lien de famille entre l’un des architectes désignés pour l’élaboration du POS et le maire a ainsi pu être interprétée comme étant constitutive d’un intérêt personnel de ce dernier (CE, 10 juin 1992, n° 94644).

Jérôme MAUDET

Avocat au barreau de NANTES

Droit des collectivités : décision illégale et responsabilités de la commune et de ses agents

Toutes les irrégularités sont fautives et sont susceptibles d’engager la responsabilité de la collectivité voire de ses agents :

Ainsi, la délivrance d’un permis de construire en zone inondable constitue une faute (CE, 2 oct. 2002, n°232720), nonobstant le fait que le bénéficiaire du permis ait connu ce risque :

« Considérant, en second lieu, que si les requérants connaissaient le caractère inondable de la partie du terrain classée au plan d’occupation des sols en zone ND 1, aucune faute ne peut être retenue à leur encontre pour avoir sollicité la délivrance d’un permis de construire pour un projet dont l’implantation était prévue sur la partie de ce terrain classée en zone NB 2, où des constructions étaient autorisées, conformément d’ailleurs aux énonciations du certificat d’urbanisme qui leur avait été délivré le 24 juillet 1992 ; que si les requérants n’ont pas entièrement réalisé les travaux de remblais qu’ils avaient prévus, ce fait, postérieur à la délivrance de l’autorisation de construire en litige et distinct de la faute commise par la commune, n’est pas de nature à exonérer cette dernière de sa responsabilité eu égard au fondement juridique de l’action en responsabilité introduite par les requérants. » (CAA Marseille, 10 avr. 2003, N° 99MA00108)

En principe, doit en premier lieu être recherchée la responsabilité administrative de la commune par l’intermédiaire de son maire.

La responsabilité des services instructeurs n’est que secondaire et ne peut être recherchée que dans un second temps :

– soit par la collectivité à laquelle ils appartiennent dans l’hypothèse d’une faute personnelle,

– soit par la collectivité qui a dû répondre de l’illégalité fautive.

Voir notamment en ce sens, la réponse ministérielle du 13 mars 2000, à propos de la responsabilité des services instructeurs de l’Etat (JOAN 13 mars 2000, en réponse à une question écrite n°36684) :

« A la suite de la décentralisation des compétences en matière d’urbanisme opérée en 1983, a été posé le principe de la compétence du maire pour délivrer, au nom de la commune, les permis de construire et les autres autorisations ou actes relatifs à l’utilisation et à l’occupation du sol, dès lors que la commune est dotée d’un plan d’occupation des sols approuvé. Pour exercer cette compétence et instruire les dossiers correspondants, il peut être tout d’abord fait appel aux moyens propres des communes. Ainsi, l’existence d’un service d’urbanisme est systématique dans les très grandes villes, la consistance et les effectifs du service variant ensuite selon les situations locales pour les communes de moindre importance. Pour les petites communes dépourvues de services techniques suffisants, la question des moyens humains peut se résoudre notamment par le recours à la coopération intercommunale ou par la mise à disposition de la commune des services extérieurs de l’Etat. (…) lorsqu’ils instruisent un dossier pour le compte d’une commune, les services de l’Etat engagent la responsabilité de la commune. Ainsi, dans le cas où le maire, au nom de la commune, prendrait une décision qui serait contraire aux lois et aux règlements sur la base d’un avis erroné des services de l’Etat et causerait un préjudice, la responsabilité de la commune serait normalement engagée en cas de plein contentieux.

Ceci étant, plusieurs éléments doivent être soulignés, indépendamment de la souscription par la commune d’une assurance pour se garantir contre les risques contentieux liés à la délivrance des autorisations précitées qui fait d’ailleurs l’objet d’une compensation financière de l’Etat au titre de la dotation générale de décentralisation.

(…) la responsabilité de l’Etat pourrait elle-même être engagée envers la commune dans le cas où le service instructeur aurait commis une faute dans le cadre de cette instruction. … »

Ce n’est qu’en cas de faute personnelle que la responsabilité de l’agent est susceptible d’être recherchée.

Or, la jurisprudence a précisé que, quelle que soit sa gravité et même si elle constitue une infraction pénale, une faute personnelle commise par un agent de l’Administration est susceptible d’engager la responsabilité de cette dernière, dès lors qu’elle a été commise non pas dans l’intérêt personnel de cet agent, mais dans l’exercice de ses fonctions et avec les moyens du service, et donc qu’elle n’est pas détachable du service (T. confl., 19 oct. 1998, n° 3131, préfet Tarn : BJDU 1998, p. 469).

Dans cette affaire, un agent de la DDE avait procédé à la falsification des documents graphiques d’un POS à la demande du maire afin de réduire l’emprise d’un espace boisé classé.

Ce faisant, il a engagé la responsabilité administrative de la commune au nom de laquelle sont délivrés les permis de construire outre sa propre responsabilité pénale.

La notion de faute personnelle détachable du service est appréhendée de façon relativement restrictive par la jurisprudence.

En dehors des agissements touchant la vie privée de l’auteur de la faute, la faute personnelle ne recouvre en réalité que deux grandes hypothèses : 

– la première est celle de la faute commise par l’agent dans l’exercice de ses fonctions, mais qui s’en détache psychologiquement à raison de l’intention maligne dont elle procède.

– la seconde est celle où l’agent commet une faute professionnelle d’une gravité telle qu’elle se détache de l’exercice de son mandat.

D’une manière générale, la mise en cause de la responsabilité des agents demeure exceptionnelle.

En effet, coexistent fréquemment une faute personnelle ou une faute de service caractérisée par un fonctionnement défectueux du service.

Si la faute personnelle n’est pas dépourvue de tout lien avec le service, c’est la collectivité qui devra prendre en charge les conséquences financières de la faute de son agent.

S’il venait à être poursuivi, l’agent pourrait demander à bénéficier de la protection fonctionnelle.

L’article 11 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 dispose en effet que :

« Les fonctionnaires bénéficient, à l’occasion de leurs fonctions et conformément aux règles fixées par le code pénal et les lois spéciales, d’une protection organisée par la collectivité publique qui les emploie à la date des faits en cause ou des faits ayant été imputés de façon diffamatoire au fonctionnaire.

Lorsqu’un fonctionnaire a été poursuivi par un tiers pour faute de service et que le conflit d’attribution n’a pas été élevé, la collectivité publique doit, dans la mesure où une faute personnelle détachable de l’exercice de ses fonctions n’est pas imputable à ce fonctionnaire, le couvrir des condamnations civiles prononcées contre lui.

La collectivité publique est tenue de protéger les fonctionnaires contre les menaces, violences, voies de fait, injures, diffamations ou outrages dont ils pourraient être victimes à l’occasion de leurs fonctions, et de réparer, le cas échéant, le préjudice qui en est résulté.

La collectivité publique est tenue d’accorder sa protection au fonctionnaire ou à l’ancien fonctionnaire dans le cas où il fait l’objet de poursuites pénales à l’occasion de faits qui n’ont pas le caractère d’une faute personnelle.

La collectivité publique est subrogée aux droits de la victime pour obtenir des auteurs des menaces ou attaques la restitution des sommes versées au fonctionnaire intéressé. Elle dispose, en outre, aux mêmes fins, d’une action directe qu’elle peut exercer au besoin par voie de constitution de partie civile devant la juridiction pénale. Les dispositions du présent article sont applicables aux agents publics non titulaires. »

Par un arrêt du 20 avril 2011, le Conseil d’État a rappelé que le bénéfice de la protection fonctionnelle instituée par l’article 11 de la loi du 13 juillet 1983 ne peut être refusé à un fonctionnaire ou ancien fonctionnaire qu’en cas de faute personnelle, lorsque sa responsabilité pénale est engagée, ou pour un motif d’intérêt général, lorsqu’il est victime d’attaques dans l’exercice de ses fonctions (CE, 20 avr. 2011, n° 332255, M. Bertrand : JurisData n° 2011-006522 ; JCP A 2011, act. 324).

En complément de la protection fonctionnelle, la responsabilité civile des agents est susceptible d’être couverte par un contrat d’assurance.

Ce contrat est indépendant du contrat de responsabilité civile de la commune.

La garantie s’applique aux conséquences pécuniaires de la responsabilité personnelle encourue par l’élu ou l’agent assuré vis-à-vis des tiers.

Jérôme MAUDET

Avocat

 

Droit des collectivités : responsabilité pénale des agents

Les agents publics sont susceptibles de faire l’objet de poursuites pénales pour les infractions qu’ils seraient susceptibles de commettre à l’occasion de leurs fonctions.

Le droit pénal français obéit au principe de légalité des délits et des peines : les crimes et délits sont déterminés limitativement par la loi, et nul ne peut être poursuivi pour un fait ou un comportement qui ne soit pas caractérisé par un texte comme constitutif d’une infraction.

Les qualifications sont diverses :

  • Prise illégale d’intérêt,
  • Délit de favoritisme,
  • Concussion,
  • Faux en écriture publique,
  • Mise en danger de la vie d’autrui par manquement à une obligation particulière de prudence…

C’est à l’agent poursuivi qu’il reviendra d’assumer les conséquences pénales de ses actes et en particulier le paiement d’une éventuelle amende laquelle ne pourra pas être prise en charge par une quelconque assurance.

En matière de responsabilité pénale, le critère du rattachement de la faute à l’accomplissement du service est inopérant.

La décision est examinée en tant que telle aux fins d’apprécier si elle est ou non constitutive de l’infraction.

La responsabilité pénale de l’agent public pourra en conséquence être engagée, même à raison d’une faute de sa part qui n’est pas détachable du service.

Tout agent intervenant de manière déterminante dans l’élaboration d’un acte administratif est susceptible de faire l’objet de poursuites pénales.

Or, dans les collectivités locales, les services sont très largement associés à l’élaboration des actes.

Comme en matière de marchés publics, la délivrance d’une autorisation d’urbanisme est une opération complexe qui nécessite l’addition de compétences administratives, juridiques et techniques.

De ce fait, la procédure implique généralement la collaboration de plusieurs personnes, ce qui peut aboutir à la mise en jeu de la responsabilité pénale de plusieurs intervenants à cette procédure.

Les personnes qui ont concouru à l’élaboration de l’acte sans en être directement l’auteur peuvent néanmoins être entendues dans le cadre d’une procédure pénale, voire être poursuivis au titre de la complicité pour certains délits.

Pour qu’elles soient susceptibles d’être poursuivies, il convient d’apprécier si elles ont accompli des actes ayant influencé la prise de la décision.

L’article 122-4 du Code pénal prévoit que :

« n’est pas pénalement responsable la personne qui accompli un acte commandé par l’autorité légitime. »

Ce principe ne souffre qu’une limite, en droit pénal, l’hypothèse où l’ordre donné est manifestement illégal.

Voir notamment en ce sens une réponse ministérielle du ministère de l’équipement du transport et du tourisme publiée au journal officiel de l’Assemblée nationale du 9 janvier 1995 :

« En particulier, il est clair qu’un agent de l’Etat ne saurait participer à l’établissement d’un acte illégal sans porter atteinte à ses devoirs et sans risquer d’engager sa responsabilité pénale. Si donc le maire lui donnait des instructions qui ne lui paraitraient pas conformes au droit, le service instructeur ne pourrait que faire part au maire de son analyse et lui proposer un acte qu’il estime légal. Bien entendu, le maire garde son pouvoir d’appréciation et peut établir et délivrer l’acte qu’il souhaite s’il ne partage pas l’analyse du service instructeur. Les agents de ce service restent, en outre, placés sous l’autorité hiérarchique du chef du service de l’Etat auquel ils appartiennent. »

L’article 28 du statut général de la fonction publique subordonne l’engagement de la responsabilité pénale au fait que l’illégalité compromette gravement un intérêt public.

Cette condition est toutefois presque toujours remplie lorsqu’une sanction pénale est encourue.

Il appartient donc à l’agent qui aurait connaissance d’une illégalité de refuser de proposer une solution non conforme à la légalité, sous peine d’engager sa propre responsabilité.

Si l’auteur de l’acte venait à passer outre, seule sa responsabilité pourrait alors être utilement recherchée.

Pour se prémunir des risques, l’agent a toujours la possibilité de souscrire une assurance défense pénale et protection juridique.

Par cette garantie l’assureur s’engage généralement :

“à défendre devant les tribunaux répressifs, lorsqu’ils sont personnellement impliqués à l’occasion d’un dommage garanti par le présent contrat, le maire, les adjoints, les conseillers municipaux et les délégués spéciaux dans l’exercice de leurs fonctions….”.

Jérôme MAUDET

Avocat

 

Fonction publique : nature du licenciement pour insuffisance professionnelle

Un licenciement pour insuffisance professionnelle n’a pas un caractère disciplinaire.

Il s’agit en effet de sanctionner l’agent lorsque les fonctions sont exercées d’une manière qui n’est pas satisfaisante indépendamment de toute considération de nature disciplinaire :

« Considérant (…) que le C.N.A.S.E.A., ayant constaté que M. du X… de KERORGUEN connaissait des difficultés pour assurer la bonne exécution des missions qui lui étaient confiées et pour gérer le personnel placé sous son autorité, a décidé, au motif que les statuts applicables au personnel de l’établissement ne prévoyaient que cette éventualité, de le licencier par application des dispositions de l’article 39-e, du décret du 30 décembre 1992 susrappelées, relatives aux sanctions réprimant les fautes de nature disciplinaire imputables aux agents dont s’agit ; que, contrairement à ce que soutient le C.N.A.S.E.A., les dispositions de l’article 43 (2 ), du même texte, également susrappelées l’autorisent à prononcer à l’encontre de son personnel, quelle que soit la nature de leur contrat, un licenciement pour insuffisance professionnelle ou pour inaptitude physique, mesures qui ne constituent pas des sanctions disciplinaires, mais des modalités de cessation de fonctions applicables aux agents qui ne les exercent pas de manière satisfaisante ; qu’en prononçant la sanction du licenciement sans préavis ni indemnité à l’encontre de M. du X… de KERORGUEN, au motif qu’aucune disposition du statut ne permettait de mettre fin à ses fonctions en raison de sa manière de servir, le directeur général du C.N.A.S.E.A. a commis une erreur de droit ;; (CAA Nantes, 29 mars 2001, n°99NT00823, n°00NT01464 et n°99NT02937).

Les règles procédurales sont en revanche identiques à celles d’un licenciement pour faute disciplinaire.

La collectivité devra notamment prendre l’avis de la commission paritaire.

Le juge administratif vérifie avec attention les motifs qui ont conduit la collectivité à prononcer le licenciement pour insuffisance professionnelle :

 « Considérant qu’il ressort des termes mêmes de la décision contestée du président du syndicat mixte que le licenciement litigieux est fondé sur l’attitude d’insubordination répétée et de remise en cause de l’autorité hiérarchique manifestée par M. A ; qu’à cet égard, il est reproché à l’intéressé :  » une incapacité à respecter les consignes qui lui sont données, une volonté expresse de ne pas les respecter, une attitude de dénigrement du service, du chef de service et du directeur de l’exploitation, la contestation répétée des ordres donnés par le chef de manoeuvre, le chef de service, le directeur de l’exploitation, ou encore la directrice générale, une insatisfaction de l’encadrement direct sur [sa] manière de servir, l’impolitesse volontaire et récurrente à l’égard de l’encadrement  » ; que les autres faits retenus à l’encontre de M. A dans la décision de licenciement évoquent :  » le refus de déférer aux convocations de la directrice générale, le refus de prendre les courriers qui lui sont destinés, des remarques écrites et verbales désobligeantes, provocatrices, irrespectueuses proférées à l’égard du directeur de l’exploitation et de la directrice générale du syndicat mixte, le rejet manifeste des hiérarchies et la remise en cause permanente de l’organisation du travail mise en place par cette hiérarchie, des absences injustifiées, des décisions personnelles de modifier le planning  » ; que les faits décrits précédemment, qui correspondent à la méconnaissance d’obligations professionnelles en matière d’obéissance hiérarchique, de réserve et d’exécution des tâches découlant de l’emploi, sont constitutifs pour l’essentiel de fautes disciplinaires ; que de tels faits ne révèlent pas, de la part de M. A, une insuffisance professionnelle pour exercer les responsabilités attachées à ses fonctions, laquelle s’apprécie légalement au regard des fonctions que doit normalement accomplir un agent de son grade et pourvu de ses titres et peut comporter des éléments tels que notamment, l’incapacité de travailler en équipe, l’absence de rigueur dans l’exécution des tâches conférées, la lenteur et la médiocrité du travail réalisé, le manque d’éthique professionnelle ; qu’il suit de là que le SYNDICAT MIXTE DE PIERREFONDS n’est pas fondé à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Saint-Denis a annulé, comme fondée sur des motifs disciplinaires et entachée d’erreur de droit, la décision licenciant M. A pour insuffisance professionnelle ; » (Cour administrative d’appel de BORDEAUX, 12 Juin 2012, N° 11BX03228)

Voir également en ce sens :

« 5- Considérant, en premier lieu, qu’il résulte de l’instruction que le maire de Bandol a voulu réorganiser en 2008 le service chargé de la communication de la ville en lui donnant la charge, non seulement de la rédaction et diffusion du journal municipal, mais également de missions en lien avec la politique communale d’animation et de tourisme ; qu’à cet égard, l’objet du contrat de M. B signé en juin 2008 était la mise en oeuvre de la politique de communication de la ville, la conception et diffusion des supports d’information, l’organisation de manifestations évènementielles, et la rédaction et diffusion du bulletin municipal ;

6- Considérant, en deuxième lieu, que le licenciement pour insuffisance professionnelle en litige est motivé par l’absence de force de proposition de l’intéressé dans la politique de communication, son incapacité à planifier et organiser les tâches, son refus de laisser à disposition des agents du service le véhicule de service, son non-respect des procédures internes et son absence de qualité rédactionnelle ; qu’il résulte de l’instruction que le grief susmentionné relatif au véhicule de service ne constitue pas la motivation principale de la décision attaquée, laquelle aurait été prise sans ce grief ;

7- Considérant, en troisième lieu, qu’il résulte de l’instruction qu’il est reproché à titre principal à l’intéressé, alors qu’il a été nommé chef de service sur un emploi de catégorie A, ses difficultés à prendre des initiatives, à participer à la mise en place des politiques communales avec l’équipe constituée par les autres chefs de service, à encadrer les agents de son service et à veiller à ce que la publication du journal communal ne comporte pas de faute d’orthographe ou de syntaxe ; que cette insuffisance professionnelle est suffisamment établie par les éléments versés au dossier par la commune intimée qui notamment fait état, sans être sérieusement contestée sur ce point, de l’absence de participation régulière de l’intéressé aux réunions de l’équipe de direction, alors même que ses fonctions de responsable de la communication comportaient une dimension fonctionnelle transversale ; que l’intéressé ne conteste pas sérieusement ses difficultés à assumer les fonctions qui lui ont été confiées en se contentant de soutenir qu’il a manqué de moyens en personnels et que le maire aurait dû le prévenir plus tôt au cours de l’été 2008, lors de la saison estivale, qu’il ne remplissait pas correctement sa mission contractuelle ; que dans ces conditions, le licenciement en litige n’est entaché d’aucune erreur d’appréciation ; » (Cour administrative d’appel MARSEILLE, 9 novembre 2012, N°10MA03279).

Jérôme MAUDET

Avocat au barreau de NANTES

Droit pénal de l’urbanisme : une commune peut-elle pénétrer sur une propriété privée ?

L’article L 461-1 du Code de l’Urbanisme, lequel dispose que :

 « Le préfet et l’autorité compétente mentionnée aux articles L. 422-1 à L. 422-3 ou ses délégués, ainsi que les fonctionnaires et les agents commissionnés à cet effet par le ministre chargé de l’urbanisme et assermentés, peuvent visiter les constructions en cours, procéder aux vérifications qu’ils jugent utiles et se faire communiquer tous documents techniques se rapportant à la réalisation des bâtiments, en particulier ceux relatifs à l’accessibilité aux personnes handicapées quel que soit le type de handicap. Ce droit de visite et de communication peut aussi être exercé après l’achèvement des travaux pendant trois ans. » 

Si les travaux ne sont pas achevés, ou que ceux-ci sont achevés depuis plus de trois ans, la collectivité qui souhaite obtenir l’autorisation de pénétrer dans les lieux pour constater une éventuelle infraction doit obtenir une autorisation judiciaire pour ce faire.

Dans cette perspective, la collectivité a la possibilité de saisir le juge judiciaire dans le cadre d’une procédure d’ordonnance sur requête.

L’article 145 du Code de procédure civile dispose en effet que :

« S’il existe un motif légitime de conserver ou d’établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige, les mesures d’instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé. »

Une telle procédure présente l’avantage de la simplicité et de la célérité.

En substance, la commune par l’intermédiaire de son conseil saisie le Président du Tribunal de Grande instance sur le fondement des dispositions combinées des articles 145, 493 et 812 du Code de procédure civile, l’autorisation de pénétrer sur la parcelle litigieuse aux fins de vérifier si les règles d’occupation du sol sont respectées.

 Jérôme MAUDET

Avocat au barreau de Nantes

Collectivités : aisance de voirie et libre accès à la voirie publique

Les propriétés riveraines des voies publiques bénéficient de certains droits sur le domaine public routier.

Cette proximité entraîne notamment des servitudes qui ont pour but de protéger le domaine public routier et d’assurer la sécurité de la circulation routière.

Les riverains des voies publiques disposent, quant à eux, de droits particuliers appelés « aisances de voirie » lesquelles bénéficient d’une protection juridique spéciale.

Ces aisances de voirie comprennent notamment le droit d’accès qui dérive de la contiguïté des immeubles au domaine public routier et à l’affectation de celui-ci à leur desserte.

Lorsque l’exécution de travaux publics supprime ou entrave l’exercice du droit d’accès, les propriétaires riverains ont la possibilité de rechercher la responsabilité de la collectivité.

Le Conseil d’Etat, statuant en référé a d’ailleurs rappelé que le libre accès des riverains à la voie publique est une liberté fondamentale :

 « le libre accès des riverains à la voie publique constitue un accessoire du droit de propriété, lequel a le caractère d’une liberté fondamentale au sens de ces dispositions » (CE, 3 mars 2011, N° 347061).

La jurisprudence admet qu’une dégradation des conditions d’accès liée à la réalisation de travaux publics peut être de nature à engager la responsabilité de la collectivité dès lors qu’il appartient au maire de concilier les droits d’accès des riverains avec les nécessités de la circulation et du stationnement dans la commune..

Néanmoins, la circonstance que l’accès risque de devenir plus difficile à la suite des travaux réalisés, n’est pas, à elle seule, de nature à engager la responsabilité de la collectivité.

 

« Considérant, d’autre part, qu’il résulte de l’instruction qu’un accès à l’immeuble de M. X… est resté possible par la rue des Moulins même si cet accès est plus difficile l’hiver que celui dont M. X… a été privé ; qu’ainsi, et en l’absence de toutes circonstances particulières, M. X… n’est pas fondé à demander une indemnité au motif qu’il aurait été privé d’un droit d’accès à la voie publique ; » (CE, 10 novembre 1989, N°57021).

Pour obtenir réparation, l’administré devra rapporter la preuve de l’existence d’un risque excédant les sujétions normales auxquelles doivent s’attendre les riverains d’une voie publique.

 

« Considérant que la commune de Notre-Dame de Bliquetuit a fait réaliser à l’automne 1998, sur la voie communale n° 8, des travaux de réfection de voirie qui ont notamment comporté la mise en place d’un caniveau latéral dans le but d’améliorer la collecte des eaux de ruissellement ; que l’implantation de ce caniveau au droit de la propriété de M. et Mme X ayant nécessité la destruction, sur une longueur d’une quarantaine de centimètres, de l’extrémité inférieure de la rampe d’accès que ceux-ci avaient réalisée en 1971, en partie sur le domaine public et sans avoir sollicité l’autorisation y afférente, un raccordement en béton a été aménagé afin d’assurer la jonction entre cet ouvrage de collecte et ladite rampe d’accès ; que M. et Mme X, tiers par rapport à la voie communale, soutiennent que, depuis la réalisation de ces travaux, l’accès à leur propriété en voiture serait devenu plus difficile ; qu’ils forment appel du jugement en date du 10 juin 2004 par lequel le Tribunal administratif de Rouen a rejeté leur demande tendant à ce que soit ordonnée avant dire droit une expertise et à la condamnation de la commune de Notre-Dame de Bliquetuit à prendre à sa charge les travaux qu’ils estiment nécessaires pour remédier aux désagréments qu’ils rencontrent et à réparer les troubles dans les conditions d’existence qu’ils subissent ;

Considérant que pour demander réparation à la commune de Notre-Dame de Bliquetuit des dommages qui résulteraient pour eux des travaux de voirie qu’elle a réalisés, M. et Mme X se bornent à faire état de la gêne qu’ils rencontrent dans l’usage de la rampe pour accéder en voiture à leur propriété du fait de l’angle trop abrupt que forme désormais l’extrémité de cette rampe avec la chaussée de la voie communale ; que, toutefois, alors qu’il est constant que les requérants ont continué à utiliser leur véhicule pour accéder à leur propriété, il ne résulte pas de l’instruction que cette seule gêne, dont M. et Mme X n’ont d’ailleurs fait état que plus de deux ans après l’achèvement des travaux et qu’ils ne caractérisent pas davantage que par le risque que leur véhicule frotte sur le sol, soit constitutive d’un préjudice anormal et spécial seul de nature à ouvrir droit à réparation ; » (CAA DOUAI, 22 février 2006, N° 04DA00715).

 Voir également en ce sens :

 « Considérant que l’exercice du droit d’accès des riverains à leur immeuble s’entend, pour les utilisateurs d’un garage fermé, comme devant leur permettre d’y rentrer et sortir une voiture particulière, sans gêne ni risque anormal pour les autres usagers de la voie publique ;

 Qu’il appartient au maire de concilier les droits d’accès des riverains avec les nécessités de la circulation et du stationnement dans la commune ;

Considérant qu’il ressort des pièces du dossier que le maire de Bidache a réglementé le stationnement des véhicules dans la rue Saint-Jacques en ayant déjà prévu une interdiction de stationner au droit de l’accès au garage de la maison de M. et Mme X, afin de permettre à ces derniers de rentrer et de sortir leur véhicule ; que les manœuvres que M. et Mme X sont néanmoins obligés d’accomplir ne sont pas d’une difficulté telle que les requérants seraient contraints à renoncer à utiliser leur garage et qu’ils devraient être regardés comme privés de leur droit d’accès ; qu’en dépit des affirmations des intéressés, il ne ressort pas des pièces du dossier que ces manœuvres présentent un danger particulier pour la circulation des piétons et des voitures dans la rue Saint-Jacques ; que, par suite, compte tenu par ailleurs de la nécessité pour le maire de prendre en compte les besoins de stationnement dans le centre du bourg, le refus de ce dernier d’étendre la zone d’interdiction de stationnement dans le seul but de garantir à M. et Mme X une desserte plus aisée de leur garage n’a pas porté à leur droit d’accès une atteinte excédant celle qui pouvait légalement leur être imposée dans l’intérêt général ; » (CAA Bordeaux, 24 novembre 2009, N° 08BX01391).

 

Jérôme MAUDET

Avocat

Urbanisme : l’extension exige-t-elle une déclaration préalable ou un permis de construire

La réalisation d’une extension d’un immeuble bâti répond à un régime juridique différent en fonction

– la surface de plancher créée,

– l’emprise au sol du projet,

– l’existence d’un plan local d’urbanisme,

– la surface de la construction existante.

L’article R.421-17 du Code de l’urbanisme dans sa rédaction issue du Décret n°2014-253 du 27 février 2014 et entré en vigueur le 1er avril suivant dispose en effet que :

« Doivent être précédés d’une déclaration préalable lorsqu’ils ne sont pas soumis à permis de construire en application des articles R*421-14 à *R. 421-16 les travaux exécutés sur des constructions existantes, à l’exception des travaux d’entretien ou de réparations ordinaires, et les changements de destination des constructions existantes suivants :

 a) Les travaux ayant pour effet de modifier l’aspect extérieur d’un bâtiment existant, à l’exception des travaux de ravalement ;

 b) Les changements de destination d’un bâtiment existant entre les différentes destinations définies à l’article R*123-9 ; pour l’application du présent alinéa, les locaux accessoires d’un bâtiment sont réputés avoir la même destination que le local principal ;

 c) Dans les secteurs sauvegardés dont le plan de sauvegarde et de mise en valeur n’est pas approuvé ou dont le plan de sauvegarde et de mise en valeur a été mis en révision, les travaux effectués à l’intérieur des immeubles ;

 d) Les travaux exécutés sur des constructions existantes ayant pour effet de modifier ou de supprimer un élément que le plan local d’urbanisme ou un document d’urbanisme en tenant lieu a identifié, en application du 7° de l’article L. 123-1-5, comme présentant un intérêt patrimonial ou paysager ;

 e) Les travaux exécutés sur des constructions existantes ayant pour effet, dans une commune non couverte par un plan local d’urbanisme, de modifier ou de supprimer un élément, qu’une délibération du conseil municipal, prise après enquête publique, a identifié comme présentant un intérêt patrimonial ou paysager ;

f) Les travaux qui ont pour effet la création soit d’une emprise au sol, soit d’une surface de plancher supérieure à cinq mètres carrés et qui répondent aux critères cumulatifs suivants :

  • une emprise au sol créée inférieure ou égale à vingt mètres carrés ;
  • une surface de plancher créée inférieure ou égale à vingt mètres carrés.

 Ces seuils sont portés à quarante mètres carrés pour les projets situés en zone urbaine d’un plan local d’urbanisme ou d’un document d’urbanisme en tenant lieu, à l’exclusion de ceux impliquant la création d’au moins vingt mètres carrés et d’au plus quarante mètres carrés de surface de plancher ou d’emprise au sol lorsque cette création conduit au dépassement de l’un des seuils fixés à l’article R*431-2 du présent code.

 g) ) la transformation de plus de cinq mètres carrés de surface close et couverte non comprise dans la surface de plancher de la construction en un local constituant de la surface de plancher. »

Ainsi, la création d’une extension supérieure de 24 m² n’ayant pas pour effet de porter la surface de plancher ou l’emprise au sol totale au-delà de 170 m² dans une commune dotée d’un PLU n’est pas soumise à permis de construire.

Il en irait différemment si la commune  n’était pas dotée d’un PLU ou si l’extension aboutissait in fine à porter la surface du plancher ou l’emprise au sol à plus de 170 m².

Le non respect de ces dispositions est passible de sanctions pénales.

Jérôme MAUDET

Avocat

Collectivités : Risques d’éboulement, péril et pouvoirs du Maire

L’article L. 2212-1 du Code général des collectivités territoriales dispose que :

« Le maire est chargé, sous le contrôle administratif du représentant de l’Etat dans le département, de la police municipale, de la police rurale et de l’exécution des actes de l’Etat qui y sont relatifs. »

 L’article L.2212-2 précise que :

« La police municipale a pour objet d’assurer le bon ordre, la sûreté, la sécurité et la salubrité publiques. Elle comprend notamment :

 1° Tout ce qui intéresse la sûreté et la commodité du passage dans les rues, quais, places et voies publiques, ce qui comprend le nettoiement, l’éclairage, l’enlèvement des encombrements, la démolition ou la réparation des édifices et monuments funéraires menaçant ruine, l’interdiction de rien exposer aux fenêtres ou autres parties des édifices qui puisse nuire par sa chute ou celle de rien jeter qui puisse endommager les passants ou causer des exhalaisons nuisibles ainsi que le soin de réprimer les dépôts, déversements, déjections, projections de toute matière ou objet de nature à nuire, en quelque manière que ce soit, à la sûreté ou à la commodité du passage ou à la propreté des voies susmentionnées ; (…)

 5° Le soin de prévenir, par des précautions convenables, et de faire cesser, par la distribution des secours nécessaires, les accidents et les fléaux calamiteux ainsi que les pollutions de toute nature, tels que les incendies, les inondations, les ruptures de digues, les éboulements de terre ou de rochers, les avalanches ou autres accidents naturels, les maladies épidémiques ou contagieuses, les épizooties, de pourvoir d’urgence à toutes les mesures d’assistance et de secours et, s’il y a lieu, de provoquer l’intervention de l’administration supérieure ; « 

 L’article L.2212-4 du même Code prévoit enfin que :

« En cas de danger grave ou imminent, tel que les accidents naturels prévus au 5° de l’article L. 2212-2, le maire prescrit l’exécution des mesures de sûreté exigées par les circonstances.

Il informe d’urgence le représentant de l’Etat dans le département et lui fait connaître les mesures qu’il a prescrites. »

Il résulte de ces dispositions qu’en présence d’un risque naturel d’éboulement, il appartient au Maire de faire usage de ses pouvoirs de police.

La difficulté est souvent de définir s’il s’agit d’un risque naturel ou s’il y a lieu de mettre en œuvre la procédure de péril imminent ou non imminent..

Il a été jugé, qu’un remblai, soutenu à sa base par un enrochement destiné à servir d’assise à un bâtiment est un édifice justifie l’application de la législation sur le péril d’immeuble (CE, 8 janv. 1997, n°163927).

De la réponse à cette question découle la régularité de la procédure.

Le Conseil d’Etat a, en effet, pu estimer dans cet arrêt que :

« dès lors que le danger invoqué provenait, non d’une cause naturelle extérieure à l’ouvrage de soutènement, mais de l’état de celui-ci, et sans qu’il y eut lieu de tenir compte de la circonstance invoquée que la hauteur de l’ouvrage serait excessive au regard des règles d’urbanisme, le maire ne pouvait légalement intervenir pour assurer la sécurité des personnes et des biens qu’en suivant la procédure prévue aux articles L. 511-2 ou L. 511-3 du code de la construction et de l’habitation ; qu’il ne pouvait, en revanche, se fonder, comme il l’avait fait par son arrêté du 31 juillet 1993, sur les dispositions de l’article L. 131-2 susmentionné du code des communes ; »

Des galeries souterraines ont été considérées comme relevant de la police des édifices menaçant ruine s’ils sont une œuvre des mains de l’homme (TA Nice, 18 juin 2002, n° 00737, Desfoux. – V. aussi CE, 25 oct. 1918, Cts Robineau : Rec. CE 1918, p. 935).

S’agissant de la prise en charge du coût des travaux, en principe, lorsque le maire fait usage de ses pouvoirs de police pour mettre un terme à un risque naturel, la jurisprudence considère qu’il intervient dans l’intérêt collectif et qu’en conséquence ce n’est pas aux particuliers de prendre en charges le coût des travaux.

Voir notamment :

« Considérant que les études menées en 2000 et 2001 par le bureau d’études Antea sur les risques liés à l’état de la falaise située sur le territoire de la COMMUNE DE GONFREVILLE L’ORCHER aux lieux-dits « Château d’Orcher et la Pissotière à Madame » ont fait notamment apparaître que la végétation arbustive existante pouvait jouer un rôle important dans la diminution des risques ou, au contraire, constituer un aléa quand elle se situe en bordure de falaise sous forme de grands arbres ; que le maire a alors demandé par courrier adressé le 26 octobre 2001 aux propriétaires de parcelles jouxtant la falaise, dont M. Jean-Charles X, de « procéder à l’élagage ou au recépage des arbres situés en tête de falaise ainsi qu’à l’évacuation des arbres morts » ; qu’à la suite de la chute d’un arbre, en juillet 2003, provenant de la propriété de M. X, sur une maison située en contrebas de la falaise, le maire a, par son arrêté attaqué du 16 septembre 2003, mis en demeure, sur le fondement des articles combinés L. 2212-2 et L. 2212-4 du code général des collectivités territoriales, M. X de procéder, à ses frais, dans un délai de huit jours à l’élagage ou au recépage des arbres situés en tête de falaise ainsi qu’à l’évacuation des arbres morts ;

Considérant qu’il ressort des pièces du dossier qu’à la date de l’arrêté attaqué, un danger grave persistant affectant la falaise, ayant au demeurant le caractère d’un accident naturel au sens du 5° de l’article L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales, autorisait le maire à faire usage des pouvoirs que lui confère en pareil cas l’article L. 2212-4 du code général des collectivités territoriales ; que, toutefois, si, dans un tel cas, l’exécution des mesures de sûreté sur des propriétés privées peut être ordonnée par le maire, ces mesures ont un intérêt collectif et doivent, dès lors, être exécutées par les soins de la commune et à ses frais ; que, dans ces conditions, le maire de la COMMUNE DE GONFREVILLE L’ORCHER ne pouvait légalement mettre à la charge de M. X l’obligation de faire procéder à l’élagage ou au recépage des arbres situés sur sa propriété ainsi qu’à l’évacuation des arbres morts ; » (CAA DOUAI, 22 Février 2007, N° 06DA00494)

Jérôme MAUDET

Avocat au barreau de Nantes