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Droit pénal de l’urbanisme et loi ALUR : un renforcement des sanctions

L’article L.480-7 du Code de l’urbanisme a été modifié par la loi n° 2014-366 du 24 mars 2014 pour l’accès au logement et un urbanisme rénové dite (ALUR)

Cet article prévoyait la possibilité pour le juge judiciaire d’ordonner sous astreinte la remise en état des lieux.

L’astreinte était toutefois cantonnée à 75 euros par jour de retard ce qui pouvait ne pas être dissuasif pour certains constructeurs.

Pour pallier cette difficulté, la loi ALUR porte opportunément le montant de l’astreinte à 500 euros par jour de retard et rappelle que l’exécution provisoire peut être ordonnée par le Tribunal pour éviter les recours dilatoires.

« Le tribunal impartit au bénéficiaire des travaux irréguliers ou de l’utilisation irrégulière du sol un délai pour l’exécution de l’ordre de démolition, de mise en conformité ou de réaffectation ; il peut assortir son injonction d’une astreinte de 500 € au plus par jour de retard.

 L’exécution provisoire de l’injonction peut être ordonnée par le tribunal.

Au cas où le délai n’est pas observé, l’astreinte prononcée, qui ne peut être révisée que dans le cas prévu au troisième alinéa du présent article, court à partir de l’expiration dudit délai jusqu’au jour où l’ordre a été complètement exécuté.

Si l’exécution n’est pas intervenue dans l’année de l’expiration du délai, le tribunal peut, sur réquisition du ministère public, relever à une ou plusieurs reprises, le montant de l’astreinte, même au-delà du maximum prévu ci-dessus.

Le tribunal peut autoriser le reversement ou dispenser du paiement d’une partie des astreintes pour tenir compte du comportement de celui à qui l’injonction a été adressée et des difficultés qu’il a rencontrées pour l’exécuter. »

Rappelons que la remise en état, prononcée au titre de l’article L.480-5 du Code de l’urbanisme, étant une mesure à caractère réel, destinée à mettre fin au préjudice de la partie civile, la commune est, elle aussi, bien fondée à solliciter une telle mesure au titre de l’action civile : (Voir notamment en ce sens, Cass. Crim, 22 novembre 1990, N° 90-81.142).

 « Mais attendu que la mise en conformité des lieux ou des ouvrages, la démolition de ces derniers ou la réaffectation du sol, prévues par l’article L. 480-5 du Code de l’urbanisme, constituent des mesures à caractère réel destinées à faire cesser une situation illicite, et non des sanctions pénales ; »

Jérôme MAUDET

Avocat au barreau de Nantes.

 

Stationnement résidentiel ou les limites du droit de l’urbanisme

Interrogée sur la problématique du stationnement résidentiel, la ministre du logement a concédé que le droit de l’urbanisme n’est pas en mesure de régler l’ensemble des problématiques inhérentes à l’occupation du sol.

Texte de la question

M. André Chassaigne attire l’attention de Mme la ministre de l’égalité des territoires et du logement sur les recours possibles des maires suite au non-respect des conditions d’obtention du permis de construire par les propriétaires-bailleurs. En effet, certaines préconisations exigibles pour l’obtention d’un permis de construire ne sont ensuite pas respectées par les demandeurs, propriétaires louant leur logement par exemple. Ainsi, de nombreux maires exigent dans les bourgs-centre la définition de places de stationnement pour tout appartement rénové et loué, ceux-ci devant figurer sur les plans de la construction. Après la réalisation des travaux, les propriétaires font le choix d’exclure la possibilité de se garer aux places représentées dans les baux des locataires. Cette situation entraîne de graves problèmes de circulation sur la voie publique, en particulier dans les bourgs anciens et denses. Un autre exemple récurrent de difficultés peut être soulevé concernant la transformation des garages des habitations en pièce habitable ou aménagée. Là-aussi, ces modifications des fonctions du bâti entraînent une recrudescence des incivilités et stationnements intempestifs en centre-ville, alors même que le stationnement est souvent limité et règlementé. De nombreuses municipalités se retrouvent impuissantes devant ces agissements, et souhaiteraient pouvoir disposer de mesures concrètes pour faire respecter le droit de l’urbanisme. Il souhaiterait donc connaître les possibilités légales d’intervention existantes pour les maires, et si elle prévoit de nouvelles dispositions dans ce domaine.

Texte de la réponse

L’obtention du permis de construire est soumise aux règles du plan local d’urbanisme (PLU). En l’absence de PLU, le règlement national d’urbanisme s’applique, notamment l’article R. 111-6 du code de l’urbanisme. Lors de la délivrance du permis de construire, l’article 12 concernant les règles de stationnement doit être respecté. Toutefois, l’article L. 123-1-12 du code de l’urbanisme prévoit des modalités alternatives pour la satisfaction des obligations de réalisation de stationnements : obtention d’une concession à long terme dans un parc public de stationnement, acquisition des places de stationnement dans un parc privé, ou en dernier ressort, paiement d’une participation si la commune a délibéré et qu’elle a un projet de parc public de stationnement. Si lors de l’instruction, le demandeur remplit les conditions exigées par le PLU, le permis est délivré. À l’issue des travaux, une déclaration attestant l’achèvement des travaux doit être adressée à l’autorité compétente qui vérifie la conformité de ceux-ci. Si ultérieurement les places de stationnement sont dissociées du logement lors de la location, aucune action ne peut être entreprise. En effet, le propriétaire a le droit de jouir et de disposer de son bien tant qu’il n’en fait pas un usage prohibé par les lois ou par les règlements, (article 544 du code civil). En l’occurrence, la loi laisse le choix au propriétaire-bailleur de louer le garage en annexe du logement ou de manière indépendante à celui-ci. Les règles d’urbanisme ne s’appliquent pas à des rapports contractuels résultant d’un contrat de bail. Par ailleurs, la transformation d’un garage en habitation est soumise à autorisation d’urbanisme, si les travaux envisagés comportent la création d’une surface de plancher supérieure à cinq mètres carrés.

http://questions.assemblee-nationale.fr/q14/14-40838QE.htm

Jérôme MAUDET

avocat au barreau de Nantes

Droit de l’environnement : Pouvoirs du Préfet et obligation de dépollution du dernier exploitant d’une ICPE


Aux termes de l’article L.514-1 du Code de l’environnement :

« I.- Indépendamment des poursuites pénales qui peuvent être exercées, et lorsqu’un inspecteur des installations classées ou un expert désigné par le ministre chargé des installations classées a constaté l’inobservation des conditions imposées à l’exploitant d’une installation classée, le préfet met en demeure ce dernier de satisfaire à ces conditions dans un délai déterminé. Si, à l’expiration du délai fixé pour l’exécution, l’exploitant n’a pas obtempéré à cette injonction, le préfet peut :

1° Obliger l’exploitant à consigner entre les mains d’un comptable public une somme répondant du montant des travaux à réaliser, laquelle sera restituée à l’exploitant au fur et à mesure de l’exécution des mesures prescrites ; il est procédé au recouvrement de cette somme comme en matière de créances étrangères à l’impôt et au domaine. Pour le recouvrement de cette somme, l’Etat bénéficie d’un privilège de même rang que celui prévu à l’article 1920 du code général des impôts ;

2° Faire procéder d’office, aux frais de l’exploitant, à l’exécution des mesures prescrites ;

3° Suspendre par arrêté, après avis de la commission départementale consultative compétente, le fonctionnement de l’installation, jusqu’à exécution des conditions imposées et prendre les dispositions provisoires nécessaires.  

II.- Les sommes consignées en application des dispositions du 1° du I peuvent être utilisées pour régler les dépenses entraînées par l’exécution d’office des mesures prévues aux 2° et 3° du I.

III.- L’opposition à l’état exécutoire pris en application d’une mesure de consignation ordonnée par l’autorité administrative devant le juge administratif n’a pas de caractère suspensif. »

Selon la jurisprudence, lorsqu’une activité industrielle est cédée, la qualité d’exploitant est acquise au cessionnaire.

La Cour administrative d’appel de Nantes a considéré que l’acquisition d’un fonds de commerce suffit à conférer la qualité d’exploitant à l’acquéreur. (CAA Nantes, 6 octobre 1999, Société Ecofer Rouen.) :

« Considérant que, par une convention de cession d’entreprise intervenue en exécution d’un jugement du Tribunal de commerce de Paris du 1er juin 1992, la société Ecofer Rouen a acquis l’ensemble des actifs incorporels et corporels de la société Sidafer ; (…); que par arrêté du 13 juillet 1995, le préfet de la Seine-Maritime a mis en demeure la société Ecofer Rouen, sous peine d’application à son encontre des sanctions prévues à l’article 23 de la loi du 19 juillet 1976, tant de procéder à l’enlèvement des transformateurs, des terres et gravats souillés par le P.C.B. et des divers déchets présents sur le site, que de remettre dans le délai de trois mois un mémoire sur l’état du site, comprenant une analyse des risques pour l’environnement et la proposition de mesures de réhabilitation ; que l’arrêté attaqué du 16 janvier 1996 est intervenu faute du dépôt par la société du mémoire dont la remise lui avait ainsi été prescrite ;

Considérant, en premier lieu, (…) que la société Ecofer Rouen a repris l’ensemble des installations auparavant utilisées dans le cadre de son activité par la société Sidafer, au nombre desquelles figuraient les transformateurs déclarés en 1986 ; (…); que la circonstance que le transformateur en cause, qui était un des éléments de fonctionnement de l’installation, aurait été, en réalité, la propriété du Port Autonome de Rouen, comme celle que la société Ecofer Rouen aurait été dans l’impossibilité d’obtenir un titre l’autorisant à occuper le site, sous la forme d’un transfert de l’autorisation dont bénéficiait la société Sidafer ou d’une nouvelle convention d’occupation, ne pouvaient, dès lors, que demeurer sans influence sur le pouvoir du préfet, sur le fondement des dispositions susrappelées, de mettre en demeure la société Ecofer Rouen de prendre les mesures appropriées en vue de la remise en état du site, en particulier la réalisation d’une étude relative aux risques présentés pour l’environnement ;»

 

La jurisprudence considère en effet de manière constante que la dépollution du site incombe au dernier exploitant et non pas au repreneur ou au propriétaire du site (CAA Douai, 15 février 2001, N° 97DA00024).

« Considérant que M. et Mme Y… ne peuvent davantage invoquer la vente du terrain en 1994 pour s’exonérer de leurs obligations au titre de la législation sur les installations classées, dès lors que l’acquéreur, qui envisageait la réalisation d’un ensemble immobilier, ne s’est pas substitué à M. Z… en qualité d’exploitant »

La Cour de cassation a d’ailleurs confirmé cette position le 2 avril dernier en estimant que la remise en état du site incombe au dernier exploitant (cass. Civ. 2 avril 2008, pourvois n°07-12155 et 07-13158) :

« Mais attendu qu’ayant, par motifs propres et adoptés, exactement retenu qu’aux termes des dispositions de la loi du 19 juillet 1976, la charge de la dépollution d’un site industriel incombait au dernier exploitant et non au propriétaire du bien pollué, la cour d’appel, qui n‘a pas violé l’article 1er du premier Protocole additionnel de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, en a déduit à bon droit que la remise en état du site résultant d’une obligation légale particulière dont la finalité est la protection de l’environnement et de la santé publique, était à la charge de la locataire ; »

 Ce n’est qu’à défaut d’exploitant solvable que l’administration a la possibilité de se retourner contre le propriétaire du site pour qu’il procède à sa remise en état (CAA DOUAI, 8 mars 2000, N° 96DA00721) :

 « Considérant qu’il résulte de l’instruction, sans que cela soit contredit, que la S.A. Industrans a fait l’objet d’une liquidation amiable et d’une radiation au registre du commerce de Versailles ; qu’il n’est établi par aucune des pièces du dossier que l’exploitation de la décharge de déchets industriels ait été cédée et qu’un cessionnaire se serait substitué à la S.A. Industrans ; que, dès lors, compte tenu de la disparition de la S.A. Industrans résultant de sa radiation du registre du commerce et de l’absence de cessionnaire de l’exploitation, Mme Sylvie X… qui, au demeurant avait entrepris des démarches pour exécuter les mesures préconisées par les différents arrêtés préfectoraux déjà intervenus pour remédier à la pollution provoquée par le site de l’exploitation, doit être regardée comme la détentrice de ladite exploitation, alors même que, comme elle l’affirme, elle n’aurait eu aucun pouvoir de direction ou de contrôle ou un intérêt sur cette exploitation et sans qu’y fasse obstacle le principe pollueur payeur mentionné à l’article L. 200-1 du code rural.»

 Voir également ce sens CE, 21 février 1997, SCI les peupliers, pourvoi N°160250 :

 «  Considérant qu’il résulte de l’instruction que la SOCIETE CIVILE IMMOBILIERE « LES PEUPLIERS » est propriétaire d’un immeuble situé à Roissy-en-Brie, loué à la société Récupération de matériaux utilisables (RECUTIL), laquelle y exerçait une activité de récupération et transformation de matériaux ; que la SOCIETE CIVILE IMMOBILIERE  » LES PEUPLIERS » ne pouvait, en sa seule qualité de propriétaire de cet immeuble, faire l’objet de mesures prévues à l’article 23 de la loi du 19 juillet 1976 ; que dès lors, le préfet de Seine-et-Marne ne pouvait légalement par arrêté du 8 septembre 1987, mettre en demeure la SOCIETE CIVILE IMMOBILIERE  » LES PEUPLIERS » de supprimer le dépôt de produits dangereux résultant de l’activité de la société RECUTIL ; »

 Jérôme MAUDET

Avocat

Droit des collectivités : la procédure d’abandon manifeste

Aux termes de l’article L.2243-1 du Code général des collectivités territoriales :

 « Lorsque, dans une commune, des immeubles, parties d’immeubles, voies privées assorties d’une servitude de passage public, installations et terrains sans occupant à titre habituel ne sont manifestement plus entretenus, le maire, à la demande du conseil municipal, engage la procédure de déclaration de la parcelle concernée en état d’abandon manifeste.

La procédure de déclaration en état d’abandon manifeste ne peut être mise en œuvre qu’à l’intérieur du périmètre d’agglomération de la commune. »

 L’article L.2243-2 du même Code précise que :

 « Le maire constate, par procès-verbal provisoire, l’abandon manifeste d’une parcelle, après qu’il a été procédé à la détermination de celle-ci ainsi qu’à la recherche des propriétaires, des titulaires de droits réels et des autres intéressés. Ce procès-verbal détermine la nature des travaux indispensables pour faire cesser l’état d’abandon.

Le procès-verbal provisoire d’abandon manifeste est affiché pendant trois mois à la mairie et sur les lieux concernés ; il fait l’objet d’une insertion dans deux journaux régionaux ou locaux diffusés dans le département. En outre, le procès-verbal provisoire d’abandon manifeste est notifié aux propriétaires, aux titulaires de droits réels et aux autres intéressés ; à peine de nullité, cette notification reproduit intégralement les termes des articles L. 2243-1 à L. 2243-4. Si l’un des propriétaires, titulaires de droits réels ou autres intéressés n’a pu être identifié ou si son domicile n’est pas connu, la notification le concernant est valablement faite à la mairie. »

 La procédure de déclaration d’abandon manifeste d’un édifice a pour objet de protéger et de sauvegarder l’environnement et l’esthétique en agglomération.

 Elle vise principalement à inciter le propriétaire à effectuer une remise en état de son bien pour ne pas être exproprié et permet à défaut de travaux d’obtenir l’expropriation de l’immeuble au profit de la commune qui sera tenue de l’utiliser dans un but d’intérêt public.

Il résulte de ces dispositions qu’il appartient au seul conseil municipal d’autoriser le Maire à engager la procédure de déclaration d’abandon manifeste dans un but d’intérêt général.

La constatation de l’état d’abandon de l’immeuble par un homme de l’art, tout comme l’échec des procédures menées jusqu’ici me paraissent de nature à justifier l’existence d’un intérêt légitime de la commune quant à la mise en œuvre de cette procédure.

Ce n’est en revanche pas au Conseil municipal de décrire les travaux à réaliser.

Celui-ci devra en effet se borner à constater l’état d’abandon et autoriser le Maire à engager la procédure pour y mettre un terme dans un but d’intérêt général.

Une fois habilité par son conseil municipal c’est au Maire qu’il reviendra d’établir un procès-verbal provisoire constatant l’abandon manifeste de l’immeuble.

Cet arrêté provisoire, devra être particulièrement circonstancié et devra notamment décrire la nature des travaux indispensables pour faire cesser l’état d’abandon.

Dans cette perspective, ledit procès-verbal provisoire devra s’appuyer sur les conclusions d’un homme de l’art l’expert missionné par la commune.

Il a ainsi été jugé qu’un maire en se bornant à affirmer dans le procès-verbal provisoire constatant l’état d’abandon manifeste d’une parcelle que le terrain considéré est en friche et servait d’entrepôt pour des matériaux usagés, n’établit pas, comme il en a la charge, que ce terrain se trouvait effectivement en état d’abandon manifeste. (TA Orléans, 16 févr. 1993, Bissonet c/ Cne Saint-Gondon : Juris-Data n° 1993-042528).

Les mesures préconisées par le procès-verbal devront avoir pour finalité de mettre fin à l’état d’abandon de l’immeuble afin de lui permettre de remplir sa vocation à savoir l’habitation ou éventuellement l’exploitation à des fins de commerce si tel est le cas.

Les procès-verbaux définitifs et provisoires constituent au sens de la jurisprudence des mesures préparatoires dont la légalité ne peut être remise en cause qu’à l’appui d’un recours dirigé contre la décision du Conseil municipal :

« Considérant qu’il résulte de l’ensemble des dispositions précitées du code général des collectivités territoriales que les procès-verbaux provisoires et les procès-verbaux définitifs par lesquels le maire constate l’état d’abandon manifeste d’une parcelle, ne constituent que de simples mesures préparatoires à la décision éventuelle du conseil municipal de déclarer cette parcelle en l’état d’abandon manifeste et de procéder à son expropriation ; que ces procès-verbaux ne portent par eux-mêmes aucune atteinte directe au droit de propriété de leurs destinataires, garanti par le premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ; que les irrégularités dont ils seraient entachés ne peuvent être invoquées qu’à l’appui des recours dirigés contre la décision du conseil municipal, une fois cette dernière intervenue ; que par suite, Mme A n’est pas fondée à se plaindre que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l’annulation des procès-verbaux provisoire et définitif d’abandon manifeste de la parcelle lui appartenant située rue Voltaire à Pierre-Bénite ; » (CAA Lyon, 21 octobre 2010, N° 09LY01036)

Voir également en ce sens :

« Considérant qu’il résulte de l’ensemble des dispositions précitées du code général des collectivités territoriales que les procès-verbaux provisoires et les procès-verbaux définitifs par lesquels le maire constate l’état d’abandon manifeste d’une parcelle, ne constituent que de simples mesures préparatoires à la décision éventuelle du conseil municipal de déclarer cette parcelle en l’état d’abandon manifeste et de procéder à son expropriation ; que ces procès-verbaux ne portent par eux-mêmes aucune atteinte directe au droit de propriété de leurs destinataires, garanti par le premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ; que les irrégularités dont ils seraient entachés ne peuvent être invoquées qu’à l’appui des recours dirigés contre la décision du conseil municipal une fois cette dernière intervenue ; que par suite, la société BELLEGINGSMATTSCHAPIJJ BELENSAS BV n’est pas fondée à soutenir que les arrêts attaqués sont entachés d’irrégularité pour avoir rejeté à tort comme irrecevables ses conclusions tendant à l’annulation des procès-verbaux provisoire et définitif d’abandon manifeste de la parcelle lui appartenant située rue Oudinot à Paris ; » (CE, 18 février 2009, N° 301466)

Ce n’est donc que dans l’hypothèse où le Conseil municipal viendrait à déclarer l’immeuble en état d’abandon manifeste que le propriétaire peut s’il s’y estime fondé, contester la régularité des procès-verbaux.

S’agissant des délais, l’article L.2243-3 dispose sur ce point que :

« A l’issue d’un délai de six mois à compter de l’exécution des mesures de publicité et des notifications prévues à l’article L. 2243-2, le maire constate par un procès-verbal définitif l’état d’abandon manifeste de la parcelle ; ce procès-verbal est tenu à la disposition du public. Le maire saisit le conseil municipal qui décide s’il y a lieu de déclarer la parcelle en état d’abandon manifeste et d’en poursuivre l’expropriation … »

Si le Conseil municipal venait à constater l’état d’abandon manifeste la commune pourra alors poursuivre l’expropriation dans les conditions prévues à l’article L.2243-4 du Code général des collectivités territoriales.

Jérôme MAUDET

Avocat

Intercommunalité : Qui est responsable des sinistres antérieurs au transfert d’une compétence ?

A l’instar des départements qui se sont vus confier la responsabilité en matière de voirie, le Conseil d’Etat vient de considérer que le transfert de la compétence  » assainissement et eau  » entraîne l’engagement de la responsabilité de l’établissement public de coopération intercommunale y compris pour les sinistres survenus antérieurement au transfert.

 » Considérant, en quatrième lieu, qu’ainsi qu’il a été dit au point 3, la compétence  » assainissement et eau  » a été transférée de plein droit aux communautés urbaines en vertu de l’article L. 5215-20 du code général des collectivités territoriales ; qu’aux termes du premier alinéa de l’article L. 5215-39 du même code :  » A compter de la date du transfert des compétences à la communauté urbaine, celle-ci prend en charge le service de la dette des communes, syndicats de communes compris dans l’agglomération, ainsi que les obligations de ces collectivités ou établissements publics à raison des compétences transférées  » ; qu’il résulte de ces dispositions qu’une communauté urbaine ne peut, à compter de la date du transfert des compétences, appeler une collectivité ou un établissement public à la garantir des condamnations prononcées contre elle pour des dommages causés dans le cadre des compétences transférées, avant ou après la date du transfert ; que, par suite, la cour n’a pas commis d’erreur de droit en jugeant que la communauté urbaine  » Marseille Provence Métropole  » était seule responsable des dommages s’étant produits avant même le transfert de compétence ; «  (Conseil d’État, 3ème et 8ème sous-sections réunies, 04/12/2013, n°349614)

Jérôme MAUDET

Collectivités territoriales : Obligations du maire en matière de police du bruit

Au titre de ses pouvoirs de police générale, le maire a l’obligation d’assurer le bon ordre, la tranquillité et la salubrité publiques.

Selon la jurisprudence, il s’agit d’une obligation de moyen qui impose à l’autorité de police administrative de tout mettre en oeuvre pour garantir ou rétablir l’ordre public par des dispositions matérielles de nature à faire cesser les troubles invoqués.

Livrée à l’appréciation du juge, cette obligation s’apprécie, notamment, en fonction de la taille de la collectivité.

Cette obligation est satisfaite lorsque l’autorité a édicté des « mesures appropriées » à une situation :

« Considérant qu’il résulte de l’instruction que les manifestations organisées dans le foyer rural situé à proximité immédiate de la maison de M. Lagrange à Montcourt-Fromonville (Seine-et-Marne) ont, à de nombreuses reprises au cours des années 1978 et 1979, entraîné des bruits de nature, en raison de leur caractère excessif et du fait qu’ils se sont prolongés tard dans la nuit, à porter gravement atteinte à la tranquillité et au repos nocturne de l’intéressé ; que les autorités de police municipale, informées de cette situation par les plaintes de M. Lagrange, n’ont pas pris les mesures appropriées pour mettre fin aux troubles qui en résultaient ; que, dans les circonstances de l’espèce, leur carence a présenté le caractère d’une faute lourde de nature à engager la responsabilité de la commune ; qu’en fixant à 10 000 F le montant de l’indemnité due à ce titre à M. Lagrange les premiers juges ont fait une exacte appréciation du préjudice subi par l’intéressé ;

que les mesures prises par le maire à la suite du jugement du tribunal administratif ont eu pour effet de faire cesser à partir de 22 heures les bruits provenant du foyer communal ; que M. Lagrange n’est ainsi pas fondé à soutenir, par des conclusions incidentes, que son préjudice se serait aggravé depuis le jugement du tribunal administratif ; que, par suite, tant les conclusions de la requête de la commune que les conclusions incidentes de M. Lagrange tendant à une augmentation des sommes qui lui ont été allouées par les premiers juges doivent être rejetées » (CE, 17 mars 1989, Commune de Montcourt-Fromonville, Rec. 1989 p.513 et 914.)

Les mesures de police doivent être adaptées et proportionnées aux risques de trouble à l’ordre public.

Aussi, l’illégalité du refus d’agir s’apprécie à la lumière de la gravité du péril et n’est constatée que si l’autorité n’ordonne pas les « mesures indispensables » :

« Considérant que le refus opposé par un maire à une demande tendant à ce qu’il fasse usage des pouvoirs de police que lui confère le code des communes n’est entaché d’illégalité que dans le cas où, en raison de la gravité du péril résultant d’une situation particulièrement dangereuse pour le bon ordre, la sécurité ou la salubrité publique, cette autorité, en n’ordonnant pas les mesures indispensables pour faire cesser ce péril grave, méconnaît ses obligations légales ; « CE, 19 avril 1989, Kerlo, RDP 1990 p.911, DA 1989 comm. n° 292 ».

La jurisprudence distingue ainsi deux obligations pesant sur les communes dans l’exercice de ses pouvoirs de police par le maire :

 » si les mesures édictées puis exécutées de ce chef n’ont pu empêcher que des dommages surviennent au printemps de l’année 1985 aux cultures de M. DELAVALLADE, la commune ne peut être pour autant regardée comme ayant commis une faute simple, au regard de la finalité de la police municipale, dans l’édiction de mesures appropriées aux « événements fâcheux » qui pourraient être occasionnés par la divagation de pigeons ou une faute lourde dans l’exécution de ces mesures ; » (CE section, 4 décembre 1995, DELEVALLADE, n°133880).

Il pèse donc sur les communes une obligation de résultat relevant du régime de la faute simple pour ce qui concerne l’obligation d’édicter des mesures juridiques.

Les collectivités ont, en revanche, une simple obligation de moyen relevant du régime de la faute lourde quant à la prise de mesures matérielles pour exécuter ces mesures de réglementation.

Il résulte en effet d’une jurisprudence constante que seule une faute lourde est de nature à engager la responsabilité d’une commune en matière de tranquillité publique :

« Considérant que Mme VIRMAUX recherche la responsabilité de la ville de Paris à raison des troubles dans ses conditions d’existence subis en 1978 et 1979 et de la dépréciation de son appartement sis 251 rue Saint-Denis à Paris, résultant de la présence de prostituées et de proxénètes sur la voie publique à proximité de l’entrée de son immeuble;

Considérant que la responsabilité ainsi recherchée ne peut être engagée que s’il peut être relevé une faute lourde à l’encontre des services de police dépendant de la préfecture de police dans l’exercice de leur mission tendant à réprimer les atteintes à la tranquillité publique ;

Considérant qu’il résulte de l’instruction qu’en 1978 et 1979, les services de police ont procédé à un grand nombre d’interpellations dans la rue Saint-Denis et spécialement aux abords immédiats de l’immeuble de Mme VIRMAUX, dans lesquels, à la suite des doléances de celle-ci, il a été procédé à une surveillance particulière ; qu’en exerçant ces actions, alors même qu’elles n’ont pas suffi à supprimer toute activité de racolage, les services de la préfecture de police n’ont commis aucune faute lourde ; que, dès lors, Mme VIRMAUX n’est pas fondée à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a rejeté sa demande d’indemnité » (CE, 8 avril 1987, Virmaux c/ Ville de Paris, Rec. 1987 p.140)

Et, en particulier, en matière de nuisances nocturnes dues à un débit de boisson :

« Considérant, d’une part, qu’il incombait au maire de Vaux-Sur-Mer, en charge en vertu de l’article 97 du Code de l’administration communale, de la police municipale et de l’exécution des actes de l’autorité supérieure qui y sont relatifs de prendre les mesures appropriées pour empêcher sur le territoire de sa commune, les bruits excessifs de nature à troubler le repos et la tranquillité des habitants et d’assurer l’observation de la réglementation édictée à cet effet et résultant notamment de l’arrêté du préfet de la CHARENTE-MARITIME, en date du 21 MARS 1960, modifié par les arrêtés des 28 mars 1961 et 22 avril 1963. Que s’il est constant que l’exploitation de l’établissement dénommé « Love-Love » sur la plage de Nauzan, dans le voisinage de la villa dont le sieur Latty est propriétaire indivis sur le territoire de la commune a, en raison du bruit qu’elle a provoqué notamment au cours des mois de juillet et août 1972, porté atteinte à la tranquillité et au repos nocturne du sieur Latty, il ne résulte pas de l’instruction que l’insuffisance des mesures prises par le maire pour assurer le respect de la réglementation préfectorale par l’exploitante de l’établissement qui bénéficiait d’une autorisation d’ouverture jusqu’à 4 heures du matin délivrée par l’autorité préfectorale, ait eu, dans les circonstances de l’espèce, le caractère d’une faute lourde de nature à engager la responsabilité de la commune » (CE, 23 juin 1976, Latty c/ Commune de Vaux-sur-Mer, RDP 1997 p.865).

Jérôme MAUDET

avocat au barreau de Nantes