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Marchés publics : contrôle du juge sur les pénalités contractuelles

A la suite d’une commande de pièces détachées pour un montant d’environ 10.000 euros, une entreprise s’est vue infliger par une collectivité une pénalité de 104.400 euros au titre des retards.

Le juge administratif de première instance saisi d’un recours en plein contentieux a ramené le montant des pénalités à de plus justes proportions à hauteur de 10.000 euros.

L’entreprise mécontente a alors interjeté appel de cette décision en raison du caractère disproportionné de la sanction.

La Cour d’appel de MARSEILLE dans un arrêt du 9 novembre 2015 en a profité pour rappeler l’office du juge en matière de contrôle desdites pénalités.

Après avoir rappelé que le juge administratif est garant de la loyauté des relations contractuelles, la Cour a considéré que les pénalités ayant le caractère d’une réparation forfaitaire, l’administration n’a pas à justifier de l’existence d’un quelconque préjudice.

La juridiction administrative a toutefois la possibilité de moduler le montant des pénalités en fonction du montant global du marché.

2.  » Considérant, d’une part, que les parties à un contrat administratif peuvent saisir le juge d’un recours de plein contentieux contestant la validité du contrat qui les lie ; qu’il appartient alors au juge, lorsqu’il constate l’existence d’irrégularités, d’en apprécier l’importance et les conséquences, après avoir vérifié que les irrégularités dont se prévalent les parties sont de celles qu’elles peuvent, eu égard à l’ exigence de loyauté des relations contractuelles, invoquer devant lui ; qu’il lui revient, après avoir pris en considération la nature de l’illégalité commise et en tenant compte de l’objectif de stabilité des relations contractuelles, soit de décider que la poursuite de l’exécution du contrat est possible, éventuellement sous réserve de mesures de régularisation prises par la personne publique ou convenues entre les parties, soit de prononcer, le cas échéant avec un effet différé, après avoir vérifié que sa décision ne portera pas une atteinte excessive à l’intérêt général, la résiliation du contrat ou, en raison seulement d’une irrégularité invoquée par une partie ou relevée d’office par lui, tenant au caractère illicite du contenu du contrat ou à un vice d’une particulière gravité relatif notamment aux conditions dans lesquelles les parties ont donné leur consentement, son annulation ;(…)

6. Considérant qu’aux termes de la clause n° 8 du cahier des clauses techniques particulières applicables au marché litigieux :  » Le non-respect des obligations contenues dans le présent CCTP pourrait entrainer l’application de pénalités. (…) Ainsi, les écarts suivants entraineront l’application des pénalités définies ci-dessous : (…) Le non-respect des délais de livraison conformément au CCTP / jour de retard et / pièce : 50 € (…)  » ; qu’au regard de ce qui a été dit aux points 2 à 4, la société Ecollect, si elle n’est pas recevable à demander l’annulation de cette clause, peut néanmoins être regardée comme demandant, à titre principal, que ses stipulations, qui fondent le titre exécutoire contesté, soient écartées ;

7. Considérant, toutefois, que si la société Ecollect fait valoir que cette clause serait  » irrégulière  » et  » particulièrement inadaptée aux circonstances de l’espèce parce que disproportionnée « , elle n’assortit pas, sur ce point, son moyen de précisions et justifications suffisantes pour permettre à la Cour d’en apprécier le bien-fondé ; qu’en tout état de cause, il ne résulte pas de l’instruction que ladite clause présenterait, par son contenu, un caractère illicite ou que la conclusion du contrat serait entachée d’un vice d’une particulière gravité ; que si la société Ecollect soutient, en outre, que la disproportion du montant des pénalités qui lui ont été infligées, par rapport au montant initial du marché litigieux, entacherait ce dernier d’une illégalité dont la portée aurait été méconnue lors de sa conclusion, cette seule circonstance ne suffit pas à établir le caractère illicite de la clause dont s’agit, dès lors qu’il est loisible au juge administratif, saisi de conclusions en ce sens, de modérer ou d’augmenter les pénalités de retard résultant du contrat, par application des principes dont s’inspire l’article 1152 du code civil, si ces pénalités atteignent un montant manifestement excessif ou dérisoire eu égard au montant du marché ;

8. Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que la société Ecollect n’est pas fondée à demander l’annulation du titre exécutoire n° 628 du 11 février 2011 ;

En ce qui concerne la modulation des pénalités de retard :

9. Considérant qu’aux termes de l’article 1152 du code civil :  » Lorsque la convention porte que celui qui manquera de l’exécuter payera une certaine somme à titre de dommages-intérêts, il ne peut être alloué à l’autre partie une somme plus forte, ni moindre. / Néanmoins, le juge peut, même d’office, modérer ou augmenter la peine qui avait été convenue, si elle est manifestement excessive ou dérisoire. Toute stipulation contraire sera réputée non écrite.  » ; que le cahier des clauses techniques particulières applicables au marché litigieux ne limite pas le montant des pénalités de retard susceptibles d’être infligées ;

10. Considérant qu’ainsi qu’il a été dit au point 7, il est loisible au juge administratif, saisi de conclusions en ce sens, de modérer ou d’augmenter les pénalités de retard résultant du contrat, par application des principes dont s’inspire ces dispositions, si ces pénalités atteignent un montant manifestement excessif ou dérisoire eu égard au montant du marché ;

11. Considérant, d’une part, que contrairement à ce que soutient la société Ecollect, le caractère manifestement excessif ou dérisoire du montant des pénalités de retard doit, dans le cas d’un marché à bon de commandes, défini par le I de l’article 77 du codes marchés publics, dans sa rédaction applicable au présent litige, comme  » un marché conclu avec un ou plusieurs opérateurs économiques et exécuté au fur et à mesure de l’émission de bons de commande « , s’apprécier au regard non pas du montant de chaque chantier concerné, mais du montant global et définitif du marché, ainsi que le fait valoir la ville de Cannes ; que d’autre part, ces pénalités ayant le caractère d’une réparation forfaitaire, l’administration n’a pas à justifier de l’existence d’un préjudice ayant résulté, pour elle, du retard, comme le fait encore valoir la commune ;

12. Considérant qu’il résulte de l’instruction et notamment de l’acte d’engagement du 15 janvier 2008, que le montant total du marché litigieux était de 39 512,35 euros TTC ; que dès lors que le montant des pénalités de retard infligées à la société par la commune représentait environ 264 % de ce montant, celui-ci est manifestement excessif, en tout état de cause, par rapport au montant total du marché ;

13. Considérant, toutefois, que la société Ecollect n’invoque aucune circonstance particulière de nature à justifier l’importance du retard en cause, alors au demeurant qu’elle ne pouvait ignorer l’attachement de la commune au respect des délais de livraison fixés, au vu notamment des critères d’attribution du marché et avait, du reste, proposé de son propre chef des délais inférieurs aux délais plafonds prévus par le règlement de la consultation, sur lesquels elle s’est, ainsi, contractuellement engagée ; qu’à supposer même que la ville de Cannes n’aurait subi aucun préjudice spécifique du fait de ce retard, au-delà de celui résultant de l’atteinte portée à la qualité du service public, la société Ecollect, qui n’invoque pas utilement les dispositions de la norme NFP 03-0001, dès lors que celles-ci ne sont pas, en tout état de cause, applicables au marché litigieux, ne saurait pour autant demander que le montant des pénalités de retard soit réduit à la somme de 418,14 euros, laquelle serait manifestement dérisoire au regard du montant du marché litigieux ; que dans les circonstances de l’espèce, il y a lieu de fixer à la somme de 10 000 euros le montant de ces pénalités, la circonstance que ce montant serait quasiment égal à celui de la commande concernée étant sans incidence ;

14. Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que la société Ecollect n’est pas fondée à soutenir que c’est à tort que le tribunal administratif, dans le jugement attaqué, a ramené à 10 000 euros le montant des pénalités de retard qui lui ont été infligées en vertu du titre exécutoire n° 628 du 11 février 2011 ; »

Jérôme MAUDET

Marchés publics : extension jurisprudentielle du délit de favoritisme

L’article 432-14 du Code pénal dispose que :

 » Est puni de deux ans d’emprisonnement et de 30 000 euros d’amende le fait par une personne dépositaire de l’autorité publique ou chargée d’une mission de service public ou investie d’un mandat électif public ou exerçant les fonctions de représentant, administrateur ou agent de l’Etat, des collectivités territoriales, des établissements publics, des sociétés d’économie mixte d’intérêt national chargées d’une mission de service public et des sociétés d’économie mixte locales ou par toute personne agissant pour le compte de l’une de celles susmentionnées de procurer ou de tenter de procurer à autrui un avantage injustifié par un acte contraire aux dispositions législatives ou réglementaires ayant pour objet de garantir la liberté d’accès et l’égalité des candidats dans les marchés publics et les délégations de service public. « 

Poursuivis sur ce fondement les prévenus, ont soulevé de manière habile que le principe de la légalité des délits et des peines impose une interprétation stricte de la loi pénale ce qui interdit l’application extensive de la loi pénale, notamment, par analogie.

En l’espèce, ils estimaient que le délit de favoritisme prévu par l’article 432-14 du code pénal réprime les actes contraires aux seules dispositions législatives ou réglementaires ayant pour objet de garantir la liberté d’accès et l’égalité des candidats dans les marchés publics et les délégations de service public.

Selon eux, en refusant d’annuler les mises en examen des demandeurs du chef du délit de recel de favoritisme alors qu’en l’absence de toute référence à l’ordonnance n° 2005-649 du 6 juin 2005, le principe d’interprétation stricte de la loi pénale interdisait d’étendre l’application des dispositions de l’article 432-14 du code pénal à la répression de contrats qui ne sont ni des marchés publics, ni des délégations de service public, la chambre de l’instruction a violé les textes susvisés.

La Cour de cassation en a décidé autrement.

En effet, par un arrêt du 17 février 2016, la Chambre criminelle est venue confirmer que ces dispositions s’appliquent à l’ensemble des marchés publics et non pas seulements ceux régis par le Code des marchés publics.

 » Attendu que, pour écarter le moyen de nullité pris de ce que l’article 432-14 du code pénal ne s’applique qu’aux marchés régis par le code des marchés publics, l’arrêt prononce par les motifs repris au moyen ;

Attendu qu’en se déterminant ainsi, la cour d’appel a fait l’exacte application de l’article 432-14 du code pénal ;

Qu’en effet, il résulte des termes de cet article qu’il s’applique à l’ensemble des marchés publics et non pas seulement aux marchés régis par le code des marchés publics, lequel a été créé postérieurement à la date d’entrée en vigueur dudit article dans sa rédaction actuelle ; que ces dispositions pénales ont pour objet de faire respecter les principes à valeur constitutionnelle de liberté d’accès à la commande publique, d’égalité de traitement des candidats et de transparence des procédures ; que ces principes, qui constituent également des exigences posées par le droit de l’Union européenne, gouvernent l’ensemble de la commande publique ; qu’il s’en déduit que la méconnaissance des dispositions de l’ordonnance n° 2005-649 du 6 juin 2005, relative aux marchés passés par certaines personnes publiques ou privées non soumises au code des marchés publics, et, notamment, de son article 6, qui rappelle les mêmes principes, entre dans les prévisions de l’article 432-14 susmentionné ;  » (Cass. Crim, 17 dfévrier 2016, pourvoi n°15-85363)

Jérôme MAUDET

Avocat au barreau de NANTES

Collectivités : Nouvelles règles de signalisation routière

Webconférence du 2 mars 2016.

Les préoccupations écologiques et environnementales actuelles ont mis en avant le besoin de « modes de transports doux », ceux qui ne génèrent pas de pollution. Leur développement a même constitué un cycle de réflexion incontournable en faveur d’un renouvellement des politiques urbaines en matière de transports.

D’abord centrées sur le transport motorisé, ces règles ont dû prendre en compte le dépassement du cycle du « tout automobile ». Ce dernier a en effet vécu dans la mesure où plusieurs éléments sont venus le remettre en cause.

De l’aveu même du Ministère de l’écologie, du développement durable et de l’énergie, « l’augmentation de la population urbaine de plus en plus motorisée, les chocs pétroliers, l’engorgement des centre-villes, la pollution, le gaspillage énergétique ont conduit les pouvoirs publics à rechercher des solutions alternatives au tout voiture »[1].

Au-delà de ces facteurs économiques et écologiques s’ajoute également le changement des mentalités en matière de transports. La combinaison de ces trois facteurs a donc abouti à la remise en cause du réflexe du « tout automobile ».

Par conséquent pour tenir compte des exigences de l’ensemble des usagers circulant sur l’espace public, une démarche proche du « code de la rue » belge a été expérimentée.

L’objectif affiché par les pouvoirs publics est de « mieux faire connaître les dispositions du code de la route qui s’appliquent en milieu urbain et, lorsque c’est nécessaire, à faire évoluer la réglementation en l’adaptant aux pratiques des usagers circulant sur l’espace public »[2].

Il ne s’agit donc plus de réglementer uniquement la circulation des usagers de la route mais de garantir une circulation apaisée, harmonieuse et sécurisée de l’ensemble des individus circulant sur la voie publique. Les piétons et les cyclistes sont aujourd’hui des acteurs à part entière qu’il ne faut pas négliger.

Plusieurs textes sont donc intervenus pour modifier la partie réglementaire du code de la route.

Le décret n°2008-754 du 30 juillet 2008 portant diverses dispositions de sécurité routière est perçu comme le premier résultat concret de cette prise en compte. En effet, il modifie, notamment, l’article R.412-6 du code de la route qui impose désormais aux conducteurs d’un véhicule motorisé d’« adopter un comportement prudent et respectueux envers les autres usagers des voies ouvertes à la circulation. Il doit notamment faire preuve d’une prudence accrue à l’égard des usagers les plus vulnérables ».

Cette exigence d’attention des automobilistes à l’égard des autres usagers de l’espace public est confirmée par l’existence de zones spécifiques réservées à la circulation harmonieuse des piétons, cyclistes et autres conducteurs de véhicules motorisés.

A cet égard, les zones de rencontre viennent s’ajouter aux « aires piétonnes » et aux « zones 30 » déjà existantes et définies à l’article R. 110-2 du code de la route.

Cependant, cette cohabitation ne peut être harmonieuse et sécurisée sans l’apparition de nouvelles règles en matière de signalisation.

C’est à cet objectif que le décret n°2015-808 du 2 juillet 2015, relatif au plan d’actions pour les mobilités actives et au stationnement[3], et que l’arrêté du 23 septembre 2015, relatif à la modification de la signalisation routière en vue de favoriser les mobilités actives[4], répondent.

Le décret du 2 juillet 2015, publié au journal officiel le 4 juillet 2015, modifie la partie réglementaire du code de la route et en particulier son livre IV sur « l’usage des voies » (art. R.411-1 et suivants).

Selon la notice rédigée par le Ministre de l’intérieur, ce décret vise à protéger les usagers vulnérables en améliorant « le respect des cheminements piétons et des espaces dédiées aux cyclistes en aggravant les sanctions en cas d’occupation par des véhicules motorisés ».

L’arrêté du 23 septembre 2015, très technique et réservé aux services spécialisés, intervient lui pour « rendre applicable sur l’ensemble du réseau routier les dispositions de ce décret ». Il s’agit d’adapter les panneaux, feux et autres symboles de signalisation à ces zones de passage.

Une rapide synthèse de ces deux textes permet de démontrer qu’ils s’inscrivent sans difficulté dans la démarche du plan d’action pour les mobilités actives (P.A.M.A.). Plus précisément, ils s’inscrivent dans le deuxième axe de ce plan qui précise que :

« Lorsque la séparation entre les différents modes de transports n’est pas possible, le partage de l’espace public doit être une préoccupation constante en cherchant en particulier à réduire le différentiel de vitesse entre les usagers ».

L’objectif affiché est d’organiser de manière harmonieuse la circulation de tous les usagers dans l’espace public. Pour ce faire, l’aménagement de l’espace public poursuit un but de sécurité mais également de durcissement des règles de stationnement en vigueur.

Ces nouvelles règles de signalisation routière sont favorables à une occupation harmonieuse et à un partage de l’espace public entre tous les acteurs (piétons, cyclistes, conducteur de véhicules motorisés) (I).

Leur mise en place participe à démonter que le cycle du « tout automobile » est remise en question (II).

I. De nouvelles règles de signalisation routière en faveur d’une occupation harmonieuse de l’espace public

Le décret du 2 juillet 2015 et l’arrêté du 23 septembre 2015 représentent indéniablement une étape nouvelle dans la constitution du code de la rue.

Les modifications introduites dans le code de la route par le décret de 2015 démontrent la volonté des autorités d’aménager les zones de circulation spécifiques pour assurer à tous leurs usagers une sécurité de circulation effective (A.).

Ces zones ne sont pas les seules à être concernées. Les voies de circulation classiques sont également visées. Les modifications introduites dans la partie réglementaire du code de la route visent donc aussi à confirmer que la route est un espace à partager (B.).

A. Les zones de circulation spécifiques, un espace à aménager pour plus de sécurité

Les zones de circulation spécifiques, ou zones de circulation apaisées, correspondent aux aires piétonnes, aux zones 30 et aux zones de rencontre, toutes trois définies à l’article R. 110-2 du code de la route.

Pour bien identifier chacune de ces zones qui ont un intérêt particulier au regard des nouvelles règles de signalisation routière, un rapide rappel de ces définitions s’impose :

  • s’agissant des aires piétonnes, l’article R. 110-2 précise que ce sont des sections « ou ensemble de sections de voies en agglomération, hors routes à grande circulation, constituant une zone affectée à la circulation des piétons de façon temporaire ou permanente. Dans cette zone, sous réserve des dispositions de l’article R. 431-9, seuls les véhicules nécessaires à la desserte interne de la zone sont autorisés à circuler à l’allure du pas et les piétons sont prioritaires sur ceux-ci. Les entrées et sorties de cette zone sont annoncées par une signalisation» ;
  • Concernant les zones 30, il s’agit de sections « ou ensemble de sections de voies constituant une zone affectée à la circulation de tous les usagers. Dans cette zone, la vitesse des véhicules est limitée à 30 km/ h. Toutes les chaussées sont à double sens pour les cyclistes, sauf dispositions différentes prises par l’autorité investie du pouvoir de police. Les entrées et sorties de cette zone sont annoncées par une signalisation et l’ensemble de la zone est aménagé de façon cohérente avec la limitation de vitesse applicable» ;
  • Enfin, les zones de rencontres sont, ainsi que je l’ai indiqué tout à l’heure, les sections « ou ensemble de sections de voies en agglomération constituant une zone affectée à la circulation de tous les usagers. Dans cette zone, les piétons sont autorisés à circuler sur la chaussée sans y stationner et bénéficient de la priorité sur les véhicules. La vitesse des véhicules y est limitée à 20 km / h. Toutes les chaussées sont à double sens pour les cyclistes, sauf dispositions différentes prises par l’autorité investie du pouvoir de police. Les entrées et sorties de cette zone sont annoncées par une signalisation et l’ensemble de la zone est aménagé de façon cohérente avec la limitation de vitesse applicable».

Ces zones particulières avaient déjà été prévues par le décret n°2008-754 du 30 juillet 2008 portant diverses dispositions de sécurité routière.

Il s’agissait donc pour le pouvoir réglementaire, conformément à l’article R. 411-25 du code de la route, de fixer « par arrêté conjoint [du Ministre chargé de la voirie nationale et du Ministre de l’intérieur] les conditions dans lesquelles est établie la signalisation routière pour signifier une prescription de l’autorité investie du pouvoir de police ou donner une information aux usagers ».

Par conséquent, le Ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie et le Ministre de l’intérieur ont entrepris de modifier l’arrêté du 24 novembre 1967 sur la signalisation des routes et autoroutes ainsi que l’instruction interministérielle sur la signalisation routière du 22 octobre 1963 pour adapter les règles de signalisation à ces nouvelles zones de circulation.

Il revient donc à l’autorité détentrice du pouvoir de police de la circulation de mettre en œuvre ces nouvelles prescriptions.

C’est le maire qui est ici visé. En effet, l’article L. 2213-1 du code général des collectivités territoriales dispose que :

« Le maire exerce la police de la circulation sur les routes nationales, les routes départementales et les voies de communication à l’intérieur des agglomérations, sous réserve des pouvoirs dévolus au représentant de l’Etat dans le département sur les routes à grande circulation ».

Le maire peut exercer ces pouvoirs de police pour interdire la circulation et le stationnement des véhicules dans certaines zones de la commune « dans le but de faire face à l’accroissement de la circulation » (C.E., 9 mars 1979, n°02942).

Le code général des collectivités territoriales permet également au maire d’une commune agissant par arrêté d’« interdire à certaines heures l’accès de certaines voies de l’agglomération ou de certaines portions de voie ou réserver cet accès, à certaines heures, à diverses catégories d’usagers ou de véhicules » pour des motifs liés à la régulation de la circulation et à la protection de l’environnement.

Cette compétence en matière de police de la circulation que le maire détient de l’article L. 2213-1 du code général des collectivités territoriales lui permet de déterminer le périmètre de ces zones spécifiques et d’y fixer les règles de circulation.

Selon les zones concernées, cela est confirmé par les dispositions spécifiques de la partie réglementaire du code de la route.

Ainsi, l’article R. 411-3-1 dispose, à propos des zones de rencontre que :

« Le périmètre des zones de rencontre et leur aménagement sont fixés par arrêté pris par l’autorité détentrice du pouvoir de police de la circulation après consultation des autorités gestionnaires de la voirie concernée et, s’il s’agit d’une section de route à grande circulation, après avis conforme du préfet ».

De la même manière, l’article R. 411-4 dispose, à propos des zones 30, que :

« Le périmètre des zones 30 et leur aménagement sont fixés par arrêté pris par l’autorité détentrice du pouvoir de police de la circulation après consultation des autorités gestionnaires de la voirie concernée et, s’il s’agit d’une section de route à grande circulation, après avis conforme du préfet »

Pour mettre en œuvre ces prescriptions, il est important de comprendre que deux arrêtés doivent être pris. Le premier devra déterminer le périmètre concerné par l’aménagement d’une zone spécifique, le second sera destiné à la mise en place de la signalisation[5].

Deux observations ressortent des développements précédents.

  • D’abord l’autorité détentrice du pouvoir de police de la circulation n’intervient qu’après que les autorités ministérielles compétentes (Ministre en charge de la voirie et Ministre de l’intérieur ont fixé les cadres devant être respectés en matière de signalisation. Ce constat est conforme à un objectif d’harmonisation des règles en matière de signalisation routière sur le territoire national.
  • Ensuite, il appartient à la seule autorité détentrice du pouvoir de police de la circulation de décider de la création de ces zones spécifiques de circulation. Dès lors qu’une telle zone est créée, il est tenu de mettre en place la signalisation prévue par l’arrêté du 23 septembre 2015.

Afin de répondre plus précisément à une question posée, l’interprétation combinée des dispositions des articles L. 2213-1 alinéa 1er du code général des collectivités territoriales et de l’article L. 2213-1-1 du même code accorde au maire une marge d’appréciation pour décider d’abaisser, dans sa commune, la vitesse maximale prévue par le code de la route.

En vertu de l’article L. 2213-1-1, « sans préjudice de l’article L. 2213-1, le maire peut, par arrêté motivé, fixer pour tout ou partie des voies de l’agglomération ouvertes à la circulation publique une vitesse maximale autorisée inférieure à celle prévue par le code de la route, eu égard à une nécessité de sécurité et de circulation routières, de mobilité ou de protection de l’environnement ».

Par conséquent, le maire d’une commune peut décider de créer une « zone 30 » dès lors que celle-ci se situe dans son agglomération. Si ce n’est pas le cas, l’arrêté réglementant la circulation sera irrégulier et pourra être annulé (en ce sens, voir C.E., 1er mars 1993, n°102785).

Pour les détails techniques, je n’ai pas trouvé de mesures exactes pour le marquage au sol. Par contre, conformément à l’article 1er 2°b) de l’arrêté du 23 septembre 2015, la signalisation avertissant de l’entrée dans une agglomération peut être accompagnée d’un panneau de type B30 classe 2 (dont le degré de réflexion est adapté à la voie publique) comme celui-ci :

Votre interrogation me permet de préciser un point important. Si l’autorité investie du pouvoir de police de la circulation est libre d’aménager le paysage urbain de façon à prévenir certains risques ou de réglementer la vitesse dans certaines zones, il doit, lorsqu’il décide de le faire, procéder à cet aménagement de manière à ce que les conditions de sécurité soient réunies.

En effet, une signalisation défaillante est de nature à engager la responsabilité de la commune.

Voir en ce sens :

La Cour administrative d’appel de Douai estime qu’un « marquage axial (…), prolongé trop avant dans l’intersection, a induit M. A en erreur et l’a conduit à poursuivre sa route tout droit jusque dans un champ ; que cet accident (…) résulte du marquage au sol qui pouvait induire les conducteurs en erreur ; que cette circonstance est constitutive d’un défaut d’entretien normal de l’ouvrage » (C.A.A. Douai, 8 juin 2010, n°09DA00472).

Ce défaut d’entretien normal de la voie publique est susceptible d’engager la responsabilité de la commune concernée. En ce sens, la cour administrative d’appel de Douai à confirmer la part de responsabilité de la commune dans la survenance d’un accident. Pour confirmer le jugement du tribunal administratif, les juges ont constaté que « le panneau stop présent à cette intersection n’était pas visible à 30 mètres de celle-ci, la bande d’arrêt au sol étant partiellement effacée » (C.A.A. DOUAI, 2 juillet 2009, n°08DA00709).

En 2003 déjà, la Cour administrative d’appel de Douai avait jugé que :

« (…) la signalisation à l’abord de l’intersection était insuffisante et ne permettait pas aux automobilistes circulant sur la rue des Tuileries d’aborder celle-ci dans des conditions normales de sécurité ; que l’absence d’une signalisation adaptée, à laquelle la commune n’établit ni même allègue avoir tenté de remédier, est constitutive d’un défaut d’entretien normal de la voirie communale de nature à engager la responsabilité de la commune d’Amblainville (…) » (C.A.A. Douai, 3 juin 2003, n°01DA00563).

Toutefois, la faute de l’usager peut être invoquée pour exonérer la commune de sa responsabilité. Il en va ainsi lorsqu’un cycliste percute un panneau situé sur la piste cyclable alors que celui-ci était placé « dans une portion de route rectiligne dégagée de tout obstacle susceptible le masquer et que les conditions de visibilité étaient, à l’heure de l’accident, satisfaisantes pour un usager normalement attentif, alors même qu’aucun marquage au sol préventif ne signalait sa présence ou la nécessité de déboîter de la piste cyclable » (C.A.A. Lyon, 22 décembre 2015, n°14LY00252).

Les services municipaux sont néanmoins tenus de mettre en œuvre tous les moyens nécessaires à l’exécution d’un arrêté du maire. Ainsi, une commune engage sa responsabilité si ses services ne mettent pas en œuvre les moyens suffisants pour assurer l’exécution d’un arrêté interdisant le stationnement devant une propriété.

En l’espèce, malgré l’existence d’un marquage au sol et d’un panneau interdisant le stationnement et la pose de cinq bornes anti-stationnement entre les deux entrées de la propriété du requérant, certains automobilistes continuaient de stationner devant la propriété. Aucune solution n’avait alors été envisagée pour assurer l’exécution de cet arrêté. Cette circonstance est de nature à engager la responsabilité de la Commune (C.A.A. Versailles, 9 février 2010, n°07VE01197).

En conséquence, le maire doit s’assurer de la bonne visibilité et de l’efficacité des signalisations avertissant d’un danger ou de l’entrée dans une zone de circulation spécifique.

Bien sûr, la sortie d’une zone spécifique entraîne immédiatement une modification des règles en matière de circulation.

L’aménagement de ces différents espaces doit prendre en compte le partage de la route. Le panneau matérialisant l’entrée dans une zone de rencontre illustre parfaitement ce constat. La route est désormais un espace devant être partagé par l’ensemble des usagers de l’espace public.

Le décret du 2 juillet 2015, ainsi que l’arrêté du 23 septembre, participent à faire de la route un espace partagé.

B. La route, un espace partagé

La détermination de nouvelles règles de signalisation routière répond à un double objectif. Elle a pour but d’assurer le partage des voies et de garantir la circulation de tous les usagers de l’espace public dans les meilleures conditions de sécurité.

C’est avec ce double impératif que le ministre de l’intérieur et celui de l’écologie et du développement durable et de l’énergie ont souhaité modifier le code de la route et les règles en matière de signalisation routière.

S’agissant de la volonté de partager les voies de circulation, il apparaît très nettement que les réformes engagées visent à adapter les signalisations – jusqu’alors pensées pour les véhicules motorisés – aux changements de mentalités en matière de transport urbain.

Ainsi, les cyclistes apparaissent aujourd’hui comme de véritables acteurs des villes et leur place dans l’environnement urbain doit être amélioré.

C’est la raison pour laquelle le décret du 2 juillet 2015, conformément à la volonté des initiateurs du plan d’action pour les mobilités actives, leur réserve une place particulière. Les cyclistes apparaissent même désormais comme des acteurs à part entière de la route.

En effet, jusqu’à présent, la place réservée aux cyclistes était située sur le bas côté droit de la route, sur la voie longeant les trottoirs ou les véhicules stationnés. Le reste de la route était réservée aux véhicules motorisés.

Les modifications introduites par le décret du 2 juillet 2015 présentent désormais les cyclistes comme des acteurs centraux des voies de circulation. L’article R. 412-9 du code de la route relatif aux principes généraux de circulation a été modifié en ce sens et deux alinéas ont été ajoutés pour prendre en compte ce changement d’état :

 «  (…) Un conducteur de cycle peut s’éloigner du bord droit de la chaussée lorsqu’une trajectoire matérialisée pour les cycles, signalisée en application des dispositions de l’article R. 411-25, le permet. 

Sur les voies où la vitesse maximale autorisée n’excède pas 50 km/ h, un conducteur de cycle peut s’écarter des véhicules en stationnement sur le bord droit de la chaussée, d’une distance nécessaire à sa sécurité »

Le cycliste est présenté comme étant un véritable conducteur et donc un acteur de la route. Une voie de circulation peut donc lui être spécialement réservée directement sur la chaussée si l’autorité de police prévoit un tel marquage en vertu de l’article R. 411-25 du code de la route.

Considérer le cycliste comme un véritable acteur de la route permet, dans le même temps, d’assurer la sécurité de tous les usagers. En effet, les instigateurs du projet du « code de la rue » voyaient dans ce nouveau positionnement et dans cette consécration du conducteur de cycle plusieurs vertus :

« (…) un positionnement un peu éloigné du bord droit physique de la part du cycliste est vertueux car, d’une part, il évite l’effet de surprise pour les piétons qui peuvent légitimement traverser entre des véhicules stationnés et, d’autre part, lorsque la voie est étroite, il dissuade les dépassements rasants des cyclistes par les automobilistes »[6].

Dans la lignée de cette première mesure, l’article R. 431-9 du code de la route prévoit désormais la possibilité de créer, dans les agglomérations, des « chaussées à voie centrale banalisée ».

Le principe est de réduire la largeur des voies de circulation réservées aux véhicules à moteurs et de permettre aux conducteurs de cycles de circuler sur les deux bas-côtés.

Au-delà de ce nouveau positionnement des conducteurs de cycle sur la chaussée, le code de la route a été modifié pour généraliser le « double sens cycliste », c’est-à-dire une voie où la circulation est possible dans les deux sens mais dont une voie est impérativement et exclusivement réservée aux cyclistes.

L’introduction de ce double sens par le décret n°2008-754 du 30 juillet 2008 portant diverses dispositions de sécurité routière répondait à une exigence des cyclistes selon laquelle leur situation n’était pas suffisamment prise en compte et les obligeaient à des comportements contraires à la réglementation.

Selon le Ministère de l’écologie, du développement durable et de l’énergie, « les cyclistes font rarement les détours engendrés par la présence de voirie à sens unique, soit parce que l’itinéraire proposé est plus long, soit parce qu’il est ressenti comme plus dangereux ». Il s’agit donc de « prévenir ces comportements, non par la répression mais par une signalisation, et là où c’est nécessaire, par un aménagement adapté »[7].

L’article R. 412-28-1 du code de la route, créé par le décret du 2 juillet 2015, généralise ce double sens cyclable sur l’ensemble des voies où la vitesse est égale ou inférieure à 30 km/h. Il dispose que :

« Lorsque la vitesse maximale autorisée est inférieure ou égale à 30 km/ h, les chaussées sont à double sens pour les cyclistes sauf décision contraire de l’autorité investie du pouvoir de police ».

Il est complété par l’article R. 431-9 du code de la route qui dispose que :

« Les conducteurs de cycles peuvent circuler sur les aires piétonnes dans les deux sens, sauf dispositions différentes prises par l’autorité investie du pouvoir de police, à la condition de conserver l’allure du pas et de ne pas occasionner de gêne aux piétons ».

En d’autres termes, dès lors qu’une zone 30, une zone de rencontre ou bien, plus simplement, lorsqu’une voie de circulation est limitée à 30 km/h, les cyclistes ont le droit de circuler dans le sens inverse des voitures.

Cette situation représente le principe mais l’autorité investie du pouvoir de police en la matière peut librement décider que la voie de circulation ne pourra être empruntée que dans un sens unique. Les raisons à cette exception peuvent être justifiées par un impératif de sécurité, la circulation dans les deux sens représentant, par exemple, un danger pour les cyclistes.

Il revient donc encore une fois au maire de prendre un arrêté pour prévoir les voies qui ne seront pas dotées d’un double sens cyclable.

S’agissant de l’exigence de sécurité, le décret n°2015-808 du 2 juillet 2015 et l’arrêté du 23 septembre 2015 apportent également des précisions importantes.

Les panneaux signalant des voies réservées aux cyclistes, ou des zones de circulation apaisées (comme peuvent l’être les zones de rencontre), représentent des illustrations des nouvelles règles de signalisation routières.

Cependant, pour que la prise en compte de nouveaux acteurs soit complète, les symboles lumineux doivent également être modifiés et actualisés. Cette exigence est impérative car elle participe à prévenir les risques d’accidents sur l’espace public.

Les piétons, considérés comme les usagers les plus vulnérables, sont concernés par cette modification des règles de signalisation.

L’arrêté du 23 septembre 2015 modifie en ce sens l’article 109-3 de la circulaire interministérielle sur la signalisation routière. Cette disposition, qui concerne les « différentes catégories de signaux lumineux de circulation », est complétée par un nouveau type de signal piéton. Celui-ci est constitué « de trois feux : figurine verte, trait vertical jaune clignotant et figurine rouge, normalement disposé dans cet ordre de droite à gauche ».

L’arrêté du 23 septembre 2015 précise que cette nouvelle signalisation doit être implantée « au droit de passages pour piétons en section courante ou lorsqu’il n’y a qu’un flux motorisé sécant faiblement conflictuel en intersection ».

En d’autres termes, cette nouvelle signalisation sera présente aux endroits où le nombre de piétons sera faible. D’ailleurs, le déclenchement de ce feu, prévu par l’article 7 4°d) de l’arrêté du 23 septembre, n’est possible que si un piéton est détecté dans la zone.

La signalisation à destination des cyclistes est également modifiée. Elle prend en compte la nouvelle place que le déplacement par cycles occupe désormais dans le paysage urbain.

Depuis 2012, les conducteurs de cycles étaient autorisés à tourner à droite aux intersections lorsque le feu de la voie de circulation empruntée était rouge. Désormais, les conducteurs de cycles sont autorisés à emprunter toutes les intersections dès lors qu’elles sont indiquées par une ou des flèches directionnelles en cédant le passage aux piétons ou aux véhicules ayant le feu vert :

Dans cette même optique, un symbole lumineux pourra être apposé sur les feux tricolores traditionnels pour indiquer aux conducteurs de cycles la possibilité de franchir l’intersection « en cédant le passage aux usagers bénéficiant du feu vert » (art. 7 1°c) de l’arrêté du 23 septembre 2015).

Pour répondre à une question posée, la signalisation dynamique s’inscrit dans cette démarche sécuritaire.

Au-delà des cas connus de signalisation dynamique qui sont mis en place pour prévenir de scénarii prédéfinis, la signalisation routière tente de s’adapter aux événements et aux conditions de circulation à un « instant t ». Par exemple, il peut s’agir de la prévention d’un risque temporaire (et pas uniquement l’alerte relative à l’existence de travaux sur le bord de la chaussée).

Cependant, le recours à une telle signalisation reste pour le moment et à ma connaissance limité à des cas d’expérimentation.

Plusieurs arrêtés et autres décisions ont été pris pour tenter, à l’aide de signalisation dynamique, de sécuriser et de fluidifier le trafic.

Aux fins de sécurisation, la décision du 6 septembre 2013 autorisant l’expérimentation d’une signalisation dynamique d’alerte en intersection a pour objectif de limiter les risques d’accident au niveau d’une intersection dangereuse. Le motif de l’expérimentation (limité au département de la Manche), indiqué en annexe de la décision, souligne que :

 » La signalisation expérimentale a pour fonction d’alerter l’usager circulant sur une route prioritaire et approchant une intersection n’offrant pas de bonnes conditions de visibilité de la présence d’un usager détecté sur une branche secondaire de cette intersection. L’information dynamique d’alerte vise à agir sur le comportement du conducteur circulant sur l’axe principal, notamment en ce qui concerne la vitesse pratiquée, et à accroître sa vigilance « .

Cette expérimentation a été prorogée jusqu’au 31 décembre 2015 par une décision du 31 juillet 2015 prorogeant l’expérimentation d’une signalisation dynamique d’alerte en intersection.

A ce jour, je n’ai pas trouvé quelles ont été les suites données à cette expérimentation et, notamment, si les pouvoirs publics ont pour ambition de généraliser cette signalisation.

Aux fins de fluidité du trafic, la signalisation dynamique a également été expérimentée sur le pont qui relie Saint-Nazaire à Saint Brévin-les-Pins.

L’arrêté du 29 septembre 2015 relatif à l’expérimentation de signalisation dynamique pour la mise en oeuvre d’une voie réversible sur le pont de Saint-Nazaire et ses ouvrages d’accès répond à cet objectif.

Il est noté que « l’objectif de ce dispositif expérimenté est d’améliorer les conditions de gestion du trafic sur cette liaison structurante qui, au niveau de la traversée du pont, connaît des problèmes de saturation suivant le sens de circulation, à certaines heures de la journée et en période estivale« .

Sur ce pont, trois axes de circulation existent. Ils sont jalonnés de plots lumineux qui, selon le sens de circulation, sont de couleurs rouge ou verte. La circulation se fait sur une file dans un sens, et sur deux files dans l’autre sens.

Ce dispositif fait l’objet d’une expérimentation pendant une durée de trois ans.

A ma connaissance, et en l’état de mes recherches, je n’ai pas trouvé de jurisprudence permettant de présenter un contentieux susceptible de se présenter sur ses signalisations dynamiques.

Il est toutefois certain qu’une telle pratique, grâce à son impact sur la sécurité des usagers de la route, suit l’effet d’entraînement impulsé par le décret du 2 juillet 2015, et plus généralement la dynamique des politiques routières imaginées depuis 2008.

Pour en revenir à notre point de départ, le décret n°2015-808 et l’arrêté du 23 septembre 2015 qui permet l’adaptation de la signalisation routière aux dispositions du premier texte s’inscrivent parfaitement dans le plan d’action pour les mobilités actives.

Ils continuent de responsabiliser les acteurs locaux pour adapter le paysage urbain à l’évolution des mentalités en matière de transports. Ainsi, les autorités locales, au premier rang desquelles figure le maire, disposent des outils juridiques (dans le décret) et matériels (dans l’arrêté) pour assurer le partage équilibré et harmonieux de la chaussée entre tous les usagers de l’espace public.

Ce partage conduit nécessairement à la remise en cause du réflexe du « tout automobile ».

II. L’apparition de nouvelles règles de signalisation routière au détriment du « tout automobile »

L’adoption de nouvelles règles de signalisation routière dans le cadre du plan d’action pour les mobilités actives marque le fléchissement du réflexe du « tout automobile ».

Dans la lignée des règles garantissant un meilleur partage et une plus grande harmonie entre les piétons, les cyclistes et les véhicules motorisés, le plan d’action pour les mobilités actives a envisagé l’amélioration du « respect des cheminements piétons et des voies réservées pour les cyclistes »[8].

Plusieurs éléments, combinant les exigences de répression, de sécurité, et de prévention, ont alors été envisagés.

Il s’agissait d’abord d’aggraver « le niveau des sanctions pour infraction à l’occupation des cheminements piétons ou des voies réservées aux cyclistes »[9]. Il était ensuite question d’une meilleure sécurité en interdisant aux véhicules motorisés, en amont des passages réservés aux piétons, de s’arrêter ou de stationner et ce, « afin de créer les conditions d’une meilleure co-visibilité »[10]. Enfin, cette nouvelle étape d’un « code de la rue à la française » incite les collectivités territoriales à ne plus prévoir des stationnements pour les véhicules motorisés dans cet espace de cinq mètres avant et après un passage piéton.

Ces éléments favorables à la circulation des piétons et des conducteurs de cycles confirment la volonté des autorités publiques de dessiner un code de la rue français.

Ses premiers contours, tracés par le décret n°2008-754 du 30 juillet 2008 portant diverses dispositions de sécurité routière, ont été confirmés par la suite par d’autres mesures. Le décret n°2010-1390 du 12 novembre 2010 portant diverses mesures de sécurité routière[11] en est un exemple. Il a, notamment, modifié l’article R. 415-11 alinéa 1er, lequel dispose désormais que :

« Tout conducteur est tenu de céder le passage, au besoin en s’arrêtant, au piéton s’engageant régulièrement dans la traversée d’une chaussée ou manifestant clairement l’intention de le faire ou circulant dans une aire piétonne ou une zone de rencontre ».

Afin de renforcer la priorité pour les piétons en traversée, l’objectif est « de sanctuariser les 5 m en amont d’un passage de tout stationnement ou arrêt de véhicule motorisé (le stationnement vélo ne posant pas de difficulté), pour une meilleure covisibilité »[12].

Trois moyens ont été envisagés pour permettre aux collectivités la création d’un nouvel espace de visibilité pour assurer la sécurité des piétons :

  • modifier le code de la voirie routière pour interdire l’aménagement de zones d’arrêt ou de stationnement en amont des passages piétons ;
  • créer une nouvelle infraction permettant aux autorités de police de verbaliser l’arrêt ou le stationnement dans les cinq mètres en amont du passage piéton ;
  • requalifier l’arrêt ou le stationnement sur les passages réservés à la circulation des piétons en traversée de chaussée de stationnement gênant en stationnement très gênant.

Toutes ces propositions n’ont pas été reprises par le décret n°2015-808 du 2 juillet 2015 et l’arrêté du 23 septembre 2015.

S’agissant de la modification du code de la voirie routière, aucune indication n’est précisée en ce sens. Il n’existe donc, à l’heure actuelle, aucune interdiction pesant sur les communes pour aménager des zones d’arrêt ou de stationnement en amont des passages piétons.

Cependant, il est tout à fait loisible au maire d’une commune, sur le fondement des dispositions du 2° de l’article L. 2213-2 du code général des collectivités territoriales, de « réglementer l’arrêt et le stationnement des véhicules ou de certaines catégories d’entre eux, ainsi que la desserte des immeubles riverains » « eu égard aux nécessités de la circulation ».

S’agissant de la création d’une nouvelle infraction visant à interdire l’arrêt et le stationnement en amont des passages piétons, les textes de 2015 restent également silencieux. Aucune nouvelle infraction n’est pour le moment prévue pour sanctionner ce type de comportement.

A la lecture de nos précédents propos, sanctionner les usagers de la route sur ce motif n’est cependant pas impossible. Il suffirait au maire d’une commune d’interdire le stationnement en amont d’un passage piéton et de sanctionner le contrevenant d’une amende forfaitaire d’un montant de 35 euros conformément aux nouvelles règles inscrites aux articles R. 417-1 et suivants du code de la route qui entreront en vigueur à partir du 1er octobre 2016.

Enfin, s’agissant de l’arrêt ou du stationnement sur les passages réservés à la circulation des piétons, le décret de 2015 les qualifie de « très gênants ». L’article R. 417-11 du code de la route est ainsi modifié pour intégrer ces situations. :

«  I.-Est considéré comme très gênant pour la circulation publique l’arrêt ou le stationnement : (…)

5° D’un véhicule sur les passages réservés à la circulation des piétons en traversée de chaussée ;

6° D’un véhicule au droit des bandes d’éveil de vigilance à l’exception de celles qui signalent le quai d’un arrêt de transport public (…) »

Les situations d’arrêt et de stationnement gênants sont donc désormais considérées comme une contravention de quatrième classe qui, selon l’article R. 49 du code de procédure pénale sont sanctionnées d’une amende forfaitaire d’un montant de 135 euros.

De la même manière, les arrêts et stationnements prévus aux articles R. 417-1 à R. 417-6 du code de la route, et considérés comme irréguliers, seront sanctionnés, à compter du 1er octobre 2016, d’une amende forfaitaire de deuxième classe soit d’un montant de 35 euros.

Il est intéressant de noter à cet égard que l’arsenal répressif s’est durci. Cette évolution suit celle entamée par le décret n°2011-876 du 25 juillet 2011 revalorisant le montant de l’amende forfaitaire pour certaines contraventions prévues par le code de la route en matière d’arrêt et de stationnement[13].

Ce décret avait pour objet de compléter l’article R. 49 du code de procédure pénale en sanctionnant d’une amende forfaitaire d’un montant de 17 euros les contraventions en matière d’arrêt et de stationnement prévues par les articles R. 417-1 à R. 417-6 du code de la route.

Cela permettait d’influer sur le comportement des contrevenants en les dissuadant de ne pas respecter les règles de stationnement et de ne pas limiter le montant de l’amende au simple coût des frais de dossier.

Jérôme MAUDET                            Louis Marie LE ROUZIC 

[1] Ministre de l’écologie du développement durable et de l’énergie, Plan d’actions pour les mobilités actives (P.A.M.A.). La marche et le vélo, 5 Mars 2014, 33 p., spéc. p. 1.
[2] Délégation à la Circulation et à la Sécurité routière, « La démarche du code de la rue », novembre 2009.
[3]Décret n°2015-808 du 2 juillet 2015 relatif au plan d’actions pour les mobilités actives et au stationnement, J.O.R.F. du 4 juillet 2015, p. 11306.
[4] Arrêté du 23 septembre 2015 relatif à la modification de la signalisation routière en vue de favoriser les mobilités actives, J.O.R.F. du 9 octobre 2015, p. 18341.
[5] En ce sens voir Ministre de l’écologie du développement durable et de l’énergie, Les zones de circulation particulières en milieu urbain, janvier 2011, p. 2.
[6] Ministre de l’écologie du développement durable et de l’énergie, Plan d’actions pour les mobilités actives (P.A.M.A.). La marche et le vélo, préc., p. 16.
[7] Ministre de l’écologie du développement durable et de l’énergie, Les zones de rencontre, janvier 2011, p. 5.
[8] Ministre de l’écologie du développement durable et de l’énergie, Plan d’actions pour les mobilités actives (P.A.M.A.). La marche et le vélo, préc., p. 1.
[9] Ministre de l’écologie du développement durable et de l’énergie, Plan d’actions pour les mobilités actives (P.A.M.A.). La marche et le vélo, préc., p. 11.
[10] Ministre de l’écologie du développement durable et de l’énergie, Plan d’actions pour les mobilités actives (P.A.M.A.). La marche et le vélo, préc., p. 11.
[11] Décret n°2010-1390 du 12 novembre 2010 portant diverses mesures de sécurité routière, J.O.R.F. du 16 novembre 2010, p. 20354.
[12] Ministre de l’écologie du développement durable et de l’énergie, Plan d’actions pour les mobilités actives (P.A.M.A.). La marche et le vélo, préc., p. 12.
[13] Décret n°2011-876 du 25 juillet 2011 revalorisant le montant de l’amende forfaitaire pour certaines contraventions prévues par le code de la route en matière d’arrêt et de stationnement, J.O.R.F. du 27 juillet 2011, p. 12762.

Collectivité : bornes rétractables réglementant l’accès aux secteurs piétonniers et responsabilité de la commune

L’hypothèse est classique…

Un automobiliste tente d’accéder à une voie piétonne alors qu’il ne dispose pas du badge d’accès nécessaire pour permettre d’abaisser la borne rétractable.

Naturellement, la borne en se relevant occasionne des dégâts sur son véhicule.

Le conducteur tente alors de rechercher la responsabilité de la commune à raison du dysfonctionnement de la borne.

La Cour administrative d’appel de Nantes, vient de débouter l’automobiliste imprudent en ces termes :

« 2. Considérant que, pour obtenir réparation, par le maître de l’ouvrage, des dommages qu’il a subis, l’usager de la voie publique doit démontrer, d’une part, la réalité de son préjudice et, d’autre part, l’existence d’un lien de causalité direct entre l’ouvrage et le dommage ; que pour s’exonérer de la responsabilité qui pèse ainsi sur elle, il incombe à la collectivité maître d’ouvrage, soit d’établir qu’elle a normalement entretenu l’ouvrage, soit de démontrer la faute de la victime ou l’existence d’un événement de force majeure ;

3. Considérant que les requérants soutiennent, d’une part, que le jour de l’accident, lorsque M.B…, conducteur du véhicule et gérant de la société JRD, s’est avancé dans la rue Parisie, la borne rétractable destinée à réguler l’accès à ce secteur piétonnier était abaissée et qu’elle s’est relevée alors que le véhicule était déjà engagé, et, d’autre part, que les conditions d’accès à cette rue n’étaient pas rappelées ;

4. Considérant, toutefois, qu’il résulte de l’instruction que la rue Parisie dans laquelle s’est engagé le véhicule se trouve dans la zone piétonne délimitée par un arrêté du maire d’Orléans du 7 août 2009, réglementant la circulation dans le centre ancien de la ville ; que l’accès à cette rue est régulé, pour les véhicules autorisés à y circuler, par une borne automatique rétractable, bien visible aux dates et heures de l’accident ; que les conditions de circulation étaient clairement rappelées à l’entrée de la rue par un panneau de signalisation ; qu’il est constant par ailleurs que le véhicule de la société JRD n’était pas détenteur d’un badge l’habilitant à franchir la borne et à circuler en zone piétonne ; qu’il résulte également de l’instruction et notamment du relevé informatique retraçant le fonctionnement de la borne, lequel est dépourvu d’ambiguïté, que le dispositif fonctionnait normalement à l’heure de l’accident et que quatre véhicules avaient pu la franchir pour pénétrer dans la zone piétonne à 15H05, 15H07, 15H08 et 15H11, puis qu’elle était en position haute à partir de 15H11 minutes et 49 secondes mais, alors que le feu était au rouge, s’est placée en position intermédiaire à 15h34minutes 36 secondes, heure de l’accident, ce qui témoigne de la détection d’un véhicule se trouvant devant la borne ; que, dans ces conditions, le choc du véhicule de la société JRD contre la borne automatique, qui a endommagé l’avant du véhicule ainsi qu’il ressort des termes du rapport d’expertise qui mentionne le remplacement du radiateur et du ventilateur, n’a pas été provoqué par le fonctionnement défectueux du dispositif automatique en cause, mais est entièrement imputable à l’imprudence du conducteur du véhicule ; que, par suite, c’est à juste titre que les juges de première instance ont estimé que la responsabilité de la commune d’Orléans ne pouvait être engagée sur le fondement du défaut d’entretien normal de cet ouvrage ; » (CAA NANTES, 18 Février 2016, N°15NT00323)

Jérôme MAUDET

Avocat au barreau de NANTES

Collectivités : modalités de cesssion des biens du domaine privé

La collectivité est libre de choisir les modalités de vente des biens faisant partie de son domaine privé.

Autrement dit, elle n’a pas l’obligation de recourir à l’adjudication préalablement à la cession d’un bien immobilier lui appartenant (CE, 26 oct. 1994, n° 121717).

Les actes afférents à cette vente seront des actes de droit privé et de ce chef ne constituent pas des documents communicables au sens de la CADA.

Par ailleurs, l’article L.2241-1 du code général des collectivités territoriales (CGCT) dispose que les communes de plus de 2000 habitants doivent obtenir l’accord du Conseil municipal préalablement à la cession des biens communaux lequel devra se prononcer au regard de l’avis des domaines :

« Le conseil municipal délibère sur la gestion des biens et les opérations immobilières effectuées par la commune, sous réserve, s’il s’agit de biens appartenant à une section de commune, des dispositions des articles L. 2411-1 à L. 2411-19.

Le bilan des acquisitions et cessions opérées sur le territoire d’une commune de plus de 2 000 habitants par celle-ci, ou par une personne publique ou privée agissant dans le cadre d’une convention avec cette commune, donne lieu chaque année à une délibération du conseil municipal. Ce bilan est annexé au compte administratif de la commune. »

Le service des domaines dispose d’un délai d’un mois, à compter de la réception de la demande d’avis et du dossier complet, pour se prononcer.

À défaut de réponse dans ce délai, le conseil municipal pourra délibérer aux conditions financières qu’il souhaite.

En outre, s’agissant d’un avis obligatoire, mais non « conforme », la commune ne sera pas obligée de le suivre cet avis.

Jérôme MAUDET

Avocat au barreau de Nantes

Droit des collectivités : pouvoirs du maire sur les branchements électriques provisoires

L’article 1er du décret n°72-1120 du 14/12/1972 prévoit seulement deux cas d’installations électriques pour lesquelles il est possible d’établir un branchement provisoire.

– les installations « dont le raccordement n’a qu’un caractère provisoire »,

« les installations dont la mise sous tension n’est demandée que pour une période limitée, en vue de procéder aux essais de l’installation ».

 Comme l’a récemment rappelé la Commission de régulation de l’énergie, un branchement provisoire n’a pas vocation à être utilisé à des fins pérennes.

« le raccordement provisoire d’une installation électrique est uniquement destiné à l’alimentation à caractère temporaire de celle-ci et ne peut être utilisé pour l’alimentation électrique définitive de l’installation. 

Un logement occupé (…) ne peut donc faire l’objet que d’une alimentation définitive, et non d’une alimentation provisoire (…) » (Commission de régulation de l’énergie, décision du 4 juin 2014 publiée au journal officiel du 27 septembre 2014).

 Les contrats type de branchements provisoires stipulent d’ailleurs expressément l’impossibilité d’utiliser un tel raccordement pour alimenter l’installation intérieure d’une habitation notamment :

« Ce raccordement à caractère temporaire, est uniquement destiné à l’alimentation d’une installation décrite ci-dessus. Il ne saurait en aucun cas servir à d’autres fins et ou à l’alimentation d’une installation électrique définitive, par exemple alimenter une installation intérieure d’une habitation ou d’un local sans CONSUEL. »

L’utilisation d’un raccordement provisoire à des fins pérennes ne permet pas de remplir cet objectif puisqu’aucun contrôle de l’installation ne peut intervenir sous le contrôle du CONSUEL.

Dans un telle hypohtèse, il appartient donc au Maire d’inviter le concessionnaire en charge des réseaux électriques de  mettre fin à cette situation tant sur le fondement des dispositions de l’article L.111-6 du Code de l’urbanisme lequel prévoit que :

 « Les bâtiments, locaux ou installations soumis aux dispositions des articles L. 421-1 à L. 421-4 ou L. 510-1, ne peuvent, nonobstant toutes clauses contraires des cahiers des charges de concession, d’affermage ou de régie intéressée, être raccordés définitivement aux réseaux d’électricité, d’eau, de gaz ou de téléphone si leur construction ou leur transformation n’a pas été, selon le cas, autorisée ou agréée en vertu des articles précités. »

Dans un arrêt du 28 janvier 2014, la Cour administrative d’appel de LYON a d’ailleurs considéré qu’un branchement prétendument provisoire doit être requalifié de définitif s’il est utilisé à des fins pérennes :

 « 6. Considérant qu’au contentieux, la commune de Châtel-Guyon soutient que la demande de raccordement provisoire au réseau électrique présentée par M. A…doit être regardée comme visant en réalité à obtenir un raccordement définitif à ce réseau ; qu’il ressort des pièces du dossier et n’est pas contesté qu’à la date à laquelle la décision litigieuse est intervenue, M. A… résidait d’une manière habituelle sur la parcelle cadastrée ZA 386 ; que, dans ces conditions, alors que la demande de raccordement provisoire ne correspond pas à une hypothèse d’occupation effectivement provisoire de la parcelle, mais à une occupation permanente, la demande de raccordement présentée par M. A…doit être regardée comme tendant en réalité à obtenir un raccordement définitif au réseau électrique ; que, par ailleurs, il est constant que le chalet et les caravanes qui sont situés sur le terrain constituent une construction et des installations irrégulières au regard des dispositions d’urbanisme applicables ; que, dès lors, le maire aurait pu légalement, en application des dispositions précitées de l’ article L. 111-6 du code de l’urbanisme  , s’opposer à ce raccordement définitif ; qu’il résulte de l’instruction que le maire aurait pris la même décision s’il s’était initialement fondé sur ce motif ; qu’en conséquence, il y a lieu de faire droit à la substitution de motifs demandée par la commune de Châtel-Guyon ;» (CAA LYON, 28 janvier 2014, N°13LY01302)

Voir également en ce sens :

« Si les requérants ont sollicité un raccordement provisoire, il ressort des pièces du dossier qu’ils résident de manière habituelle sur ces parcelles où ils ont effectué de nombreux aménagements, et ce depuis plusieurs années ; que dans ces conditions les demandes de raccordement qu’ils ont présentées doivent être regardées comme tendant en réalité à obtenir un raccordement définitif ; que dès lors le maire pouvait légalement s’y opposer en application des dispositions précitées de l’article L.11-6 du Code de l’urbanisme. » (TA GRENOBLE, 18 novembre 2014, N°1206133).

Ou encore :

 « 3. Considérant, en premier lieu, que les dispositions de l’article L. 111-6 citées ci-dessus permettent au maire de s’opposer au raccordement définitif au réseau de distribution d’électricité des caravanes et autres habitations mobiles stationnant irrégulièrement sur le territoire de la commune concernée, soit au regard des articles R. 443-1 et suivants du code de l’urbanisme, soit au regard du règlement annexé au plan d’occupation des sols ou du plan local d’urbanisme ; qu’il n’appartient pas au maire de se prononcer sur les demandes de raccordement aux réseaux n’entrant pas dans les prévisions de l’article L. 111-6, notamment si elles sont destinées à fournir en électricité des installations de pompage agricoles ; qu’en revanche, la circonstance que la demande de raccordement soit motivée par les besoins de l’exploitation agricole ne fait pas obstacle à ce que le maire fasse usage des pouvoirs d’opposition qu’il tient de l’article L. 111-6, dès lors qu’il estime que cette demande concerne des habitations mobiles en stationnement irrégulier ; que, par suite, en jugeant, après avoir indiqué que des habitations mobiles en stationnement irrégulier étaient présentes sur le terrain de Mme A à la date de la décision attaquée, que le maire avait pu légalement s’opposer à la demande de raccordement litigieuse, alors même que l’intéressée aurait pris l’engagement de n’utiliser l’électricité ainsi fournie qu’à des fins exclusivement agricoles, la cour n’a pas entaché son arrêt d’erreur de droit ; » (Conseil d’Etat, 26 décembre 2012, N°340503)

Jérôme MAUDET

Avocat au Barreau de Nantes

Droit pénal de l’urbanisme : caractères réel et complémentaire de la remise en état des lieux

Il résulte de l’article 131-11 du Code pénal que seules les peines complémentaires peuvent être prononcées à titre principal.

La Cour de cassation a ainsi censuré l’arrêt qui après avoir déclaré le prévenu coupable d’avoir exécuté des travaux non autorisés par un permis de construire, a ordonné à titre de peine principale et sous astreinte, la mise en conformité des lieux et la démolition des constructions irrégulières. (Cass. crim., 15 janv. 2013, n° 12-84.666 : JurisData n° 2013-001630.)

En effet, la mise en conformité des lieux ou des ouvrages, la démolition de ces  derniers ou la réaffectation du sol, prévues par l’article L. 480-5 du Code de l’urbanisme, constituent des mesures à caractère réel destinées à faire cesser une situation illicite et non des sanctions pénales.

Voir également en ce sens :

« Mais attendu que la mise en conformité des lieux ou des ouvrages, la démolition de ces derniers ou la réaffectation du sol, prévues par l’article L. 480-5 du code de l’urbanisme, constituent des mesures à caractère réel destinées à faire cesser une situation illicite, et non des sanctions pénales. »(Cass. Crim., 6 novembre 2012, N° 12-82.449, 6606, Numéro JurisData : 2012-025741)

Jérôme MAUDET

Avocat

Collectivités : Cession de biens par acte administratif

L’article L3211-14 du Code général de la propriété des personnes publiques dispose que :

« Les collectivités territoriales, leurs groupements et leurs établissements publics cèdent leurs immeubles ou leurs droits réels immobiliers, dans les conditions fixées par le code général des collectivités territoriales. »

Article L 1311-13 du Code général des collectivités territoriales modifié par LOI n°2013-403 du 17 mai 2013 – art. 1 (V)

« Les maires, les présidents des conseils départementaux et les présidents des conseils régionaux, les présidents des établissements publics rattachés à une collectivité territoriale ou regroupant ces collectivités et les présidents des syndicats mixtes sont habilités à recevoir et à authentifier, en vue de leur publication au fichier immobilier, les actes concernant les droits réels immobiliers ainsi que les baux, passés en la forme administrative par ces collectivités et établissements publics.

Lorsqu’il est fait application de la procédure de réception et d’authentification des actes mentionnée au premier alinéa, la collectivité territoriale ou l’établissement public partie à l’acte est représenté, lors de la signature de l’acte, par un adjoint ou un vice-président dans l’ordre de leur nomination. »

Les communes ont donc la possibilité de faire des actes en la forme administrative ce qui leur permet notamment de céder certains biens communaux sans avoir à recourir aux services d’un Notaire.

A cet effet, le Maire es qualité d’officier public, reçoit les actes, leur confère l’authenticité, et en assure la conservation.

Cette faculté n’est offerte aux collectivités qu’à la condition qu’elles soient parties à l’acte.

L’habilitation à recevoir et à authentifier de tels actes étant un pouvoir propre du maire ou du Président du Conseil Départemental ou Régional ne peut pas être déléguée.

L’organe délibérant de la collectivité territoriale partie à l’acte devra désigner, par délibération, un adjoint pour signer ce acte.

Monsieur le Maire, vous voilà Notaire pour l’ensemble des contrats à laquelle votre commune est partie.

Jérôme MAUDET

Avocat

Collectivités : vente de biens privés et mise en concurrence

Par un arrêt du 19 mars 2002, la Cour administrative d’appel de Bordeaux a déjà admis la validité d’une vente qui prévoyait la construction d’un ensemble immobilier devant ensuite faire l’objet d’une division dont un lot devait revenir à la commune :

« Considérant que, par délibération du 16 décembre 1988, le conseil de communauté de la COMMUNAUTE URBAINE DE BORDEAUX a autorisé son président à signer avec la S.A.R.L. Porte de Bordeaux un contrat par lequel cette société construirait et vendrait à la COMMUNAUTE URBAINE DE BORDEAUX, dans les conditions prévues à l’article 1601-3 du code civil, 714 places de stationnement ;

Considérant qu’il ressort des pièces du dossier, que si ce contrat tendait à la réalisation d’un parc public de stationnement, il n’avait pas pour objet la construction d’un immeuble que la COMMUNAUTE URBAINE DE BORDEAUX aurait conçu en fonction de ses besoins propres et selon des caractéristiques qu’elle aurait elle-même définies ; que la vente ne concernait qu’une partie d’un ensemble immobilier sur l’édification duquel la COMMUNAUTE URBAINE DE BORDEAUX n’exerçait aucun contrôle ni surveillance particulière, la S.A.R.L. Porte de Bordeaux étant maître de l’ouvrage ; qu’il suit de là que la COMMUNAUTE URBAINE DE BORDEAUX est fondée à soutenir que c’est à tort que, pour rejeter son action en responsabilité décennale, le tribunal administratif de Bordeaux a considéré que le contrat litigieux constituait un marché de travaux publics irrégulièrement conclu ;

Considérant qu’il résulte de ce qui précède que le contrat conclu entre la S.A.R.L. Porte de Bordeaux et la société Spie Sud-Ouest le 26 janvier 1989 pour la construction du parc de stationnement litigieux est un marché de travaux privés ; que la circonstance que le droit d’exercer l’action en garantie décennale ait été transmis à la COMMUNAUTE URBAINE DE BORDEAUX en vertu de l’article 1601- 3 du code civil après la réception de l’ouvrage ne saurait avoir pour effet de modifier la nature juridique de ces travaux dont la juridiction judiciaire peut seule connaître ; que par suite la demande de la COMMUNAUTE URBAINE DE BORDEAUX enregistrée au greffe du tribunal administratif de Bordeaux le 28 mai 1993 doit être rejetée comme portée devant une juridiction incompétente pour en connaître ; » (CAA Bordeaux 19 mars 2002, Cté urbaine de Bordeaux, req. n°97BX01384).

La Cour de justice de l’Union européenne tempère toutefois ce principe et considère qu’une convention peut être qualifiée de marché public de travaux si le contrat prévoit une implication de la personne publique ou répond à un besoin autre que la simple vente. (CJCE 25 mars 2010, Helmut Müller GmbH, aff. C-451/08).

En substance,  les ventes qui ne sont pas exclusivement destinées à céder un bien du domaine privé doivent être précédées d’une mise en concurrence.

La commune doit donc garder à l’esprit qu’il existe un risque de qualification dès lors que la commune souhaite être associée au moins indirectement à la réalisation du projet et qu’elle a vocation à acquérir un ou plusieurs lots in fine.

S’agissant des ventes réalisées par les collectivités, il n’est pas anodin de rappeler que la loi prévoit que les actes des personnes publiques peuvent être reçus par les notaires mais également par les maires ou présidents de conseil départemental voire le préfet également officiers publics. 

En pratique, l’acte authentique peut donc prendre la forme d’un acte administratif dont le coût peut s’avérer bien plus intéressant pour l’acquéreur tout en présentant les mêmes garanties.

Jérôme MAUDET

Avocat

Droit de la construction : L’intérêt du référé préventif en droit administratif

A l’occasion de travaux publics, il peut être intéressant pour une commune ou l’un de ses mandataires, de faire établir un constat des propriétés avoisinantes afin de prévenir toute contestation ultérieure.

Un constat d’huissier est envisageable ainsi qu’une expertise amiable réalisée par un homme de l’art.

Toutefois, ces deux méthodes sont loin de pouvoir rivaliser avec une expertise judiciaire contradictoire.

En effet, une telle expertise sera opposable aux parties à la cause et la mission confiée à l’homme de l’art pourra se poursuivre pendant toute la durée des travaux.

En outre, en cas de difficulté de quelque nature que ce soit, il pourra en être référé au juge en charge du contrôle des expertise.

Dans le cadre de travaux publics, la compétence juridictionnelle pour désigner un expert aux fins de constat préventif appartient au juge adminsitratif.

Le juge des référés peut, sur simple requête qui peut être présentée sans ministère d’avocat et même en l’absence d’une décision administrative préalable, désigner un expert pour constater sans délai les faits qui seraient susceptibles de donner lieu à un litige devant la juridiction.

L’article R. 532-1 du Code de justice administrative dispose en effet que :

« Le juge des référés peut, sur simple requête et même en l’absence de décision administrative préalable, prescrire toute mesure utile d’expertise ou d’instruction.

Il peut notamment charger un expert de procéder, lors de l’exécution de travaux publics, à toutes constatations relatives à l’état des immeubles susceptibles d’être affectés par des dommages ainsi qu’aux causes et à l’étendue des dommages qui surviendraient effectivement pendant la durée de sa mission.

Les demandes présentées en application du présent chapitre sont dispensées du ministère d’avocat si elles se rattachent à des litiges dispensés de ce ministère. »

La mission de l’expert proposée au Tribunal dépend de différents paramètres et notamment de la configuration des lieux et des protagonistes (copropriété, centre ville, campagne….)

L’objectif est de faire dresser un état descriptif et qualitatif des immeubles riverains.

Ainsi, si des fissures apparaissent sur lesdits immeubles en cours de chantier, la collectivité devra prendre en charge les frais de réparation ou les faire supporter aux entreprises ou à son assureur.

Inversement les fissures préexistantes ne pourront donner lieu à aucune demande de la part des riverains.

Il est également intéressant de solliciter du juge des référés que l’expert puisse s’adjoindre les conseils d’un sapiteur dans des cas précis (risque de pollution voire d’effondrement, milieu sensible….).

Dans le cadre d’une telle procédure les collectivités ont souvent intérêt à rendre opposables les opérations d’expertise aux entreprises en charge des travaux.

Du point de vue de la procédure, et à l’inverse de la procédure judiciaire, c’est le greffe du Tribunal qui se charge de la notification des requêtes aux défendeurs et non un huissier.

Le coût pour la collectivité s’avère donc moins important que dans le cadre d’une procédure initiée sur le fondement des dispositions de l’article 145 du Code de procédure civile.

Aucune consignation ne sera exigée avant le début des opérations d’expertise.

Le montant des frais d’expertise sera fixé par ordonnance de taxe qui intervient après le début des opérations d’expertise, voire même après le dépôt du rapport.

En règle générale, il convient de prévoir un délai d’environ un mois entre le dépôt de la requête et la désignation d’un expert judiciaire.

Jérôme MAUDET

Avocat au Barreau de NANTES