Contentieux administratif : sanction du non respect des demandes de productions émanant du juge administratif

L’article R.611-8-1 du Code de justice administrative dispose dans sa rédaction issue du Décret du 7 février 2019 que :

« Le président de la formation de jugement ou le président de la chambre chargée de l’instruction peut demander à l’une des parties de reprendre, dans un mémoire récapitulatif, les conclusions et moyens précédemment présentés dans le cadre de l’instance en cours, en l’informant que, si elle donne suite à cette invitation, les conclusions et moyens non repris seront réputés abandonnés. En cause d’appel, il peut être demandé à la partie de reprendre également les conclusions et moyens présentés en première instance qu’elle entend maintenir.

Le président de la formation de jugement ou le président de la chambre chargée de l’instruction peut en outre fixer un délai, qui ne peut être inférieur à un mois, à l’issue duquel, à défaut d’avoir produit le mémoire récapitulatif mentionné à l’alinéa précédent, la partie est réputée s’être désistée de sa requête ou de ses conclusions incidentes. La demande de production d’un mémoire récapitulatif informe la partie des conséquences du non-respect du délai fixé. »

L’article R.612-5-1 du même Code prévoit quant à lui que :

« Lorsque l’état du dossier permet de s’interroger sur l’intérêt que la requête conserve pour son auteur, le président de la formation de jugement ou le président de la chambre chargée de l’instruction, peut inviter le requérant à confirmer expressément le maintien de ses conclusions. La demande qui lui est adressée mentionne que, à défaut de réception de cette confirmation à l’expiration du délai fixé, qui ne peut être inférieur à un mois, il sera réputé s’être désisté de l’ensemble de ses conclusions. »

Ces dispositions confèrent au juge rapporteur la faculté de demander aux parties de produire un mémoire récapitulatif dans un délai déterminé. À défaut de le faire, le requérant est réputé se désister d’office.

Le Conseil d’Etat a déjà eu à connaître de recours contre des ordonnances rendues sur le fondement de de ces dispositions.

A propos de l’article R.611-8-1 du Code de justice administrative le Conseil d’Etat a considéré que :

  1. « Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. et Mme A… ont fait l’objet d’un examen contradictoire de leur situation fiscale personnelle portant sur les années 2009 à 2011, à l’issue duquel ils se sont vu notifier des rehaussements d’impôt sur le revenu et de cotisations sociales. Les épouxA…, après avoir contesté en vain ces impositions supplémentaires, ont saisi le tribunal administratif d’Orléans d’une demande tendant à en obtenir la décharge, qui a été rejetée par un jugement du 8 décembre 2015. Ils se pourvoient en cassation contre l’ordonnance du 28 décembre 2017 par laquelle le président de la 1ère chambre de la cour administrative d’appel de Nantes leur a, en application de l’article R. 611-8-1 du code de justice administrative, donné acte du désistement de la requête d’appel qu’ils avaient introduite contre ce jugement.
  2. L’article R. 611-8-1 du code de justice administrative, figurant au livre VI de ce code relatif à l’instruction des requêtes, dispose :  » Le président de la formation de jugement ou, au Conseil d’Etat, le président de la chambre chargée de l’instruction peut demander à l’une des parties de reprendre, dans un mémoire récapitulatif, les conclusions et moyens précédemment présentés dans le cadre de l’instance en cours, en l’informant que, si elle donne suite à cette invitation, les conclusions et moyens non repris seront réputés abandonnés. En cause d’appel, il peut être demandé à la partie de reprendre également les conclusions et moyens présentés en première instance qu’elle entend maintenir. / Le président de la formation de jugement ou, au Conseil d’Etat, le président de la chambre chargée de l’instruction peut en outre fixer un délai, qui ne peut être inférieur à un mois, à l’issue duquel, à défaut d’avoir produit le mémoire récapitulatif mentionné à l’alinéa précédent, la partie est réputée s’être désistée de sa requête ou de ses conclusions incidentes. La demande de production d’un mémoire récapitulatif informe la partie des conséquences du non-respect du délai fixé « .
  3. A l’occasion de la contestation de l’ordonnance prenant acte du désistement d’un requérant en l’absence de réponse à l’expiration du délai qui lui a été fixé pour produire un mémoire récapitulatif, il incombe au juge, saisi de moyens en ce sens, de vérifier que l’intéressé a reçu la demande mentionnée par les dispositions précitées de l’article R. 611-8-1 du code de justice administrative, que cette demande fixait un délai d’au moins un mois au requérant pour répondre et l’informait des conséquences d’un défaut de réponse dans ce délai, enfin que le requérant s’est abstenu de répondre dans le délai requis. En revanche, la seule circonstance que l’instruction était close à la date à laquelle le président de la formation de jugement a demandé à la partie en cause de produire un mémoire récapitulatif n’est, par elle-même, de nature ni à exonérer cette partie de l’obligation de produire un tel mémoire dans le délai qui lui est imparti, ni à faire obstacle à ce qu’un désistement soit constaté à défaut de respect de cette obligation.
  4. Il ressort des pièces du dossier d’appel que, par un courrier en date du 21 novembre 2017, le président de la 1ère chambre de la cour administrative d’appel a demandé à M. et MmeA…, en application de l’article R. 611-8-1 du code de justice administrative, de produire un mémoire récapitulatif dans un délai d’un mois, en leur précisant que cette obligation leur incombait à peine de désistement de leur requête d’appel. Faute pour les requérants d’avoir produit le mémoire demandé, ce magistrat leur a donné acte de leur désistement par une ordonnance du 27 décembre 2017.
  5. Il découle de ce qui a été dit au point 4 que les époux A…ne sont pas fondés à soutenir que l’ordonnance attaquée serait entachée d’irrégularité ni d’une erreur de droit ou de qualification juridique au motif que, par une ordonnance en date du 27 octobre 2017, le président de la 1ère chambre de la cour administrative d’appel avait fixé la clôture de l’instruction au 13 novembre suivant, de sorte que l’instruction était close à la date à laquelle il leur a été demandé de produire un mémoire récapitulatif. » (CE 8 février 2019, N° 418599)

Voir également en ce sens : (CE 25 juin 2018, N°416720)

S’agissant de l’application de l’article R.612-5-1 du même Code le Conseil d’Etat juge dans le même sens que :

« 2. Aux termes de l’article R. 612-5-1 du code de justice administrative :  » Lorsque l’état du dossier permet de s’interroger sur l’intérêt que la requête conserve pour son auteur, le président de la formation de jugement (…) peut inviter le requérant à confirmer expressément le maintien de ses conclusions. La demande qui lui est adressée mentionne que, à défaut de réception de cette confirmation à l’expiration du délai fixé, qui ne peut être inférieur à un mois, il sera réputé s’être désisté de l’ensemble de ses conclusions « .

  1. Il ressort des pièces des dossiers soumis aux juges du fond que la SAS Roset a saisi le tribunal administratif de Lyon le 15 avril 2015 de deux requêtes tendant à la réduction des cotisations de taxe foncière auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2012 à 2014 à raison des locaux dont elle est propriétaire dans les communes de Saint-Rambert-en-Bugey et Saint-Jean-le-Vieux. L’administration fiscale a présenté deux mémoires en défense, qui ont été enregistrés au greffe du tribunal les 16 et 19 novembre 2015. Par deux courriers du 20 janvier 2017, notifiés par la voie de l’application informatique Télérecours et dont le conseil de la requérante a accusé réception le même jour, le président de la 4ème chambre du tribunal a demandé à la requérante de confirmer le maintien de ses conclusions, en précisant qu’à défaut de réception de cette confirmation dans un délai d’un mois, elle serait réputée s’être désistée de ses conclusions en application des dispositions précitées de l’article R. 612-5-1 du code de justice administrative. La SAS Roset n’ayant pas répondu à ces demandes dans le délai fixé, le président de la 4e chambre a, par les ordonnances attaquées du 8 mars 2017, donné acte de son désistement.
  2. A l’occasion de la contestation de l’ordonnance prenant acte du désistement d’un requérant en l’absence de réponse à l’expiration du délai qui lui a été fixé, il incombe au juge, saisi de moyens en ce sens, de vérifier que l’intéressé a reçu la demande mentionnée par les dispositions précitées de l’article R 612-5-1 du code justice administrative, que cette demande fixait un délai d’au moins un mois au requérant pour répondre et l’informait des conséquences d’un défaut de réponse dans ce délai, enfin que le requérant s’est abstenu de répondre en temps utile. En revanche, les motifs pour lesquels le juge, auquel il incombe de veiller à une bonne administration de la justice, estime que l’état du dossier permet de s’interroger sur l’intérêt que la requête conserve pour son auteur ne peuvent être utilement discutés. Le juge n’est tenu d’indiquer ces motifs ni dans la demande de confirmation du maintien des conclusions qu’il adresse au requérant ni dans l’ordonnance par laquelle il prend acte, le cas échéant, de son désistement.
  3. Il résulte de ce qui précède que les pourvois de la SAS Roset, qui se borne à soutenir que le président de la 4ème chambre du tribunal administratif de Lyon aurait dû vérifier que des circonstances objectives justifiaient qu’il s’interroge sur l’intérêt que sa requête conservait pour lui et motiver son ordonnance sur ce point, doivent être rejetés. (CE 19 mars 2018, N°410389).

Jérôme MAUDET

Avocat

Droit pénal de l’urbanisme : liquidation de l’astreinte et remise en état des lieux

Le constructeur qui s’affranchit des règles d’urbanisme s’expose à des sanctions pénales pouvant aller jusqu’à la démolition de l’ouvrage.

La remise en état est en effet la question la plus délicate puisqu’il s’agit ni plus ni moins que de faire procéder à la démolition de l’ensemble du bâtiment existant lequel a été reconstruit en méconnaissance du permis de construire octroyé par Ville.

Cette mesure présente un caractère réel et ne sanctionne donc pas une culpabilité personnelle.

De ce chef elle serait donc opposable à l’acquéreur des constructions en cas de revente du bien.

La démolition est susceptible d’être poursuivie pendant 30 ans.

L’article L.480-9 du Code de l’urbanisme permet au maire ou au préfet de procéder, dès l’expiration du délai imparti par le juge, à l’exécution d’office des mesures de restitution, aux frais du bénéficiaire des travaux.

Cet article dispose en effet que :

« Si, à l’expiration du délai fixé par le jugement, la démolition, la mise en conformité ou la remise en état ordonnée n’est pas complètement achevée, le maire ou le fonctionnaire compétent peut faire procéder d’office à tous travaux nécessaires à l’exécution de la décision de justice aux frais et risques du bénéficiaire des travaux irréguliers ou de l’utilisation irrégulière du sol. »

Le Maire ou le Préfet ne sont donc pas en situation de compétence liée en ce qui concerne la démolition de l’ouvrage.

Si la démolition est décidée, aucune autorisation supplémentaire ne sera requise notamment pour pénétrer dans les lieux sous réserve que la démolition ne porte pas atteinte à des droits acquis par des tiers et notamment des locataires ou occupants.

L’article L.480-9 précité impose la saisine du juge judiciaire uniquement si la mesure porte atteinte à des droits acquis par des tiers :

« Au cas où les travaux porteraient atteinte à des droits acquis par des tiers sur les lieux ou ouvrages visés, le maire ou le fonctionnaire compétent ne pourra faire procéder aux travaux mentionnés à l’alinéa précédent qu’après décision du tribunal de grande instance qui ordonnera, le cas échéant, l’expulsion de tous occupants. » 

Préalablement à l’engagement de travaux de démolition la personne publique peut décider de faire liquider l’astreinte prononcée par le juge pénal.

L’article L.480-8 du code de l’urbanisme prévoit sur ce point que :

« Les astreintes sont liquidées au moins une fois chaque année et recouvrées par l’Etat, pour le compte de la ou des communes aux caisses desquelles sont reversées les sommes perçues, après prélèvement de 4 % de celles-ci pour frais d’assiette et de recouvrement. »

Il appartient donc au Maire en sa qualité d’agent de l’Etat de liquider l’astreinte au moyen d’un titre exécutoire.

S’il s’y estime fondé le débiteur de l’obligation de payer pourra contester la liquidation devant la juridiction qui a prononcé l’astreinte.

Voir notamment en ce sens :

« que la créance d’une commune en liquidation du produit d’une astreinte assortissant l’arrêt de la chambre correctionnelle d’une cour d’appel condamnant un prévenu à une amende pour infraction aux règles de l’urbanisme et lui ordonnant la démolition des ouvrages édifiés irrégulièrement, trouve son fondement dans la condamnation, pénale et civile, prononcée par la juridiction répressive, le contentieux du recouvrement de l’astreinte prononcée ressortissant ainsi aux juridictions répressives, la cour d’appel a méconnu les textes susvisés ; » (Cass. Crim., 24 mars 2015, n°14-84300)

Une fois liquidée la collectivité pourra demander qu’une nouvelle astreinte soit fixée en saisissant le Procureur pour qu’il requiert en ce sens.

L’article L.480-7 du Code de l’urbanisme dispose en effet que :

« Si l’exécution n’est pas intervenue dans l’année de l’expiration du délai, le tribunal peut, sur réquisition du ministère public, relever à une ou plusieurs reprises, le montant de l’astreinte, même au-delà du maximum prévu ci-dessus.»

 

Jérôme MAUDET

Avocat

Contentieux administratif : le Conseil d’Etat revient sur les conditions de recevabilité d’un recours indemnitaire

Par un avis du 27 mars 2019, le Conseil d’Etat est venu préciser les conditions d’application de l’article R. 421-1 du code justice administrative relatif aux recours indemnitaires et à la liaison du contentieux.

Rappelons que l’article R.421-1 du Code de justice administrative dispose notamment que :

« Lorsque la requête tend au paiement d’une somme d’argent, elle n’est recevable qu’après l’intervention de la décision prise par l’administration sur une demande préalablement formée devant elle. »

Cette rédaction issue du Décret n°2016-1480 du 2 novembre 2016 semblait imposer aux requérants d’obtenir une décision de la part de l’administration préalablement à l’engagement d’une procédure contentieuse.

La possibilité de régulariser la procédure en cours d’instance issue de la jurisprudence dite « Etablissement Français du Sang » du 11 avril 2008 semblait donc devoir être écartée.

« Considérant qu’aucune fin de non-recevoir tirée du défaut de décision préalable ne peut être opposée à un requérant ayant introduit devant le juge administratif un contentieux indemnitaire à une date où il n’avait présenté aucune demande en ce sens devant l’administration lorsqu’il a formé, postérieurement à l’introduction de son recours juridictionnel, une demande auprès de l’administration sur laquelle le silence gardé par celle-ci a fait naître une décision implicite de rejet avant que le juge de première instance ne statue, et ce quelles que soient les conclusions du mémoire en défense de l’administration ; que lorsque ce mémoire en défense conclut à titre principal, à l’irrecevabilité faute de décision préalable et, à titre subsidiaire seulement, au rejet au fond, ces conclusions font seulement obstacle à ce que le contentieux soit lié par ce mémoire lui-même ; » (CE, 11 avril 2008, n°281374)

Toutefois dans son avis du 27 mars 2019, le Conseil d’Etat a considéré, après avoir rappelé que le défaut de liaison du contentieux était un moyen d’ordre public pouvant être soulevé d’office par le juge administratif, que l’intervention d’une demande indemnitaire en cours de procédure est bien de nature à régulariser la procédure.

« 2. Il résulte de ces dispositions qu’en l’absence de décision de l’administration rejetant une demande formulée devant elle par le requérant ou pour son compte, une requête tendant au versement d’une somme d’argent est irrecevable et peut être rejetée pour ce motif même si, dans son mémoire en défense, l’administration n’a pas soutenu que cette requête était irrecevable, mais seulement que les conclusions du requérant n’étaient pas fondées.  

3. En revanche, les termes du second alinéa de l’article R.421-1 du Code de justice administrative n’impliquent pas que la condition de recevabilité de la requête tenant à l’existence d’une décision de l’administration s’apprécie à la date de son introduction. Cette condition doit être regardée comme remplie si, à la date à laquelle le juge statue, l’administration a pris une décision, expresse ou implicite, sur une demande formée devant elle. Par suite l’intervention d’une telle décision en cours d’instance régularise la requête, sans qu’il soit nécessaire que le requérant confirme ses conclusions et alors même que l’administration aurait auparavant opposé une fin de non-recevoir fondée sur l’absence de décision. » (CE Sect. avis 27 mars 2019, n° 426472).

 

Jérôme MAUDET

Avocat

Collectivités : les protocoles transactionnels sont ils des documents communicables ?

Aux termes de l’article 2044 du Code civil :

« La transaction est un contrat par lequel les parties, par des concessions réciproques, terminent une contestation née, ou préviennent une contestation à naître.

Ce contrat doit être rédigé par écrit. »

Sous le contrôle du juge administratif, les personnes publiques, peuvent recourir à la transaction pour mettre fin à un litige né ou à naître.

L’office du juge administratif sera de s’assurer que les conditions de la transaction sont licites et que le contrat ne comporte pas de libéralités de la part de la personne publique :

« 5. Considérant, en troisième lieu, que, lorsqu’il est saisi d’un déféré préfectoral contre une transaction, ou d’une demande recevable tendant à son homologation, le juge vérifie que les parties consentent effectivement à la transaction, que l’objet de cette transaction est licite, qu’elle ne constitue pas de la part de la collectivité publique intéressée une libéralité et qu’elle ne méconnaît pas d’autres règles d’ordre public ; que, si une de ces conditions n’est pas remplie, la non-homologation entraîne la nullité de la transaction ; » (CAA Lyon, 28 février 2013, N°12LY01347)

Une fois le protocole d’accord transactionnel régularisé se pose la question de sa communicabilité aux tiers.

En d’autres termes, un protocole d’accord est-il un document communicable au sens des dispositions de la loi du 17 juillet 1978 portant diverses mesures d’amélioration des relations entre l’administration et le public ?

Par un arrêt du 18 mars 2019, le Conseil d’Etat a répondu par l’affirmative à cette question tout en précisant que cette communication ne doit pas porter atteinte au déroulement des procédures engagées :

« 1. Il résulte des articles 1er et 2 de la loi du 17 juillet 1978 portant diverses mesures d’amélioration des relations entre l’administration et le public et diverses dispositions d’ordre administratif, social et fiscal, désormais codifiés aux articles L. 300-1 à L. 311-2 du code des relations entre le public et l’administration, que l’Etat, les collectivités territoriales ainsi que les autres personnes de droit public ou les personnes de droit privé chargées d’une mission de service public sont tenues de communiquer aux personnes qui en font la demande les documents administratifs qu’elles détiennent, définis comme les documents produits ou reçus dans le cadre de leur mission de service public, sous réserve des dispositions de l’article 6 de cette loi, désormais codifiées aux articles L. 311-5 à L. 311-8 du même code. Aux termes du f) du 2° du I de cet article 6, devenu le f) du 2° de l’article L. 311-5 de ce code, ne sont pas communicables les documents dont la consultation ou la communication porterait atteinte  » au déroulement des procédures engagées devant les juridictions ou d’opérations préliminaires à de telles procédures, sauf autorisation donnée par l’autorité compétente ».

2. Un protocole transactionnel conclu par l’administration afin de prévenir ou d’éteindre un litige relevant de la compétence de la juridiction administrative constitue un contrat administratif et présente le caractère d’un document administratif communicable dans les conditions définies par les dispositions citées précédemment. Lorsqu’un tel contrat vise à éteindre un litige porté devant la juridiction administrative, sa communication est toutefois de nature à porter atteinte au déroulement de la procédure juridictionnelle engagée. Elle ne peut, dès lors, intervenir, sous réserve du respect des autres secrets protégés par la loi tel notamment le secret en matière commerciale et industrielle, qu’après que l’instance en cause a pris fin.

3. Il ressort de l’examen du protocole transactionnel, conclu le 9 avril 2015, entre l’Etat et différentes sociétés concessionnaires d’autoroutes, communiqué à la suite de la décision avant dire droit du 3 octobre 2018, que ce document prévoit qu' » eu égard au caractère de règlement d’ensemble du présent protocole et en contrepartie de la complète exécution des engagements pris par l’Etat dans le cadre de ce règlement, les sociétés concessionnaires d’autoroutes s’engagent, pour leur part, à se désister, dans les conditions précisées ci-après, de leurs différentes requêtes présentées devant les juridictions administratives en février 2015 et jusqu’à ce jour […] ». En jugeant que le refus de communication de cet accord, opposé à M. B… après qu’il a été donné acte aux sociétés contractantes du désistement des actions qu’elles avaient engagées devant les juridictions administratives, méconnaissait les dispositions citées au point 1, le tribunal administratif de Paris n’a pas entaché son jugement d’erreur de droit. » (Conseil d’État, 18 mars 2019, n°403465)

Jérôme MAUDET

Avocat

Collectivités victimes : conditions de recevabilité de la constitution de partie civile

Pollutions, dégradations, vols, violences commises contre les agents ou les biens des collectivités, atteinte à l’image… les hypothèses où la collectivité apparaît légitime à voir reconnaître sa qualité de victime sont nombreuses.

Comme l’a récemment rappelé la Cour de cassation dans un arrêt du 12 mars 2019, une collectivité en charge de l’intérêt général n’est toutefois pas une victime comme les autres.

L’article 2 du Code de procédure pénale prévoit que :

« L’action civile en réparation du dommage causé par un crime, un délit ou une contravention appartient à tous ceux qui ont personnellement souffert du dommage directement causé par l’infraction.

La renonciation à l’action civile ne peut arrêter ni suspendre l’exercice de l’action publique, sous réserve des cas visés à l’alinéa 3 de l’article 6. »

L’article 85 du même Code dispose que :

« Toute personne qui se prétend lésée par un crime ou un délit peut en portant plainte se constituer partie civile devant le juge d’instruction compétent en application des dispositions des articles 52, 52-1 et 706-42.

Toutefois, la plainte avec constitution de partie civile n’est recevable qu’à condition que la personne justifie soit que le procureur de la République lui a fait connaître, à la suite d’une plainte déposée devant lui ou un service de police judiciaire, qu’il n’engagera pas lui-même des poursuites, soit qu’un délai de trois mois s’est écoulé depuis qu’elle a déposé plainte devant ce magistrat, contre récépissé ou par lettre recommandée avec demande d’avis de réception, ou depuis qu’elle a adressé, selon les mêmes modalités, copie à ce magistrat de sa plainte déposée devant un service de police judiciaire. Cette condition de recevabilité n’est pas requise s’il s’agit d’un crime ou s’il s’agit d’un délit prévu par la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse ou par les articles L. 86, L. 87, L. 91 à L. 100, L. 102 à L. 104, L. 106 à L. 108 et L. 113 du code électoral (…). »

L’article 87 précise que :

« La constitution de partie civile peut avoir lieu à tout moment au cours de l’instruction.

Elle peut être contestée par le procureur de la République ou par une partie.

En cas de contestation, ou s’il déclare irrecevable la constitution de partie civile, le juge d’instruction statue, après communication du dossier au ministère public, par ordonnance motivée dont l’intéressé peut interjeter appel.

Si la contestation d’une constitution de partie civile est formée après l’envoi de l’avis de fin d’information prévu à l’article 175, elle ne peut être examinée ni par le juge d’instruction, ni, en cas d’appel, par la chambre de l’instruction, sans préjudice de son examen, en cas de renvoi, par la juridiction de jugement.»

De longue date, la chambre criminelle de la Cour de cassation a reconnu la possibilité pour une collectivité de se constituer partie civile :

« Attendu que les articles 2 et 3 du Code de procédure pénale ouvrent l’action civile à tous ceux qui ont personnellement souffert du dommage, matériel ou moral, découlant des faits, objet de la poursuite, sans en exclure les personnes morales de droit public ; » (Cass. Crim., 7 avril 1999 N° de pourvoi: 98-80067)

Selon la jurisprudence, les circonstances sur lesquelles s’appuient la constitution de partie civile doivent permettre à la juridiction d’instruction d’admettre comme possibles, non seulement l’existence du préjudice allégué, mais aussi la relation directe de celui-ci avec l’infraction poursuivie.

« s’il est vrai que la constitution de partie civile peut avoir pour seul objet de corroborer l’action publique, encore faut-il, pour qu’elle soit recevable, que les circonstances sur lesquelles elle s’appuie permettent à la juridiction d’instruction d’admettre comme possibles, non seulement l’existence du préjudice allégué, mais aussi la relation directe de celui-ci avec l’infraction poursuivie ; que, tel n’étant pas le cas en l’espèce, les moyens doivent être écartés ; » (Cass. crim., 19 février 2002, N° de pourvoi: 00-86244).

Par un arrêt du 12 mars 2019, la Chambre criminelle de la Cour de cassation est venue confirmer sa jurisprudence en rejetant pour irrecevabilité la constitution de partie civile de la Ville de NICE à la suite de l’attentat perpétré le 14 juillet 2016 sur la promenade des anglais.

La Cour a en effet estimé que, faute de lien direct entre, ni le préjudice matériel invoqué par la commune, ni le préjudice résultant de l’atteinte à son image ne lui confèrent qualité pour agir dans le cadre de l’instance pénale dirigée contre les auteurs.

« Attendu que la commune de Nice s’est constituée partie civile, par voie incidente, en invoquant d’une part, un préjudice matériel résultant tant de sa qualité de subrogée dans les droits de plusieurs fonctionnaires municipaux dont elle aura à avancer les frais et honoraires de leurs avocats, dès lors que certains d’entre eux sont susceptibles de se constituer partie civile, que du dommage occasionné au mobilier urbain par le véhicule utilisé lors de sa course, d’autre part, un préjudice d’image, occasionné par l’atteinte que l’attentat a porté à l’attractivité de la ville ; que le juge d’instruction a déclaré sa constitution partiellement recevable ; que le procureur de la République a relevé appel de cette décision ;

Attendu que, pour infirmer l’ordonnance précitée et déclarer irrecevable la constitution de partie civile de la commune de Nice, l’arrêt énonce que les préjudices, tant matériel, que moral, allégués par la partie civile sont dépourvus de lien direct avec les poursuites engagées des chefs visés ci-dessus ; que les juges relèvent que, ni le préjudice matériel résultant des dégradations occasionnées au matériel urbain et de l’intervention des agents de la police municipale, ni le préjudice moral occasionné par l’atteinte à l’attractivité de la ville et les conséquences économiques qui en découlent, n’ont directement pour origine les infractions à la législation sur les armes et les crimes de tentatives d’assassinats, de complicité d’assassinats, de complicité de tentatives d’assassinat et d’assassinats en relation avec une entreprise terroriste visés au réquisitoire introductif ; qu’ils ajoutent que les dommages subis par la ville de Nice, à l’origine desdits préjudices, ne prennent pas davantage leur source dans les faits constitutifs du crime de participation à un groupement en vue de la préparation d’un ou plusieurs crimes d’atteintes aux personnes en relation avec une entreprise terroriste et ne constituent pas des conséquences directes et personnelles de cette infraction ; qu’ils en déduisent que la partie civile ne justifie pas de préjudices personnels directement causés par les infractions poursuivies ;

Attendu qu’en statuant ainsi, la chambre de l’instruction a justifié sa décision dès lors que, s’il suffit pour admettre la recevabilité d’une constitution de partie civile incidente que les circonstances sur lesquelles elle s’appuie permettent à la juridiction d’instruction d’admettre comme possible l’existence du préjudice allégué, les droits de la partie civile ne peuvent être exercés que par les personnes justifiant d’un préjudice résultant de l’ensemble des éléments constitutifs de l’une des infractions visées à la poursuite ;

Que ni le préjudice matériel invoqué par la commune sur le territoire de laquelle les faits constitutifs de ces infractions ont été commis, ni le préjudice allégué par cette dernière résultant de l’atteinte à son image consécutive auxdits faits ne découle de l’ensemble des éléments constitutifs des infractions à la législation sur les armes ou de l’un des crimes contre la vie ou l’intégrité des personnes, ou du crime de participation à un groupement en vue de la préparation d’un ou plusieurs crimes d’atteintes aux personnes, toutes infractions en relation avec une entreprise terroriste dont le juge d’instruction est saisi, seules infractions des chefs desquels l’information a été ouverte, une telle entreprise terroriste n’étant susceptible d’avoir porté directement atteinte, au-delà des victimes personnes physiques, qu’aux intérêts de la nation ; » (Cass Crim, 12 mars 2019, N°18-80911)

Jérôme MAUDET

Avocat

Contentieux administratif : extension de la jurisprudence CZABAJ à l’exception d’illégalité

L’étau de l’article R.421-5 du Code de justice administrative se resserre…

Aux termes de ces dispositions :

« Les délais de recours contre une décision administrative ne sont opposables qu’à la condition d’avoir été mentionnés, ainsi que les voies de recours, dans la notification de la décision »

Toutefois, dans le souci de garantir la sécurité juridique, le Conseil d’Etat par un arrêt désormais célèbre qui a rapidement été classé dans la liste des Grands Arrêts de la jurisprudence administrative (GAJA) a considéré que même en l’absence de mention des délais et voies de recours, la décision de l’administration ne pouvait être contestée indéfiniment.

Le délai raisonnable a été fixé par les sages du Palais-Royal à un an (CE, Ass. 13 juillet 2016, M. Czabaj, n°387763).

Par un arrêt du 27 février 2019, le Conseil d’Etat vient d’étendre cette construction prétorienne aux exceptions d’illégalité.

« 6. Le principe de sécurité juridique, qui implique que ne puissent être remises en cause sans condition de délai des situations consolidées par l’effet du temps, fait obstacle à ce que puisse être contestée indéfiniment une décision administrative individuelle qui a été notifiée à son destinataire, ou dont il est établi, à défaut d’une telle notification, que celui-ci a eu connaissance. En une telle hypothèse, si le non-respect de l’obligation d’informer l’intéressé sur les voies et les délais de recours, ou l’absence de preuve qu’une telle information a bien été fournie, ne permet pas que lui soient opposés les délais de recours fixés par le code de justice administrative, le destinataire de la décision ne peut exercer de recours juridictionnel au-delà d’un délai raisonnable. En règle générale et sauf circonstances particulières dont se prévaudrait le requérant, ce délai ne saurait, sous réserve de l’exercice de recours administratifs pour lesquels les textes prévoient des délais particuliers, excéder un an à compter de la date à laquelle une décision expresse lui a été notifiée ou de la date à laquelle il est établi qu’il en a eu connaissance.

7. Il résulte de l’instruction que M. A…a demandé à son employeur, le 11 juillet 2012, sa promotion dans le corps des contrôleurs divisionnaires de France Télécom. Cette demande a été rejetée par une lettre du 17 octobre 2012 de la directrice des ressources humaines de la direction Orange Réunion Mayotte. Ce refus a été confirmé en dernier lieu par un courriel du 24 décembre 2013, dont la copie lui a été adressée le 6 janvier 2014. Si le délai de deux mois fixé par les dispositions précitées de l’article R. 421-1 du code de justice administrative n’était pas opposable à M. A…en ce qui concerne cette décision, en l’absence d’indications sur les voies et les délais de recours, il résulte de l’instruction que l’intéressé, qui ne fait état d’aucune circonstance particulière qui aurait été de nature à conserver à son égard le délai de recours contentieux, n’a introduit un recours devant le tribunal administratif de La Réunion contre cette décision que le 11 avril 2015, soit plus d’un an après en avoir eu connaissance. Ce recours était dès lors tardif. Le moyen tiré de l’illégalité de cette décision, qui n’a été soulevé par le requérant devant le tribunal administratif de La Réunion que dans sa requête enregistrée le 21 avril 2016 à l’encontre du titre de pension en litige, est par suite et en tout état de cause irrecevable. » (CE, 27 février 2019, N°418950)

Jérôme MAUDET

Avocat

Collectivités : faut-il mettre en concurrence les occupants du domaine privé ?

L’entrée en vigueur de l’ordonnance n°2017-562 du 19 avril 2017 relative à la propriété des personnes publiques a mis un terme à la liberté des gestionnaires domaniaux s’agissant de la mise à disposition des biens des collectivités appartenant à leur domaine public.
L’article L.2122-1-1 du code général de la propriété des personnes publiques issue de cette ordonnance dispose que dorénavant :

« Sauf dispositions législatives contraires, lorsque le titre mentionné à l’article L. 2122-1 permet à son titulaire d’occuper ou d’utiliser le domaine public en vue d’une exploitation économique, l’autorité compétente organise librement une procédure de sélection préalable présentant toutes les garanties d’impartialité et de transparence, et comportant des mesures de publicité permettant aux candidats potentiels de se manifester.

Lorsque l’occupation ou l’utilisation autorisée est de courte durée ou que le nombre d’autorisations disponibles pour l’exercice de l’activité économique projetée n’est pas limité, l’autorité compétente n’est tenue que de procéder à une publicité préalable à la délivrance du titre, de nature à permettre la manifestation d’un intérêt pertinent et à informer les candidats potentiels sur les conditions générales d’attribution. »

L’article L.2122-1-2 du même Code pose des exceptions notamment en cas d’urgence :

« L’article L. 2122-1-1 n’est pas applicable :

1° Lorsque la délivrance du titre mentionné à l’article L. 2122-1 s’insère dans une opération donnant lieu à une procédure présentant les mêmes caractéristiques que la procédure déterminée par le premier alinéa de l’article L. 2122-1-1 ;

2° Lorsque le titre d’occupation est conféré par un contrat de la commande publique ou que sa délivrance s’inscrit dans le cadre d’un montage contractuel ayant, au préalable, donné lieu à une procédure de sélection ;

3° Lorsque l’urgence le justifie. La durée du titre ne peut alors excéder un an ;

4° Sans préjudice des dispositions figurant aux 1° à 5° de l’article L. 2122-1-3, lorsque le titre a pour seul objet de prolonger une autorisation existante, sans que sa durée totale ne puisse excéder celle prévue à l’article L. 2122-2 ou que cette prolongation excède la durée nécessaire au dénouement, dans des conditions acceptables notamment d’un point de vue économique, des relations entre l’occupant et l’autorité compétente. »

Ces dispositions ne valent que pour le domaine public conformément à ce que prévoient les articles précités.

Toutefois, dans une réponse publiée au JO de l’assemblée nationale le 29 janvier 2019, le ministre des l’économie et des finances s’appuyant sur une décision de la Cour de justice de l’Union européenne du 14 juillet 2016 est venu préciser que la délivrance de titres sur le domaine privé doit garantir dans les mêmes termes le respect des principes d’impartialité, de transparence et d’égalité de traitement des candidats.

Autrement dit, le ministre interrogé considère que la mise en concurrence est un préalable à la délivrance de titres sur le domaine privé.

« Question publiée au JO le : 02/10/2018 page : 8657
Réponse publiée au JO le : 29/01/2019 page : 861
Date de changement d’attribution: 09/10/2018

Texte de la question

M. Jean-Luc Fugit attire l’attention de M. le ministre de l’économie et des finances sur la mise en concurrence des titres d’occupation domaniale. En effet, l’ordonnance n° 2017-562 du 19 avril 2017 relative à la propriété des personnes publiques a créé une nouvelle obligation s’agissant de la délivrance des titres d’occupation, laquelle doit désormais être précédée, selon les termes de l’article L. 2122-1-1 du code général de la propriété des personnes publiques, d’une procédure de sélection préalable présentant toutes les garanties d’impartialité et de transparence, et comportant des mesures de publicité permettant aux candidats potentiels de se manifester. Selon ce même article, les obligations de publicité et de mise en concurrence préalables sont applicables à la délivrance des titres lorsque ces derniers permettent à leur titulaire d’occuper ou d’utiliser le domaine public en vue d’une exploitation économique. En revanche, il n’existe pas de disposition comparable s’agissant des titres d’occupation portant sur le domaine privé. Or, les collectivités locales délivrent fréquemment des titres, tels que des baux, sur leur domaine privé, à des tiers privés en vue de l’exploitation d’une activité économique. La délivrance de ces titres sur le domaine privé peut-elle ainsi s’affranchir de toutes règles de publicité et de mise en concurrence ? Il lui demande ainsi de lui indiquer quelle interprétation retenir pour éviter toute ambiguïté.

Texte de la réponse

Prise sur le fondement de l’habilitation prévue par l’article 34 de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique, l’ordonnance n° 2017-562 du 19 avril 2017 relative à la propriété des personnes publiques a précisé les conditions dans lesquelles la délivrance de certains titres d’occupation du domaine public est soumise à une procédure de sélection préalable des candidats potentiels ou à des obligations de publicité, lorsque ces titres ont pour effet de permettre l’exercice d’une activité économique sur ce domaine. Cette ordonnance n’a pas modifié, en droit interne, les règles régissant l’attribution des titres d’occupation sur le domaine privé des personnes publiques. Toutefois, la décision de la Cour de justice de l’Union européenne du 14 juillet 2016 « Promoimpresa » (affaires n° C-458/14 et C67/15), à la suite de laquelle a été adoptée l’ordonnance de 2017,  soumet à des principes de transparence et de sélection préalable l’octroi de toute autorisation qui permet l’exercice d’une activité économique dans un secteur concurrentiel, sans opérer de distinction selon que cette activité s’exerce sur le domaine public ou sur le domaine privé des personnes publiques. Il résulte de cette jurisprudence que la délivrance de titres sur le domaine privé doit garantir dans les mêmes termes le respect des principes d’impartialité, de transparence et d’égalité de traitement des candidats. Ainsi, les autorités gestionnaires du domaine privé doivent donc mettre en oeuvre des procédures similaires à celles qui prévalent pour le domaine public et qui sont précisées par les articles L. 2122-1-1 et suivants du code général de la propriété des personnes publiques. »
A lire sur le même sujet l’article de Marion Terraux et Lauent BONNARD avocats au cabinet Seban & Associés : https://www.seban-associes.avocat.fr/wp-content/uploads/2018/04/TER_A_20180405_TER_048_T_Q_0.pdf
Jérôme MAUDET
Avocat

Formation : la loi Elan et l’urbanisme

 

 

Dans le cadre du partenariat entre le Barreau et l’AMF 44,

Céline CAMUS, avocat au Barreau de Nantes, titulaire de la spécialité Droit immobilier, qualification urbanisme interviendra le jeudi 28 février 2019 lors de la formation organisée sur le thème :

« La loi Elan & l’urbanisme »

 

 

Seront abordés :

  • Les nouveaux outils du droit de l’aménagement urbain (PPA, GOU, OIN, les modifications de la loi littoral)
  • La simplification du droit de l’urbanisme
  • La modification des règles du contentieux de l’urbanisme
  • Les apports en matière d’aménagement commercial

Principe du contradictoire : à l’impossible nul n’est tenu même en matière d’expulsion

Une association propriétaire d’un immeuble a été informée de l’intrusion de plusieurs occupants sans droit ni titre dans le bâtiment lui appartenant.

Elle a alors mandaté un huissier qui s’est déplacé sur site mais n’a pas été en mesure d’obtenir une quelconque identité face au refus des occupants.

L’huissier relevait notamment dans son procès-verbal de constat que :

« Les personnes présentes n’ont pas souhaité me dévoiler leur identité… ».

Cette circonstance justifiait, selon l’association, que la mesure soit ordonnée sans instauration d’un débat contradictoire qui ne pouvait être utilement mené eu égard au fait qu’il n’a pas été possible d’obtenir l’identité des occupants.

En effet, le refus opposé par les occupants de dévoiler leur identité, rendait impossible l’organisation d’un débat contradictoire.

L’association qui ne disposait d’aucun moyen de contrainte lui permettant d’obtenir les identités des contrevenants n’avait donc d’autre choix que d’utiliser la procédure d’ordonnance sur requête prévue par l’article 851 du Code de procédure civile lequel prévoit que :

« Le juge du tribunal d’instance est saisi par requête dans les cas spécifiés par la loi.

Il peut également ordonner sur requête, dans les limites de sa compétence, toutes mesures urgentes lorsque les circonstances exigent qu’elles ne soient pas prises contradictoirement. »
Saisi d’une demande d’expulsion présentée par requête le 21 décembre 2018, le président du tribunal d’instance a toutefois rejeté cette demande au motif qu’un débat contradictoire était nécessaire en ces termes :

« Il convient d’identifier les occupants et d’organiser un débat contradictoire ».

L’association a donc formé une demande de rétractation conformément aux dispositions de l’article 950 du code de procédure civile.

Cette demande ayant été rejetée par ordonnance du 24 décembre 2018, le 2 janvier 2019 l’association a relevé appel de l’ordonnance pour obtenir l’expulsion de tous les occupants de l’immeuble sous astreinte de 100 euros personne et par jour de retard.

Il était également demandé à la Cour :

• d’ordonner l’évacuation de tous les matériels, véhicules et autres objets mobiliers leur appartenant, l’huissier instrumentaire devant bénéficier de l’assistance de la force publique et de toutes personnes et de tous matériels nécessaires à l’exécution de cette mission ;
• de dire et juger que les occupants ne pourront bénéficier des dispositions protectrices des articles L. 412-1 et L. 412-6 du code des procédures civiles d’exécution relatifs au commandement de quitter les lieux à l’expiration d’un délai de deux mois et à la trêve hivernale ;

Par un arrêt du 19 février 2019, la Cour d’appel de Rennes a estimé qu’à l’impossible nul ne saurait être tenu :

« Le président du tribunal peut ordonner sur requête toutes mesures urgentes lorsque les circonstances exigent qu’elles ne soient pas prises contradictoirement. Tel est le cas lorsqu’en raison de l’urgence à prévenir un dommage imminent et de l’impossibilité d’identifier et donc d’appeler individuellement à la cause les auteurs d’un trouble manifestement illicite, les circonstances exigent que les mesures de remise en état sollicitées soient prises non contradictoirement à l’égard des occupants sans droit, ni titre d’un immeuble, lesquels ont d’ailleurs la faculté de susciter ultérieurement un débat contradictoire dont ils ont seuls empêché la tenue immédiate.

En l’espèce, il est établi qu’un groupe d’individus comprenant au moins une dizaine de personnes a pénétré par effraction dans la propriété privée de l’Association et revendique le droit de s’y maintenir indéfiniment tout en refusant de décliner l’identité de ses membres, paralysant ainsi les opérations de vente en cours et mettant en péril l’intégrité de l’immeuble.

Ces circonstances rendent impossible l’organisation d’un débat contradictoire et justifient donc le bien-fondé de la procédure non contradictoire utilisée.
Le délai prévu au premier alinéa de l’article L412-1 du code des procédures civiles d’exécution ne s’applique pas lorsque le juge qui ordonne l’expulsion constate que les personnes dont l’expulsion a été ordonnée sont entrées dans les locaux par voie de fait.

De même le sursis à expulsion prévu par l’article L. 412-6 du code des procédures civiles d’exécution est écarté en application de l’alinéa 2 de ce texte, lorsque la mesure d’expulsion a été prononcée en raison d’une introduction sans droit ni titre dans le domicile d’autrui par voies de fait.

Tel étant le cas en l’espèce, la requête sera intégralement accueillie.

PAR CES MOTIFS, LA COUR :

Infirme l’ordonnance rendue le 19 décembre 2018 par le président du tribunal d’instance (…) ;

Statuant à nouveau,

Ordonne l’expulsion de tous les occupants de l’immeuble situé (…) sous astreinte provisoire de 100 euros par personne présente sur les lieux et par jour de retard, à compter de la signification de la présente décision et pendant un délai d’un mois passé lequel il pourra être à nouveau statué par le juge de l’exécution ;

Ordonne l’évacuation de tous les matériels, véhicules et autres objets mobiliers leur appartenant, l’huissier instrumentaire étant autorisé, le cas échéant, à solliciter l’assistance de la force publique ainsi que de toutes personnes et de tous matériels nécessaires à l’exécution de cette mission ;

Dit que les occupants de l’immeuble ne pourront bénéficier des délais à exécution de l’expulsion sus-ordonnée prévus par les articles L. 412-1 alinéa 1 et L.412-6 alinéa 1 du code des procédures civiles d’exécution ; » (CA Rennes, 19 février 2019, n°96/2019).

Expulsion : une cabane flottante ou pas… est-elle un domicile ?

Les occupations sans droit ni titre sont protéiformes et les occupants rivalisent souvent d’imagination lorsqu’il s’agit de fixer leur résidence.

Tipis, yourtes et autres cabanes perchées ou même flottantes permettent-ils à leurs occupants de se prévaloir de la protection particulière offerte aux résidents d’immeubles à usage d’habitation ?

La question peut paraître saugrenue, mais la réponse est lourde de conséquences puisqu’il s’agit ni plus ni moins de déterminer la juridiction compétente et le régime juridique qui leur est applicable.

En effet, si la construction précaire est qualifiée d’immeuble à usage d’habitation, les occupants peuvent prétendre au bénéfice des délais prévus aux articles L 412-1 à 412-6 du Code des procédures civiles d’exécution relatifs au commandement de quitter les lieux à l’expiration d’un délai de deux mois et à la trêve hivernale.

Rappelons qu’aux termes de l’article L.412-3 du Code des procédures civiles d’exécution

« Le juge peut accorder des délais renouvelables aux occupants de lieux habités ou de locaux à usage professionnel, dont l’expulsion a été ordonnée judiciairement, chaque fois que le relogement des intéressés ne peut avoir lieu dans des conditions normales, sans que ces occupants aient à justifier d’un titre à l’origine de l’occupation. »

L’article L.412-4 du même Code porte ce délai jusqu’à trois ans :

« La durée des délais prévus à l’article L. 412-3 ne peut, en aucun cas, être inférieure à trois mois ni supérieure à trois ans. Pour la fixation de ces délais, il est tenu compte de la bonne ou mauvaise volonté manifestée par l’occupant dans l’exécution de ses obligations, des situations respectives du propriétaire et de l’occupant, notamment en ce qui concerne l’âge, l’état de santé, la qualité de sinistré par faits de guerre, la situation de famille ou de fortune de chacun d’eux, les circonstances atmosphériques, ainsi que des diligences que l’occupant justifie avoir faites en vue de son relogement. Il est également tenu compte du droit à un logement décent et indépendant, des délais liés aux recours engagés selon les modalités prévues aux articles L. 441-2-3 et L. 441-2-3-1 du code de la construction et de l’habitation et du délai prévisible de relogement des intéressés. »

L’occupant sans droit ni titre a donc tout intérêt a faire qualifier son habitat de domicile.

Par ailleurs, si la construction est considérée comme un immeuble bâti le Tribunal d’instance sera compétent alors que dans l’hypothèse inverse c’est vers le Tribunal de Grande Instance que le propriétaire devra se tourner.

Dans son pragmatisme la jurisprudence considère majoritairement que l’occupation d’un terrain faite en fraude des droits de son propriétaire ne peut légitimement permettre à son constructeur de se prévaloir de la qualité de domicile du dit local :

« C’est à bon droit que le premier juge après avoir noté que les consorts X… occupaient le terrain litigieux sous la forme d’une cabane précaire et une vieille caravane immobilisée propriété du GRAND LYON en a justement déduit, par une motivation que la cour adopte, que cette occupation sans droit ni titre caractérise une atteinte manifeste au droit de propriété protégé tant par la constitution que par l’article 1er du Protocole additionnel à la convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ; qu’une telle atteinte manifestement illicite est susceptible de permettre même au juge du provisoire d’ordonner l’expulsion des dits occupants.

Reste à savoir si le premier juge pouvait aménager sa décision en faisant bénéficier les consorts X… de délais pour quitter les lieux.

 Il est constant en droit qu’une simple occupation de terrain ne permet ni l’application des dispositions de l’article L 613-1 du code de la construction et de l’habitation, réservée aux occupants de locaux d’habitation, ni l’article 62 de la loi du 9 juillet 1991, également réservé à l’habitation principale de la personne expulsée ou de tout occupant de son chef.

L’occupation d’un tel terrain faite en fraude des droits de son propriétaire ne peut légitimement permettre à son constructeur de se prévaloir de la qualité de domicile du dit local au seul motif qu’il y a subrepticement construit un abri précaire, un état de fait illégal réalisé en fraude des droits du propriétaire du support ne pouvant être créateur de droits au profit du fautif (CA Lyon, 10 mai 2011, N°10/07971).

 La cabane édifiée illégalement en fraude des droits du propriétaire n’est donc pas un domicile.

 

Jérôme MAUDET

Avocat